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Channel: Il a osé !
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Amour

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Que c'est réjouissant de voir mourir les gens. En tout cas dans le petit monde de Michael Haneke... Filmer froidement la mort et toutes ses petites contrariétés, voilà le programme du cinéaste autrichien, le menu entrée-plat-dessert de sa dernière démonstration en date, annoncé d'entrée de jeu. La première scène nous montre des pompiers qui fracassent la porte du vieux couple formé par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva et qui parcourent leur grand appartement bourgeois en se bouchant le nez et en ouvrant les fenêtres afin de bien nous faire comprendre que ça pue la mort. Ils finissent par découvrir le cadavre de Madame, allongé sur le lit, entouré de fleurs. Écran noir. Titre : "Amour". Et à partir de là tout le film consistera en un flashback menant à cette mort. C'est une technique narrative banale qui consiste à ouvrir le récit sur une situation plus ou moins finale et à ensuite dérouler les événements qui nous y conduisent. Ce schéma narratif crée le plus souvent une attente. C'est le cas dans Citizen Kane, modèle du genre, où le retour en arrière est massif et vise à nous raconter toute la vie du personnage principal jusqu'à sa fin, avec une évolution, des changements de ton, des instants graves et d'autres non tendant tous vers la résolution d'une énigme. Sans même parler de la mise en scène, le souffle du récit nous tient fascinés jusqu'à la mort du héros, ou nous la fait presque oublier, à l'image de Boulevard du crépuscule, de sorte que ce que nous connaissions dès le départ revient à la fin telle une surprise. Mais le flashback que nous présente ici Michael Haneke, et qui dure deux heures, commence à peine quelques temps avant la mort d'Emmanuelle Riva, de sorte qu'on ne peut rien espérer d'autre et que le suspense morbide de la première scène (fouiller un appartement pour dénicher un macchabée qui empeste) s'étend à l'ensemble du film : la vieille femme va mourir sous peu, la catastrophe peut se produire dans chaque séquence, à chaque seconde, et on passe ainsi tout le film à guetter la défaillance du personnage, son coup de grisou, sa chute.




C'est du grand suspense et paradoxalement le film suit sa ligne droite et continue, sans surprise et sans la moindre déviation de son programme initial, qui tient en un mot : la mort. Haneke aurait sans doute adoré titrer son film L'amour à mort si Resnais ne l'avait déjà fait, au lieu de ça il a gardé Amour alors que c'est bien "à mort !" qui sied le mieux à son œuvre. On connait le bon mot d'Hitchcock selon qui il faut à tout prix que le public sache que la bombe est placée sous la table pour que le suspense fonctionne. Grâce à la séquence d'introduction on sait que la bombe est placée, on sait qu'elle va exploser, rien ne pourra l'empêcher, et on se dirige vers cet instant sans broncher. On se demande juste quand la bombe - le corps d'une vieille dame chez Haneke - va finir par lâcher... On guette la mort pendant deux heures et toutes les scènes sont vouées à ça, qu'il s'agisse de nous faire attendre en vain que Riva trépasse hors-champ pendant que son mari se déchausse dans le couloir, ou de redouter qu'elle meure plein champ, allongée dans son lit un livre à la main, pendant que son mari, cette fois-ci hors-champ, s'occupe un peu de lui-même. On sait combien le macabre peut fasciner certaines gens, comme nous l'a encore prouvé Stéphane Brizé cette année avec son film le plus glauque, Quelques heures de printemps, mais pour l'ériger en système, faire du spectateur son otage et tourner la maladie en pur spectacle éprouvant à crever, il fallait bien le médiocre Haneke, qui tient décidément à s'établir fermement comme l'un des pires cinéastes en activité. Il nous réduit à compter les scènes, qui s'enchaînent sur un rythme de métronome, fine analogie puisque le personnage d'Emmanuelle Riva est un ancien professeur de piano, Haneke adressant là un clin d’œil à sa Pianiste, et double, puisqu'il attribue le rôle de la fille du couple déclinant à une Isabelle Huppert qu'on aimerait ne plus voir que chez Hong Sang-Soo. On décompte les secondes, les minutes de survie, comme Trintignant compte jusqu'à 15 à chaque fois qu'il plie la jambe paralysée de sa femme dans une séquence d'une profonde utilité. Voilà le suspense hanekien et tout l'intérêt de son film, à moins de considérer comme profondément intéressant le projet de filmer pendant des lustres la déchéance physique d'une personne du troisième âge avec une éminente conscience documentaire et un souci d'exhaustivité allant jusqu'à cette scène sublime où l'épouse demande à son mari de venir la relever quand elle a fini de chier.




