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Channel: Il a osé !
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Mama

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Lors du dernier festival du film fantastique de Gérardmer, le président du jury, Christophe Lambert, a parait-il prononcé un discours étonnant, mais plein de bon sens, où il se plaignait de la piètre qualité des films sélectionnés en compétition. Il est vrai que le festival, qui soufflait sa 20ème bougie, et que l'on annonce en perte de vitesse et sur le point de disparaître depuis toutes ces années, ne s'est jamais véritablement distingué par la pertinence de ses choix. Le discours de Christophe Lambert, assez osé et original pour un président du jury, faisait donc du bien à entendre, et son courage fut logiquement salué avec ferveur dans une revue comme Metaluna. La question que je me pose aujourd'hui est donc la suivante : après avoir établi un tel constat, comment peut-on décemment décerner le Grand Prix à un film comme Mama ? Comment peut-on ?




Mama est un nouvelle production de Guillermo Del Toro, décidément pas décidé à faire du bien au genre qu'il affectionne tant, après le déjà ultra merdique Don't Be Afraid of the Dark. Mama est le remake et l'extension, en long métrage, d'un court du même auteur, l'argentin Andrès Muschietti. Le court métrage aurait apparemment tapé dans l’œil, et pas le bon, du mexicain obèse fan de robotique, qui aurait aussitôt flairé les dollars et proposé à son nouveau poulain d'en faire un film d'une durée approximative d'1h40. Mama nous narre l'histoire de deux fillettes abandonnées dans la forêt et retrouvées des années après par leur oncle (Najat Vallaud-Belkacem), qui les accueille chez lui avec sa petite amie rockeuse (Jessica Chastain). Le couple ignore que les gamines sont désormais sous la protection d'une entité vengeresse qu'elles nomment ridiculement "Mama", un fantôme au caractère peu commode qui verra d'un très mauvais œil qu'on lui retire de façon très arbitraire la responsabilité parentale qu'il s'était lui-même attribué.




Derrière cette histoire faussement compliquée où l'on essaie timidement de nous faire douter de la personnalité des deux gamines, se cache finalement un bête film de fantôme insupportable, qui s'enlise immédiatement dans des situations déjà vues milles fois ailleurs. Il n'y a strictement rien à sauver. Bon, allez, je sauve un court passage où la mise en scène fait pour une fois preuve d'un peu d'intelligence : ce long plan fixe où l'une des gosses joue avec ce que l'on imagine être sa sœur, hors champ, avant que celle-ci apparaisse à côté dans le couloir. Je ne suis pas clair, mais ceux qui auront vu le film comprendront, et cela préservera aux autres aventureux le seul moment un peu malin du film. Car à part ça, RAS. Et on a droit à tous les clichés, de la petite vieille qui nous sort en trois répliques le b.a -ba des grands principes qui régissent l'existence des fantômes parmi nous, à la découverte du douloureux passé du fantôme en question, dans un flashback proprement hideux, où le comble du ridicule scénaristique et de la laideur visuelle sont atteints.




Les scènes de trouille sont très pauvres aussi, et sentent sacrément le rance. Je pense par exemple à cette scène où le docteur des gamines retourne dans la cabane où ses patientes ont grandi afin d'en savoir un peu plus sur Mama. Soudainement plongé dans le noir, le toubib se met à se servir du flash de son appareil photo pour voir ce qui l'entoure. Au fil des flashs successifs, Mama pointe le bout de son nez, et nous sommes supposés avoir les chocottes comme jamais, sauf que Muschietti semble ignorer qu'on a déjà vu exactement la même scène dans des titres bien connus tels Saw ou Shutter, pour ne citer qu'eux, où son efficacité était tout autre car diablement mieux amenées et exécutées. Bref, c'est tout simplement navrant. Et ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres...




Les 40 premières minutes de Mama se suivent d'un œil distrait, le rythme est tel que l'on regarde tout cela tant bien que mal, déjà passablement agacé, mais ça va encore. La deuxième partie du film est autrement plus terrible pour les nerfs, et je ne parle évidemment pas d'anxiété ni d'un quelconque effroi ressenti devant ce recyclage ignoble. Il devient alors évident qu'il n'y aura plus aucun retournement de situation capable de sauver les meubles. D'ailleurs, de surprise, il y en a finalement aucune, dans ce scénario où un revenant doit simplement accomplir un dernier méfait pour venger sa mort cruelle avant de décamper une bonne fois pour toute. Le pire du pire nous est réservé pour la toute fin, une conclusion grotesque qui nous propose une partie improvisée de tir à la corde opposant la terrible Mama à Jessica Chastain, sur une corniche, avec, au milieu, les deux gamines et, en guise de corde, la ceinture à nouer d'une robe de chambre. Et je ne raconte pas des blagues...




En parlant de Chastain, on se demande bien ce que la belle est venue faire dans cette galère. Affublée d'une tignasse noire qui ne lui sied guère, l'actrice assure le minimum syndical, et se contente d'arborer des tenues de rockeuse tutoyant trop souvent le ridicule. Certaines d'entre elles nous laissent cependant admirer une poitrine sautillante qu'on ne lui connaissait pas si volumineuse, tandis que d'autres s'avèrent impitoyables pour tout son bottom : moulée dans ses jeans grunges troués, la charmante Jessica a l'air d'avoir un gros cul et deux poteaux en guise de jambes ! C'est cruel ! On la préfère en rousse aérienne chez des cinéastes réellement inspirés par son visage si particulier, qu'en patate gothique dans cette horreur de film commis par un footballeur raté... Rien à dire des autres acteurs qui pataugent eux aussi là-dedans, notamment sur les deux petites, auxquelles j'avoue qu'on ne peut rien reprocher. Quoique si, j'ajouterai un mot sur ce dénommé Nikolaj Coster-Waldau : il est beau gosse, certes, y'a pas à dire, il ressemble à un surfeur viking, mais qu'il retourne donc chercher les vagues en Mer du Nord, il ne manquera à personne !




L'important succès rencontré par le film de Muschietti au box office américain doit laisser penser aux personnes peu curieuses que, cette année, Gérardmer ne s'est pas trompé. Et pourtant... Et pourtant ! Un festival comme celui-ci ne devrait-il pas plutôt mettre en avant des films moins faciles, plus exigeants et originaux, comme Berberian Sound Studio ou You're Next, qui concourraient aux côtés de Mama lors de cette sinistre édition ? Je n'ai pas vu ces deux films, je m'appuie seulement sur quelques avis de confiance, et je suis persuadé qu'ils sont infiniment mieux que la daube infâme de Muschietti. De toute façon, je me dis qu'on peut difficilement faire pire.

Pendant le générique d'ouverture, ma compagne a poussé un cri d'horreur lorsqu'elle a lu "Produced by Guillermo Del Toro". Elle se souvenait de Don't Be Afraid of the Dark. J'aurais dû l'écouter. Elle m'en veut encore. Elle m'en veut encore ! Meurs, Gérardmer !


Mama d'Andres Muschietti avec Jessica Chastain, Nikolaj Coster-Waldau et Megan Charpentier (2013)

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