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Channel: Il a osé !
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Dream House

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Passons rapidement sur le cas de Dream House, qui fut salué comme l'un des plus mauvais films sortis sur nos écrans l'an passé, si ce n'est le plus mauvais, et qui fut même renié par son propre auteur, Jim Sheridan himself. Remarquons tout de même qu'assez rares sont les films unanimement rejetés par la critique et le public, de cette façon, dans une lapidation verbale aussi harmonieuse que définitive. Et rares sont les films qui vont même jusqu'à être vigoureusement déconseillés et considérés comme des purges infâmes par leurs réalisateurs, honteux et demandant pardon. Mais c'est paradoxalement à cause du sort terrible réservé à ce film que j'ai eu envie d'y jeter un œil curieux ! Une curiosité assez mal placée, comme souvent, qui m'a amené devant un film pas spécialement révoltant ou dégueulasse, mais tout simplement raté de A à Z, et presque touchant dans sa nullité incontrôlée, comme peut l'être un triste téléfilm de deuxième partie de soirée. Un film qui nous offre le spectacle assez pitoyable d'acteurs perdus s'échinant à sauver les apparences, se débattant dans des situations improbables et alignant des dialogues qui sonnent toujours terriblement faux, le tout dicté par un scénario exécrable et grotesque, vu revu et rerevu. La pauvre Naomi Watts fait vraiment peine à voir. Rachel Weisz n'y croit pas une seconde et ça se voit. Et, parmi ces âmes en peine, ces stars traînées dans la boue, il y en a une qui attire ici tout particulièrement l'attention...




Profitons en effet de ce film minable pour dire quelques mots de son acteur principal, j'ai nommé Daniel Craig, le James Bond, et saisissons cette occasion en or pour dévoiler une anecdote véritable qui mériterait d'être mieux connue. Il faut pour cela se rappeler de la scène qui a fait exploser la popularité de l'acteur britannique au regard bleutée et aux oreilles décollées. 29ème minute du 21ème James Bond, Casino Royale : sur une plage des Bahamas, Daniel Craig sort de l'eau fièrement, le torse ruisselant, laissant apparaître un boxer particulièrement tendu sous la pression d'un service trois pièces au diapason, zélé, au service de sa majesté. Cette scène imprévue au tournage (l'acteur avait oublié sa tenue de bain habituelle - sa combinaison sous-marine - et la marée devait être plus haute) accoucha de l'image qui réussit dans le même temps à ressusciter celle de James Bond et à sacrifier toute entière la carrière de l'acteur, condamné dès lors à rouler des mécaniques sous sa barbaque au relief si travaillé. Dans chacun de ses contrats, une mention stipule que Daniel Craig doit obligatoirement apparaître en slibard et torse nu ! Piégé par son propre succès, il donne ainsi l'impression de montrer son corps ciselé à la moindre occasion et dans tous ses films, sans exception, même lorsqu'il est cerné par des nazis armés jusqu'aux dents (Les Insurgés) et même par -15°C sur une île perdue au large de la Suède (Millenium). Il en fait donc autant dans le triste Dream House, d'abord lors d'une pénible scène de douche inutile et anormalement longue, puis en extérieur, sous des conditions météorologiques encore très défavorables puisque l'action se déroule dans un paysage enneigé, en plein hiver, quelque part dans le Wisconsin. Malgré cette fâcheuse habitude, Daniel Craig ne m'est pas antipathique, avec sa grosse tronche ridée qui me rappelle quelqu'un, mais en tant qu'acteur, je ne lui fais pas confiance. Tout comme je ne fais plus confiance à Jim Sheridan, quelles que soient ses excuses et les circonstances atténuantes.


Dream House de Jim Sheridan avec Daniel Craig, Naomi Watts et Rachel Weisz (2011)

Gebo et l'ombre

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Le nouveau film de Manoel de Oliveira peut sembler au premier abord difficile. Film austère sur l'austérité, Gebo et l'ombre s'offre tel qu'il est, dans son dispositif singulier et imperturbable. Le film ne nous vend rien et ne cherche en aucune façon à nous acheter. Il faut l'accepter dans sa rudesse et dans sa sublime pauvreté, ce qui peut prendre un certain temps, qui perdure selon les cas (c'est le mien) bien au-delà de la projection. L'argument est simple : Gebo (Michael Lonsdale, impressionnant de présence, d'improvisation subtile et d'intonations haut perchées assez comiques) est un vieux comptable fatigué, qui vit dans la misère d'une petite maison portuaire avec sa femme Doroteia (Claudia Cardinale) et leur belle-fille Sofia (la toujours divinement belle Leonor Silveira), dans l'attente du fils prodigue, João (Ricardo Trêpa), aperçu dans le premier plan du film sur un quai, debout devant un bateau amarré, avant de disparaître. Sous les yeux impuissants de Sofia, qui espère autant qu'elle redoute le retour de son époux, Gebo ment chaque jour péniblement à son épouse qui le supplie de lui donner des nouvelles de leur enfant. Quand João, variation du Marius de Pagnol en portugais vagabond, finit par réapparaître, il est devenu un marginal en colère, furieux contre la condition des siens et contre leur soumission à cette condition. Et au lieu de ramener quelque joie dans le foyer familial il en repart presque aussitôt en courant, en fuyant plus précisément, après avoir indirectement volé son propre père en subtilisant la cassette d'argent bien remplie dont il devait faire la comptabilité.




Bien qu'adapté d'une pièce de Raul Brandão datant de 1923, et quoique situé dans un passé indistinct (les personnages s'éclairent à la bougie, se chauffent à la cheminée et on aperçoit au début du film un homme occupé à allumer les lanternes dans la rue), le film, dont tous les marqueurs temporels viennent d'être énumérés, baigne dans une forme d'intemporalité pour mieux nous parler d'aujourd'hui, de l'extrême-contemporain. Gebo et l'ombre est évidemment un film sur la crise économique actuelle, et la vague situation historique du récit comme la relative inutilité des quelques détails cités (l'usage du feu pour l'éclairage comme pour le chauffage), qui poussent à le lire au passé, nous donnent à considérer l'époque présente dont il est très clairement question comme une forme de régression totale. A force de restriction, de pauvreté, de repli sur soi et de sujétion, nous autres vieux européens (et nos amis portugais en particulier, qui subissent l'austérité depuis déjà plusieurs années) retournons peu ou prou vers un semblant de moyen-âge dans un recul effarant du cours de l'humanité et de son sacro-saint progrès. Manoel de Oliveira fait ainsi le portrait sans détour d'une population pauvre et soumise à son sort, condamnée à l'austérité et à l'acceptation de l'austérité (il faut voir les regards avides que la vieille voisine lance au petit magot dont Gebo a la responsabilité, qui passe littéralement sous le nez de ces gens trop honnêtes et résignés pour s'en emparer). Le cinéaste peint le quotidien d'individus qui ont renoncé par la force des choses, prisonniers d'un paradoxal mélange de probité et de mensonge perpétuel, mensonge aux autres (à la mère à propos du fils) et à soi-même, travaillant enfin à un âge très avancé en bons esclaves de l'inutilité (c'est Gebo) ou désespérément inactifs (c'est l'épouse, la belle-fille, les voisins et le fils lui-même, qui tuent le temps en vaines paroles pour les premiers ou s'éprennent de liberté et par conséquent s'en remettent au vol et à la clandestinité, pour João que Sofia semble hésiter à suivre).




Le dispositif du film, minimaliste à souhait, touche presque à l'expérimental avec ces très longs plans séquences fixes sur les personnages assis à une table, filmés de face avec un grand espace dégagé au-dessus de leurs têtes, lesquelles se retrouvent alignées sur la diagonale du plan pour un portrait subtilement touchant de ces petites gens rapetissées, ramassées sur elles-mêmes à force d'inertie et de langueur. De Oliveira nous donne souvent l'impression d'admirer des champs-contrechamps aplanis, où les acteurs sont côte à côte et regardent pourtant en face d'eux quand ils dialoguent, vers la caméra et ce qu'il y a derrière elle, que nous ne voyons que tardivement et qui n'est qu'un mur nu. C'est surtout vrai de la belle Leonor Silveira, qui quant à elle regarde directement et soudainement droit dans la caméra quand elle s'adresse à Gebo sis à ses côtés, comme si elle invoquait directement son époux disparu dans un vis-à-vis imaginaire, ou plutôt comme si elle s'adressait à nous qui aimerions la sortir de cette misère, jeune femme blonde qu'elle est, douce et sage parmi de vieilles gens, Gebo d'un côté, brave menteur résigné, et Doroteia de l'autre, triste aveugle plaintive. Ces regards dans le vide sont aussi bien sûr un appel du large, et ils maintiennent en nous le souvenir du premier plan du film sur le bord du quai comme contrechamp improbable. La soif d'ouverture embrassée par João lors de son départ, départ que son père, sa mère et sa femme semblent revivre en continu, bloqués sur cette scène-clé de leur existence, est contrariée pour ces personnages invariablement assis, scrutant une absence, celle du fils et de l'époux. Le trajet sans but de ces regards ne sera comblé dans un premier véritable champ-contrechamp autour de la table que par la présence des substituts que sont les voisins, et ce paradoxalement après le retour de João, qui reste pour sa part debout, hors du cercle, toujours prêt à se déplacer, surplombant les lâches dont il oublie qu'ils sont vieux, et rejoint pour un temps dans sa fière position dressée par sa femme, seule à se déplacer dans la maison et à s'asseoir sur le bord de la table, comme en partance, hésitante entre la crainte et le désir de son mari mais pétrifiée dans cette hésitation même.




Dans la longueur de ces plans-séquences statiques et obscurs, dans lesquels les acteurs ne se meuvent guère et discutent sans cesse, on éprouve nous-mêmes le froid et la lassitude qui étreignent les personnages. On a l'impression aussi que les journées de ces gens sont des soirées perpétuelles, qu'il ne fait jamais jour vraiment dans cette maison grise aux murs épais en pierre mal dégrossie. Dans la séquence qui suit immédiatement celle où le fils revient chez lui, à la nuit tombée, une fois la mère et l'épouse couchées, et va s'asseoir près de son père ahuri, on retrouve Gebo assis à sa table et Doroteia, prête à servir à son vieux mari de ce café qu'ils ne cessent d'engloutir comme pour se tenir non seulement éveillés mais vivants, dans une lumière beaucoup plus claire que précédemment, bleutée comme celle du jour et non plus jaunie par la lueur des bougies. Et parce que la scène d'avant nous a laissés au crépuscule, nous croyons en bonne logique retrouver les personnages à l'aube. Or très vite, quand l'ami de Gebo, Chamiço (Luís Miguel Cintra), puis la petite voisine Candidinha (Jeanne Moreau) rejoignent la maisonnée, la nuit retombe très vite et les bougies sont rallumées : c'était déjà la fin d'après-midi, Gebo venait sans doute à peine de rentrer du travail… Mais le fait est que nous avons eu le sentiment de voir une journée creuse et monotone s'épuiser en une poignée de minutes, voire de secondes, au gré de quelque menue conversation tâchant d'en combler le vide, et c'est une admirable manière pour le cinéaste de nous laisser appréhender le quotidien fuyant, avorté et infertile, des populations pauvres et désœuvrées.




S'il faut comparer le dernier film de Manoel de Oliveira à celui de son cadet Alain Resnais, l'autre doyen génial du cinéma contemporain, ce que la concordance du calendrier pousse à faire, on pourrait dire que, comme Resnais, De Oliveira enferme les personnages de son nouveau film entre quatre murs, murs qui contrairement à la salle de cinéma de Vous n'avez encore rien vu, devenue salle de théâtre puis pure projection cinématographique, ne se transforment pas en possible ouverture virtuelle et imaginaire sur le monde, mais se font l'allégorie de la fermeture du monde d'aujourd'hui, qui offre toutes les connexions possibles et parallèlement confine les individus dans le pré carré de la précarité. La maison de Gebo, déployée dans toute sa sommaire nudité, étalée par ces champs-contrechamps aplatis, filmée comme une scène où les acteurs jouent face à nous, quatrième mur, est le monde en cela qu'elle est l'étroit théâtre des vicissitudes d'une vie étranglée par la pauvreté et, partant, par l'ennui et le tracas qui lui sont consubstantiels. Quand la porte de la maison s'ouvre c'est pour faire entrer puis ressortir un voleur insoumis ou pour accueillir d'injustes accusateurs, qui pousseront Gebo à se soumettre à nouveau pour épargner son fils, le vieil homme devenant la figure même du sacrifice, innocent conduit à payer pour le vol d'un autre, de son propre fils devenu criminel afin de prendre son envol, Gebo incarnant peut-être le Portugal lui-même tout entier, et l'Europe à plus forte raison. Comme Resnais, De Oliveira nous parle au présent tout en rattachant l'actualité au passé et réalise un film assez différent de ses précédents, surprenant donc, même si les deux œuvres ressemblent évidemment à leurs auteurs, qui y déploient leurs interrogations sur l'avenir du goût, de l'art en général, et sur la pérennité du leur en particulier, avec une réelle part de mélancolie. Comme Resnais, De Oliveira reçoit de cinglantes critiques, souvent de mauvaise foi (on a pu entendre dire par certains journalistes à court d'arguments que Claudia Cardinale jouerait atrocement mal et qu'il serait impossible de comprendre les mots prononcés par Ricardo Trêpa, qui parle le français phonétiquement, tout cela étant bien ridicule), alors que les deux films sont d'une originalité et d'une force, presque extrêmes, qui peuvent de toute évidence refroidir une part du public mais qui, dès lors qu'on les accepte ou qu'on les perçoit enfin, nous apparaissent dans toute leur majesté.




A priori moins enthousiasmant que les deux films précédents du cinéaste, éblouissants en tant que tels, Gebo et l'ombre, qui commence par une très brève et fulgurante séquence post-générique rappelant le cinéma de Fritz Lang (ces mains en gros plan qui surgissent de la nuit dans un coin de rue sombre et se saisissent d'un passant), pour ensuite s'installer durablement à une table et ne pratiquement plus en bouger, peut possiblement laisser un sentiment d'inachevé au départ, d'où la difficulté évoquée au début de la critique. C'est un film particulier il faut dire, singulier, et qui, comparé notamment à son prédécesseur, L'étrange affaire Angelica, semble parfois manquer d'audace alors qu'il est particulièrement courageux, par son dispositif, aussi atypique que risqué, et par sa volonté d'évoquer la rugueuse actualité du monde tel qu'il va. Manoel de Oliveira voulant faire un film grave sur la situation grave de l'instant, un huis-clos minimaliste et dépouillé au sujet d'un monde fermé et dramatiquement pauvre, le résultat est là et l’œuvre finalement édifiante. Pour peu que l'on oublie l'éventuelle attente déçue de fascination immédiate, une surprise valant mieux, on peut se laisser emporter par une œuvre d'importance, formellement discrète mais géniale, avec cette mise à plat du plan de l'image et cet effilochement temporel qui donnent à voir et à ressentir le dénuement des personnages. Gebo et l'ombre est un film qui prend son temps et nous en demande un peu pour l'aimer comme il le mérite, un film qui bouleverse à retardement.


Gebo et l'ombre de Manoel de Oliveira avec Michel Lonsdale, Claudia Cardinale, Leonor Silveira, Ricardo Trêpa, Luís Miguel Cintra et Jeanne Moreau (2012)

César doit mourir

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Vingt-cinq après leur Palme d'Or reçue pour Padre Padroneà Cannes, les frères Taviani reviennent et remportent un Ours d'Or à Berlin avec César doit mourir. Ce film, qui montre la préparation d'une pièce de Shakespeare, Jules César, par une troupe de prisonniers pour la plupart condamnés à perpétuité dans le complexe de haute sécurité de Rebibbia, accumule les bons points. D'abord l'aspect documentaire, bien réel puisque ce sont de vrais prisonniers que nous observons, est largement et intelligemment atténué par le fait que toutes les scènes sont jouées : les acteurs sont doublement acteurs puisqu'ils incarnent non seulement les personnages de Shakespeare mais aussi les leurs, rejouant devant la caméra leur propre rôle dans une sorte de mise en abyme ou les prisonniers deviennent des acteurs permanents.




Les Taviani choisissent à bon escient de ne pas s'attarder sur les détenus en tant que tels, laissant même hors-champ la querelle de deux d'entre eux survenant en pleine répétition pour se concentrer sur l'implication des condamnés dans l'élaboration de la pièce, si bien que les prisonniers semblent passer pratiquement tout leur temps à jouer, y compris quand ils sont seuls dans leur cellule, pour devenir peu à peu Brutus, Cassius, César, Antoine et les autres protagonistes de la tragédie de Shakespeare, que leurs talents de comédiens et le noir et blanc dévolu au long flash-back des répétitions contribuent à faire naître sous nos yeux par une présence exacerbée de ces visages marqués et ultra-expressifs et de ces corps de gladiateurs antiques.




Ensuite, le film a la bonne idée de ne durer qu'une heure et quart, ce qui évite à l'entreprise de s'essouffler et nous soumet un condensé de Shakespeare d'une grande efficacité. Enfin, les éléments qui pourraient sembler les plus grossiers fonctionnent malgré tout (ces deux détenus qui malgré leur séparation physique jouent une scène ensemble, réunis par le montage et par un panoramique opéré depuis le couloir desservant les cellules qui balaye le champ d'une porte à l'autre - dépassement des réalités matérielles par un procédé cinématographique des plus simples qui n'est d'ailleurs pas sans évoquer Vous n'avez encore rien vu d'Alain Resnais), et les plus attendus sont pris à contre-pied par les vieux frères cinéastes (dans la dernière séquence du film, là où beaucoup de scénaristes auraient fait dire à Cosimo Rega, le détenu incarnant Cassius, que depuis qu'il connaît l'art ce dernier lui permet de s'évader, on l'entend dire que depuis qu'il le connaît sa cellule en est une plus que jamais). Au final on peut peut-être regretter que l’œuvre file droit sur ses rails, ne recèle rien de particulièrement saillant en restant coûte que coûte dans le contrôle et la maîtrise de son sujet comme de son esthétique, mais le film des Taviani reste d'une assez remarquable originalité dans le genre très balisé du "docu-fiction" et se démarque grâce entre autres à une mise en scène aussi simple que directe, au texte de Shakespeare et à la beauté des hommes qui le vivent plus qu'ils ne le disent.


César doit mourir de Paolo et Vittorio Taviani avec Salvatore Striano, Cosimo Rega, Giovanni Arcuri et Antonio Frasca (2012)

The Thing (2011)

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J'ai vécu ce que tout cinéphile peut désormais s'attendre à vivre un jour. J'ai vu naître le remake de l'un de mes films cultes. Comment ai-je vécu ça ? Comment m'en suis-je remis ? Je suis là pour vous en parler, pour vous faire part de mon expérience qui, sans doute, sera familière à bon nombre d'entre vous. Bien sûr, tout a commencé dans une sorte d'indifférence protectrice, toutefois mêlée à une curiosité malsaine, déplacée, celle-là même qui m'a personnellement amené à éventrer les sacs poubelle de mes voisines ou, pour prendre un exemple plus parlant et trivial, celle qui nous fait régulièrement checker les comptes Facebook de nos exs. Je ne voulais rien savoir de ce projet blasphématoire et à la fois je me tenais au courant, de loin et l'air de rien, des dernières infos. J'ai d'abord su qu'il s'agirait en réalité d'un prequel. D'un remake prequel. Un prequake. Appelez ça comme vous voulez. Ils doivent faire ça quand ils ont une très mince idée pour une histoire se déroulant avant les évènements du film en question, mais pas suffisamment de suite dans cette idée pour torcher à partir d'elle un vrai film à part entière. Bref. Déjà, c'était mauvais signe. Cela aurait pu être pire, bien sûr, ils auraient pu vouloir faire une suite. Mais non, ça, tout de même, ils n'ont pas osé. Peut-être bientôt, qui sait...