C'est une autre forme de suspense : on entend tirer la chasse d'eau, Madame appelle Monsieur, est-ce qu'on va bien avoir droit à la scène des chiottes ? Eh oui. Autre séquence à suspense quand Trintignant voit sa femme sans réaction au beau milieu du repas. Il ouvre le robinet de la cuisine pour humidifier un torchon et le passer sur le visage inerte de sa femme et laisse le robinet couler le temps d'aller s'habiller afin de chercher du secours quand soudain il entend depuis la chambre que le robinet se ferme. Il retourne aussi vite que possible (c'est-à-dire en marchant au pas) à la cuisine, suivi en travelling par une caméra tendue et soumise à la lente démarche du boiteux Trintignant, et découvre avec un petit temps d'avance sur nous (Haneke retient son contrechamp pour nous tenir suspendus à sa baguette) que sa femme est revenue à elle mais qu'elle a tout oublié de ce qui s'est passé durant sa petite absence. Haneke, on le voit bien, a fermement décidé de faire un savant usage du son pour créer le suspense ou la surprise. Et comme il l'a décidé et qu'en bon travailleur docte, austère et rigoureux il n'est pas du genre à reculer devant le dur labeur qu'il s'impose, on y aura droit à toutes les sauces. Par exemple dans cette scène où Trintignant regarde son épouse assise au piano, promenant ses doigts sur les touches pour jouer avec brio un morceau virtuose de musique classique, jusqu'à ce que le vieil homme se retourne sur son fauteuil et éteigne la chaîne stéréo derrière lui : sa femme ne jouait pas, elle ne jouera plus. Vous aviez cru à une lueur d'espoir ? Vous espériez un instant de félicité ? Vous osiez vous relâcher devant cette infime seconde de film exempte de noirceur, de maladie, de souffrance et de mort ? Regardez-moi bien dans l’œil vous répond Haneke ! Enfin, regardez-le dans celui de son acteur, Trintignant, qui regarde la caméra à ce moment-là, nous rappelant à quel point le cinéaste n'a pas bronché depuis Funny Games, où le regard-caméra lui servait déjà à nous terrasser et à nous prendre de force à témoins. Avec l'usage du son pour suggérer ce qu'il finit de toute façon par montrer (l'exemple des cabinets), ou celui des travellings conduisant lentement vers le pire, annonçant l'horreur au tournant (dans toutes ces scènes où Trintignant entend un bruit sourd - le son, toujours le son ! -, traverse la maison en se traînant et découvre sa femme qui s'est ramassée par terre), on retrouve aussi la mise en scène déjà imbuvable du Ruban blanc, avec lequel Haneke tisse laborieusement quelques liens, comme tout bon auteur consciencieux qui se respecte. Il réutilise par exemple le motif de l'animal innocent face aux hommes névrosés, en l'occurrence l'oiseau, celui qu'adorait le petit garçon innocent du film précédent et qui se faisait zigouiller, si mes souvenirs sont bons, se transformant ici en un pigeon qui envahit l'appartement dans une première scène totalement inutile mais placée là par calcul, pour en justifier une seconde à la fin du film, où le cinéaste donne dans le symbolisme le plus lourd qui soit quand Trintignant, par cruelle bonté ("tu es un monstre mais gentil" lui dit sa femme, annonçant d'emblée qu'il va la trucider par Amour, évidemment) capture le pauvre volatile en le recouvrant d'un drap, pour certainement le remettre en liberté, de la même façon qu'il vient d'étouffer sa frêle épouse sous un coussin pour la délivrer en lui donnant la mort… Cette mise en parallèle (un ange s'éteint, un oiseau s'envole) vaut bien le montage alterné final du récent Polisse de Maïwenn (où un enfant s'élève tandis qu'une flic s'écrase), et achève de donner le ton. Haneke, esprit aussi plat que celui de sa camarade de jeu française de 34 ans sa cadette, ne connaît que la crasse comparaison et n'a toujours pas appris l'art de la métaphore.




