De Claude Chabrol à M. Night Shyamalan, en passant par George Romero, David Lynch ou Alejandro Amenabar, nombreux sont les cinéastes à avoir été plus ou moins influencés par l'unique film de Herk Harvey, le fascinant Carnival of Souls. A cette liste, nous pouvons également ajouter l'allemand Christian Petzold qui en a signé un remake déguisé et officieux en 2007, Yella. Yella, c'est Nina Hoss, l'actrice fétiche du chef de file de l'Ecole de Berlin, une femme qui essaie de s'extirper des griffes de son ex-compagnon toxique en s'en allant vivre et travailler loin de lui, dans une autre ville. Un accident de voiture provoqué par notre harceleur en puissance ne suffira pas à empêcher le départ de Yella, bien décidée à tout plaquer, à s'enfuir vers une nouvelle vie... Difficile d'en dire plus sur l'histoire d'un film qui ne tient qu'à un fil, de bout en bout. Un fil si ténu que l'on a parfois un mal fou à s'y accrocher, malgré des thèmes intéressants, très pertinents, et quelques idées de mise en scène, trop rares, toujours subtiles, qui émaillent le film et l'amènent parfois à la lisière du fantastique voire de l'épouvante. Vu le talent intermittent de Christan Petzold pour surprendre et captiver par des moyens très simples, on peut regretter que ses excursions dans le genre soient si timides. Le reste du temps, le cinéaste se consacre à instaurer insidieusement une ambiance anxiogène en alimentant une angoisse très actuelle lorsqu'il filme de froides discussions entre loups de la finance, comptables, avocats et entrepreneurs en faillite. Des scènes répétitives de négociations et de transactions financières à la tension très sous-jacente, plus que feutrée, dans des bureaux gris et anonymes, où sont évoquées les situations d'entreprises en faillite qui essaient de revendre leurs biens. Christian Petzold capte bien quelque chose de notre triste monde, mais il le fait avec une froideur qui nous tient pas mal à l'écart, à l'image de son personnage principal, souvent déconnecté des autres, en retrait, à part. Et son film finit par ressembler à ces chambres d'hôtel sans âme, à ces réunions pénibles et à ces trajets en voiture qui ne le sont pas moins durant lesquels notre pauvre Yella doit continuellement se dépêtrer du type aux dents rayant le parquet qui l'a engagée pour l'aider dans son travail. Sur ce plan-là encore, Petzold est dans le coup, épinglant comme il se doit la pression masculine, la virilité toxique, diffuse ou manifeste, que subit Yella, incarnée avec talent par une évanescente Nina Hoss qui entretient jusqu'au bout le mystère autour de son personnage. Point de mire de la caméra amoureuse de Christian Petzold, l'actrice au regard anxieux et à l'allure fragile apporte au film ce tout petit supplément d'âme, un indéfinissable charme, une petite flamme, ce je ne sais quoi, que d'autres n'ont pas et qui nous met dans un drôle d'état. Mais ça ne suffit pas et, en dépit de la brièveté du film, tout cela paraît assez long, jusqu'à une conclusion qui se veut surprenante mais dont vous aurez sans doute deviné la pirouette dès ma première phrase si vous connaissez l’œuvre autrement plus envoûtante de Herk Harvey...
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