MacReady découvrant ce que devait être le dénouement de The Thing (2011).

The Thing version 2011 allait donc nous raconter ce qu'il s'était passé dans la station scientifique norvégienne, celle que visitait Kurt Russell au début de l'original de Carpenter lors d'une fabuleuse scène d'investigation à la lampe à pétrole. Nous allions ainsi savoir ce qui était arrivé à ces curieux scientifiques après leur découverte incroyable de cette Chose venue de l'espace et endormie dans la glace, qu'ils eurent la sale idée de réveiller... Ok, pourquoi pas, les quelques balises laissées par le film de Carpenter sur ces évènements antérieurs permettaient aux nouveaux scénaristes de ne pas trop se fouler tout en les incitant d'une certaine façon à créer et inventer à partir de cela. Ou pas. Première innovation : le casting de ce remake ne serait pas purement masculin, contrairement à l'original, puisque le premier rôle allait être tenu par Mary Elizabeth Winstead, dans la peau d'une paléontologue américaine venue prêtée main forte à ces norvégiens incapables et ignorants.


Mary Elizabeth Winstead, dont le dernier tweet, "Sucking some dicks in toilets", a fait le buzz.

Mary Elizabeth Winstead aka MEW (soit, en français, "MIAOU") est l'un des premiers noms qui fut attaché au projet et l'annonce de cette nouvelle provoqua la gronde des nombreux fans de l'original. Les plus intégristes d'entre eux, ardents nostalgiques de Kurt Russell, reprochaient principalement à MEW de ne pas pouvoir porter de barbe. Loin de ces considérations assez terre-à-terre, le choix de cette actrice, au physique de baby-sitter rêvée, révélait surtout la véritable nature du public désormais visé par ce remake horrifique : la tranche des 12-16 ans, ni plus ni moins. Entr'aperçue en tenue de cheerleader dans le méprisable Death Proof de Tarantino, héroïne de l'épisode 87 de la saga Destination Finale, petite fille de John McClane dans le ridicule Die Hard 4 et fantasme humain de l'insupportable Michael Ceara (dont le frère est ailier gauche au Paris Saint-Germain) dans Scott Pilgrim, MEW n'a jamais rien fait de plus qu'incarner un faire-valoir, un attrape-ados et un hameçon à adultes lubriques, à commencer par mon frère le Poulpe aka "The Human Wound". The Thing 2011 permettrait à la jeune actrice d'incarner pour la première fois le rôle d'une femme en doudoune, lourdement vêtue, et personne n'avait réellement hâte de voir ça. Le reste du casting serait composé de rescapés du petit écran et du monde du porno.


Il n'existe pas de photo de Matthijs van Hejiningen Jr, j'ai donc choisi de mettre celle d'un tocard lambda.

J'ai ensuite appris le nom du "réalisateur" (notez les guillemets) : Matthijs van Heijningen Jr. Alors là... Personne n'a d'explication. J'ai d'abord pensé qu'ils avaient choisi d'embaucher un norvégien pour plus facilement filmer ses semblables. Mais pas du tout, son nom a plutôt un fort arrière-goût d'edam... Engager un hollandais rêvant d'Amérique pour filmer des américains se prenant pour des suédois, à quoi bon ? Je me suis ensuite dit que, pour l'effet prévu au générique d'ouverture, il leur était peut-être utile d'avoir un réalisateur dont le nom contient plusieurs fois les lettres "t", "h", "i", "n" et "g" afin de fondre ensuite tout cela dans le titre du film, qui pourrait éclater à l'écran de la même façon qu'en 1982. Mais cette hypothèse, bien qu'assez maligne, ne tenait pas la route et, surtout, ne pouvait justifier à elle seule le choix de ce vidéaste débutant. Je n'ai pas d'exemples qui me viennent à l'esprit, mais ce type-là ne doit pas être le seul à proposer un tel infernal combo alphabétique.


Un étonnant petit caméo d'Alexandre Astier, victime de la Chose, devenue si propre en 2011...

Et puis évidemment, il y a eu la bande-annonce, brillamment décortiquée sur le vif par notre collègue Arnaud. Elle m'a surtout permis de constater, à la vue des SFX hideux utilisés pour les apparitions de la créature, que l'on a souvent plus d'imagination quand on est techniquement limité. Le film de Carpenter propose parmi les effets spéciaux les plus réussis et estomaquant (c'est le cas de le dire) de l'histoire du cinéma d'horreur, des effets d'une inventivité rare qui n'ont toujours pas pris une ride justement parce qu'ils ont été faits de façon artisanale, sans ces images de synthèses qui, à l'époque, n'auraient pas du tout autorisé la même débauche. Des effets, il faut aussi le préciser, rendus possibles par le talent inouï d'un Rob Bottin complètement allumé, qui termina le tournage à l'hosto, à bout de forces (je place ici une anecdote que je connais), et bien évidemment magnifiés par le style inimitable de John Carpenter. Ce nouveau film a quant à lui naturellement choisi de tout faire par ordinateur, proprement, sans trop s'embêter, et à l'écran, ça donne euh... ça donne quoi ? J'ai vu le film il y a quelques jours et je ne m'en souviens déjà plus ! La Chose n'a plus grand chose à voir avec celle d'il y a 30 ans, elle n'a pas l'air réel ou palpable un seul instant. La bande-annonce nous apprenait donc déjà qu'il n'y aurait rien à attendre de ce côté-là, c'est-à-dire du seul où l'on aurait pu espérer un peu, avec curiosité, puisque ce faux prequel devait logiquement nous montrer la Chose dans son état initial.


Il n'y a que dans les films qu'on tient les lampes-torches de cette façon. Je me suis toujours demandé pourquoi...

Quoi d'autre ? On apprend que la Chose, quand elle imite les personnes dont elle s'est emparée, rejette les plombages et autres éléments non-organiques de ce genre qu'elle ne peut reproduire. Du coup, l'inoubliable scène du test sanguin est remplacée par un moment de cinéma des plus ridicules qui aura l'air tout à fait banal pour nos amis orthodontistes : MEW fait ouvrir grand la gueule à chacun des personnages pour inspecter leurs dentitions à tour de rôle. C'est à pleurer ! A la fin du film, la Chose essaie de manger MEW en prenant la forme d'une énorme teucha. Faut-il y voir un message ? Une réponse à ceux qui considèrent que le seul personnage féminin du premier film est la Chose elle-même ? Je ne crois pas, je pense qu'il s'agit simplement d'une nouvelle facétie des gros geeks malades qui faisaient encore office d'experts en effets spéciaux, coutumiers du fait (cf. le monstre final de Prometheus). Cette transformation en immense sexe de femme est en tout cas le passage le plus étonnant de ce film de monstre finalement très basique ressemblant à mille autres, les plus mauvais, et qui s'applique à démolir le mystère du chef d’œuvre de Carpenter. Ne faites pas comme moi, ne le regardez pas, c'est inutile. Regardez plutôt ce que je considère comme le meilleur remake de Carpenter réalisé à ce jour : la version de The Thing signée Lee Hardcastle !


The Thing de Matthijs van Heijningen Jr avec Mary Elizabeth Winstead, Joel Edgerton et Ulrich Thomsen (2011)

Halloween (2007)

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Sorti en 2007, le Halloween de Rob Zombie est donc l'indispensable remake du classique de John Carpenter déjà aux origines de sept suites officielles et d'environ 1000 copies. Il s'agit plus exactement d'une sorte de remake prequel, un peu à l'image du récent The Thing, étant donné que Rob Zombie s'intéresse à ce que Big John avait intelligemment choisi de passer sous silence dans son film, par des ellipses bien senties. Des ellipses qui lui évitaient de tomber dans les travers du film de serial killer de bas étage et qui permettaient à son film de devenir une œuvre quasi conceptuelle, débarrassée des conneries habituelles qui sont censées nous faire comprendre comment un type lambda peut devenir un taré total. Ce qu'on ne voit pas dans le film de Carpenter, on le voit donc dans celui de Zombie. C'était un pari risqué, mais pourquoi pas. Hélas, quand on regarde le film de Zombie (oui, j'ai décidé de ne plus dire son prénom, quand on choisit un blaze aussi pourri, faut assumer), on comprend très vite qu'il s'agissait en réalité d'une fausse bonne idée ou, en d'autres mots, d'une vieille idée pourrie mise entre les mains d'un sacré débile doté d'une imagination et d'une intelligence atterrantes. Je ne dis pas que c'est forcément naze de vouloir dresser le portrait psychologique d'un tueur, mais c'est très rarement réussi, et une chose est sûre : mieux vaut ne pas le faire du tout que le faire si mal.


Rob Zombie fait le remake du classique de Carpenter et s'attarde sur l'enfance de Michael Myers. Accrochez-vous, c'est un intellectuel de premier plan avec de gros sabots !

Qui était ce petit garçon qui a froidement tué sa sœur un soir d'Halloween ? Dans quel cadre familial vivait-il ? Quelles relations entretenait-il avec sa frangine ? Avec ses parents ? Ses grands-parents ? Bénéficiait-il d'une scolarité épanouie ? Avait-il de bonnes notes en dictée ? Quelles étaient ses activités favorites, ses passe-temps ? Allait-il chez l'orthophoniste le mercredi après-midi ? Et surtout, que s'est-il passé entre le moment du premier meurtre et son évasion de l'asile psychiatrique, 15 ans plus tard, c'est-à-dire pendant cette période où il fut pris en charge par le Docteur Loomis ? C'est à la plupart de ces questions, dont on pouvait parfois deviner les réponses dans le film initial, que Rob Zombie apporte ses réponses, celles d'un ado attardé sans aucune suite dans les idées, ressassant toujours les mêmes idioties à longueur de films. Alors que le chef d’œuvre de Carpenter baignait dans une ambiance irrationnelle tout à fait bienvenue, conférant un aspect fantastique à son film notamment à travers la figure de Michael Myers, le remake (j'appellerais ça un recel, contraction à ma sauce des mots "remake" et "prequel") de Rob Zombie se noie rapidement dans la platitude et la crétinerie la plus crasse en tentant péniblement de refaire le portrait de ce tueur inhumain.


Michael Myers enfant, une tête à claque de première.

Quand il était petit, Michael Myers avait une tronche de cake. Il tuait des chats et des chiens puis les prenait en photo. Normal. A l'école, il se faisait tabasser à toutes les récrés. Évidemment. Son beau-père était une sorte d'affreux connard répugnant, obscène, dégueulasse, infiniment bête, et, bien entendu, alcoolo au dernier degré. Il ne manquait jamais l'occasion de rabaisser le petit Michael et il harcelait quotidiennement sa grande sœur qu'il rêvait de se taper. Il faut dire que cette dernière était plus ou moins une pure trainée. Rien d'étonnant. Michael les méprisait tous, à l'exception de sa toute petite sœur, Laurie, encore bébé, et de sa mère, une strip-teaseuse professionnelle incarnée par Sheri Moon Zombie, la compagne de Rob, qui ne fait que montrer son gros cul et sa tronche de viking mal luné, en versant quelques larmes pour essayer de nous convaincre qu'elle est une actrice. Michael se contentait donc de les mépriser en silence jusqu'à ce soir d'Halloween où, après avoir contemplé son bol de chocapics pendant trois plombes, sa colère prit la forme d'une tuerie sauvage.


Pas de sang sur cette image, qui n'est donc pas représentative du film.

On croise donc ici les mêmes individus pitoyables que dans The Devil's Rejects, le film phare de Rob Zombie, celui qui lui a amené toute une ribambelle de fans. Ces personnages sont tous insupportables, incroyables de bêtise, de laideur et de vulgarité. Une galerie de freaks jamais attachant, que l'on a envie de voir crever autant que le petit Michael Myers, qui est hélas le plus ridicule de la troupe ! Blague à part : sachez que personnellement, j'associe volontiers Rob Zombie à ses personnages affreux, bêtes et méchants ; en plus, sans vouloir rentrer dans le délit de sale tronche, il me semble qu'il leur ressemble comme deux gouttes d'eau... Dans cette partie introductive, Rob Zombie nous gratifie de sa psychologie de bas étage, de ce portrait juvénile dressé à coups de hache et d'une connerie à toute épreuve, qui a simplement la particularité de faire de Michael Myers un personnage franchement ridicule et de déconstruire totalement l'image inventée par Carpenter il y a 34 ans. Mais ça n'est que le début...


Michael Myers adulte, un grand échalas en pyjus... Sur votre gauche, il s'agit bien de Danny Trejo, acteur bien décidé à se forger un CV fait des pires films de genre actuels.

Rob Zombie passe ensuite presque trois quarts d'heure à nous dépeindre l'évolution du petit Michael à l'asile psychiatrique, où il est donc pris en charge par le Docteur Loomis (Malcolm McDowell). Cette partie du film est d'une pauvreté affligeante, rien ne se passe, bien que tout soit surligné par la voix-off de Loomis, qui nous explique grosso modo à quel point Michael se recroqueville progressivement sur sa personnalité démoniaque, se cachant derrière de ridicules masques qu'il confectionne lui-même dans sa cellule. C'est navrant. Comment avoir peur d'un tel débile, comment craindre ce catcheur retraité avec les cheveux toujours pendus devant la tronche, qui passe son temps à fabriquer des masques ridicules seul dans sa piaule ? On dirait un gros benêt gothique, devenu friand de travaux manuels car c'est le seul domaine dans lequel il excelle ! On a simplement envie de lui tendre un ours en peluche pour qu'il fasse un bon gros dodo et affiche enfin une meilleure mine. En outre, on ne saisit rien du rapport qui se crée entre les deux personnages, rien, il faut que celui-ci soit là encore lourdement souligné par les dialogues très explicatifs de Loomis en personne pour qu'on se dise qu'il y a effectivement quelque chose de spécial qui se noue entre son patient et lui. Mais on s'en contrefout ! Et, là encore, tout était tellement mieux présenté dans le film de Carpenter, à peine suggéré, dévoilé par une ou deux phrases, mais paradoxalement tellement plus clair... A l'image de l'interprétation de Malcolm McDowell, depuis longtemps condamné à jouer dans des déchets, et qui fait ici vraiment de la peine. Il en fait des caisses là où Donald Pleasance parvenait à insuffler de l'intensité à son personnage avec trois fois rien. Et que dire de Michael Myers adulte, qui, en prenant les traits d'un dénommé Tyler Mane, devient une sorte de superstar du catch lamentable, un ersatz du sympathique Undertaker, mesurant 3 mètres de haut et 2 de large, avec une pistache moisie en guise de cerveau.


Fin du film :à court d'imagination, Michael Myers tente le car-jack.

La première partie du film est donc "intéressante" (je mets entre guillemets car c'est très relatif, comme vous l'aurez compris !) dans le sens où elle cherche à nous montrer ce que l'original nous cachait. La seconde partie (le film dure deux putain de plombes, ma parole !) est d'une nullité totale puisqu'elle reproduit le film de Carpenter en le vidant de tout, alors que Rob Zombie aurait pu poursuivre en insistant sur "l'envers du décor", soit sur ce qu'on ne voit pas dans l'original. Et c'est quand il reproduit les situations du film de 1978, en les rendant plus trash, plus "réalistes", forcément plus violentes, que la nullité désolante de Zombie finit de lasser. Inutile de préciser que Rob Zombie n'a pas un millième du talent de metteur en scène de John Carpenter, et dans ces moments-là, c'est particulièrement douloureux. Son film atteint des sommets dans l'ignominie.


Dr Loomis et Laurie Strode pensent s'être débarrassé de Michael Myers après lui avoir logé une balle dans le crâne. Cela n'empêchera pas Rob Zombie de signer un Halloween 2, la suite du remake-prequel qui n'est pas le remake de la suite de l'original !

La seule intervention de John Carpenter dans la conception du film de Rob Zombie fut le petit conseil suivant : le "Maître de l'horreur" dit simplement à son collègue chevelu "Fais de ce film le tien". Ce qu'il fallait interpréter par "Ne touche pas à mon film, fais-en un autre, bas les pattes !". Avec Big John, rarement très bavard sur les sujets un peu épineux, il faut toujours savoir lire entre les lignes et décrypter le véritable sens de ses rares paroles. Quand il dit à Jean-François Richet à propos de son remake d'Assaut la fameuse formule sibylline "Different time, different movie, same spirit", c'était surtout histoire d'être débarrassé une bonne fois pour toute de l'inévitable question "Alors tu penses quoi du remake ?", et il fallait plutôt comprendre "Ton film pue la merde à plein nez mais j'ose espérer que tu l'as réalisé avec la saine intention de faire un bon film". Quand on lui a récemment demandé ce qu'il pensait de ce remake d'Halloween sur Twitter, John Carpenter a simplement répondu "No comment". Pas besoin de lire entre les lignes cette fois-ci...


Halloween de Rob Zombie avec Malcolm McDowell, Tyler Mane, Scout Taylor-Compton, Sheri Moon Zombie et William Forsythe (2007)

King Kong

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Peter Jackson a reçu onze Oscars pour Le Seigneur des anneaux 3. Parmi les onze grands chauves dorés qui lui furent remis certains étaient des récompenses dites "techniques", mais Jackson, en tant que "director", peut se vanter d'avoir remporté onze Oscars. Je dis bien onze, plus de statuettes qu'il n'a de doigts pour les compter, de quoi se fabriquer un baby-foot en or massif (avec une seule équipe pour gagner par Knock Out à tous les coups). Or Peter Jackson a dit et répété n'avoir réalisé ses neuf premiers films, dont le lauréat des onze Oscars en question (qu'on devrait lui retirer), dans le seul but de pouvoir filmer un jour le King Kong. En 2005, fort du succès démentiel de la trilogie de l'Anneau et couvert d'or, Jackson a réalisé son rêve. Nous nous sommes donc retrouvés devant ce film de 180 minutes (3 heures grosso modo) dans lequel une séquence de trois quarts d'heure montre un gorille immense se bastonnant selon les règles du kung-fu contre trois tyrannosaures en chute libre dans un canyon traversé en contrebas par un troupeau de diplodocus numériques effarés. En s'attaquant à King Kong, littéralement "le roi des cons", son rêve de gosse, le film de chevet qu'il rêvait de remaker depuis tout ce temps, Peter Jackson voulait enfin se faire un ami en la personne du seul type plus gros et plus poilu que lui à Hollywood, et je ne veux pas parler de l'acteur Jack Black mais bien du gorille éponyme.