On ne cesse de se demander d'un bout à l'autre du film et devant de longues séquences comme celles déjà évoquées à quoi tout cela peut bien servir et quel plaisir il peut y avoir à le filmer puis à le regarder. Car rien ne vit dans ces cadres fixes et étroits, rien ne se dégage de cette démonstration sur-maîtrisée, rien ne produit quoi que ce soit sinon du malaise et du mépris. Le mot "volonté" est primordial chez Haneke, dont les maigres idées se font ressentir de tout leur poids quand il décide avec autorité et de manière ostentatoire de garder le cadre fixe sur tel ou tel personnage dans l'idée de créer un bien factice mystère hors-champ, ou de nous promener lentement dans les couloirs du huis-clos sans nous dévoiler tout de suite ce qui se trame au bout de la marche, afin de ménager ses petits effets. Car il s'agit bien d'un cinéaste d'idées, mauvaises, mais d'idées, étranger aux notions de désir ou de plaisir, inapte à la gaieté, au bonheur, à la joie ou à l'empathie (ceux qui parlent d'une "chaleur inédite chez Haneke" pour louanger ce film doivent avoir la même température interne que l'autrichien). Or la froideur du propos dénote peut-être une volonté de réalisme, dans la mesure où on imagine très bien Haneke pensant que ceci (l'agonie d'une vieillarde en instance de trépas devant un mari vieux lui-même et atterré) n'a jamais été vraiment filmé et qu'il était temps de montrer les choses telles qu'elles sont. Et comme il s'agit de dire la vérité de cette situation, Haneke décline en bon élève, ou plutôt en bon professeur, en discoureur documenté, tout ce qui en fait le sel : l'attaque avec moment d'absence et amnésie, l'hémiplégie, le découpage de la viande par le mari à chaque repas, le torchage de cul au cabinet, l'apprentissage du fauteuil roulant, la chute du fauteuil roulant, la chute du lit, les discussions angoissées, l'insomnie, les cheveux lavés dans le lavabo, les cauchemars, les tentatives de suicide, les non-dits, les exercices de rééducation, les massages anti-esquares, l'exaspération mutuelle, l'incontinence, le délire d'agonie, les soins palliatifs, la douche douloureuse où Emmanuelle Riva apparaît nue (puisque c'est la vérité nue qu'il faut montrer) et crie "maaaaal" en boucle (j'avoue que je m'y suis mis aussi à partir de cette scène-là, par mimétisme), l'infirmière incompétente et ordurière, et ainsi de suite. Je ne vais pas tout énumérer, c'est déjà suffisamment insupportable dans le film.




Haneke nous propose donc une scène pour chaque étape du best-of de la maladie et de la mort et ça dure cent vingt minutes. A vouloir faire dans le naturalisme scrupuleux, Haneke aurait pu tourner une scène où Trintignant serait allé scruter attentivement les faibles soulèvements de poitrine de sa femme endormie, ou placer un doigt sous son nez pour s'assurer qu'elle respire, parce que c'est quelque chose qu'on fait quand on a un mourant près de soi. Le cours n'est pas complètement su Haneke, tu n'auras pas 20/20, désolé pour toi. Mais reconnaissons-lui quelque réussite dans la tentative d'ultra-réalisme à tout prix, quitte à foutre une actrice âgée, Emmanuelle Riva de surcroît, dans un état lamentable. L'effort de vérité est tout de même notable, même si notre piètre cinéaste s'en écarte en creusant dans l'extrême, puisqu'il n'y a aucun moment heureux dans l'existence tel s'acharne à la dépeindre, la beauté se trouvant peut-être dans les tableaux des grands maîtres, qu'il filme à un moment, pour marquer une ellipse et se donner un air, mais pas dans la vie ! Il s'en écarte encore davantage dans cette séquence où Trintignant fout une énorme gifle à sa femme à moitié morte qui refuse de s'alimenter, ce qu'aucun mari ne ferait jamais, sauf Haneke peut-être, qui sait, lui qui se plait à nous martyriser nous-mêmes pour qu'on avale ses couleuvres jusqu'à la lie alors que nous sommes déjà à moitié décédés intérieurement et qu'on s'apprête à sortir du film aussi vieux et déconfits que les personnages.




