Voilà déjà quelques jours que les abonnés Netflix ont la chance de pouvoir découvrir Oxygène, le nouveau film d'Alexandre Aja. Quelques jours, c'est peu, mais à l'ère des réseaux sociaux et des sites de notations à tout-va, c'est aujourd'hui suffisant pour évaluer l'accueil réservé à une telle sortie. Nul doute que plus personne ne se souviendra d'Oxygène dans quelques années, que dis-je, quelques mois ; mais, à J+10, force est de constater que, malgré la nullité quasi totale du film en question, les retours ne sont pas si négatifs, ils sont même globalement positifs. Oxygène a été reçu avec un certain enthousiasme, mesuré, certes, mais bien réel. Longtemps après l'accueil, déjà beaucoup trop chaleureux, accordé au précédent opus du cinéaste français, et juste après avoir vu la petite merde dont il s'agit ici, j'en viens au constat suivant : on est drôlement bienveillant avec Alexandre Aja. Et je me demande encore pourquoi, d'où ça vient, comment est-ce possible... Cela me plonge dans une incompréhension dont nous parlions déjà dans notre article sur Crawl.
Alexandre Aja semble encore bénéficier d'une indulgence étonnante en raison de la réputation démesurée de ses premiers faits d'arme, Haute Tension et son remake de La Colline a des yeux, deux films d'horreur brutaux qui avaient fait de lui l'un des parangons de ce que certains ont nommé la "french touch" du cinéma de genre. Peut-être jouit-il aussi de cette espèce de vague sympathie qu'inspire sa tronche amicale et son allure désinvolte de vieux pote du lycée qui a réussi mais qui n'a pas changé. Allez savoir... Avec les films bêtes et laids qu'il commet à un rythme de métronome, Aja occupe pourtant désormais une place de choix parmi ceux qui participent, aux yeux des spectateurs qui y sont les moins réceptifs, à maintenir le genre dans le caniveau du septième art, tout au bout de l'éventail, voué au mépris ou à l'indifférence. Oxygène est bel et bien digne de cela : sitôt vu, sitôt envie de l'oublier très fort en se disant qu'on a déjà perdu assez de temps avec ça (et c'est bien là le seul effort intellectuel auquel il invite).
J'ai déjà qualifié le film de "petite merde". C'est naze, je sais. Vous nous avez connus plus imaginatifs, originaux, inspirés. Mais quand je repense à Oxygène, ce sont vraiment les premiers mots qui me viennent à l'esprit, très naturellement, très spontanément, j'en suis désolé. "Petite" de par la taille du caisson dans lequel est enfermée Mélanie Laurent pendant 90 minutes ; petite de par le minimalisme affiché du pitch et la débilité d'un scénario très faible, incohérent à mesure qu'il se révèle, échouant à nous maintenir alertes et tendus comme nous devrions l'être devant un tel survival, et ne parvenant certainement pas à provoquer le vertige ou la fascination propre à la SF à concept fort qu'il convoque dans sa dernière partie. Et enfin, "merde", terme allié au précédent pour rappeler les talents de metteur en scène très limités d'Alexandre Aja et souligner l'insignifiance extrême de la chose. C'est qu'il n'y a rien à voir là-dedans. Il n'y a qu'à subir. Subir un film qui bat de l'aile d'entrée de jeu, qui s'essouffle et manque d'air, comme son héroïne, dès les premières minutes, et qui ne parvient à installer qu'une tension très superficielle, bête, vaine, la même que nous pourrions ressentir en contemplant un compte à rebours s'écouler sous nos yeux.
Sans idée, fuyant systématiquement son huis ultra clos par des flashbacks miteux, Aja se réfugie dans des trucs faciles, typiquement ceux d'un réalisateur de films d'horreur aux abois, en panne sèche : jump scares gratis et images gores hideuses en numérique, les deux allant souvent de paire. Il achève de nous exaspérer quand il tente un plan-séquence ridicule où la caméra tournoie dans le caisson, encore et encore, dans un mouvement pénible et laborieux qui ne semble jamais finir. Pendant ce temps, son actrice Mélanie Laurent se démène et pose également question : on ne sait pas si elle joue tout simplement mal ou si elle expérimente, si elle innove, aux frontières de l'avant-gardisme de l'acting. "Je suis un putain de clone !" est-elle amenée à hurler, en gesticulant toute seule dans sa boîte. Avouons qu'elle ne pouvait pas transformer cela en or... On jurerait entendre "clown" et non "clone". L'actrice a des intonations surprenantes, à côté, qui sonnent faux. Paradoxalement, c'est aussi l'une des curiosités du film... Et pour finir sur une note positive, en faisant preuve de la même grandeur d'âme que la majorité des malheureux qui ont maté ça, je peux relever la seule chose que j'ai trouvée pas si mal là-dedans : ce bras mécanique ayant des airs de serpent insaisissable, qui sort régulièrement de son enclos métallique, menaçant l'héroïne de piqûres fatales. On touche là à une peur universelle, celle de voir une saloperie s'immiscer de force en nous par l'un de nos orifices. Une sensation peut-être bien familière à ces abonnées Netflix, curieux de découvrir les dernières sorties ciné de la plateforme. A présent, L'Armée des Morts de Zack Snyder les attend. Veinards !
Oxygène d'Alexandre Aja avec Mélanie Laurent et la voix de Mathieu Amalric (2021)