Peter Jackson a signé son autobiographie avec ce film au budget de 207 millions de dollars. Il raconte l'histoire d'un gros gorille né sur l'île de Pukerua Bay le 31 octobre 1961, jour d'Halloween, et débarquant 44 ans plus tard aux USA pour foutre la merde en grimpant sur des immeubles. En réalité Jackson n'a pas vissé son cul sur l'Empire State Building, comme on le voit dans le film lors d'une bataille finale du plus bel effet entre Elvis, aka le King, et un avion à réaction, mais sur les deux tours jumelles du World Trade Center. On a mis la chute des Twin Towers sur le dos d'attentats islamistes commandités par Ben Laden alors que c'était juste la suite logique de la visite de Peter Jackson dans l'une puis l'autre tour un certain matin de septembre 2001, et quand les deux colonnes ont fini par s'écrouler Jackson était déjà loin, sans doute un pied dans le MacDo du coin en train de déguster un CBO et l'autre dans le Quick voisin à boulotter un Quick'n'toast en attendant d'entamer le second, offert pour un euro de plus grâce à sa carte d'étudiant en infographie falsifiée, ignorant que ses entrées répétées dans les ascenseurs du complexe, survenues pourtant quelques heures avant le casse-dalle morbide quotidien, avaient fissuré les poutres porteuses des deux bâtiments à tout jamais. D'où le deuxième volet de la trilogie de l'anneau, Les deux tours, qui tentait d'imposer dans les esprits la théorie de l'attentat en désignant les Hobbits, petits êtres grassouillets et velus aux grands pieds, parmi lesquels le cinéaste passerait inaperçu, comme l'axe du Bien, et Ben Laden comme l'axe du Mal, sous les traits de Sauron du Mordor toujours bien planqué sous un tchador. Fierrot le pou, aka Mathieu Kassovitz, toi et ton pote Bigard pouvez repartir de zéro... Mais revenons au récit de ce film autobiographique : le gigantesque singe finit en meneuse de revue dans une salle de spectacle à Manhattan, offrant un show pathétique à des foules en manque de sensations fortes. C'est ainsi tout le parcours de Peter Jackson (sauf que dans la vraie vie la bête ne s'est pas emballé la belle Naomi Watts en lui roulant une pelle à New-York, sous la neige, devant une pleine lune digitale d'outre-tombe, dans un happy end monstrueusement laid) qui nous est restitué dans un calvaire interminable de surenchère pyrotechnique, de connerie scénaristique et de pure chienlit cinématographique. Le cinéaste néo-zélandais aurait déjà entamé l'écriture du scénario de la suite (car, comme son public, il aime les séries sans fin), dont le working title n'est autre que "Slim Fast".



Vous allez me dire que s'attaquer au physique, ça ne se fait pas, mais je ne peux pas faire l'insulte à Peter Jackson de m'attaquer à sa psychée, à son intelligence ou à sa sensibilité, il l'a fait lui-même, non pas dans des films impersonnels comme ceux de la trilogie du Seigneur des anneaux, mais dans un film tel que Lovely Bones, et le résultat fut un massacre du cinéma en deux heures et huit minutes seulement. A tel point que Peter a décidé de faire comme George Lucas en se concentrant plutôt sur ce qu'il maîtrise et qui fait entrer des tonnes de pognon dans les caisses des grands studios et dans les poches sans fond de ses anciens bermudas convertis en tantes Quetchua depuis son régime Dukan. Jackson préfère ne pas avoir à se creuser les méninges ni à produire aucun effort artistique (en réalisant Lovely Bones il a moins "fait un effort artistique" que "laissé parler le taré XXL qui sommeillait en lui"), et il va donc se contenter de répéter les formules qui marchent et nous pondre le prequel en trois parties de sa trilogie fantasy à base de minimoys écolos et de magiciens pédophiles, ainsi que les deux suites du Tintin de Spielberg. L'homme est physiquement passé de Carlos à Kate Moss mais niveau ciné il reste lourd.


King Kong de Peter Jackson avec Naomi Watts, Jack Black, Adrien Brody et le King Kong (2005)

Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl

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Ce n'est peut-être pas la bonne affiche, prévenons les fans courroucés, mais il faut dire que c'est la même pour chaque épisode à quelques mots près écrits en taille 2 sous le titre de la franchise et nous n'avons pas nos carreaux sur le nez pour vérifier. Un jour ou l'autre on devait se confronter à la saga des Pirates of the carabayans, cette série qui a engrangé peut-être plus de dix milliards de pesos si on additionne les recettes de chaque épisode, et qui a fait de Johnny Depp l'idole de nos filles après avoir été celui de nos mères (soit le pied tendre favori de trois générations de vagins). Il faut dire qu'il est boloss cet homme-là, avec son petit charme de gitan fréquentable. Les jeunes filles sont souvent frétillantes à l'approche de mâles faussement dangereux, au soufre de pacotille. On a tous connu des gars comme ça au collège, ceux qui s'étaient tailladé le sourcil d'un coup de rasoir idéalement placé et que les filles prenaient pour des petites frappes, des têtes brûlées aventurières, alors qu'ils avaient juste eu l'idée précieuse de se fendre l'arcade avec le rasoir Gillette pro-glide de papa un beau matin, d'une cicatrice en forme d'éclair qui ne manquait jamais d'atteindre sa cible : le cœur des jeunes femmes naïves. En réalité ces garçons-là rentraient chez eux pour déguster le petit goûter préparé par une mamie-gâteau avant d'aller jouer dans leur bac à sable perso. Quant à nous, nous n'avions pas de cicatrice sourcilière... mais nous ne le devions qu'à une adresse inégalable face aux arts martiaux et autres objets contondants quand, au moment de rentrer dans la tanière paternelle, on devait éviter un ou deux coups de machette dès la porte passée, papa étant un peu échaudé par l'énième défaite de l'équipe de France contre la RDA. Puis quand il se penchait sur nos devoirs c'était pour nous asséner quelques problèmes mathématiques "pour les nuls" selon ses dires, du genre : "Sachant qu'un cœur humain au repos bat à 65 pulsations minute et que celui d'un enfant de ton âge poursuivi par son père muni d'un jerricane d'essence et d'une allumette incandescente peut monter jusqu'à 365 pulsations seconde, combien de kilomètres peux-tu parcourir avec ton cartable sur le dos avant de nous faire un bel infarctus sous les applaudissements de toute la sagrada familia ?" Après la fin de la question notre père enchaînait en hurlant à toute allure un compte à rebours diabolique : "5 ! 4 ! 3 ! 2 ! 1 ! Cours connard !"


Trop boloss...

Retour au film. Que nous propose Goré Verbinski ? Quel est le programme établi par ce polonais docile et sans avis qu'Hollywood est allé piocher en Europe de l'Est dans une chasse à l'homme top secrète portant le nom de code : "Seeking the most obsequious human being on earth" ? Comment surtout croquer en quelques lignes ce film pour s'en débarrasser et repartir sur les cas Depp, Bloom et Knightley, qui nous intéressent bien plus que ce triste manège filmé. Car Verbinski s'est donc contenté d'aller à Disney Land, de payer un pack de coupons pour autant d'attractions gratuites à sa bande d'acteurs et de les filmer sur les radeaux en plastique du parc forain le plus cher du monde. Après Chris Noonan qui avait osé adapter l'attraction Babe le cochon devenu berger dans son film Babe le cochon devenu berger, Goré Verbinski a pensé (enfin, pensé, on a pensé pour lui, Verbinski n'a jamais pensé et on a tendance à appliquer la politique des auteurs avec zèle sur ce coup-là) qu'une attraction plus attractive pourrait récolter bien plus de deniers et donner lieu à une avalanche de films reproduits à la chaîne sur le même modèle avec à peine quelques nouveautés à chaque nouvel épisode, ici des fantômes de pirates, là des vampiros lesbos, ci-contre des méduses libidineuses et autres sirènes nymphomanes, et ça n'a pas loupé.


L'une des meilleures scènes d'action du film.

On se réjouit aujourd'hui que la saga soit enfin en stand by, bien qu'on sache de source sûre que ce n'est qu'une pause temporaire et que le reboot guette. En attendant ce sont les carrières des acteurs vedettes de ce show insupportable qui sont en jet-lag. On a déjà épinglé Johnny Depp à plusieurs reprises et toujours avec le même plaisir, ce plaisir qu'on peut éprouver quand on se nettoie d'une envie de tout casser. Que dire de plus sur son cas, sur son look de malade, sur ses lunettes fumées, sur ses cheveux fumés, sur ses habits fumés aussi et sur le lardon fumé qui se cache à l'intérieur de son caleçon de pirate ? Qu'ajouter sur son immonde carrière surtout ? Notre homme se vante d'être un homme-livre capable de jongler entre les projets, et se targue d'une filmographie où l'on trouve de tout et surtout de la merde. Entre deux épisodes des Carabayans, Depp s'en va faire le mariole chez le Jean-Louis David américain du miséreux, aka Tim Burton. Puis après s'être ravitaillé chez son fournisseur de marie-jeanne, Emir Kusturica, il va pavaner chez Jarmusch, Mann, Polanski ou Gilliam, choisissant ses réalisateurs avec un soin de sociopathe, obsédé par l'idée fixe de plaire à tout le monde et d'assurer ses arrières, qui donne surtout envie de ne plus le voir filmé, à tout jamais. Opportuniste à la manque, toujours apprêté au poil près, c'est le Yann Barthès du ciné. Sauf que lui ne reste pas tanqué dans son vieux combo costard/converse passé de mode depuis 99. Il est passé par tous les looks possibles et imaginables, du string-bretelles à la Borat au bleu de travail taché de cambouis en passant par le costard trois pièces classique surmonté d'un Stetson ou la tenue gothique avec bonnet de bain, et tout ça histoire encore une fois de plaire à strictement tout le monde au moins une fois, quitte à perdre autant de fans qu'il en gagne à chaque nouveau relooking extrême.


Johnny Depp ne sort jamais sans ses trois mini foulards savamment superposés autour du cou pour ne pas attraper un rhume, et un quatrième accroché à la ceinture, parce qu'avec toutes ces couches de fringues il transpire comme un porc et doit essuyer la sueur qui tombe au bout de ses doigts huileux.

Dans ce film magique et aux côtés de Depp, dans son ombre, il y avait Orlande Bloom, natif d'Orlando dans le Colorado, l'éternel Legolas (ne pas prononcer le "s" final, avis aux fans, Tolkien de son vivant l'a dit et répété et vu comment il s'est fait chier à inventer un langage ce serait triste de voir que ses premiers fans le traînent dans la boue au quotidien) du Seigneur des Anneaux (ne pas faire la liaison entre "des" et "anneaux", cf. Tolkien himself) et l'éternel idole des androgynes. Promis à un avenir brillant, l'acteur n'en revient toujours pas d'être au casting des deux franchises les plus juteuses des années 2000, regrettant de ne pas avoir prêté ses traits d'elfe à un éventuel Robin dans la trilogie Batman moisie de sieur Nolan, lui qui l'appelait chaque matin en disant : "Mais je suis un peu pédé !... J'adore Christian Bale !... Je passe niquel dans une combi moulante !... Mais le vert me va très bien... Mais puisque je n'aurai même pas à m'entraîner pour le rôle ni à faire de sport du fait de mon expérience chez Peter Jackson en tant que Legola...". En définitive, Orlande Bloom n'obtient aucun rôle depuis ElisabethTown et vient de se faire remarquer, à la manière de Raymond Domenech, en allant pointer au Pôle Emploi pour être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi et avoir les transports gratuits, lui qui a de gros oursins dans les poches à défaut d'avoir des arbalètes dans le dos et des yeux derrière la tête, comme son éternel double fictionnel dans la trilogie de l'anneau. Nous n'ouvrirons pas Wikipédia pour vérifier la filmo de ce type histoire de ne pas pleurer pour le reste de la journée. Moins désœuvrée que son camarade Legola, Keira Knigthley avait son petit charme dans ce film, un charme qui s'est ensuite volatilisé au fil des ans et des tournages. Ayant tourné avec Joe Wright ou avec Cronenberg, elle aura eu un peu plus de pif que son pote elfe pourtant réputé pour son odorat de malade. Un pif tout relatif puisque lorsqu'on jette un œil plus attentif à sa carrière on y trouve des déchets non-recyclables du style London Boulevard ou Last Night. Keira Knightley, bien consciente qu'elle ne pourra jamais allaiter, voire jamais enfanter, étant taillée comme l'arbalète de Legola, a décidé de tout miser sur sa carrière et c'est pas de veine parce que si sa carrière était une famille ce serait la famille Adams, à base d'oncles fétides et de cousins machins.


Keira Knightley, pirate des calories.

Goré Verbinski s'en sort mieux que les seconds couteaux de sa trilogie en bois (devenue une tétralogie grâce à Rob Marshall, un réalisateur particulièrement dangereux, auteur entre autres de l'infamie nommée Nine). Après le troisième volet, il nous a raconté l'histoire de Rango, un caméléon pistolero toujours incarné par Depp, véritable caméléon de la mode et de l'acting. Est-ce qu'on peut parler de métafilm ? Peut-être pas. En tout cas le film a remporté un fier succès et a installé Goré Verbinski (qui enchaîne les gros coups médiatiques mais que personne ne connaît pour autant) dans le petit monde du western. Le réalisateur hollywoodien prépare en effet un nouveau film du genre, en prises de vue réelles cette fois-ci, toujours avec Depp au premier rang, qui semble déjà très original puisqu'il raconte l'histoire d'un Texas Ranger masqué luttant contre l'injustice et la criminalité, accompagné de son fidèle destrier Maïwenn et de son ami indien Tony Gatlift. On attend Goré au tournant.


Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl de Gore Verbinski avec Johnny Depp, Orlando Bloom, Keira Knigthley et Geoffrey Rush (2003)

Terreur sur la ligne

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Terreur sur la ligne est le remake d'un film du même nom datant de 1979 signé Fred Walton, l'un des frères Walton. J'ai vu l'original quand j'étais petit et j'en garde un très bon souvenir. Sa seule séquence d'ouverture, redoutable d'efficacité, lui a permis d'accéder au rang de petit film culte. Une baby-sitter (Carol Kane), gardant toute seule deux enfants dans une grande maison de banlieue, est harcelée au téléphone par un monsieur qui lui demande sans arrêt sur un ton monocorde et particulièrement flippant, "Êtes-vous allée voir les enfants ?". Inquiète, la jeune fille contacte la police et fait localiser l'appel. On lui signale alors que les coups de fil sont donnés depuis l'intérieur même de la maison ! Le tueur a le temps de liquider les deux enfants avant de prendre la fuite. Ainsi s'achevaient les vingt premières minutes particulièrement tendues et réellement terrifiantes de ce thriller horrifique qui s'appliquait à mettre en image une légende urbaine bien connue outre-Atlantique.


Le visage de Carol Kane vous dira sans doute quelque chose. L'actrice a joué dans quelques chouettes films dans les années 70 : The Last Detail, Une Après-midi de chien, Ce plaisir qu'on dit charnel et Annie Hall.

La suite du film n'était hélas pas du même niveau. On y voit le tueur sortir de l'asile psychiatrique et se mettre à la recherche de l'ancienne baby-sitter, en épluchant l'annuaire des télécoms. Lors de la toute dernière partie du film, il la retrouve enfin et le réalisateur nous offre à nouveau une séquence d'angoisse assez réussie. Tout cela fut donc suffisant pour que l’œuvre s'installe modestement au panthéon des amateurs d'épouvante et influence assez clairement toute une catégorie de films d'horreur (les slashers), un peu de la même façon que Black Christmas (bien que le film de Bob Clark, réalisé cinq ans plus tôt, soit infiniment plus réussi et d'une bien plus grande importance pour le genre). Il est en effet évident qu'un type comme Kevin Williamson s'est largement inspiré de quelques situations de ces films pour écrire le scénario de Scream. Sorti en 2005, le remake de Terreur sur la Ligne sera quant à lui une preuve de l'essoufflement irréversible de l'importante vague de slashers générée par le succès du film de Wes Craven. Revenons à présent sur son triste cas.


Camilla Belle porte plutôt bien son nom de famille. Heureusement qu'elle ne s'appelle pas Camilla Bonnactrice.

En réalité, le remake de Simon West (aucun lien de parenté avec le célèbre Taribo) réitère seulement la situation de la première séquence du film original, celle où une baby-sitter est donc malmenée au téléphone par un psychopathe dont on apprendra, ici au bout d'une heure, qu'il se trouve dans la maison. Simon West transforme ainsi les 20 premières minutes extra de l'original en 1 heure et demie d'ennui profond où nous voyons la jeune fille répondre à d'autres coups de fil, visiter la maison, manger une glace, se faire les ongles, regarder Le Roi Lion, jouer avec les interrupteurs et, surtout, sursauter au moindre bruit ! Bref, un véritable supplice, d'autant plus intenable pour quelqu'un qui a déjà vu l'original et qui sait par conséquent tout ce qui va se passer puisqu'ayant connaissance du seul petit coup de théâtre du film (je vous le rappelle une troisième fois car c'est la clé de voûte du scénario : le tueur est déjà dans la maison !). 

"À 20 ans, On est invincible, À 20 ans, Rien n'est impossible, On traverse les jours en chantant"

Parlons à présent des petits changements apportés par ce film. La maison de banlieue glauque et banale est ici remplacée par un immense chalet en montagne, situé au bord d'un lac, à l'architecture très moderne et protégé par un système d'alarme très complexe mais qui, bien sûr, s'avérera totalement inutile. Cette modification a le seul avantage de rendre l'histoire encore moins crédible. Ensuite, l'actrice de 1979 au physique qui ferait même débander un ours blanc gay est substituée par une Camilla Belle qui ferait amèrement regretter sa condition à un castrat ! Hélas, Simon West n'est pas que la moitié d'un con et il choisit de ne pas exploiter cet atout. Il n'aura jamais le bon sens de cadrer convenablement sa brunette au corps d'athlète. Il préfère ajouter à son film une sous-intrigue niaise dont on se contre-fout éperdument et qui nous apprend seulement que notre héroïne a de terribles problèmes sentimentaux, du type que seule une collégienne perturbée peut avoir. De plus, les vêtements de l'actrice sont apparemment si épais qu'une fois mouillés, rien de plus ne nous sera dévoilé sur sa sympathique anatomie. L'unique intérêt du film s'envole donc, et nous restons sur notre faim.


A t-elle dans la lignée de son regard légèrement strabique un monstrueux gland tuméfié pour tirer une telle tronche ?

Il faudrait vraiment se lever très tôt le matin pour trouver des qualités à ce remake, ridicule du début à la fin et qui provoquera une sensation de "déjà-vu" énorme à quiconque ayant vu un slasher où le méchant sait se servir d'un téléphone. Terreur sur la ligne version 2005, dont je serai sans doute le seul à parler en 2012, est donc un nouveau remake inutile et méprisable. Un film si triste et fade qu'on ne peut même pas s'en moquer et rigoler en le prenant au second degré. Un modèle de pseudo film d'horreur minable, suffisamment débile et soft (les amateurs de gore seront déçus, on ne voit pas la moindre goutte de sang, ni le moindre meurtre !) pour que les ados américains puissent le regarder tranquillement tout en se goinfrant de pop-corn, profitant de l'occasion pour gagner ces quelques kilos qui les enfonceront davantage dans leurs sièges et rendront leur obésité encore plus morbide. Si perdre mon temps à voir ce film et dire tout le mal que j'en pense vous a permis de ne pas perdre le votre, c'est déjà ça.