Et le mieux c'est qu'Haneke joue au plus malin quand il fait dire à Trintignant, qui ferme une porte à clé et empêche sa fille de voir sa mère : "Rien de tout cela ne mérite d'être montré", comme pour dire que si, justement, et que lui a le courage de le faire. Sauf que montrer pour montrer n'a aucun intérêt. Il est des sujets que la pudeur ou le bon sens avaient maintenus plus ou moins hors des écrans, en tout cas sous cette forme complaisante et volontairement pathétique, et c'était peut-être bien comme ça. Sans même parler des soi-disant trouvailles de mise en scène d'Haneke, qui donneraient envie de ne plus jamais aller au cinéma, ni du suspense macabre auquel le cinéaste se plaît à nous plier, filmer frontalement et deux heures durant la mort lente d'une vieille femme dans ses détails les plus sordides et inconfortables n'est strictement d'aucune utilité. Ceux qui ont déjà connu semblable expérience la connaissent précisément et n'ont nul besoin de la vivre à nouveau sur un écran, et ceux qui ne l'ont pas connue ne l'affronteront pas mieux grâce à ce film, qui du reste prétend filmer la vérité et bien entendu n'y parvient pas, tant il reste là-dedans, dans la mort lente d'une personne aimée, tout un monde impartageable. Et quitte à vouloir coûte que coûte filmer cette chose, alors il faudrait le faire autrement, il faudrait transcender son sujet et le dépasser, ce que Haneke ne fait jamais, préférant nous assommer de lugubre et de froideur et nous épater du haut de sa crâne ingéniosité. Et le pire c'est que ce cinéma-là est encensé, loué, admiré, récompensé comme il ne saurait en rêver. Doit-on rappeler que le film a reçu la Palme d'Or à Cannes cette année des mains d'un Nanni Moretti bien décidé à nous offrir le palmarès le plus nauséabond de l'histoire du festival. Si ce n'était qu'un cas isolé, tout irait bien encore, mais le cinéma cérébral, à thèse, froid, démonstratif, fat, cynique, bête et méchant, implacable et suffoquant, pérore et s'installe tranquillement. On a déjà vu récemment Sleeping Beauty, Canine,Play, La Chasse, Shame ou We need to talk about Kevin (dont la critique viendra bientôt), des œuvres de tous horizons partageant une sorte de tronc commun, des films purement et simplement affreux qui sont autant de cousins ou d'enfants d'Haneke et dont les auteurs auront bientôt (on l'espère pour eux vu qu'ils font tout pour ça, et la pluie de Palmes d'Or qui s'abat sur le bienheureux Haneke les confortera dans ce sens) leurs masses de prix pour de nouveaux films morts-nés.


Amour de Michael Haneke avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert et William Shimell (2012) 

Le Seigneur des anneaux : La Communauté de l'anneau

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A l'occasion de la sortie prochaine de Bilbo le Hobbit, on a décidé de vous faire un petit rappel des épisodes suivants, à commencer par le premier de la trilogie de l'anneau : La Communauté de l'anneau, aussi appelé "La confrérie de l'anneau", aka "Le Compagnonnage de l'anneau", aka "La bande de potes de l'anneau". Au départ c'est Lawrence Kasdan qui devait le réaliser, mais Laurent s'est cassé les dents sur ce projet puisqu'il n'avait tout simplement pas les droits. Les droits étaient détenus par le triste Harvey Weinstein, l'homme au blair pas possible, le connard au nez le plus creux de la Terre, qui a acheté les droits, misé 10 millions de dollars sur la pré-production et s'est retrouvé producteur de cette future gigantesque machine à blé. A la réalisation, Peter Jackson, un gros campagnard néo-zélandais hirsute sorti de nulle part qui s'amusait à faire exploser des moutons et à filmer ses petites expériences de détraqué, choisi par Weinstein après leur collaboration sur Forgotten Silver pour mettre en scène la plus grosse super-production des années 2000.


Froton Seigué !

