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Channel: Il a osé !
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Somewhere

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Pas de salamalecs entre nous, Somewhere est infâme. Même parmi ceux qui, après trois films seulement, avaient volontiers placé Sofia Coppola sur le toit du monde, au sommet du cinéma américain contemporain, même parmi ceux qui l'avaient déclarée surdouée et qui s'étaient empressés de faire d'elle la cinéaste la plus géniale des temps modernes, même parmi ceux-là beaucoup se sont parjurés, ont renié leur jugement, revu à la baisse le soi-disant génie de cette fille à papa, une fois face à face avec Somewhere, ce film malingre, insignifiant. La critique professionnelle s'est majoritairement contentée de saluerle film(on ne touche pas aux idoles, et la fille Coppola suit son père en entrant petit à petit au panthéon des auteurs admirés quoi qu'ils fassent), mais le public ne s'est quant à lui pas fait prier pour descendre la jeune femme de son piédestal usurpé. Et c'est triste pour la réalisatrice quand on pense que Somewhere est le film le plus intime de Sofia Coppola, qui a voulu dresser le tableau de son enfance passée, semble-t-il, à péter dans la soie et à se nourrir exclusivement de truffes (d'où sa tronche) grâce aux paquets de dollars accumulés sous son matelas par son brave tas de papa.


Francis Ford avait revendiqué la paternité de Virgin Suicides en découvrant le succès inattendu du film de sa fille, il n'en a pas fait autant pour Somewhere, même si la tâche lui était rendue facile par la présence dans l'équipe du très regretté Harris Savides, le célèbre dirlo photo qui tient la caméra sur cette photo et qui lui ressemblait beaucoup, d'extrêmement loin.

Le film raconte l'histoire d'un type qui fait des tours en solitaire et en boucle sur un circuit en plein désert, au volant de sa Ferrari ronflante et rutilante. "Raconte une histoire", c'est beaucoup dire, on est ici dans la veine indé américaine où prime le quotidien, le non-événementiel et le vide narratif volontaire, à ceci près que des gens comme Van Sant ou Jarmusch ont déjà maintes fois travaillé cette matière et, armés d'une vraie vision doublée d'un grand talent, en ont tiré des films brillants. Chez Sofia Coppola, le vide sonne creux et les silences sont trop parlant. En affichant à l'écran, et à tous les étages, un désert morne, la réalisatrice ne fait qu'avouer la pauvreté de son propos. Elle filme platement et durant d'interminables séquences un gros blaireau qui est aussi un acteur célèbre et qui s'emmerde à cent sous de l'heure. Le personnage principal est une star pleine aux as qui se fait chier au volant de son bolide comme il se fait chier sur son lit d'hôtel devant le spectacle pathétique des deux plus mauvaises pole danseuses de Los Angeles convoquées par ses soins. Il se fait également chier en regardant sa fille faire du patinage, il se fait chier de même en conférence de presse, en interview, en nageant dans une piscine de rêve, en mangeant des farfalles, bref il se fait tout le temps chier et Sofia Coppola croit que c'est une raison suffisante pour nous faire chier aussi. Le héros du film se fait même chier sous la douche car il doit tenir son bras dans le plâtre hors de portée du jet d'eau : la séquence revient plusieurs fois tant elle est éloquente. Bref cet acteur se fait chier tout le temps, comme tous ces gens riches que Sofia Coppola connaît si bien pour en faire partie (c'est elle qui le dit), qui n'ont pas d'amis, qui ne se divertissent jamais, qui n'ont rien à faire de leur temps, qui n'ont d'intérêt pour rien, qui ne travaillent pas, qui ne lisent pas, ne se promènent pas, ne parlent pas...


Dans la réalité on était plus près du casting de La Planète des singes que de la couverture de playboy ou du catalogue des 3 Suisses que nous vend le film à chaque seconde.

Or, si l'on en croit la réalisatrice, on tient là le premier biopic déguisé de Francis Ford Coppola. Et il nous glace le sang ! Biopic "déguisé" car c'était pas été assez cool pour Sofia de filmer un obèse à barbe énorme en pantalon blanc et en tongs aux côtés de sa fille aux traits ingrats d'adolescente, aux cheveux en bois massif et aux dents hippiques, sorte d'Eva Longoria complètement dégénérée. D'où l'acteur jeune et séduisant (Stephen Dorff, un nom à ne surtout pas retenir) et sa petite fille blonde trop cute (la réellement douée Elle Fanning, que l'on préfère dans Twixt de papa Coppola) avec son sourire jusqu'aux oreilles et ses dents si joliment tordues, pour remplacer le cachalot au cigarillo et la jeune autiste au bec de lièvre. Toujours est-il que grâce à cette biographie oblique de Francis Ford Coppola, on comprend mieux la dérive du gros cinéaste et le léger écart de niveau entre des films comme Apocalypse Now et Jack (clairement le film d'un dépressif rendu dingue par sa progéniture). On pige mieux le black-out terrible qui dura 8 ans dans la carrière du réalisateur suite à la sortie du premier grand film de sa fille en 1999, Virgin Suicides. Cette déperdition cinématographique du parrain du cinéma italo-américain alla de pair avec une prise de poids démentielle et laissa le champ libre à sa fille pour une carrière népotique et navrante dont Somewhere est une sorte d'acmé.