Terreur sur la ligne de Simon West avec Camilla Belle (2005)

Le Choc des Titans

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Si vous avez vu L'Histoire sans fin, ce chouette film pour enfants de 1984, vous avez une bonne idée de ce à quoi ressemblent les effets spéciaux du Choc des Titans, ce gros film d'action sorti en 2010, encore que ce dernier est en réalité mille fois plus kitsch que l’œuvre de Wolfgang Petersen ou que son homonyme réalisé par Desmond Davis en 1981 avec Laurence Olivier, dont il est le remake. Le Choc des Titans nouvelle version a coûté 110 millions de dollars de plus que Clash of the Titans ancienne mouture (trente ans après, en des temps où tous les films hollywoodiens coûtent au minimum cent bâtons de plus qu'à l'époque, inflation adjusted) et pourtant il est moins bien réalisé techniquement… Je ne parle pas de mise en scène, il n'y en a pas, mais bien d'effets spéciaux et de "rendu" (quel mot horrible) visuel. Même Jason et les argonautes (1963) est à ce titre (et à tous les autres) un film plus beau et mieux fait que ce Choc des Titans en titane.


Voici donc l'Olympe tel que se le représente Hollywood en 2010 à coup de centaines de millions de dollars...

Devant ce film, pur blockbuster américain réalisé par un français qui n'a de française que sa nationalité, on se pose plus que jamais la question des potentialités de l'imagination et on se dit que l'homme semble décidément bien incapable de représenter quoi que ce soit qu'il n'ait déjà sous les yeux, se contentant en fin de compte de moduler plus ou moins ce qu'il connaît et de faire des assemblages incongrus de choses vues, ce qui nécessite et relève déjà de l'imagination à condition de s'entendre sur ce terme qui ne voudrait dès lors plus jamais se parer du sens d'invention. James Cameron est admiré pour sa capacité à "inventer un monde" dans Avatar, où il entrecroise pourtant des éléments de notre monde connu en les modifiant à peine : il a vu des perroquets multicolores voler en groupe et s'agripper à des rochers, il les a agrandis et reproduits en images numériques et le tour était joué. On peut dire la même chose de chaque "invention" de son film, des chiens sauvages fuselés comme des bagnoles de course aux chevaux avec port USB intégré en passant par les afro-indiens d'Amérique bleutés façon schtroumpfs. Ce qui n'existe pas déjà dans la faune, la flore, l'histoire et les civilisations de notre chère planète vient plus ou moins directement d'autres imaginaires, typiquement les montagnes flottantes chères à Miyazaki et à d'autres avant lui, sans parler d'un scénario qui n'est jamais que le plus ressassé de l'histoire des histoires. Mais au moins Cameron a-t-il le talent de manigancer quelque chose de visuellement interloquant, d'à peu près agréable à l’œil (c'est même à ça qu'il s'acharne non sans bonne volonté et sans réussite : plaire à l’œil histoire de cacher le vide total de son propos). Cameron tente précisément de parvenir à nous faire croire à l'impossible, à savoir que l'on assiste à la création ex nihilo d'un univers entièrement nouveau et inédit. En somme il sait faire illusion.


Le Daily Mouloud en personne dans un blockbuster hollywoodien infect, et le pire c'est qu'il est persuadé que c'est "trop la hype".

Dans Le Choc des Titans, quand il faut représenter un Dieu, et pas n'importe quel Dieu, Zeus s'il vous plaît, on a beau pouvoir soi-disant "imaginer", "inventer", "créer" ce qu'on veut de toutes pièces grâce aux images de synthèse, en tout cas tâcher de faire illusion, on se contente d'appeler Liam Neeson et de lui faire porter une hideuse armure de satin qui brille. Pour Hadès on prend un sous Liam Neeson, Ralph Fiennes, et on lui met un costume noir (parce qu'il est méchant). Remarquez s'ils parvenaient à imaginer quelque chose d'autre pour représenter les Dieux de la mythologie ce serait certainement pire encore, un spectacle encore moins recommandable dont il faudrait à tout prix éloigner nos gosses. Mais ce n'est pas le cas, le seul spectacle qui nous est offert c'est celui de deux mauvais acteurs qui cabotinent en costumes à épaulettes en se déplaçant sur un parquet vert remplacé en post-production par une image anamorphosée du ciel terrestre nuageux directement achetée au documentaliste français YAB, Yann Arthus-Bertrand, l'auteur de Ma mère vue du ciel et de Home. Nous n'aurions donc pas bougé d'un millimètre depuis les origines du cinéma, sauf à régresser à la vitesse de la lumière. A part que c'est beaucoup plus laid qu'à l'époque et que c'est interprété par des méduses humaines.


Hyôga du Cygne et Ikki du Phoenix, aka les Chevaliers du Zodiaque.

Sans parler de la réalisation confiée à un ignare heureux, un faiseur de films d'action purement débiles (on doit à Louis Leterrier les chefs-d’œuvre que sont Le Transporteur et L'Incroyable Hulk). Quand on constate au générique de fin que c'est bien Louis Le-fox-terrier qui est aux manettes du film, on pige mieux la présence au casting de Mouloud Achour du Grand Journal de Canal+, qui avait dû quémander une apparition dans le film à l'antenne auprès du réalisateur ou d'un producteur littéralement pris en otages, et qui trimballe son énorme tronche dans une ou deux séquences d'un film au moins aussi crétin que lui, revêtu d'un paillasson mythologique mais non départi de ses grosses baskets américaines qui font un petit peu tache dans le contexte du film (mais on ne lui en voudra pas trop puisqu'il a accepté de laisser son énorme casquette à visière au vestiaire, élément pourtant crucial de sa panoplie de trentenaire urbain attardé).


Poséidon en slip dans Jason et les Argonautes.

Je ne sais pas pour vous mais personnellement l'image ci-dessus m'évoque davantage un Dieu beau, impressionnant, fort, puissant et unique que les deux acteurs cireux qui font un duel de profils en dents de scies sauteuses sur l'image précédente... Quant aux effet spéciaux, les deux photos parlent d'elles-mêmes et le film de 1963 avec ses dix roubles de budget explose le film de 2010 et ses dix billions de dollars au compteur. Gaston Bachelard écrivait : "On veut toujours que l'imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. (...) Si une image présente ne fait pas penser à une image absente, si une image occasionnelle ne détermine pas une prodigalité d'images aberrantes, une explosion d'images, il n'y a pas imagination." Le Choc des titans, et c'est bel et bien un choc que ce film, ne nous propose rien de tout ça, non seulement il ne forme aucune image mais il bloque l'imagination plus qu'il ne la stimule en nous balançant un visuel vu et revu, complètement éculé, et diablement moche par-dessus le marché. Si Dieu est mort et si les Dieux grecs sont morts avant lui, Louis Leterrier a utilisé beaucoup d'argent pour massacrer ce qu'il pouvait en rester, l'image, la représentation populaire.


Le Choc des Titans de Louis Leterrier avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Gemma Arterton et Mads Mikkelsen (2010)

La Colère des titans

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Nous recevons Joe Gonzalez, l'un de nos rédacteurs de poche, pour épingler de sa verve socratique le gros navet du jour. Les afficheurs, qui ont opté pour la tagline "Redoutez la colère", auraient dû redouter celle de notre invité, et le réalisateur du film, Jonathan Liebesman, littéralement "Jonathan Amour-d'homme", ne s'attendait sans doute pas à recevoir ce type de gifle pour son film :

Pourquoi s’embarrasser de coller à la légende, aux légendes, aux mythes, puisque pour le bien de « la suite », on ne s’embarrasse déjà plus beaucoup de l’histoire, du sens, de la vérité ? Ainsi renvoie-t-on Persée (Sam « aint worth-a-damn » Worthington) en quête de tout et de rien, de ce qui vient, de ce qu’il subsiste de mythe dit « grec » dans l’inconscient collectif et que l’on a tout loisir de déloger, de réinsérer et de peroxyder comme bon semblera à quelque scénariste bien peu soucieux de papy Hérodote ou du fantôme d’Appolonios. Est née La Colère des Titans


Depuis Avatar Sam Worthington a retrouvé l'usage de ses deux gambas mais toujours pas celui de son cervelet, lui qui n'a jamais eu la saine curiosité, pourtant commune à pas mal d'acteurs, de taper "méthode Stanislavski" sur google...

La Colère des Titans c'est autre chose que leur Choc, c’est plus méchant, plus définitif, plus tout ce qu’on voudra : c’est une suite. Pourquoi sont-ils colère, ces Titans ? Les humains ne croient plus du tout. Pas en les Titans. En les Dieux. Du coup, ces Dieux (dits « de l’Olympe ») perdent leur pouvoir et Cronos (père de Zeus, Poseidon et Hadès, Titan en chef) risque de s'échapper du Tartare, une gigantesque prison-roche souterraine, où ses rejetons l'ont enfermé il y a des lustres. Cronos (le seul Titan du film, d’ailleurs, Hollywood devait avoir une promotion sur les « s ») a donc une bonne raison d’être irascible.


C'est Renée Zellwegger qui a fait le con en refusant le rôle du Minotaure.

Alors (car le lien de cause à conséquence est aussi simple que ça) Persée, cette fois coiffé de bouclettes et plus souriant qu’à ses débuts, retrouve Andromède (qu'il finira par niquer, et qui est jouée par Rosamund Pike) et son cousin Agénor, le fils de Poséidon, personnage faire-valoir démolissant par sa seule non-présence tout ce que le premier film avait pu essayer de bâtir d’esprit de camaraderie (c’était l’une des rares envies à en sauver). Afin de sauver la Terre menacée par le réveil de Cronos, tout ce beau monde part donc affronter en vrac cyclopes, Minotaure (la scène la plus affligeante du film) et demi-bro Arès, le Dieu de la Guerre (joué par Edgar Ramirez, le Carlos d'Assayas). Hadès (Ralph Fiennes) finira par regretter d'avoir trahi Zeus (Liam Neeson) et à la fin du film, Hadès et Zeus enverront moult boules de feu et moult éclairs sur leur paternel mécontent (de la taille d'un mont).


Cronos, furax, à peine sorti de son trou volcaneux, fait l’aumône. De là à y voir une métaphore de la canaille socialiste révolutionnaire qui vit aux crochets des puissants, il n’y a qu’un pas (de titan).

Ce film rate le peu qu’il avait entrepris (ne reparlons pas d’imagination, ne mentionnons plus le respect des mythes, n’abordons même pas la question de l’esthétique) ; il est très laid et très bête mais il y a quelque chose dans le fond qui m'a frappé. Contrairement au premier film, celui de 1981, qui montrait les Dieux comme des tout-puissants snobinards et lourdement arrogants, la nouvelle franchise nous dépeint la fin de l'âge des Dieux. Une suite est d’ores et déjà prévue mais Zeus, Arès, Poseidon, Cronos : tous ceux-là sont morts, et Hadès n'a plus aucun pouvoir. Il est bien évidemment quelque peu débile d’avoir amené à un terme l’essence-même du titre et du contexte de la franchise dès la fin du second volet. Que faire jouer à Persée après ça ? Une guerre médique ? On n’est pas à une incohérence historique près puisque d’un point de vue historico-mythologique les grecs n'ont pas tué leurs Dieux si tôt. Il aura au moins fallu attendre les évangiles de Platon pour que la chute des Olympiens soit positivement entamée, mais il faudra surtout que le Christianisme renchérisse sur la Philosophie pour que les Dieux de l'Olympe disparaissent vraiment (ils étaient encore vénérés sous la domination de Rome, bien qu’ils portassent d'autres noms). Alors quoi ? On aurait tué les Dieux et leur géniteur par simple bêtise ? Les scénaristes de cette chose auraient cassé leur jouet sans connaitre l’histoire, sans connaitre les mécanismes de la franchise cinématollywoodienne (tuer des héros, oui, détruire l’entier contexte, non) ? Je n’y crois pas.


En 1981, non seulement ils faisaient de plus beaux effets spéciaux, mais ils faisaient aussi de plus belles Andromèdes.

Je refuse de croire à la seule bêtise. Ça me semble révélateur d'autre chose. Voir dépeinte ainsi la mort de Dieux m'a rendu le film beaucoup plus intéressant parce que je me suis trouvé choqué de voir des hommes détruire une statue gigantesque de Zeus (dans « Le Choc») ou de voir Zeus et Poseidon disparaître à tout jamais (dans « La Colère »). Je serais curieux de discuter théologie, Nietzsche et espoir avec les scénaristes (que par optimisme j’éviterai donc de nommer couillons) de ces deux films qui restent malgré tout de sacrées merdes.


La Colère des titans de Jonathan Liebesman avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Edgar Ramirez et Rosamund Pike (2012)

Twilight - Chapitre 1 : Fascination

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Quand nous est venue à l'esprit l'idée de s'attaquer à un Twilight Zone, on a hésité entre les épisodes "Hésitation", "Fascination", "Pénétration", "Temptation", "Damnation", "Rétractation", "Ablation" et "Avion". N'en ayant vu aucun, on a finalement choisi le premier de la série, celui dont l'affiche présente les acteurs à la sortie de leur dixième anniversaire. L'un des couples les plus en vue d'Hollywood devait se former devant le regard attendri d'un public moderne et averti ne s'étonnant plus qu'on puisse baiser comme des bêtes en étant encore enfant et quitte à présenter une demi-molle à une zézette timorée, une dame-pipi ne servant encore qu'à faire précisément pipi. Robert Pattinson et Kristen Stewart, choisis après un casting à la sauvage dans les écoles américaines, seraient donc les ganaches de demain.

Le premier, Bob Pattinson, aperçu en cours d'EPS par Catherine Hardwicke, la réalisatrice du film, grâce à un saut de cabri sur un cheval d'arçon, saut gigantesque fini étalé sur le mur, présentait dès le départ une tronche bien spéciale qui lui permet aujourd'hui de remplir la limousine de Cronenberg dans Cosmopoliscomme de côtoyer les plus grands éléphants dans De l'eau pour les éléphants. Quand il a passé le BSR, Pattinson a commis la lourde erreur de se présenter sans casque à l'examen, faute éliminatoire d'office d'habitude (un deux roues = un casque et deux phares éclairés la nuit ; ce sont les seules règles du BSR, une fois qu'on les respecte on peut faire le malade sur l'autoroute sans problème), mais l'examinateur l'a laissé conduire en lui indiquant ses sourcils et en lui disant : "Quant t'as des protections pareilles au-dessus du casque, pas la peine d'en porter !" La seconde, Kristen Stewart, réputée dans tout son bahut pour être la fille au visage le plus droit et à la peau la moins problématique de l'assemblée, et donc le fantasme number one de tous ses petits camarades, mecs ou femmes, s'est également faite repérer en cours de sport, où elle était la seule ravie de porter sa tenue idoine, ce petit shorty lui rentrant dans le derrière et surplombant des jambes rendues uniques par la peau la plus pure qu'on puisse imaginer, une peau de bébé mais même d'avant la naissance, une peau de fœtus, translucide, dégageant une odeur très forte mais de rosée du matin, terriblement agréable pour les hommes et tous les animaux planqués à proximité du lycée (on parle de vraies bestioles, pas de gros malades, et notamment ces vieux chiens qui rôdent toujours autour des aires de lancer de javelots, friands de rapporter un bâton mais à deux encablures de le recevoir entre les deux yeux, qu'on s'amuse à viser en poussant de petits cris aigus au moment de lâcher le projectile, espérant toucher notre cible et le regrettant pourtant aussitôt).


C'est en tournant dans Twilight Chapitre 1, le digne descendant de Buffy contre les Wampas et de son spin off Angel, que ces deux fanfarons sont inévitablement tombés amoureux et se sont promis de s'aimer pour toujours jusqu'à ce qu'une autre queue pointe le bout de son nez. En l'occurrence celle de Rupert Sanders, dit "le profiteur", réalisateur de Blanche-neige et le chasse-neige, dans lequel Kristen Stewart jouait Blanche Neige. Rupert Sanders n'hésita pas à faire passer Robert Pattinson pour un guignol en innovant sur quelques positions du kama-sutra, dont certaines ont fait le tour du monde après avoir été exécutées devant un parterre de pizzaïolos (c'était une partie du "deal" soumis à une Kristen Stewart ravie et prête à reprocher à son ex de ne jamais lui avoir proposé un tel trip). L'actrice aurait même envoyé un mail à son ancien compagnon pour lui dire que dans sa nouvelle relation avec Rupert elle avait davantage sucé de sang qu'en 25 chapitres de Twilightà ses côtés, et qu'elle avait été ravie d'apprendre que ces "choses"-là pouvaient non seulement se décalotter mais aussi doubler de volume en prenant une teinte rouge écarlate (sans omettre en PS de préciser : "Check your booty").




Catherine Hardwicke, la réalisatrice, a su remettre le vampire au goût du jour en adaptant la saga familiale de J.K. Rowlings, revue et corrigée à la sauce samouraï. L'histoire est d'une originalité frappadingue : Isabelle Swan, 12 ans, déménage dans le Comté de Grimbo en Alabama. Dans son nouveau lycée, elle craque pour le leader de la bande des gothiques, Edward Cullen, l'enculé de service aux yeux de tout le reste de sa promotion. DST de maths, devoir sur table de mathématiques, qui devient vite devoir sous table quand Ed Cullen doit former un binôme avec la petite Swan. Se rendant compte que son nouveau boyfriend rate tous les cours ayant lieu en journée et qu'il a déjà pris feu au niveau de ses sandales en traçant du lycée à 8h du mat' sur son vélo B-twin, Isabella Swan commence à pifer le truc, notamment quand elle découvre que son chéri n'a pas de reflet dans les miroirs tendus sous son nez, qu'il fuit l'aïoli comme la peste (même s'il n'est jamais là à l'heure du Self, mais c'est une déduction logique de la petite Isabella), qu'il a défenestré une vieille prof de français arborant un crucifix en pendentif, qu'il n'a pas pu s'empêcher en cours d'SVT de croquer une grenouille vivante et qu'il a une couleur de peau faisant passer Marylin Manson pour un Black Panther. L'héroïne commence à se dire qu'il y a anguille sous roche et que le bel Edward est une goule. Du fait de sa scolarité chaotique, le CPE du lycée décide de placer Eddy en tutorat, une aide aux devoirs réservée aux plus gros cancres du bahut qui consiste à leur adjoindre le plus balèze de la classe (technique qui s'avère désastreuse puisque les deux finissent au ras des pâquerettes, au sens propre comme au figuré, remember notre petit topo sur ce phénomène à l'occasion de la critique de Poltergeist). Le binôme du DST maudit et plein de MST qui s'en tira avec un beau 3 sur 20 se reforme ainsi au grand bonheur de Swan qui aura l'occasion de découvrir l'antre d'Edward Culoden en lui proposant des cours du soir. Lors d'un rapport non-protégé, Swan devient Nosferatu et découvre le petit monde de la nuit de Narnia.