Pour mémoire Le Seigneur des anneaux est à la base un livre écrit par un obscur linguiste anglais, et c'est l'ouvrage le plus acheté derrière La Bible de Guthenberg. L'ouvrage est écrit dans une langue ampoulée, dans un style quasiment illisible, mais il contient une histoire de dingue, ce que Peter Jackson a su détecter immédiatement, comme 50 milliards de lecteurs. Le film a plu aux fans du roman pour sa capacité à retranscrire fidèlement l'univers créé par Tolkien à une ou deux exceptions près. Par exemple le personnage de Tom Bombadil, qui a été à l'origine de ce qu'on appelle désormais "L'Affaire Tom Bombadil" dans le petit milieu des malades passionnés par le roman. Personnage préféré de tout bon amateur de Tolkien qui se respecte, Tom Bombadil habite au milieu de la forêt du Milieu avec une femme nommée Boucle d'Or et des animaux en guise d'enfants et il rencontre Jean-Michel Frodon et ses trois cousins homos, Pépin le bref, Mairie "Hôtel de ville" Port-de-bouc et Sam je suis Sam Gamegie dès le début du premier livre. On apprend alors qu'il est l'homme le plus puissant de la Terre du Milieu, qu'il pourrait réduire Sauron, le prince des ténèbres, en miettes d'un seul coup de cuillère à pot, étant insensible à l'anneau et doté de pouvoirs hallucinants dont il ne se sert jamais. Mais notre homme préfère passer à côté de l'aventure tel Johan Cruyff en 78 qui, après avoir qualifié tout seul son équipe pour la Coupe du Monde en Argentine, a décidé de ne pas jouer la compétition sous le prétexte qu'il n'aimait pas des masses ses coéquipiers, à ceci près que Bombadil ne qualifie même pas les nains du FC Comté pour la finale dans le Stade du Mordor et les laisse immédiatement se démerder pour aller plutôt baiser sa femme.


 Gang-Bang !

Petit rappel de l'histoire pour ceux qui vivaient sur Mars durant les XXème et XXIème siècles : dans le film qui sortira ces prochains jours vous verrez le valeureux Bilbo le Hobbit récupérer par mégarde une jolie bague qui le rend invisible et lui donne une gaule d'enfer s'il la met autour de sa bite. Longtemps après, dans La Communauté de l'anneau, Bilbo fête son 111ème anniversaire et décide de se barrer rendre visite aux Elfes (dont le chef s'appelle Rondelle) car c'est, dit-il, l'endroit le plus cool de la Terre, the place to be, un lieu carrelé du sol au plafond, nickel chrome, plein de médiathèques et de cascades de flotte, rempli d'hommes glabres et de femmes en pyjamas transparents, avec une musique ambiant éthérée en fond sonore et un arc-en-ciel à chaque coin de rue. Bilbo cède donc tous ses biens à son neveu adoptif, Frodon, et dans ses avoirs se trouve la belle bague. Ayant eu vent de ce legs généreux, Gandalf, encore appelé GangBang par la plupart des hobbits qui ont subi les assauts répétés de ce qu'il surnomme son "feu d'artifice magique", se donne pour mission de jeter un oeil sur Frodon, ou plutôt les deux, "autant que faire se peut" (traduction Francis Ledoux, n'oubliez pas de signer la pétition pour enfin bénéficier d'une traduction fidèle au texte original et dépourvue d'erreurs ignobles, consistant par exemple à traduire "Cheval" par "Girafe", "Roi" par "Prince" ou "Fils de Roi" par "Fils de pute"). Après une longue enquête, trente ans dans le roman, trois heures dans le film, Gandalf se rend compte que cette bague magique que possède Frodon est bel et bien DAS bague, celle du professeur Sauron, "one ring to rule them all", le maître-anneau forgé par le seigneur des ténèbres dans les flammes de la Montagne du Destin (clin d'oeil à une célèbre chanson de ABBA).


Rondelle !

Le maître-anneau a la particularité de ne faire qu'un avec Sauron, que Gandalf surnomme affectueusement Crouton, lequel aura tôt fait de mettre la main dessus. Ne sachant pas quoi faire, le vieux magicien envoie Frodon seul dans la nature avec un gros hobbit trépané qui éprouve des sentiments plus qu'amicaux pour notre héros et pour la nourriture. Sauron envoie quant à lui ses sbires les plus performants, neuf cavaliers noirs et aveugles, à la recherche de son précieux bijou. Ce n'est qu'une fois arrivés à la BU du dénommé Rondelle, à Rivendale, dans la maison des Elfes où Bilbo a chopé mille cancers à la fois et un AVC carabiné, la vieillesse l'ayant rattrapé depuis qu'il s'est délesté de l'anneau magique, que Frodon et ses nouveaux amis fondent la communauté du titre. Parmi ses nouveaux amis, il y aura Legola, surnommé "La blonde" par ses potes de la communauté, Gimli le rastaquouère, le chevalier Bar-à-mine, ainsi nommé du fait de la qualité perforatrice de son sexe, et enfin Aragorn, surnommé "grandes pattes", ou "rouflaquettes", le boloss de la bande avec ses cheveux poivre et sel, son mulet sur la nuque et sa barbe de trois jours de chaque jour pour le côté étudiant du Mirail en paréo affublé de sa sacoche kaki sur laquelle il a voulu dessiné le logo "Peace and Love" transformé en celui de la firme "Mercedes" à un petit trait près, sacoche remplie de paninis achetés 3 centimes "chez Papy", ceux-là même qui font loucher les autres hobbits.


