Son documentaire retraçant la tragédie du Nanga Parbat m'avait déçu, mais j'ai redonné une chance à Gerhard Baur, éminent spécialiste allemand du film de montagnes, et grand bien m'en a pris ! La Décision est un petit chef-d’œuvre du genre. Petit, parce que c'est un court métrage. Seulement 13 minutes au compteur. 13 minutes muettes, que l'on passe en la seule compagnie d'un skieur de l'extrême (Franz Seeberger), en proie au doute et en pleine tergiversation. Arrivé au sommet d'une crête impressionnante qui domine une paroi verticale, le skieur imagine tous les scénarios possibles. Plusieurs voies de descente s'offrent à lui, alternant les pentes hallucinantes, les longues crevasses dissimulées et les barres rocheuses infranchissables. C'est avec une certaine malice et surtout beaucoup de talent que Gerhard Baur met en scène les différentes versions de cette descente si périlleuse, tour à tour heureuses ou mortelles pour notre héros. Le cinéaste procède à cela sans nous l'indiquer très clairement, mais par des revirements subtils et harmonieux, à la fois déconcertants et plaisants. Ils nous donnent la sensation d'être devant un thriller virtuose où l'on basculerait régulièrement du cauchemar (ou du rêve) à la réalité, dans une succession de pirouettes finement amenées. Gerhard Baur instaure de cette manière un suspense ténu, prenant et ludique car il ne met pas mal à l'aise le spectateur, qui pourrait légitimement désapprouver que l'on s'amuse du devenir incertain d'un pauvre skieur, dans le sens où la frontière entre documentaire et fiction, bien qu'implicite, est tout de même assez nette et posée d'emblée. Dans cet esprit, aucune information de localisation nous est donnée, et ce sont de rapides recherches qui m'apprennent que l'action se déroule sur la face nord du Piz Palü, dans le Massif de la Bernina, en Engadine (Alpes suisses).
Nous sommes ainsi littéralement plongés dans l'esprit de ce skieur aventureux et solitaire. Un type que l'on suit sans souci : beau gosse dans la fleur de l'âge, le regard azuréen amplifié par la neige, arborant la barbe de trois jours d'un bonhomme qui a de la testostérone à revendre (une barbouze bien fournie donc, très épaisse – vous autres, comptez plutôt 3 mois pour obtenir la même). Pour parfaire le tableau, notre aventurier de l'impossible a du goût en matière de fringue : pour un skieur, il est fort bien sapé, préférant porter une solide chemise en jean plutôt qu'une combi fluo, nous sommes très loin des disgracieuses tenues Décathlon. Enfin, et c'est bien là le plus important : cet homme-là est un skieur d'exception, en plus d'être un acteur tout à fait passable. Ses compétences sont encore plus remarquables si c'est aussi lui qui a effectué ses propres cascades, ce que je ne suis guère en mesure de vous confirmer (nous sommes trop peu à commenter ces films-là).
Gerhard Baur se montre très inspiré par son sujet. Il nous concocte des plans de toute beauté, à commencer par le tout premier, où l'on suit les crampons de notre valeureux skieur qui, à l'aube, s'avance d'un pas résolu vers le sommet. Le sol recouvert de neige scintille sous le faisceau timide de sa lumière frontale : on croirait presque que c'est la pellicule qui est parasitée par les éléments ou que notre homme marche dans les nuages et les étoiles. C'est très beau, à l'instar de ces nombreuses images aux couleurs chatoyantes consacrées à nous exposer le terrible et superbe relief du massif enneigé, magnifiquement filmé. Bon, on voit bien les pales de l'hélico à un moment donné, lorsque Baur longe la crête de bas en haut, et c'est là une petite boulette à éviter quand on veut rendre compte de la majesté d'un paysage de montagne, mais c'est rien du tout, le seul hic que l'on peut relever pour chipoter. Pour ne rien gâcher, même la musique électronique chelou signée Stefan Melbinger a un charme particulier. L'envolée lyrique finale est même très appréciable et clôt ce court métrage en beauté. Gerhard Baur s'est vu récompensé d'une vingtaine de prix dans les grands festivals internationaux de films de montagne pour La Décision, et ce n'est que justice. On ressort du cerveau de ce skieur de l'extrême avec l'impression d'avoir passé une journée avec lui en altitude, dans un paysage fantastique à la blancheur immaculée. En fin de compte, la raison l'emporte, mais c'est bien l'audace du cinéaste qui triomphe.
Gerhard Baur se montre très inspiré par son sujet. Il nous concocte des plans de toute beauté, à commencer par le tout premier, où l'on suit les crampons de notre valeureux skieur qui, à l'aube, s'avance d'un pas résolu vers le sommet. Le sol recouvert de neige scintille sous le faisceau timide de sa lumière frontale : on croirait presque que c'est la pellicule qui est parasitée par les éléments ou que notre homme marche dans les nuages et les étoiles. C'est très beau, à l'instar de ces nombreuses images aux couleurs chatoyantes consacrées à nous exposer le terrible et superbe relief du massif enneigé, magnifiquement filmé. Bon, on voit bien les pales de l'hélico à un moment donné, lorsque Baur longe la crête de bas en haut, et c'est là une petite boulette à éviter quand on veut rendre compte de la majesté d'un paysage de montagne, mais c'est rien du tout, le seul hic que l'on peut relever pour chipoter. Pour ne rien gâcher, même la musique électronique chelou signée Stefan Melbinger a un charme particulier. L'envolée lyrique finale est même très appréciable et clôt ce court métrage en beauté. Gerhard Baur s'est vu récompensé d'une vingtaine de prix dans les grands festivals internationaux de films de montagne pour La Décision, et ce n'est que justice. On ressort du cerveau de ce skieur de l'extrême avec l'impression d'avoir passé une journée avec lui en altitude, dans un paysage fantastique à la blancheur immaculée. En fin de compte, la raison l'emporte, mais c'est bien l'audace du cinéaste qui triomphe.
La Décision de Gerhard Baur avec Franz Seeberger (1985)