Twilight - Chapitre 1 : Fascination de Catherine Hardwicke avec Robert Pattinson et Kristen Stewart (2009)

Faust (2012)

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Mon invité du jour P-E Geoffroy se joint à moi pour dire quelques mots du dernier chef-d’œuvre en date d'Alexander Sokurov, auquel Darren Aronofsky a eu la sage idée de remettre le Lion d'Or du meilleur film au festival de Venise 2011.

Alexander Sokurov dit qu'il n'a réalisé cette humble œuvre que dans l'espoir de faire relire Goethe. Parce que c'est important de le relire en nos temps d'économies et d'écosystèmes troublés. Laissons l'humilité aux sans-talents et qu'un cinéaste aussi talentueux assume, son Faust est un très grand film de cinéma, un point c'est tout. Enfin c'est pas tout à fait tout, parce qu'il y a pas mal de choses à en dire. N'ayant pas lu le Docteur Faustus de Thomas Mann, ni toute l’œuvre de Goethe d'ailleurs, il nous manque des points de chute mais nous avons pu voir les divergences, les libertés prises par Sokurov, notamment autour du personnage éponyme qui ici prend corps (il a un père, il a eu une mère, il a faim), et il nous semble aussi, entre autres choses, que la fin du film ne suit pas exactement le parcours de Faust et Mephistophélès, qui ne croisent chez Goethe et d'après d'anciens souvenirs pas seulement un geyser mais plusieurs et dont l'ascension de la montagne nous semblait davantage marquée par des rencontres, et notamment de davantage de damnés. Cependant peu importe. Ce que Sokurov a fait de l'histoire de Goethe est magistral, et pas seulement parce qu'il rend hommage au parcours "initiatique" (car c'est presque digne du bildungsroman, cette histoire-là !) de Faust, à qui Mephisto apprend à se détacher de son âme, progressivement, jusqu'au moment où il est prêt à signer le contrat, et qu'il guide lentement jusqu'aux sommets, ne l'abandonnant qu'au terme de son voyage initiatique, prêt à devenir lui-même un démon (ce qui fait le lien avec Moloch, Taurus, et Le Soleil, les autres épisodes de la tétralogie de Sokurov).




Non, ce qui est le plus intéressant, le plus beau et le plus admirable, c'est la manière de le raconter. Ce récit mettant en lumière bien moins la duplicité du diable que son accointance avec l'homme, rendue par la phrase de Wagner : "Il n'y a pas de Bien, mais le Mal existe", est mis en scène et en lumière d'une façon aussi abjecte que magnifique. La beauté (de Margarete, de Faust lui-même, élégant professeur, du village dont on voit sans cesse les recoins, la camaraderie, les animaux en liberté) est nimbée d'une couleur verdâtre, délavée voire jaunâtre qui empêche (à l'exception de ce plan surréaliste sur le visage de Margarete juste avant qu'elle n'apprenne que Faust est l'assassin de son frère) à cette beauté de prendre son envol. C'est une fange permanente qui maintient tout le contenant de l'histoire (jusqu'à ce que Faust se retrouve face aux blanches montagnes qui n'attendent que lui pour les salir) au niveau du sol, voire en-dessous. Une promiscuité symbolisée par le langage, omniprésent, incessant et que Mephisto lui-même critique sans cesse ("Quelle horrible langue vous avez, vous les allemands"). Une parole incessante et sans cesse polluée par entremêlement. Mephisto en effet ne cesse jamais de parler en même temps que Faust, sa voix elle-même est double d'emblée, et lorsque Faust parle seul ou à un tiers, Mephisto répète ses mots, comme un écho perfide, un miroir déformant.




De même les corps, eux-aussi emmêlés, poussés l'un contre l'autre, que ce soit Mephisto ne laissant aucune trêve physique à Faust, la grosse femme ou Wagner, voire Ida la gouvernante qui s'insère entre Faust et Mephisto au moment de passer la porte, Faust pris dans la bousculade au moment de passer le tunnel (lorsque les cochons côtoient le corps d'un mort et que les voix criant en off "laissez passer les porcs !" s'appliquent directement à ces êtres humains grouillant et se bousculant), ou bien encore cette exploration du "trésor" de Mephisto (Mauricius, l'usurier, qui n'est pas sans évoquer au passage une quelconque allusion au "juif" proverbial), lorsque les deux personnages, alors encore les deux faces d'un même miroir, se croisent et se tombent dessus dans cet énorme amas de richesses qui s'apparente visuellement à un tas de fumier. Tout est promiscuité jusqu'au champ de vision perpétuellement encadré par des parois, des couloirs étroits, des habitations à la muraille naturelle faisant face à la maison de Margarete en passant par les innombrables ruelles oppressantes du village, et même lorsque Faust gambade hors du bourg, il semble encerclé par un sentier profond, taillé dans la colline automnale ou taillé dans la roche de la montagne. C'est d'ailleurs dans un trou que le Faust révélé finira par ensevelir Mephisto.




Les corps collés, amassés, rampant, pesant, sont toujours plus acculés par les effets d'anamorphose chers au cinéaste et qui tendent à déformer l'image pour l'écraser sur elle-même ou l'aplatir sur sa base, signifiant tantôt l'intrusion du mal et du vice dans les scènes, une sorte de corruption à l’œuvre, tantôt provoquant, y compris chez le spectateur, le sentiment d'une perte de repères et d'équilibre, figurant quoi qu'il en soit un monde à la renverse où les hommes sont forcés de s'appuyer contre les murs étroits de leurs demeures et village pour avancer peu ou prou. La conjugaison des décors exigus, de la photographie aux couleurs presque moisies et des effets d'image ramassée donnent au film de Sokurov une dimension fin de siècle très d'actualité que ne possédait pas le Faust de Murnau, beaucoup plus vaste (le cinéaste russe n'a pas repris le voyage en Italie où Faust rajeuni est censé séduire la plus belle femme du monde), beaucoup plus comique (Mauricius est loin d'Emil Jannings, de ses grands costumes et de ses géniales poses grotesques), beaucoup plus optimiste aussi (le final grandiloquent de Murnau où l'archange Gabriel enseignait le mot "Amour" à Méphisto n'a pas lieu de figurer ici). Le mythe est en cela totalement revisité pour faire le portrait d'un monde décadent où les hommes grouillent en vain, tiraillés par la faim et obnubilés par la matière.




Tout ne repose, sans grande magie, que sur les questions humaines les plus simples, celles que tous se posent (ils font la queue !) et auxquelles Mephisto ne répond jamais, lui qui préfère rester un homme en apparence pour eux que de faire étalage de ses pouvoirs, les laissant ainsi au ras du sol. Il n'use de ses dons qu'avec parcimonie, et surtout lorsqu'il en a besoin pour faire avancer Faust sur son propre sentier, sans jamais lui imposer une diablerie de trop qui l'effraierait ou l'empêcherait d'accomplir le destin qu'il lui réserve et qui consiste à en faire un démon, un "égal". Le film s'ouvre sur le sexe d'un homme (mort) et la vie de Faust se clôt sur le sexe d'une femme (damnée) et rien n'importe que cela. Entretemps Méphisto a fait son œuvre, triste démon difforme affublé d'un sexe minuscule accroché en bas du dos comme une queue de diablotin, et dans la même scène des bains où le corrupteur s'est dévoilé, Sokurov a osé faire ce plan où Faust, profitant de la distraction de Margarete obnubilée par la monstrueuse nudité de Méphistophélès, est allé se placer derrière elle et, en se penchant sous sa robe, a observé son sexe nu. Pour une femme, Faust s'est trahi, pour une femme il est devenu le diable qu'il a si longtemps côtoyé. Pour une femme, pour un appétit charnel, c'est à dire pour ce qui l'enchaine, lui et tous les autres, à la fange dans laquelle ils sont condamnés à patauger, loin de toute philosophie, astrologie, sciences, qui ne sont, de toute façon qu'une façon de passer le temps, une broderie.




Trois séquences en particulier font en outre atteindre des sommets au dernier film de Sokurov. Trois séquences touchées par la grâce où le cinéaste travaille différentes strates de l'art cinématographique. Les mouvements des corps dans l'espace d'abord, quand, à la fin de la promenade dans les bois de Faust et Margarete, isolés d'un côté, en haut d'une crête, et de Mauricius et la mère de la jeune fille de l'autre, laissés par leurs cadets sur le chemin en contrebas, les couples se défont et se reforment, Mauricius rejoignant Faust en haut et la mère de Margarete invectivant sa fille pour qu'elle daigne la rejoindre en bas. La topographie et les mouvements de caméra peuvent vaguement faire penser, sinon dans les faits du moins par la beauté de la représentation, à cette scène incroyable dans Les Amants crucifiés de Kenji Mizoguchi où le personnage principal, Moheï, dévale une colline pour aller secourir sa maîtresse blessée au bas de la pente, même si là au contraire l'espace se creuse sans se combler entre les deux amants. Les jeux de regards et de volteface entre Faust et sa bien-aimée, traduits par une mise en scène aussi scrupuleusement organisée que fugace, pourraient être montés en boucle sans qu'on s'en lasse.






Le tissu de l'image ensuite, dans cette scène déjà évoquée où Margarete va retrouver Faust chez lui pour savoir si oui ou non il a bien tué son frère. Les deux personnages, comme s'ils repoussaient tous deux le moment de l'aveu, sont alors suspendus dans un long champ-contrechamp en très gros plans et au ralenti d'une sensualité sans pareille et qui dit sans mot l'amour qui les unit, et les plans sur Margarete notamment, c'est-à-dire sur l'actrice blonde aux yeux clairs Isolda Dychauk et son visage poupin baigné d'une lumière claire dorée, vivifié par un cadre flottant insensiblement, fascinent également sur toute leur durée en transformant imperceptiblement l'image d'un visage lui-même en constante métamorphose. Enfin, Sokurov sublime l'art du montage quand, un peu avant la fin du film, Faust rejoint Margarete sur le bord du fleuve de la mort, la prend dans ses bras et tombe avec elle dans l'eau. Sokurov enchaîne trois plans où l'on voit d'abord Faust, suivi en travelling avant et en légère plongée, approcher du rivage et de la jeune femme en plan moyen, puis l'enlacer dans un gros plan de dos qui nous montre Margarete, et son sourire radieux, détournant le visage vers la caméra avant qu'un ultime plan large en plongée, beau comme l'effondrement en robe violette de l'héroïne de L'Étau d'Hitchcock, montre le couple uni sombrant aussitôt dans le fleuve. Devant ce genre de scènes on reste ébloui, on peine à mettre des mots sur la force des images et on se dit qu'on voit encore d'immenses choses au cinéma.


Faust d'Alexander Sokurov avec Johannes Zeiler, Anton Adazinsky, Isolda Dychauk, Georg Friedrich et Hannah Schygulla (2012)

Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban

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Qui peut dire qu'il est passé entre les gouttes ? Qui peut certifier que le phénomène Harry Potter ne l'a pas directement ou indirectement atteint ? Qui n'a pas eu son petit frère, sa petite nièce ou son petit petit petit fillot pour le traîner devant un épisode au moins de la saga ? Nous on a eu le petit Poulpard qui nous a suppliés de l'emmener voir le troisième opus au cinéma et on a dû céder, la mort dans l'âme. C'était en juillet 2004 ou quelque chose comme ça. Lors d'une fête du cinéma, argument massue pour qu'on accepte de supporter ce spectacle en salle. Harry Potter 3 Prisonniers d'Escaflowne est de loin le meilleur des neuf films. Les producteurs de la série, après avoir confié les deux premiers volets à Chris Columbus, le yesman le plus docile et inoffensif de la planète Hollywood, eurent l'idée de remettre le projet entre les mains de J.K. Rowling himself, l'auteur des bouquins. Mais un rapport médical établi la veille du tournage a révélé une insuffisance cardiaque chez l'écrivain, de fait incapable d'assurer un tournage de trois mois minimum impliquant de manœuvrer une colonie de vacances pour gosses de riches. Après un petit brainstorming, c'est le nom de Guillermo del Toro qui est sorti du chapeau, un sombrero en l'occurrence, cinéaste dont le C.V. semblait correspondre au cahier des charges. S'étant justement perdu dans le labyrinthe de Pan's, Del Toro n'a pas pu répondre présent et le studio s'est logiquement rabattu sur Alfonso Cuaron, le seul autre chicanos disponible ce jour-là. L'auteur de Y Tu Mama Tambien allait apporter un nouveau souffle au cinéma espagnol en traçant sa route au pays de l'Oncle Sam pour diriger le troisième épisode tant attendu des aventures d'Harry Potter.


Alphonse Cuaron, réalisateur d'Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban et lui-même ex-prisonnier d'Alcatraz.

Harry Potter, magicien orphelin appelé à l'école de Pouddlar pour masteriser ses dons, est ici confronté au prisonnier d'Azkabans. Le film débute quand Harry voit sa troisième année de licence de magie à Pouddlar interrompue par quelques impayés au Crous. Voldemort (Alan Rickman), dont le nom trahit quelque peu le penchant pour la méchanceté, organise alors un concours de hockey sur gazon sur balais, aka le poudling, dans lequel Harry triomphe, aidé par son copain rouquin à tronche de merde (nous ne voyons pas comment le dire autrement) et sa copine Hermione à croupe de feu (copine du rouquin s'entend). Le scénario commence vraiment avec les premières emmerdes sérieuses d'Harry : Sirius Black (Gary Oldman), dont le patronyme révèle également un goût prononcé pour la noirceur de sentiments, s'échappe d'Azkabans, le pénitencier des sorciers, et kidnappe les parents adoptifs d'Harry pour les revendre à Voldemort et ensuite tuer le petit illusionniste. Seule une alliance de nos trois apprentis magiciens préférés pourra empêcher Voldemor et Serious Black de mettre fin au monde. On ne va pas vous raconter tous les épisodes et autres rebondissements terribles du script, lisez la liste des chapitres du bouquin sur wikipédia : Hibou Express, La Grosse erreur de tante Marge, Un épouvantard dans la penderie, Un gros colombin dans la cuvette, Une taupe sur le seuil, Boursier échelon 0 au Cnous, Le Baiser du détraqué, Le sombre PACS de Sirius Black et Voldemor, etc. Autant de petits cailloux dans les souliers d'Harry Potier. Mais le clou du film, c'est ce moment où nos trois prestidigitateurs de malade utilisent le "retourneur de temps", un collier de perles en or pesant dix kilos mais rendant de sacrés services, qu'il leur suffit d'enfiler pour littéralement "retourner le temps" (?). Hermione avouera s'en être servie tout au long de son cursus universitaire pour déglinguer ses partiels et faire en sorte que son copain rouquin demeuré cartonne aussi et sorte majordome de sa promo. Les trois illusionnistes de folie assistent alors en spectateurs aux scènes qu'ils ont déjà vécues et parviennent à changer le cours des évènements en modifiant de minuscules détails ici ou là, tel geste à tel moment, tel pet lâché à tel endroit et ainsi de suite. Cette séquence est la plus belle jamais tournée. Non seulement dans la saga Harry Potter mais sans doute dans l'histoire du cinéma.


Comme souvent dans les romans d'heroic fantasy, le vieux magicien est pédéraste. On se rappelle de Gandalf le gland dans Le Seigneur des anneaux qui trippait sur les gros pieds plats des Hobbits. Ici c'est l'ami rouquin d'Harry, incarné par l'acteur-réalisateur Ron Howard, qui se fait tripoter le capiton plantaire par Dumbassdore.

C'est durant la promo de ce film que Daniel Radcliffe eut la sale idée de poser nu entouré de chevaux, allongé dans le foin. Radcliffe en tête d'affiche, c'est le choix de Columbus, qui avait déjà repéré Macaulay Culkin dans Maman j'ai raté l'avion. Columbus a le don de dénicher des purs freaks en devenir puisque c'est également lui qui a repéré la star de la sitcom Malcolm et qui a conseillé Haley Joel Osment à Shyamalan pour Sixième sens. Columbus a toujours pensé qu'il fallait choisir des enfants expressifs et aux visages déjà taillés à la serpe pour faire de bons acteurs. Découpez la tête d'Haley Joel Osment dans Un Monde meilleur et collez-là sur le corps de Bruce Willis dans Die Hard 3 et vous obtenez un adulte tout à fait accompli, plutôt boloss. Sauf que l'adolescence passe par là et vient dynamiter ces ébauches prometteuses. Pour les petites filles futures starlettes c'est Luc Besson le spécialiste, l'homme qui a repéré Natalie Portman puis qui a chuchoté le nom d'Alyssa Milano à Tony Danza pour Madame est servie. Concernant ces demoiselles, il vaut toujours mieux choisir des gamines aux visages doux et innocents puis croiser les doigts pour que la magie opère. Or la baguette d'Harry Potter a manifestement fait son effet sur Emma Watson, qui n'est pas devenue la Elizabeth Taylor ou la Jodie Foster des temps modernes mais qui a tapé dans l’œil d'une quantité astronomique de fans plus ou moins dérangés d'Heroïc Fantasy. Le malaise survient quand on se rend compte que les fans harcore actuels de la jeune actrice, née, rappelons-le, fin décembre 1990, avaient déjà pour un certain nombre d'entre eux 23 piges en 2001, sachant qu'Emma Watson avait la bagatelle pour un massacre de 11 ans cette année-là. Du coup qu'est-ce qui excite ces gens-là ? Et surtout, comment on enchaîne là-dessus ?


Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban d'Alfonso Cuaron avec Daniel Radcliffe, Emma Watson, Gary Oldman et Alan Rickman (2004)

La Chasse

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J'ai troooooop envie de chier. Tous les matins dans le tromé je vois partout cette affiche et moi les affiches ça m'atteint directement au cerveau, et par là au cul, et du coup tous les matins, tous les JOURS, j'ai grave envie de caguer, et c'est la faute à Vinterberg et Mikkelsen.

Ce qui me tue vraiment c'est de voir qu'à côté de l'affiche, systématiquement, y'en a une autre qui dit : "Le film préféré des lectrices de ELLE", avec des citations du genre "Un coup de poing dans la gueule - Elodie de Paris", ou "Une vraie claque dans la face - Josette de Jouy-en-Josas". Ca ça me tue, parce que je me dis qu'il peut marcher ce film de merde.


La Chiasse de Thomas Vinterberg avec Mads Mikkelsen (2012)

Don't Be Afraid of the Dark

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La panne d'imagination outre-Atlantique est telle que l'on en vient même à réaliser des remakes de téléfilms ! Don't Be Afraid Of The Dark est en effet le remake d'un téléfilm ABC sorti dans les années 70 et ayant acquis au fil du temps une certaine réputation auprès des mordus d'horreur, parmi lesquels Guillermo Del Toro, ici producteur et co-scénariste. Malgré cela, peu de gens ont vu ce téléfilm, alors sur un malentendu, cette nouvelle mouture pouvait passer pour une création originale. Mais y a t-il seulement quelque chose d'originale là-dedans ? Non, pas vraiment. L'histoire est des plus basiques : une petite fille emménage dans une immense baraque dont son tocard de père (Guy Pearce) et sa nouvelle petite amie (Katie Holmes) ont héritée ; très vite, la gamine découvre que les sous-sols de la maison sont hantés par des petites créatures belliqueuses, grisâtres et hideuses, qui n'ont peur que d'une seule chose, la lumière. Étant la seule à se rendre compte de la présence de ces bestioles, la gamine ne sera pas prise au sérieux par son entourage et devra trouver de l'aide auprès du vieux jardinier, un type un peu débile mais bien au courant du passé trouble de la maison et de son terrible secret...



