Film de procédure policière particulièrement limpide et captivant de bout en bout, ponctué de quelques scènes de suspense et d'action de haut vol. Film de prison suffocant, le temps d'une longue parenthèse carcérale où s'installe une ambiance délétère et se jouent des rapports de force passionnants entre détenus. Redoutable film de procès lors duquel nous sommes suspendus aux dialogues ciselés des différents personnages, saisis par les situations de chacun d'eux, dans l'attente des sentences finales. Bouleversants portraits de deux hommes situés de chaque côté de la loi, incarnés par des acteurs magnétiques (Peyman Maadi et Navid Mohammadzadeh) dont les personnages s'avèrent bien plus ambigus et intéressants qu'ils n'y paraissent. Édifiante autopsie d'un pays, l'Iran, au bord de l'abîme, rongé par la misère, plombé par la corruption et ravagé par la drogue dure (le titre original fait directement référence aux 6,5 millions de consommateurs de crack de ce pays voisin du premier producteur mondial en la matière, l'Afghanistan). La Loi de Téhéran, deuxième long métrage du cinéaste Saeed Roustaee, à peine 32 ans, est toutes ces choses-là à la fois. Il y a donc de quoi être réellement impressionné par cette œuvre dense et intense dont l'aspect documentaire ne vient jamais ramollir l'implacable puissance narrative. Dès la première scène, le film nous attrape par le colbac pour ne plus nous lâcher. C'est une course-poursuite haletante dans les ruelles étroites de la ville qui ouvre les hostilités, elle se terminera d'une façon cruelle et ironique, annonçant très bien la couleur. Aussi, il ne faudra guère l'oublier pour la suite – ça ne risque pas, elle est assez marquante – car elle sera utile, comme tout le reste dans ce solide et ambitieux polar où strictement rien n'est laissé au hasard, où tout sert à quelque chose. C'est d'ailleurs peut-être l'une des limites de ce film si bien réalisé, sans effet de manche, avec une assurance évidente et jalonné d'idées purement visuelles géniales, si bien interprété, par toute une troupe d'acteurs irréprochables, et si bien écrit, peut-être trop... La Loi de Téhéran, pour être un film encore plus admirable, manque peut-être de respiration, de fêlure, de temps morts qui ne serviraient à rien d'autre qu'à nous laisser, pour quelques instants, échapper au programme du cinéaste résolu, prendre un peu de distance avec ses opérations et son dispositif parfaitement huilé, avoir l'impression de sortir, même de façon illusoire, des rouages de sa brillante mécanique. Défaut infime toutefois, d'autant plus que Saeed Roustaee, s'il est peut-être trop sûr de lui, a aussi la finesse et l'intelligence de laisser place à la poésie, à la douceur, au moment le plus opportun, pour un indispensable instant de grâce qui survient lors d'un simple échange de regards entre le condamné et son petit neveu, vers la fin, une scène poignante d'ultime entrevue avec la famille avant l'inéluctable. On comprend aisément que ce film-là ait tapé dans l'œil d'un type du calibre de William Friedkin, « l'un des meilleurs thrillers que j'aie jamais vus » s'est enthousiasmé celui qui, également doté d'un melon assumé, a dû déceler ici l'influence de French Connection. De notre côté, on ne peut à présent qu'être impatient de découvrir la suite de la carrière d'un cinéaste surdoué, trop doué.
La Loi de Téhéran de Saeed Roustaee avec Peyman Maadi et Navid Mohammadzadeh (2021)