Sur votre gauche Pépin le bref, sur votre droite Mairie "Hôtel de ville" Port-de-bouc.

Mais ce film-là on le connait tous par coeur. Alors revenons plutôt sur ces scènes qui nous ont tous tapé sur le système. Quid de Legola, l'as du moonwalk, qui a la particularité de ne pas s'enfoncer dans la neige et dont on se demande par conséquent comment il peut s'enfoncer dans ses chaussettes puis dans ses souliers. Quid de Gandalf, magicien de folie, capable de transformer un papillon en aigle royal, qui se retrouve dans une merde noire dès que Saroumane l'enferme sur le toit de sa tour. Le même Glandalf, plus loin dans le film, a réussi à foutre dans la merde un démon de feu et décide de se laisser entraîner dans le vide en lâchant un petit "pfff" affreux sur la dernière syllabe de son ultime réplique ("Fuyez, bande de oufs !") pour dégager ses cheveux gras de sa vue (ce détail-là a eu notre peau). Quid aussi de ce subterfuge des anciens amis nabots de Bilbo qui ont créé une porte magique pour entrer dans leur mine de La Moria, réclamant un mot de passe pour s'ouvrir, qui n'est autre autre que le mot "mer-deux", prononcé d'une voix rauque par Gandalf. Dans la même scène, voyant un truc remuer dans un marécage affreux, un hobbit jette une bouteille de Coca vide dans l'eau pour s'entendre dire "Mais qu'est-ce tu fais, mais qu'est-ce tu fais ??" par un Gandalf à bout. Il y a aussi toutes ces scènes où les hobbits préviennent leur vieux prof de philo qu'un truc bizarre les suit, qui n'est autre que Gollum, et le vieillard de répondre à chaque fois : "Laisse pisser, quand t'auras vu les 6 heures de film tu seras bien content qu'il nous ait suivis depuis le début". Gandalf est décidément au coeur des pires scènes puisque c'est aussi lui qui, au moment où la communauté longe une montagne sous la neige et sur un parapet large comme deux doigts, s'écrie en voyant un éclair dans le ciel : " C'est Saroumane ma parole !" d'une voix si haut perchée qu'elle déclenche une avalanche sur ses petits camarades.


Sam JesuisSam qui mate l'arrière train de Froton avec une insistance qui n'est pas dans le script et qui fera dire à Elijah Wood (a.k.a. Froton) : "Mon sphincter est comme la gare de l'Est en 40".

Pas mal de fans ont été déçus par la fin du film, jugée un peu hâtive. Certains spectateurs se demandaient s'il y aurait une suite. D'autres ont rêvé d'un spin-off opposant Gandalf à Harry Potter en espérant voir le vieux barbu foutre la race à l'enfant à lunettes en difficulté scolaire. Le succès phénoménal du film, conjugué à celui de la série adaptée des mille livres pour enfants de J.K. Rowling, provoqua le grand retour des sagas interminables d'héroïc fantasy à l'écran, avec Les Chroniques de Narnia, le Golden Compass et j'en passe. Pour la grande majorité des fans, le meilleur épisode de la trilogie de l'anneau reste le premier, pour nous, il est encore à faire.