Tout le suspense du film va donc être basé sur ces moments où l'on sera supposé redouter que la lumière s'éteigne, comme par exemple lors de ces scènes pénibles où la gosse s'endort tandis que les vilains gobelins font tout pour foutre en l'air sa lampe de chevet restée allumée, tirant sur le fil électrique de toutes leurs forces, alignés et bien coordonnés, un peu à la manière de cet idiot jeu breton dont le but est de pousser l'équipe adverse dans une grosse flaque de boue en tirant sur une corde. Sans doute appréciable quand on a 15 grammes d'alcool par litre de sang, ce jeu devient assez attristant lorsqu'on le voit simplement pratiqué par une bande de créatures dénué de charme et d'humour. Bien plus sympathique, cette scène où Guy Pearce, plus à la rue que jamais, croit bien faire en venant border sa gosse dans son sommeil, comme tout bon père de famille, et finit par éteindre la lumière en lui adressant un dernier regard amoureux, ne sachant pas qu'il la livre ainsi à ces salopards de nains rachitiques. Plus amusante encore, cette scène anormalement longue où la gamine supplie son imbécile de père de pouvoir pioncer la lumière allumée. Prétextant qu'il doit faire des économies d'électricité et que ses fins de mois sont "ric-rac", Guy Pearce ne veut rien entendre et appuie sur l'interrupteur avec autorité, l'index de la main droite bien ferme. S'ensuit alors ce que j'appellerai une "baston d'interrupteur" sans équivalent dans l'Histoire du cinéma. Dans l'embrasure de la porte de la chambre, Guy Pearce a le contrôle d'un interrupteur et éteint la lumière aussitôt que sa petite fille la rallume depuis son lit, auprès duquel un autre bouton est situé bien à sa portée. Malicieuse et se prenant rapidement au jeu, la gamine anticipe petit à petit les agissements de Guy Pearce et se met en place une véritable bataille psychologique intergénérationnelle. La fillette devance volontairement son paternel, lequel allume donc la lumière alors qu'il souhaitait l'éteindre ! Dépassé et à cran, Guy Pearce finit par abandonner et par tourner les talons, particulièrement fumasse. Les petites bestioles, qui s'amusaient beaucoup devant ce spectacle absurde et qui commençaient même à prendre les paris, se mettent alors, elles aussi, à tirer la tronche. Quant à moi, j'étais agréablement surpris d'enfin voir dans un film tout public une scène que j'ai jouée avec mon frère toute mon enfance !



Malheureusement, les scènes comiques comme celles-ci demeurent très rares quand ça n'est pas tout simplement moi qui les invente pour vous rendre cet article un brin plus agréable... Don't Be Afraid of the Dark est avant tout un triste film, qui ne fait hélas même pas partie de ceux que l'on peut regarder au second degré pour rigoler un peu et passer un bon moment entre amis. Un film qui accumule les scènes déjà vues mille fois ailleurs et qui échoue à peu près sur toute la ligne. Les acteurs ne viennent pas sauver la mise en scène inexistante du dénommé Troy Nixey, qui signait là son premier long métrage. Guy Pearce, visiblement très peu concerné par le film, livre sans doute la prestation la plus ridicule de sa carrière. Et puis quelle idée d'avoir embauché Katie Holmes pour jouer le rôle d'une femme adulte ? Cette actrice devrait être cantonnée aux teens movies, dans la peau de n'importe quel teens ! Elle a déjà un mal de chien à camper son propre rôle dans la vraie vie, celui d'ex-épouse de Tom Cruise et mère de ses enfants, elle n'est pas crédible une seconde, et elle réussit à l'être encore moins dans les quelques films de seconde zone que son mari tyrannique l'autorisait à tourner.



Le film est donc estampillé Guillermo Del Toro, c'est même lui qui a légèrement dépoussiéré le scénario original, faisant ça sans doute à la sauvette, entre deux tacos (il se nourrit essentiellement de tacos). On a donc droit à une petite fille brune mignonne dans le premier rôle, à une affiche un peu plus soignée qu'à l'accoutumée, et... Quoi d'autre ? Rien. Ah si, on a aussi droit à un gros labyrinthe, planté là au beau milieu du jardin on ne sait pas trop pourquoi, et à des décors un peu surréalistes, qui participent au petit côté onirique très artificiel de l'ensemble. D'ordinaire chargé en références lovecraftiennes, c'est cette fois-ci d'Arthur Machen dont Del Toro semble s'être légèrement inspiré pour apposer sa patte personnelle au téléfilm de 1973, en faisant de ces créatures luminophobes des êtres ancestraux à moitié féériques. La mythologie qu'il a essayé de développer autour de ces bestioles est peut-être l'aspect le plus original du film, mais cela ne suffit pas pour que l'on s'y intéresse, car tout cela est fort mal amené. En outre, face à l'extrême platitude du spectacle proposé, on se demande parfois si on est bel et bien face à un film d'horreur, la seule scène potentiellement effrayante ayant déjà été dévoilée dans la bande-annonce, le reste n'étant qu'ennui. C'est bien simple : ce film m'a totalement coupé l'envie de découvrir un jour le téléfilm dont il s'est inspiré. Peut-être reconnaissons-nous ainsi les plus mauvais remakes...


Don't Be Afraid of the Dark de Troy Nixey avec Bailee Madison, Katie Holmes et Guy Pearce (2011)

Le père de mes enfants

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Quitte à employer des termes un peu rebattus, galvaudés, mais qui reprennent ici tout leur sens, il faut bien dire que ce film est beau, qu'il est beau, juste et poétique. Mia Hansen-Løve accomplit bien des choses, des plus rares, des plus inaccessibles, et c'est là seulement son second film, réalisé dans la continuité de Tout est pardonné et le surpassant déjà de beaucoup. Du début à la fin et sans interruption, la justesse du ton, de la direction d'acteurs et de la mise en scène est un miracle. Sur un sujet pourtant particulièrement difficile, puisque le scénario s'inspire du suicide du producteur Humbert Balsan et traite non seulement de la fin prématurée d'un homme endetté, fatigué, "en faillite", frappé par une dépression fulgurante due à un terrible sentiment d'échec, mais de la vie de ses proches, qui doit continuer quant à elle, la cinéaste nous fait parvenir nombre de sentiments, d'impressions, d'intuitions, qui sont intrinsèquement d'une fragilité absolue et qui ne peuvent se constituer en objectifs à atteindre a priori (c'est peut-être là que tant de réalisateurs font fausse route), du fait même que ces choses-là se dérobent dès que l'on cherche à les approcher frontalement, avec volonté. J'emprunte cette idée au "Carnet d'une cinéaste" de Pascale Ferran, rédigé durant le tournage de son chef-d’œuvre Lady Chatterley, parce que les deux films, quoique tout à fait différents (d'un point de vue thématique Le Père de mes enfants aurait plus à voir avec le précédent film de Pascale Ferran : Petits arrangements avec les morts), peuvent parfois se vivre assez semblablement et parce que tous deux font naître ce même genre d'émotions vives et intactes, provoquées par la tendresse et la poésie de la plus naturelle présence des choses, qui plus est quand elles sont soumises à notre regard avec une intelligence et une douceur sans pareilles. Les deux films font également partie des plus belles œuvres françaises de ces dernières années et leurs réalisatrices sont à compter parmi les cinéastes contemporains les plus admirables.




Parmi ces choses que Mia Hansen-Løve parvient délicatement à nous faire éprouver, il y a l'absence. Quoi de plus improbable ? Et pourtant. Ce n'est pas tellement d'une disparition dont il est question, comme dans Tout est pardonné, où l'acteur principal, quittant l'écran et le fil du récit, se cachait pour mourir. Il ne s'agit pas non plus d'un effet de surprise comme quand l'héroïne de Psychose se faisait assassiner à mi-parcours et sans préavis. C'est d'un autre domaine. La mort est là, elle produit un effet de choc bien qu'elle soit attendue, filmée avec distance mais dans le même temps avec une sécheresse qui en trahit la brutalité (fulgurance du plan qui commence presque au milieu du coup de feu, comme si rien d'autre n'était plus possible, comme si on arrivait déjà trop tard). Le plan n'est ni trop long, ni trop court, comme d'ailleurs tous les autres plans du film qui n'ont pourtant rien à voir avec celui-ci, véritable coup de massue dans le corps de l’œuvre et sur le spectateur.




Après ce plan couperet, on ressent en nous-mêmes une absence. C'est un peu comme la fameuse phrase rapportée par Gilles Deleuze : "Dans une conversation sur le montage, Narboni, Sylvie Pierre et Rivette demandent : où est passée Gertrud, où Dreyer l'a-t-il fait passer ? Et la réponse qu'ils donnent c'est : elle est passée dans la collure (...) Gertrud est passée dans ce que Dreyer appelait la quatrième ou cinquième dimension". Nous avons vu mourir le père (Louis-Do de Lencquesaing), et pourtant demeure ce sentiment que le film l'a avalé, nous l'a dérobé. C'est à dire que l'acteur, omniprésent jusqu'à cet instant, manque concrètement à l'image, au film, qui se voit comme amputé. Inutile de préciser que ce manque est évidemment transformé en gain sur le plan cinématographique. Cette absence de la personne physique dans le cadre fait ressentir par projection au spectateur le manque des autres personnages pour l'être qui leur est cher. Puisque c'est le manque qui rend la disparition d'un proche insupportable, la prise de conscience immédiate qu'on ne verra plus l'autre, qu'il ne sera plus là, qu'il sera désormais impossible, interdit, Mia Hansen-Løve s'est attachée à filmer ce sentiment si difficile à exprimer et, mieux, est parvenue à rendre le palpable au spectateur. L'intuition de cette absence irréparable passe aussi par la finesse avec laquelle elle filme les autres : l'épouse (Chiara Caselli), le frère (Eric Elmosnino), les trois filles, les collègues de travail, les lieux. Toutes ces séquences pourraient si facilement être ratées que tout ne tient qu'à un fil, et Mia Hansen-Løve progresse sur ce fil avec légèreté et mystère, avec la grâce de l'intelligence et de la sensibilité.




Cette finesse se traduit déjà dans le traitement de la chute progressive et néanmoins extrêmement brutale du père. On pourrait penser, juste avant l'instant du suicide, que tout va trop vite, que le personnage passe trop rapidement peut-être de la gaieté à la détresse. Mais on ne se le dit pas, ou alors on se corrige très vite. Parce que le chemin jusqu'à la mort est lui aussi brillamment construit. On sent peser la détresse sur les épaules du personnage quand il marche dans la rue d'un pas court et l'air abattu, quand il s'allonge dans son bureau, littéralement épuisé, ou en proie au doute absolu dans cette scène magnifique où il retrouve sa femme la nuit, sur un pont, et cherche du réconfort auprès d'elle avant de lui demander si elle ne le quittera jamais. Et puis les gens qui en arrivent là sont souvent ceux dont on ne l'attendait pas, qui précisément gardent tout pour eux au point de ne plus rien soutenir. Et puis surtout, on ne sait pas tout. D'où l'idée du fils caché. Réalisé par n'importe qui d'autre ou presque, le film serait tombé dans ce piège-là, dans les travers d'un scénario de mélodrame agaçant. Le fils caché aurait servi à "faire une scène", ce qui pourrait sembler vital au cinéma mais qui l'étouffe la plupart du temps et que Mia Hansen-Løve ne fait jamais. Pire, il aurait servi de preuve irréfutable, d'explication rationnelle à la vie dissolue du héros et à sa déchéance programmée, beaucoup en auraient fait une clé, un élément de secours pour nous convaincre quant aux mensonges de ce père, aux faux-semblants de son existence, pour nous donner une raison valable à son suicide. Or pour Mia Hansen-Løve c'est une très belle et très sobre façon de dire que le père a vécu avant sa femme, avant ses filles, que les choses sont plus compliquées qu'on ne le croit et qu'elles sont très simples à la fois. Pas de quoi tergiverser. Il n'y a pas de mystère comme dans les mauvais romans, à moins de considérer comme tel la fatigue, la tristesse arrivée à un point de non-retour. Les faits sont là, ils sont filmés, simplement, et tout est à l'avenant dans le film. Une vérité intime et profonde se dégage de chaque plan, de chaque instant, et si l'on éprouve physiquement un manque, l'on est saisi parallèlement - et c'est ce qui nous sauve de toute tendance à l'accablement, car la cinéaste, contrairement à un certain nombre de ses contemporains sur des sujets similaires, n'a pas le projet de nous mettre à bas - par une forme d'émerveillement devant la seule présence de l'autre.




Mia Hansen-Løve se maintient toujours dans le présent du monde, dans l'espoir d'arriver à faire venir au plan la présence des choses et des gens. Lorsqu'elle filme la fête où Clémence (Alice de Lencquesaing), la plus grande des trois filles du producteur, se rend avec son jeune ami scénariste, on pense évidemment au cinéma d'Olivier Assayas et à ce qu'il a eu de meilleur à ce jour (notamment L'eau froide), et l'on ne peut que se réjouir de voir que la réalisatrice tire de cette séquence à la fois son minimum et son maximum. En très peu de plans, très peu de temps, en ne filmant presque rien au fond, elle dit tout et plus encore, elle dit la vérité des jeunes filles qui se rendent à des soirées dans des appartements haut perchés avec des garçons qui leur plaisent plutôt bien. Et l'on peut inverser les termes de la phrase à souhait. Elle dit tout de nous, de vous et de moi, qui sommes tous déjà entrés dans un appartement festif un soir, sans mot dire, avec peut-être un demi-sourire, timide et enjoué, et l'espoir peut-être de tomber amoureux, avant de rapidement trouver le balcon et de se pencher avec curiosité à la rambarde, au-dessus de la rue, pour fuir un instant le monde avant de s'y mêler. Si nous ne l'avons pas nécessairement fait dans les termes, nous en avons l'intime conviction, car cela fait partie de nous et d'un souvenir commun intuitif, immémorial et sensitif éminemment personnel et étrangement partagé. Thierry Hentsch, dans l'à-propos de son dernier livre, Le Temps aboli : l'Occident et ses grands récits, écrit : "(...) la littérature n'est rien d'autre que la vie réfléchie, ressaisie, (…) elle est l'expression étonnante de ces moments très simples que tous les poètes cherchent à dire depuis toujours, et dont la fragile jouissance nous donne pour une étincelle d'éternité le sentiment d'être dans le Temps Aboli". C'est un sentiment rare en littérature - miraculeux dans les premières pages d'A la recherche du temps perdu pour ne donner qu'un exemple au pur hasard - et peut-être plus rare encore au cinéma, que Mia Hansen-Løve réussit pourtant à créer. Encore rédactrice aux Cahiers du cinéma, la future réalisatrice écrivait en novembre 2004 (N°595) à propos du Jeune Werther deJacques Doillon : "Le Jeune Werther, notamment, est le seul film à avoir rendu, de façon aussi exacte, ce que fut l'ambiance, la musique intérieure de ces années-là, à Paris, pour des enfants de 13-14 ans. Le choc - répété lors des visions ultérieures - fut pour nous celui de retrouvailles inespérées ; cette délivrance a lieu quand une œuvre donne un caractère tangible à ce qu'on croyait voué au néant, confus, indicible". Les mots de la critique sonnent comme un manifeste par anticipation, comme la profession de foi d'une cinéaste alors prête à éclore. A la fin de la courte séquence de fête nocturne, Clémence se retrouve avec son ami dans le petit appartement parisien d'icelui, et après avoir tourné un instant en rond dans un silence aussi gêné que complice, la jeune fille - qui a un profil extraordinaire et des cheveux sublimes, cheveux et profil que Mia Hansen-Løve a vus, a su voir, et filmer - s'allonge sur un canapé quand la caméra s'attarde un moment sur sa chevelure blonde et un peu folle, placée presque au centre du cadre, qui se détache sur le vert du canapé dans l'obscurité du soir. C'est une image magnifique, un tableau, de la poésie pure. On a un sentiment de première fois, d'ici et de maintenant, devant de telles images et de tels moments. Idem quand la même jeune fille, tout de suite après, au lendemain de sa première nuit avec le jeune homme, s'installe seule dans un bar pour commander un café, pas allongé, sans crème ? Juste un chocolat chaud. Il ne se passe rien. Rien du tout. C'est à peine si la caméra recadre en gros plan l'ovale éblouissant de la demoiselle, qui tourne le visage vers la droite à plusieurs reprises. Et alors il n'y a que son profil, la lumière, un regard. Tout est là. La grâce d'un visage filmé avec grâce. C'est là toute la richesse poétique du film, qui tire sa puissance de la réalité des instants perdus, du miracle de l'incarnation des choses captées par une caméra aussi caressante qu'attentive, présentes bien qu'apparemment imperceptibles.




Pour donner un exemple imprécis et particulièrement difficile à décrire, car c'est dans cette difficulté à dire ce qui est indicible et qui semble être dit si facilement par la poésie de ce cinéma-là que tient une part du mystère : au début du film, la caméra suit Grégoire, le producteur, ou le précède, en travellings et panoramiques, accroché à son téléphone portable, dans ses pérégrinations parisiennes, et chaque cut nous propulse dans une nouvelle marche du personnage et une nouvelle conversation avec un énième correspondant invisible (cette invisibilité de l'autre aura son importance plus tard dans le film), chaque interlocuteur étant relié au personnage principal par des liens professionnels. Grégoire entre ensuite dans sa voiture et appelle sa femme et ses filles. Le téléphone passe de l'une à l'autre. Elles ne sont pas réunies, elles vaquent à leurs jeux et occupations, portable en main. Le montage alterné passe de Grégoire dans sa voiture, à sa femme ou l'une de ses filles. Quand nous sommes avec le père, nous le voyons parler, puis nous entendons la réponse dans le combiné. Nous passons à un plan sur l'une de ses filles, qui lui parle, nous entendons la réponse du père dans le combiné, et elle répond à nouveau. Et devant cette séquence on a le sentiment d'éprouver avec les personnages ce drôle de phénomène qui se produit quand on est en conversation téléphonique avec quelqu'un et que l'on s'adresse à cette personne comme si elle se trouvait dans notre environnement, avec nous, à nos côtés, l'imaginant dans notre propre décor, alors qu'elle est bien souvent dans un cadre très différent, et vice versa. C'est une chose plutôt difficile à décrire et parler de la beauté de ce film l'est aussi parce que ce sont précisément ces choses invisibles, immanentes et furtives qui en font la beauté. C'est une addition de présences indescriptibles et de sensations intimes.




