En prison depuis déjà trois ans pour un crime dont on ne connaîtra jamais précisément la nature, Mathilda obtient sa première permission d'une journée afin d'assister à l'enterrement de sa mère. Rien de bien folichon... Dès sa sortie, on comprend que la jeune femme a en tête tout un plan pour quitter le pays et retrouver pleinement sa liberté. Nous la suivrons durant cette journée, exactement 24 heures découpées en trois grandes parties. Dans la première, Mathilda retrouve son grand frère et se rend avec lui, sa femme et leur enfant aux funérailles de leur mère. Ces retrouvailles sont assez tendues, pourries par les non-dits, des relations passées déjà conflictuelles et par toute la méfiance qui entoure désormais Mathilda. Lors de la seconde partie, Mathilda revoit le père de son fils, un proxénète infréquentable usant toujours de son ascendant sur elle. Dans le dernier acte, Mathilda récupère son fils, Toma, âgé de huit ans, et projette de fuir avec lui. Bien sûr, rien ne se passe tout à fait comme prévu...
Bien que le film soit très noir et que son scénario donne parfois l'impression d'accumuler les couches de souffrances en tout genre, on ne tombe jamais réellement dans le pathos insupportable ou le misérabilisme facile. On l'effleure à peine quelques fois, il faut bien l'avouer, lors de scènes un peu dérangeantes mais qui ne semblent jamais gratuites et racoleuses. Pour son premier long métrage, Bogdan George Apetri fait preuve d'un vrai sens du découpage qui lui permet justement de nous faire encaisser les plus cruelles situations qu'il met en scène. Le non-dit qui inonde son scénario se retrouve dans sa réalisation, souvent très habilement basée sur la suggestion. Compte aussi le regard, à bonne distance, et empreint d'une certaine douceur, que le cinéaste roumain porte sur son personnage principal, cette jeune femme impulsive au caractère bien trempé, incarnée par une actrice irréprochable, Ana Ularu. Un personnage qui peut légitimement rappeler certaines héroïnes du cinéma des frères Dardenne. C'est grâce à tout cela que Periferic se regarde aisément, sans qu'on ait l'impression d'être assommé, mis KO de vilaine manière par un homme remonté et bien décidé à nous coller un cafard monstrueux.
Comme beaucoup de films de la si riche nouvelle vague du cinéma roumain, Periferic impressionne lors de quelques scènes clés terriblement efficaces, des moments qui ont le don de nous scotcher littéralement à notre fauteuil et de nous assurer qu'on se souviendra longtemps de ce que l'on vient de voir. Ici, il s'agit par exemple d'une scène d'accident de voiture particulièrement saisissante, très sèchement mise en scène et que bien des réalisateurs spécialisés dans le cinéma d'action devraient regarder avec un calepin à portée de main. La dernière séquence, qui se déroule entièrement dans un train de nuit, voire dans le compartiment occupé par Mathilda et son fils, impressionne également par sa maîtrise. Là encore, le cinéaste pourrait sombrer dans un suspense déplacé, de mauvais goût, jouant cruellement avec nos nerfs et la destinée de ses personnages, mais il évite soigneusement cet écueil par son art du montage et son regard attentif sur Mathilda. Il nous livre ainsi un ultime quart d'heure très marquant. Si le pessimisme l'emporte finalement, Periferic ne se complaît donc pas dans une noirceur plombante, il paraît toujours y avoir un espoir, malgré tout, grâce à cette équilibre fragile trouvé par le réalisateur. Si le film de Bogdan George Apetri, qui a ensuite mis dix ans à en réaliser deux autres coup sur coup, n'est pas du niveau des meilleurs de ses confrères Cristian Mungiu (4 Mois 3 Semaines 2 Jours) ou Cristi Puiu (La Mort de Dante Lazarescu), il n'en demeure pas moins une modeste mais réelle réussite qui vaut définitivement le coup d’œil.
Periferic de Bogdan George Apetri avec Ana Ularu, Andi Vasluianu, Timotei Duma et Mimi Branescu (2010)