Je n'avais jamais vu ce film. Je ne savais même pas de quoi il s'agissait. Le titre me parlait bien sûr, on l'entend une fois et on ne l'oublie plus jamais. Mais je l'associais à un obscur film de guerre, ce qui n'avait aucun sens puisque le film de guerre est mon genre cinématographique préféré de très loin, et que je connais absolument tous ses représentants sur le bout des doigts ; je me suis même fait une sorte de playlist, sur un disque dur externe de 10 téraoctets, d'un bon millier de films de guerres en 1080p qui tournent en boucle sur mon home cinema en mode shuffle, emplissant ma maisonnée et mon quartier de bruits incessants de pétarades, de mitraillages, de fusillades, de hurlements de douleur atroces et de bombardements lourds en 5.1 qui ravissent mes voisins, surtout par les temps qui courent, dont certains sont désormais capables de reconnaître le calibre précis d'un flingue qui crache ou le type exact des obus qui pètent dans mon salon H24. Autre bizarrerie, ne jamais avoir aperçu l'affiche du film, pourtant certainement placardée dans tous les vidéo-clubs du temps de ma prime jeunesse, et par conséquent avoir ignoré tout ce temps l'identité des deux acteurs principaux de Mad Dog and Glory, Bob De Niro et Bill Murray, à savoir mes deux acteurs préférés de tous les temps, dont j'ai vu absolument tous les films, sauf Mad Dog and Glory. C'est réparé.
J'ai donc vu Mad Dog and Glory, qui n'est pas un film de guerre, plutôt une sorte de comédie policière ma foi pas désagréable du tout, voire fort sympathique, qui joue la carte du contre-emploi. Contre-emploi pour De Niro, qui incarne ici Wayne Dobie, un flic-photographe, plus photographe que flic, chargé de faire des clichés de toutes les scènes de crime de la ville, bonhomme affable mais timoré et peu téméraire, portant l'ironique sobriquet de Mad Dog, qui rêverait de ressembler à son partenaire, interprété par David Caruso, un vrai bonhomme qui ne chie pas dans son froc devant un gros débile baraqué, un molosse prêt à refermer ses crocs sur ses jarrets ou deux canons de flingues Magnum vissés dans ses narines (les deux dernières situations évoquées n'adviennent pas dans le film, et je le regrette).
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Petit rôle pour Mike Starr, dans le personnage pour le coup très habituel pour lui de l'homme de main d'un mafieux, qui partage le comptoir avec De Niro le temps d'un déca, avant d'en partager un, mémorable, avec Jim Carrey dans Dumb and Dumber, un an plus tard.
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Autre contrepied dans le petit filet, le rôle de Frank Milo attribué à Bill Murray, à la fois à contre-emploi, puisque l'homme qui se rêvait moine bouddhiste joue ici un ponte de la mafia, mais aussi à emploi, puisque Frank Milo, chef de gang criminel, mène une carrière parallèle de mauvais stand-uper dans ses propres cabarets. Or, Bill Murray étant un fameux humoriste, et non le piètre comique qu'il incarne (c'est le personnage de De Niro qui lui souffle ses "meilleures" vannes), cette partie à emploi de son rôle est finalement aussi à contre-emploi, c'est donc un double contre-emploi. Toujours est-il qu'au début du film De Niro se retrouve impliqué dans un braquage sans l'avoir vu venir et sauve, un peu malgré lui, la vie de Bill Murray, le gros mafioso, qui dès lors se sent redevable et veut devenir son ami. C'est l'aspect le plus touchant du film, cette terrible envie des personnages d'aimer et leur profonde misère affective, besoin d'aimer une femme pour De Niro, un pote pour Bill Murray. Au point d'envoyer à son ange-gardien une serveuse de son troquet, plus vraisemblablement une entraîneuse, la jeune et fringante Glory, interprétée par une Uma Thurman alors moins à contre-emploi, malheureusement.
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Ces deux-là se sont retrouvés il y a deux ans dans The War with Grandpa que je n'ai pas vu. C'est tout ce que j'ai à dire à propos de ça.
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Le "cadeau" de Frank Milo met Mad Dog dans l'embarras, qui, flic de son état, se retrouve avec une prostituée chez lui, envoyée par un truand de la ville, auquel il est donc redevable, et dont il tombe amoureux (de Glory, pas de Milo). Outre deux longues scènes de baston (l'une opposant Mike Starr à David Caruso, l'autre De Niro à Murray), qui pourraient toutes deux plus ou moins se loger dans la catégorie des bonnes scènes de baston amicale hardcore si cette catégorie existait quelque part, catégorie dont la scène-reine serait à trouver dans le They Live de John Carpenter, très loin au-dessus de celles de Mad Dog and Glory, l'une des meilleures séquences du film est celle où Mad Dog, après une première nuit d'amour avec Glory, se rend sur une scène de crime sordide dans un restaurant et photographie toute la boucherie, la barbaque étalée au sol encore fraîche, en chantant Just a Gigolo de Louis Prima et en dansant tout sourire, complètement refait. Mais une autre scène a retenu mon attention. Il s'agit de ce bref moment, vers le milieu du film, où De Niro s'arrête en pleine rue et montre à sa douce un carrefour où il prétend avoir vu, là, un matin, halluciné, une biche, égarée en plein centre-ville, au milieu de la chaussée, et le montage de nous opposer sa vision (si mes souvenirs sont bons)...
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Je ne peux pas croire que cette scène soit simplement gratuite, posée là sans raison. Or j'ai pu lire, après des recherches à la Bibliothèque Nationale de France, que cette séquence est une séquence intertextuelle. Après d'autres recherches pour comprendre ce mot, j'ai compris que la scène mystérieuse faisait référence, allusion, clin d'oeil, à un autre film... Mais lequel ? Je ne trouve pas. Alors que j'ai vu et revu toute la filmographie des deux acteurs principaux de ce maudit film. Comment est-ce possible ? Je deviens malade. Que m'as-tu fait John McNaughton ? (Cf. le réalisateur du film, dont tous les autres métrages ont dans leur titre soit le mot "sexe" soit le mot "crime", qu'il a réussi à combiner dans le titre Sexcrimes, film fétiche de mon frère aîné dans les années 90, pour les formes de Denise Richards, aux côtés de l'intégrale de Buffy contre les vampires, pour celles de Sarah Michelle Gellar, et de Snake Eyes, pour celles de Gary Sinise). De Niro et une biche... Une biche et De Niro... Je m'avoue vaincu. J'ai pensé, dois-je le dire, au risque de passer pour un idiot, j'ai pensé à Bambi. Mais je ne suis pas certain que De Niro ait doublé la biche dans la version originale du film, n'ayant jamais vu que la VF, où la voix du petit cervidé éponyme était assurée par le regretté Jacques Frantz, le doubleur éternel de De Niro justement, de Mel Gibson, John Goodman, Dolph Lundgren, Nick Nolte ou encore Ron Perlman, et qui nous a quittés l'an dernier, l'homme aux mille voix, l'homme à la voix unique, l'homme à la voix reconnaissable entre toutes, l'homme à la voix. RIP Jacques Frantz.
Mad Dog and Glory de John McNaughton avec Bill Murray, Robert De Niro, Uma Thurman, Mike Starr et David Caruso (1993)