C'est aussi le pouvoir des connotations qui est en jeu. Chaque spectateur aura à n'en pas douter pensé, vu, entendu, imaginé, ressenti des choses singulières et particulières. Comme le dit Radiguet dans Le Diable au corps, lui qui a si admirablement su ressaisir la vie et exprimer ces moments très simples que nous ne saurions dire : ce que nous aimons c'est d'abord une ressemblance. On se reconnaît dans le film de Mia Hansen-Løve. Il ne s'agit pas de se reconnaître soi mais de reconnaître quelque chose de soi, en soi. Partant, le film nous laissera toujours entrevoir quelque chose de nouveau, d'inconnu en nous. D. H. Lawrence a écrit dans Apocalypse : "Un livre une fois sondé, une fois connu, son sens fixé ou établi, il est mort. Un livre ne vit que tant qu'il a le pouvoir de nous émouvoir, et de nous émouvoir différemment : tant qu'à chaque relecture nous le trouvons différent. En raison du flot de livres superficiels qu'on épuise d'une seule lecture, l'esprit moderne a tendance à penser que tous les livres sont ainsi : taris en une fois". Le Père de mes enfants est émouvant et il nous émouvra toujours, toujours différemment. Il ne faut pas croire qu'il s'agisse de se projeter dans une histoire et d'en retirer sa petite affaire personnelle, c'est la vie toute entière qui est en question, à travers le prisme des sensations de l'individu.





Prenons un autre exemple. Celui de la panne d'électricité dans l'immeuble de la famille et dans la rue, vers la fin du film. Juste avant la coupure, à la question de la mère, "Pourquoi vous ne voulez pas partir en Italie ?", l'une des petites filles répond : "Parce qu'on veut pas être loin de papa". Coupure, noir. Et dans le noir, le frère du père fait gentiment peur aux enfants en prenant une grosse voix tandis que la famille descend les escaliers à la lueur d'un briquet. Or le père, Grégoire, qui prenait ce même type d'intonations pour taquiner ses filles au début du film, est soudain présent à nouveau dans le noir de cette cage d'escaliers pleine de rires. On le sent présent, mais il n'y est pas et on éprouve à nouveau son absence dès que la famille a débarqué dans la rue, sans que ce sentiment ne soit écrit dans le scénario, sans qu'il ne soit dit par les dialogues, sans qu'il ne soit peut-être (mais c'est peu probable) voulu, en tout cas appuyé, car la réalisatrice aurait pu faire entendre la voix de Louis-Do de Lencquesaing, l'acteur qui joue le père, à cet instant, pour brouiller les pistes et donner clairement à penser ladite idée. Sauf que rien n'est surligné, et que Mia Hansen-Løve n'insiste jamais. Ce sentiment est un miracle. La chose n'est pas dans le film tout en y étant. Mais c'est invisible, dans le noir, c'est présent et c'est en nous que cela se passe.




La présence improbable de l'être absent, que cette scène sublime a su révéler, pousse Clémence, dans la dernière scène du film, à pleurer, assise à l'arrière de la voiture du départ, à l'idée de quitter un lieu habité, jadis et encore, par l'autre. Le manque du père, une jeune femme en pleine construction qui prend la route avec le reste de sa famille, Chiara Caselli, qui jouait la femme de Scott (Keanu Reeves) dans My Own Private Idaho, ici engagée pour interpréter la mère : tout cela fait assez penser au cinéma de Gus Van Sant, dont on sent que Mia Hansen-Løve partage la passion pour une jeunesse en proie au sentiment amoureux, à la confrontation avec la mort, et en quête de filiation, ainsi que le don pour filmer cette jeunesse avec douceur et tendresse. Ce film s'inscrit donc dans une œuvre déjà très riche et cohérente, augmentée depuis par le très beau Un Amour de jeunesse, après s'être inscrit dans une certaine histoire du cinéma en suivant notamment les traces d'Olivier Assayas, le compagnon de Mia Hansen-Løve, hanté lui aussi par les mêmes questions et notamment celle de la jeunesse face au deuil. Dans l’œuvre courte mais déjà riche et brillante de Mia Hansen-Løve, Le Père de mes enfants s'impose comme le film peut-être le plus fort en même temps qu'il est une variation sur un ensemble de thèmes chers à la réalisatrice, ceux de la filiation notamment, de la disparition du père, avec des motifs récurrents et des topos fondateurs (le passage de l'enfante à la femme, l'importance et la pérennité de l'écrit aussi). Tant de talent, de maîtrise et d'art dans un second film ont fait de Mia Hansen-Løve une cinéaste d'ores et déjà primordiale du cinéma français contemporain.


Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Løve avec Louis-Do de Lencquesaing, Chiara Caselli, Alice de Lencquesaing, Alice Gautier, Manelle Dris, Eric Elmosnino, Igor Hansen-Love, André Marcon et Magne Havard Brekke (2009)

Looper

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Rassurez-vous, je ne m'oblige pas à aller au cinéma ni à écrire quelques lignes sur les films que je regarde dans le seul but de me positionner à contre-courant des buzz. J'allais voir Looper la fleur au fusil, avec l'envie et même le réel besoin d'être rassuré par un film américain à budget, pourrait-on dire, "moyen", mais apparemment riche en ambitions, et proposant peut-être une alternative aux grosses machines débiles que Hollywood produit à la chaîne actuellement qui sont calibrées pour les adolescents. J'avais également l'espoir de revoir un acteur pour lequel je garderai toujours un peu d'affection, Bruce Willis, dans un film de qualité, démentant la règle actuelle désolante qui veut que toutes les stars du passé ne tournent plus que dans des daubes infâmes. Et puis j'aime la science-fiction, et je voulais tout simplement passer du bon temps devant ce divertissement intelligent et trépidant que m'avaient promis 99% des critiques. Par dessus le marché, j'avais plutôt apprécié Brick, premier long-métrage de Rian Johnson, un polar en milieu estudiantin dont je me souviens surtout d'une très chouette scène de course-poursuite à pieds dans les couloirs d'un campus. Le pitch de son nouveau film a également su éveiller ma curiosité et même quand je le relis en diagonale sur Wikipédia pour me rafraîchir la mémoire, je continue de ressentir son potentiel.


Mathieu Valbuena et Morgan Amalfitano à la sortie de la Commanderie...

Je vais essayer de faire court, car ce serait trop pénible autrement (si vous voulez lire un résumé très complet du film qui met en avant ses moindres incohérences, je vous conseille cet article d'un odieux connard) : nous sommes aux USA, en 2044, le pays est ravagé par la crise et les inégalités se sont encore creusées tandis qu'une étrange mutation est apparue sur près de 10% de l'espèce humaine, qui jouit désormais d'un pouvoir tout à fait inutile de télékinésie. Nous suivons les mésaventures de Joe (Joseph Gordon-Levitt), un "looper" : son boulot consiste à éliminer froidement les individus que la mafia envoie dans le passé depuis l'an de grâce 2074, date à laquelle les voyages temporels ont donc été inventés mais sont immédiatement passés sous le contrôle des organisations criminelles qui dominent la société. Le quotidien de Joe est fait de sorties en boîte entre loopers, de prises de drogue d'un nouveau genre et de slaloms ridicules dans les ruelles de la ville au volant de sa lamborghini rouge. Bref, tout va bien pour lui jusqu'au jour où il doit "boucler la boucle", c'est-à-dire éliminer son double du futur (Bruce Willis). Cette action marque habituellement la fin du contrat d'un looper mais elle confirme ici les dires d'un ami de Joe (Paul Dano), confronté au même problème la veille au soir, et qui a pu comprendre par la bouche de son vieux double qu'un dangereux malade se faisant surnommer le Maître des Pluies avait pris le contrôle de toutes les mafias du futur et s'amusait à boucler toutes les boucles. Revenu dans le passé, Bruce Willis n'a qu'une seule idée en tête : massacrer le Maître des Pluies, même si ce dernier est encore vissé au téton de sa mère. Pour sauver sa peau, Joseph Gordon-Levitt n'a quant à lui qu'une seule option : éliminer Bruce Willis avant que Jeff Daniels (qui gère les loopers) ne voit rouge et ne décide de gérer la situation de manière radicale. 


4 heures de maquillage chaque jour de tournage...

Voilà donc grosso modo le point de départ de l'intrigue et de votre mal de crâne. Si vous pensez à Terminator, c'est normal, c'est l'une des références affichées de Rian Johnson. Mais il n'y a pas qu'elle, et son film apparaît rapidement comme un salmigondis de plus en plus infect échouant à trouver une identité propre malgré quelques idées intéressantes, perdues ici ou là, qui rendent cet échec d'autant plus regrettable. Si j'ai assez longtemps su mettre mes griefs de côtés pour continuer à considérer le spectacle comme plutôt convenable, il y a eu un moment où je n'ai plus du tout pu, où je suis arrivé à saturation face à la tournure définitivement moisie que prenait le film. Je situerai ce moment fatidique à cette séquence terrible où l'on nous présente en une série de vignettes abominables ce qu'a été la vie de Joe jusqu'à ce qu'il soit envoyé dans le passé pour être éliminé par lui-même, un douloureux flashback durant lequel notre ridicule héros finit par prendre les traits de Bruce Willis. Ce passage-là est tellement grotesque que l'on se demande sérieusement si c'est du second degré ou non. Nous y voyons notamment Gordon-Levitt affublé d'une tignasse digne de Nicolas Cage poursuivre son métier de tueur à gages dans les rues de Shangaï où il zigouille à tout-va, le sourire jusqu'aux oreilles, en sortant fièrement la tronche de sa bagnole, une main laissée sur le volant, l'autre tendant un flingue immense. On se rappelle alors qu'il est décidément difficile de prendre du plaisir à suivre les aventures d'un type qui apparaît clairement comme un pur enfoiré. Les films dont s'inspire Rian Johnson ont souvent des héros charismatiques, malins, sympathiques, mais pas toujours clean, auxquels on aime forcément s'identifier. Rian Johnson est brillamment parvenu à me rendre son Joe totalement antipathique. Dans la même séquence, nous voyons aussi Joe, devenu Bruce Willis, tomber amoureux d'une chinoise croisée dans un bar, lui adresser un regard de merlan frit (l'acteur ne se prend clairement pas au sérieux, en ce qui le concerne ça ne fait aucun doute !), prendre un vent, pour finalement réussir à la séduire, passer ses vieilles années avec elle, se désintoxiquer grâce à ses soins, etc., dans une série d'images que l'on jurerait sorties d'un sketch des nuls (pas les Nuls, feue la bande à Chabat et Carette, juste des nuls lambda).


...pour ça !

Puis il faut dire que la première chose qui choque à la vue de Looper, c'est évidemment la tronche enfarinée de Joseph Gordon-Levitt. Comment, là encore, se passionner pour les déboires d'une telle ignominie ? Pour qu'il ressemble à Bruce Willis, qui joue donc le même personnage âgé d'une trentaine d'années de plus, l'acteur a été affublé d'un maquillage tragique : des lentilles de contact bleues, des sourcils bruns étonnamment épais à l'expression idiote et, surtout, une prothèse nasale ridicule pour le doter d'un nez busqué d'une laideur sans nom. On croit voir un personnage issu d'un jeu vidéo, un ersatz de Max Payne aux contours taillés à la serpe, trop nettement dessinés pour être tout à fait réels. On jurerait voir le premier film dont le héros est campé par sa statue de cire du Musée Grévin. Joseph Gordon-Levitt ne m'est d'ordinaire pas spécialement antipathique, et j'étais plutôt content de voir qu'un gars au physique que l'on pourrait qualifier de "normal", c'est-à-dire pas une montagne de muscles surmontée d'une tête de trisomique inexpressive à la Chris Hermsworth, incarne le héros d'un film d'action américain. Mais tout ce maquillage rend l'acteur proprement hideux et, plus triste encore, on a nettement l'impression que son jeu en ressort très limité. Quand Bruce Willis apparaît enfin à l'écran, il a immédiatement l'air plus à l'aise, moins figé que son double de 30 ans son cadet. Lors d'un face-à-face pitoyable qui ne provoque même pas l'ombre du vertige qu'une telle situation pourrait réussir à faire naître chez le spectateur, celui-ci peut simplement constater que l'effet recherché par le maquillage s'avère terriblement contre-productif. Avec toutes ces prothèses, Joseph Gordon-Levitt ne ressemble pas davantage à Bruce Willis, bien au contraire ! On ne voit que le maquillage et l'effort de ressemblance de l'acteur. Le public de ce genre de films est pourtant tout à fait prêt à croire qu'un même personnage peut être joué par deux acteurs différents, même s'ils ne se ressemblent pas. On a déjà vu ça cent  fois dans des films autrement plus réussis. On y croirait sans maquillage et on n'y croit plus du tout avec. C'est encore plus dommage pour un film qui prétend justement ne pas prendre ses spectateurs pour des imbéciles...


L'actrice en bois s'en prend à cette pauvre souche pendant des scènes interminables. Véridique !

Le film est pourtant, de toute évidence, le fruit d'un cerveau imbécile, et je vais à présent vous en apporter la preuve irréfutable en vous parlant non d'une de ses incohérences, mais d'un simple fait de jeu, comme on dirait en foot, que certainement personne d'autre n'aura pris soin de relever (et je n'en suis pas fier). L'affligeante Emily Blunt joue une sorte d'agricultrice céréalière (c'est déjà très crédible) qui vit dans une grande baraque perdue au milieu d'un champ de cannes aux côtés d'un gosse paranormal (le pire élément du film, pourtant au cœur de l'intrigue - vous aurez deviné qu'il s'agit du Maître des Pluies, ceci n'est pas un spoiler étant donné que tout cerveau un peu alerte l'aura deviné dès la première apparition du chiard à l'écran). Joseph Gordon-Levitt finit par rôder autour de cette baraque et, d'abord défiante vis-à-vis de lui, Blunt l'accueille d'un coup de fusil inoffensif (du gros sel remplaçant la poudre), avant de se rendre compte qu'il est plutôt sympatoche. La scène suivante nous montre donc Blunt en train de soigner l'épaule de Levitt, avec tout ce qu'il faut comme détergents, bandages, mercurochrome et autres antiseptiques. L'actrice prononce alors la réplique fatale, elle lui sort mot pour mot : "On est à la ferme, ça pourrait vite s'infecter" (en VO : "We are at the farm, it could infect very quick"). On tient là un dialogue de pur citadin méprisable, profondément bête et ignare, placé dans la bouche d'un personnage supposé campagnard et amoureux des champs. Nos personnages évoluent dans un futur où les villes sont des sortes de déchetteries à ciel ouvert, et c'est donc dans un bled coupé du monde, au milieu d'un champ de maïs parfaitement bio, que la blessure de l'autre enflure aura forcément le plus de chance de s'infecter. Pourquoi ? La ferme, c'est sale ? A la nature, préférez la crasse des bas-fonds urbains ? Expliquez-moi la logique ! Si un chien errant amical avait la chic idée de venir lécher gracieusement la plaie du héros, serait-il injustement chassé d'un coup de bâton ? C'est pourtant la langue râpeuse et bienfaitrice d'un chien errant efflanqué qui a sauvé mon ami le Tank d'une terrible infection du pied gauche au Vietnam !


Bruce Willis ne prend pas toujours son rôle très au sérieux et cette pose ridicule le montre clairement.

Dans ses interviews, Rian Johnson cite souvent Christopher Nolan comme un exemple de cinéaste qui a su produire d'excellents films et conserver son identité dans le système actuel des studios hollywoodiens. En lisant ça, d'abord on rit jaune, puis on se dit que Looper rappelle effectivement les films de sieur Nolan, souvent faits de pitchs avenants, de quelques bribes d'idées au potentiel assez fort, mais totalement fusillées, voire retournées contre elles-mêmes, par l'incapable aux commandes du désastre. Remarquons tout de même que Looper est un peu moins lourdingue qu'un Nolan lambda et, volontairement ou non (c'est la grande question, en ce qui me concerne, et c'est celle qui m'a justement poussé à lire une ou deux interviews), Rian Johnson nous amène régulièrement à nous interroger sur le sérieux de son film, sur son humour, voulu ou fortuit. C'est ce qui, à mon sens, représente bien le seul intérêt de ce film.
Un film qui m'a davantage rappelé ceux que Nicolas Cage tourne à la chaîne depuis quelques années que ces classiques de la science-fiction dont on le présente pourtant comme un digne héritier. Un film ma foi assez étrange, tour à tour grotesque, absurde, ridicule, laid et crétin, à des milliers de kilomètres, en tout cas, de ce que la majorité des critiques m'avaient laissé espérer.


Looper de Rian Johnson avec Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt, Paul Dano, Jeff Daniels et un gosse hideux auquel je prédis le plus sombre avenir possible (2012)

Sous toi, la ville

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Nous laissons aujourd'hui les commandes à notre rédacteur free-lance Simon pour évoquer un film allemand récent trop peu remarqué, qu'il a vu pour nous et dont il a accepté de dire quelques mots :

La diffusion de ce film il y a un peu plus de deux semaines sur Arte lui a peut-être permis de sortir du regrettable anonymat qui a entouré sa distribution en salles en France, fin 2010, après une présentation cannoise prometteuse. L’histoire est assez simple : originaire d’Hambourg, la jeune Svenja (jolie Nicolette Krebitz) vient de s’installer à Francfort avec son mari Oliver, qui a trouvé un poste en or dans une banque d’affaires. Elle a du mal à se faire à cette nouvelle ville, s’ennuie un peu, recherche vaguement un emploi de galeriste d’art. Elle rencontre par hasard le patron d’Oliver, Roland, la cinquantaine, puissant financier cynique et profondément névrosé. Une liaison passionnelle commence. Pour se débarrasser d’Oliver, Roland le fait muter pour plusieurs mois dans la branche indonésienne de la banque.




Christoph Hochhäusler appartient à ce qu’on appelle depuis quelques années la nouvelle vague allemande, avec quelques autres dont Andreas Dresen (l’auteur du beau mais difficile Pour lui, sorti en début d’année dans un anonymat équivalent) ou Benjamin Heisenberg (le réalisateur du génial Le Braqueur, plus remarqué en 2011). Il a participé à un récent dossier sur le cinéma numérique dans les Cahiers du Cinéma, où il a signé un texte sur la post-production numérique et ses multiples possibilités, notamment en termes de recadrage de plans déjà tournés. Et c’est d’abord ce qui frappe à la vision du film : une extrême maîtrise du cadre, une méticulosité dans la composition dont on apprend dans les Cahiers que le réalisateur l’a poussée jusqu’en salle de montage et peut-être plus loin encore. Cette précision est d’autant plus frappante qu’elle utilise énormément l’architecture ultra-moderne du quartier d’affaires de Francfort, ses immeubles de verre gigantesques, ses lignes de fuite, ses alignements de fenêtres… On devine Hochhäusler très connaisseur de l’œuvre d’Hitchcock et peut-être même très influencé par les travaux de Saul Bass (on pense beaucoup au générique d’ouverture de North by Northwest pendant le film… sans parler de Vertigoà qui la première scène du film, où l’héroïne suit pendant quelques minutes une femme qui a le même chemisier qu’elle et semble la fasciner, semble rendre ouvertement hommage). A chaque instant les personnages s’inscrivent dans cette architecture, qui a quelque chose de très dur et traduit de façon assez belle la froideur des rapports humains, professionnels comme amoureux, qui habitent le film. Quelque chose de très cruel, d’impitoyable et de masqué.