Les stars de cinéma bourrées aux as ressemblent donc à ça ? Je préfère encore palper les bourses universitaires du Cnous échelon 5.

Mais revenons à Sofia Coppola, qui confond minimalisme et vacuité, plan-séquence et montage aux abonnés absents, qui confond Virgin Suicides, son film sur des adolescentes façon American Beauty, et Elephant. Qu'est-ce que c'est que Somewhere ? C'est, à travers une suite de scènes très scolaires, où rien n'affleure, où rien n'arrive, ni à l'image ni à l'intérieur de l'image, le portrait d'un gros connard bourré de fric et creux comme une barrique. On passe une heure et demi à regarder un débile qui ne fait strictement rien à part se gratter le cul avec sa main plâtrée et sentir le bout de ses doigts. Le plus triste dans l'affaire c'est que ça se croit malin en usant et en abusant d'un symbolisme de devoir sur table de français de 4ème. Je veux parler par exemple de la première séquence, vaguement inspirée d'un certain cinéma indépendant américain des années 70 (Macadam à deux voies, etc.) où la voiture de l'acteur tourne en rond sur un circuit dans le désert, sans but, en bonne métaphore du destin du personnage et à l'image de l'ensemble du film à venir. Bravo. Idem quand les personnages ont pour seule occupation les jeux vidéo, et surtout la Wii, qui leur permet de s'enfoncer dans la superficialité d'une activité virtuelle et dans un ersatz d'existence tangible. Chapeau bas. Le spectateur n'a plus qu'à bouffer sa main et garder l'autre pour demain. Ça se croit beau et impérieux, comme dans cette scène de dix minutes où la caméra balaye et re-balaye lentement le patinage de la gamine dans une veine très japonisante de type cinéma contemplatif asiatique et où la glace s'empare des membres du spectateur alors qu'il est assis sur son canapé en plein cagnard. Ça se sent branché et irrésistible parce que la musique employée pour le film l'est soi-disant. A l'ouest rien de nouveau avec celle qui reste et restera l'ex de Tarantino, le grand manitou de la BO de fou, lequel l'a récompensée en lui remettant le Lion d'Or de la Mostra de Venise 2010. Ce film apathique a pourtant dû procurer un ulcère à l'autre excité du bonnet, mais c'était signé par son ex-femme et après tout ça ne fait que rajouter de petits arrangements entre amis au déjà pesant soupçon de piston ambiant (c'est moins une attaque contre le père ou la fille Coppola que contre certains médias qui s'excitent sur les films de la fille en partie parce qu'elle porte le nom du papa).


Si ce revers slicé en passing ne finit pas derrière la haie, je ne suis plus blogueur ciné.

Ça se croit surtout brillant avec ce dernier plan où notre abruti de comédien réunit ses dix neurones après avoir chialé un bon coup - car je ne l'ai pas assez dit mais le propos passionnant de Sofia Coppola c'est que les riches sont tristes aussi et que les stars dépriment comme nous - et décide d'arrêter sa belle voiture sur le bord d'une route désertique pour en descendre et marcher vers la caméra d'un pas assuré, tout sourire, libéré comme par enchantement du carcan d'ennui de sa morne existence. Le film coupe là-dessus et Sofia nous envoie le générique, mais dans la version longue on voit l'acteur s'arrêter net, dire : "Où je vais comme ça, à pattes dans le désert, en laissant mon cabriolet super cher derrière moi la con de ma race ?", et retourner poser son cul sur le cuir brûlant du siège de sa bagnole d'enfer pour faire encore et encore des tours en solitaire. Mais Sofia a préféré sauver son personnage, son gros papa, Francis "Ford" Coppola, qui a fini par sortir de sa dépression pour continuer à avancer. On allait s'en douter en voyant ses nouveaux films, pas la peine de nous raser gratis, Sofia... Somewhere, comme sa réalisatrice, se croit alors qu'il n'est pas. Film de la pire espèce, comble de vanité et de misère intellectuelle, sommet d'indigence artistique et de niaiserie totale, c'est une sacrée daube, et on peut parier que quiconque aurait réalisé ce film n'aurait plus le crédit nécessaire pour en tourner aucun, mais Madame s'appelle Coppola, alors elle enchaîne, elle va à Cannes, et on aura longtemps droit à de nouvelles chieries sans se faire de souci, promis.


Somewhere de Sofia Coppola avec Stephen Dorff et Elle Fanning (2011)

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