Cette maîtrise est peut-être l’atout principal mais aussi la limite du film : tout ça est très impressionnant, Hochhäusler a beaucoup d’idées, qu’il traduit visuellement (et avec le son, élément très important du film) de façon brillante, mais l’émotion affleure rarement. C’est très probablement voulu, mais quand la rigidité de la forme s’accorde à ce point avec la dureté de ce qui est montré, c’est à la longue un peu inconfortable, c’est un peu trop. Pourtant de franchement belles idées émergent souvent : ces fameux recadrages en post-production évoqués plus haut, très furtifs, qui captent un détail, un geste, une main… dans ces moments-là quelque chose d’organique transpire enfin du film, comme des bouffées d’oxygène. Il y a aussi cette fin, cette toute dernière scène très troublante, que je ne veux pas vous dévoiler mais qui inscrit subitement le film dans une dimension onirique (déjà amorcée par ces scènes très étranges où Roland se fait conduire par son garde du corps dans des squats sordides où il paie des junkies pour les regarder se faire des shoots d’héroïne), et en même temps l’englobe in fine dans une sorte de monde extérieur hostile, belliqueux… une fin très mystérieuse et très belle.




Hochhäusler a très visiblement beaucoup de talent, mais il gagnerait peut-être à l’utiliser un peu différemment, à mettre un peu d’eau dans son schnaps. C’est d’autant plus dommage que cette histoire d’adultère est par ailleurs bien traitée, on croit à ces personnages, et les acteurs sont très bien (surtout Nicolette Krebitz, toute en feu sous la glace, avec son visage étrange, ni laid ni très beau, assez fascinant). Le film reste donc plutôt très bon, à découvrir, et son réalisateur à suivre.


Sous toi, la ville de Christoph Hochhäusler avec Robert Hunger-Buhler, Nicolette Krebitz et Mark Waschke (2010)

Le Carrosse d'or / Les Enfants du paradis

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Au moment où Les Enfants du Paradis (1945) de Marcel Carné, diffusés il y a quelques semaines sur Arte et ressortis récemment sur les écrans de cinéma, viennent d'être édités dans une beau coffret dvd et bénéficient d'une vaste exposition à la Cinémathèque Française, ressort plus confidentiellement au cinéma dans une copie restaurée de toute beauté et dans la version anglaise d'origine Le Carrosse d'or (1953) de Jean Renoir, qui marqua le grand retour du maître en Europe après un joyeux exil de 13 ans et de 7 films aux États-Unis. L'actualité partagée par les deux films pousse d'autant plus à les comparer qu'ils partagent de nombreux points communs. Les Enfants du Paradis raconte l'histoire, au début du XIXème siècle, d'une femme du peuple, Garance (Arletty), libre et intrépide, partagée entre trois hommes (presque quatre). Deux d'entre eux sont du spectacle et vont l'y pousser à son tour : Baptiste (Jean-Louis Barrault), génie de la pantomime, homme simple, discret et fier, amoureux transi de Garance, et Frédérick (Pierre Brasseur), un comédien de théâtre de grand talent en perpétuelle représentation, passionné par son métier, épris de célébrité et sûr de lui. En omettant le criminel Lacenaire, qui ne possède jamais Garance, même de loin, le troisième prétendant est le riche comte de Montray (Louis Salou), qui achète les faveurs de la dame à force d'offrandes et de promesses de confort. Le Carrosse d'or, librement inspiré d'une pièce de Mérimée, raconte l'histoire, au début du XVIIIème siècle, de Camilla (à la ville, Colombine à la scène), une comédienne (Anna Magnani) entièrement dévouée à sa tâche, force de la nature entreprenante, joyeuse et culottée, émigrée avec sa troupe de théâtre au Nouveau Monde, plus précisément dans une colonie espagnole d'Amérique du Sud, pour y exporter la Commedia dell'arte. Elle doit choisir entre trois soupirants, Felipe (Paul Campbell), un compagnon de voyage et ami de la troupe, homme sincère, modeste et profondément amoureux d'elle, Ramon (Riccardo Rioli), le toréador le plus célèbre du coin, prenant la pose en toutes circonstances, prétentieux et possessif, tombé sous le charme de Camilla lors d'une représentation et désireux de la mater comme on mate un taureau impétueux, et enfin le vice-roi Ferdinand (Duncan Lamont), dirigeant de la colonie, un homme léger que sa condition ennuie et qui voit en l'actrice, qu'il séduit à coups de cadeaux grandiloquents (un collier d'or puis le carrosse du titre), un espoir d'émancipation et de gaieté.





Voici donc deux films aux scénarios pratiquement jumeaux et dont le cadre comme le sujet ne sont autre que le théâtre. Et pourtant Le Carrosse d'or s'impose comme une sorte d'anti-Les enfants du paradis. Il est d'ailleurs significatif que François Truffaut qui, comme ses camarades des Cahiers jaunes, méprisait le film de Carné, considéré comme le parangon du réalisme poétique de studio le plus rance, d'un cinéma empesé et illégitimement occupé comme la France venait de l'être pendant quatre ans, symbole en bref de ce qu'il nomma la "qualité française", admirait sans limites le film de Renoir, au point d'appeler sa propre maison de production "Les Films du Carrosse". Je ne cacherai pas qu'ayant découvert ces deux films assez récemment (je vous recommande la vision du chef-d'oeuvre de Renoir en salle, sa remasterisation offrant une occasion sans pareille de le voir dans des conditions optimales), et bien qu'il soit difficile de juger celui de Carné sans se laisser influencer par les textes et propos incendiaires des jeunes turcs des cahiers ou de Serge Daney après eux, je rejoins sans la moindre difficulté ces derniers. Pire, le très long film de Carné paraît plus lourd encore, plus étouffant et plus engoncé dans sa langue, ses décors, ses costumes, sa gentille mise en scène et son programme quand on admire celui de Renoir dans la foulée, avec tout son génie, sa légèreté et sa grâce.





On a souvent reproché aux Enfants du paradis de se complaire dans la lourdeur du théâtre (ou de la pantomime) filmé(e), non seulement parce que Carné filme parfois et sur de longues durées des spectacles entiers, caméra fixe plantée devant la scène pour une captation sans implication et bienheureuse de se reposer sur le talent des numéros représentés, chose que Renoir ne fait pratiquement jamais, mais aussi à cause d'un fatras verbeux et gestuel dans lequel le film s'enlise en délayant le texte sur-écrit de Prévert et en filmant des acteurs au mieux en sur-jeu quasi constant, au pire cabotinant sous prétexte que leurs personnages sont des gens de théâtre parlant comme des livres en toute circonstance avec le bagage de calembours, de bons mots et de poésie de caniveau que cela implique. Face à cela Renoir ouvre son film sur une idée aussi simple que géniale, et toute cinématographique, qui nous tansporte loin de l'introduction boursouflée de Carné, avec la séduction de Garrance par Frédérick au milieu d'une foule bien compactée dans le cadre et le sauvetage presque chaplinesque (je dis bien presque, parce que la mise en scène plan-plan n'est pas à l'avenant) de la même Garance par le mime Baptiste qui, la voyant se faire accuser du vol d'un porte-feuille, l'innocente auprès d'un policier en rejouant la scène tout en gestuelles. Le générique du Carrosse d'or, comme celui des Enfants du paradis du reste, se déroule sur un rideau de théâtre rouge (on image celui de Carné rouge aussi même si le film est en noir et blanc) peint sur bois qui bientôt se soulève et laisse découvrir sur la scène le décor d'un grand escalier de palais où des hommes et des femmes de la noblesse espagnole accourent avant d'aller se presser aux fenêtres à l'annonce d'un carrosse. Par un simple raccord dans l'axe resserrant le champ sur la fenêtre où les personnages s'agglutinent, Renoir nous fait passer du théâtre au cinéma, confirmant cette immersion par une suite de nouveaux plans qui nous font passer avec un serviteur du grand hall d'entrée initial à diverses anti-chambres et jusqu'à la loge du vice-roi, loin au-delà du décor servant d'unique scène au théâtre et des limites spatiales imposées à cet art.





Cette introduction est largement programmatique puisque Renoir va, tout au long du film, exceller à évoquer le théâtre avec des moyens de cinéma. Pour signifier, sans jamais s'appuyer sur des dialogues, fussent-ils issus de la plume exaltée d'un poète en verve, à quel point la cour du vice-roi avec son grand cérémonial et les grands manèges de la noblesse - dont les pontes méprisent les petites gens du théâtre voisin -, constituent eux-mêmes un ensemble d'acteurs et se donnent constamment en représentation, à grand renfort de costumes exubérants et de lourdes perruques, Renoir utilise d'abord un montage parallèle quand, au début du film, tandis que Camilla et ses amis comédiens construisent un théâtre puis répètent leur spectacle, il coupe brutalement le plan sur la fin de leur petite saynète sans public et monte en faux-raccord une rangée de nobles qui applaudissent à tout rompre. Ils n'applaudissent évidemment pas le travail des acteurs mais bien, comme nous le révèle un contrechamp, l'arrivée du vice-roi dans son nouveau carrosse d'or, qui en sort et salue son public tel un comédien à la fin de son spectacle. La chose se traduit ensuite dans des montages parallèles plus distants et via des effets d'écho et de reprise, par exemple quand la troupe de Camilla donne son premier spectacle devant les campesinos locaux puis quand l'actrice est convoquée par le vice-roi après sa première représentation au palais. Dans la première séquence, le maître de cérémonie de la troupe italienne raconte au public l'histoire d'un jeune homme qui voyait une femme à la place de son propre reflet quand il se regardait dans le miroir, histoire interprétée par Camilla/Colombine et un camarade de jeu qui se tiennent de part et d'autre d'un cadre en bois figurant ledit miroir en s'imitant mutuellement. Dans la deuxième séquence, Camilla est au palais avec le vice-roi qui lui fait la cour et Renoir tourne ce plan sublime où les deux personnages sont debout dans un couloir donnant sur une salle de bal, aperçue en profondeur de champ à travers deux ouvertures de part et d'autre du plan qui délivrent exactement le même spectacle comme dédoublé : des nobles dansent le menuet en ligne et en cadence dans toute la largeur de la pièce, donnant l'impression qu'un miroir serait disposé entre les deux portes ou que ces dernières seraient deux écrans jumeaux diffusant le même spectacle.




Le motif du miroir est d'ailleurs fondamental dans l’œuvre puisque Renoir rejoue une même scène à la fin du film, inversée d'une fois sur l'autre : c'est d'abord le vice-roi qui doit gérer d'une part Camilla, seule dans une pièce et attendant de chevaucher avec lui le carrosse d'or qu'il lui a promis, d'autre part sa maîtresse, qui l'attend pour la même raison dans une autre pièce, et, entre les deux, les nobles qui veulent lui signifier leurs conditions et le menacent de lui retirer leur appui s'il laisse cette femme du peuple posséder le fameux carrosse, symbole de la grandeur du royaume. A la fin du film, c'est Camilla qui fera le va-et-vient entre trois pièces différentes de la maison léguée à sa troupe par le vice-roi Ferdinand, où l'attendront Felipe, Ramon et Ferdinand lui-même. Au palais, les pièces sont filmées à plat, distribuées sur une ligne horizontale qui donne lieu à un montage par cut constitué d'une suite de raccords-mouvement à chaque entrée et sortie du vice-roi dans les trois pièces où se joue la scène vaudevillesque, tandis que chez Camilla tout se déroule dans une grande profondeur de champ ouvrant sur plusieurs pièces successives en enfilade et permettant des croisements sans rencontre entre les personnages. Cette deuxième version de la scène, plus franchement cinématographique (à l'image du chassé-croisé final de La Règle du jeu), s'oppose en apparence à la première, plus théâtrale, étant donné la disposition des pièces filmées en plan de coupe, la caméra se plaçant toujours du même côté du décor, celui du quatrième mur des spectateurs. Mais ce serait sans compter sur l'utilisation que Renoir y fait du son lorsque Camilla, impatiente de partir en carrosse avec le vice-roi, et jalouse d'apercevoir depuis la fenêtre la maîtresse de son amant, qui l'attend elle aussi dans une pièce jumelle en vis-à-vis (ou en miroir, donc), se met à jouer de la guitare pour littéralement sonner son homme et investir tout le palais de sa personnalité aussi fière et imprévisible qu'inappropriée.





C'est ce principe d'amalgame entre théâtre et cinéma qui régit tout le film et que Renoir accomplit avec brio. Un bon exemple se trouve dans la scène déjà évoquée et qui se déroule au palais, après le spectacle qu'y donnent les comédiens : le lieu tout entier est représenté comme un théâtre par des moyens de cinéma. Les nobles commentent le spectacle de ceux qu'ils nomment les "saltimbanques", une musique de salon aristocratique sans source diégétique retentit quand soudain les serviteurs du vice-roi retirent au fond de la pièce un élément de décor du spectacle pour dévoiler les musiciens du palais, installés en cercle pour jouer une danse de salon. Quelques secondes après, dans un couloir, un rideau est tiré qui dévoile l'épouse d'un noble à ce dernier, en train d'en embrasser un autre. Surpris, les deux tourtereaux prennent la fuite sur la pointe des pieds, à la manière là encore de Marceau et Lisette poursuivis par Schumacher dans La Règle du jeu lors de la fête à la Colinière devenue ici fête au palais. Tous ces levers et toutes ces chutes de rideaux, qui ont lieu dans la profondeur de champ ou qui viennent élargir ce dernier, font certes du palais un théâtre mais valent paradoxalement pour autant d'effets cinématographiques. Nous sommes loin, encore une fois, non seulement des joutes verbales permanentes et autres soupirs à répétition des néanmoins excellents (Arletty et Maria Casarès exceptées) comédiens du film de Carné, mais loin aussi, à la fin des Enfants du Paradis, du lever de rideau orchestré par le criminel Lacenaire pour révéler le baiser échangé par Baptiste et Garance au Comte de Montray et à Frédérick, pensé et filmé quant à lui comme un pur et simple coup de théâtre.





Comparé à l'immense film de Renoir, celui de Marcel Carné, même s'il peut avoir quelque charme et s'il recèle des morceaux de bravoure de la part d'acteurs servis par un texte aux arabesques souvent virtuoses, mord la poussière. Mais puisque Les Enfants du paradis repose tant sur son texte et sur les acteurs qui le disent, on pourrait lui laisser une chance de ce côté-là et faire un match retour, le premier, celui de la mise en scène, n'ayant même pas eu lieu. Or je donnerais cent mille Arletty, avec son visage cireux, ses moues surfaites et son accent titi-parisien ridicule (que tout Paris se batte pour cette vasque vide, froide et défraîchie ne laisse pas d'étonner), pour une seule Anna Magnani, vivante, généreuse, bouleversante à chaque apparition, et notamment dans ce gros plan où, tombée à la renverse et serrant le collier en or offert par le vice-roi, des larmes perlent au bas de ses yeux après que Felipe l'a giflée. Bouleversante et belle donc, la Magnani, et drôle aussi, dans un film qui l'est énormément. Renoir, comme Chaplin pour le coup, ne s'est jamais tellement pris au sérieux, mais il touche ici et ailleurs (on pourrait parler entre autres de French Cancan, son film suivant, qui se penche également sur le monde du spectacle à travers l'histoire du fondateur du Moulin Rouge mais qui dans la forme interroge davantage quand à lui les relations entre le cinéma et la peinture) à la quintessence de son art et nous émeut, dans un film qui montre à quel point le spectacle est dans la vie et vice versa, comme le synthétise magistralement la dernière scène du film où le chef de la troupe italienne demande à Colombine, seule sur scène, de le rejoindre dans le monde du théâtre, son monde, celui qui l'obsédait tant avant qu'elle ne le délaisse pour les hommes, à quoi Camilla répond, dans une dernière réplique géniale, que ces trois hommes-là, ceux de la vraie vie, lui manquent "un peu". Renoir affirme que le spectacle ne suffit pas, qu'il faut dépasser les frontières du théâtre, ce qu'il a littéralement décrété dans l'introduction par la grâce d'une caméra repoussant les murs et élargissant la représentation artistique du monde, pour que tout cela soit précisément vivant. C'est tout ce que Carné n'a pas compris qui, à force de filmer un monde au-delà de la vie, en a oublié de la filmer elle aussi.




Le retour en grâce que connaît le film de Carné actuellement, même s'il n'a jamais cessé d'être considéré comme l'un des plus grands films français par l'immense majorité du public et de la critique, a du bon en cela qu'il pousse à se poser la question de nouveau, à essayer de déjouer les pièges de la cinéphilie et des vieilles (mais toujours vraies, plus vraies que jamais même à une époque où le cinéma "de qualité" domine partout) querelles critiques, et à choisir à nouveau non pas son camp mais son cinéma, si tant est qu'il ne nous choisisse pas. Plus de soixante ans après la bataille, j'ai choisi le mien ou bien m'a-t-il choisi, et il porte entre autres le nom de Jean Renoir. Fait de cinéma avant de reposer sur un scénario, des dialogues, des costumes et des décors, Le Carrosse d'orm'apparaît comme l'antithèse absolue du film de Carné en tant qu'il est certes parfaitement maîtrisé mais néanmoins ouvert, varié, aérien et coloré. Vous me direz, et je ne vous contredirai pas, que le film de Renoir est en couleurs et l'autre en noir et blanc, mais quand bien même le technicolor remasterisé du Carrosse d'oréclate en une symphonie de rouges, de bleus, de verts et de jaunes éblouissants portés entre autres par les maquillages bariolés de la troupe de théâtre et leurs costumes d'Arlequin, auxquels la musique de Vivaldi ne fait qu'ajouter, cela dépasse cette simple question : le film de Renoir est une explosion de vie, de naturel et de vérité là où le film de Carné, qui a, il faut le dire, beaucoup vieilli, ploie à mes yeux sous le carcan qu'il s'est imposé. C'est la différence entre un film qui respire et un autre qui ne respire pas. Je terminerai sur les mots de Serge Daney, qui disait quelque chose comme : "Si le cinéma c'était Les Enfants du paradis, j'aurais choisi l'aquarelle". Fort heureusement le cinéma c'est Le Carrosse d'or et quand on le voit on le choisit mille fois.


Le Carrosse d'or de Jean Renoir avec Anna Magnani, Paul Campbell, Riccardo Rioli et Duncan Lamont (1953)

Les Enfants du paradis de Marcel Carné avec Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur et Louis Salou (1945)

Sinister

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J'ai participé à un concours pour gagner des places et des goodies Sinister, le film d'horreur évènement de cette fin d'année, produit par les coupables de Paranormal Activity et Insidious, interdit dans certaines salles suite à l'évanouissement de quelques vieillards endormis. Un mail m'a annoncé que je faisais partie des heureux élus, j'étais ravi, je pensais pouvoir aller le voir gratos puis vous en proposer une critique de mon cru. En fait, j'ai gagné un goodie, plus exactement : une coque pour téléphone portable, qui plus est assez mal adaptée à mon mobile perso. Je ne sais donc pas trop quoi en faire. Je suis prêt à vous la laisser pour 5€ (prix à discuter, à la hausse). 
Quelques photos de l'objet :





 Sinister de Scott Derrickson avec Ethan Hawke, Juliet Rylance et Fred Thompson (2012)

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