Le Seigneur des anneaux : La Communauté de l'anneau de Peter Jackson avec Elijah Wood, Sean Bean, Viggo Mortensen, Liv Tyler, Sean Astin, Ian McKellen, Orlando Bloom, Christopher Lee, Andy Serkis, Ian Holm (2001)

Le Seigneur des anneaux : Les Deux tours

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Le deuxième épisode de la trilogie de l'anneau a déçu quantité de fans pour la seule et unique raison qu'il n'a ni début ni fin. En effet, véritable épisode de transition, le film démarre sur des chapeaux de roue pile poil là où La Communauté de l'anneau se terminait, et se finit en queue de poisson exactement là où commencera le troisième film, sur une scène où des arbres se bastonnent avec un immeuble. Les défenseurs du film en revanche ont mis en avant son sous-texte politique, le titre imaginé par le précog Tolkien en 1954 faisant directement référence à l'attentat du World Trade Center survenu en 2001, année de sortie du premier épisode. C'est dans ce film que Gandalf fait une lessive et porte des fringues blanches après s'être trimbalé en guenilles grises pour obtenir la promotion canapé de sa vie. C'est là aussi que Gimli se découvre des affinités avec Legola, le nain et l'elfe faisant du skate en plein milieu d'une bataille cruciale pour l'avenir de leur monde, la bataille du goof de Helm. C'est ici que les hobbits apprennent à aimer Gollum, soit Marion Cotillard dans son meilleur rôle à ce jour, et que nous apprenons quant à nous à le (la) détester violemment. C'est encore là que Brad Dourif a mis un terme public à sa carrière dans le rôle insupportable de "Langue de pute", un odieux personnage aux sourcils rasés à la serpe. Mais surtout, la première demi heure du film est entièrement consacrée à une randonnée avec sac-à-dos quetchua à la clé pour tous les membres de la communauté, rando durant laquelle Legola affirme : "Une aube rouge se lève, beaucoup de sang a été versé dans la nuit", dévoilant là à des compagnons de marche qui n'en désiraient pas tant qu'il vient d'avoir ses premières ragnagnas.


Gollum est le personnage central de cet opus, cherchant à récupérer à tout prix l'Anneau, dont il se sert comme "sphincter magique" lui permettant de palier son incontinence fécale qui l'avait forcé à vivre reclus dans les montagnes.

Dans ce deuxième épisode, Peter Jackson confirmait aussi qu'il allait bel et bien apparaître dans chaque film, comme Hitchcock himself. Rappelons que dans le premier opus, Peter Jackson incarne un Uruk-hai, ces énormes créatures sorties de la boue et puant la merde, sans aucun maquillage. Dans le deuxième, il galope sur ses quatre pattes velues parmi les Ouargues, ces espèces de fauves effrayants qui s'en prennent aux chevaux et aux cheveux des cavaliers du Rohan, toujours without make-up. Dans Le Retour du Roi, c'est l'un des mammouths énormes, les Thimothy Oliphants, le troisième en partant de la droite lors de la bataille décisive des champs du Pelennor. Mais le vrai rôle joué par Peter Jackson avec cette trilogie est celui du Santa Claude puisqu'on a tous eu droit aux dvds des films de la trilogie pour Noël en 2002, 2003 et 2004, dvds ramenés au Gibert Occasion dès le 26 décembre pour s'acheter à manger.


Les trois caméos légendaires de Peter Jackson dans chaque épisode de sa trilogie.

Le point d'orgue des Deux Tours, c'est la bataille du Gouffre de Helm, tellement point d'orgue qu'elle dure 1h30 et se voit entrecoupée par des séquences interminables où un arbre discute philo, débat de Rousseau et praxise à mort face à deux hobbits assis en cercle qui se revendiquent plutôt de Voltaire. La bataille du Gouffre de Helm se déroule de nuit, dans le noir complet, sous la pluie, comme dans le bouquin sauf qu'à l'image on ne voit rien et que l'action est aussi illisible que dans les scènes de combat de la trilogie Batman de Nolan, et c'est pas un compliment. N'est pas McT qui veut... Un chien de berger bourré et myope aurait mieux réalisé cette séquence. D'ailleurs, anecdote vraie de vraie, Peter Jackson a avoué qu'il soufflait un vent terrible sur le Rohan à ce moment-là du tournage et que ses lunettes ont foutu le camp, d'où peut-être le flou terrible de l'image. Plus terrible encore, l'affiche du film, un de ces rejetons des posters de Star Wars où s’agglutinent toutes les tronches des acteurs en présence. Mais ce que nous reprochons personnellement à ce film, c'est l'absence d'humour, de touche slapstick, bref d'un comique de répétition qui soit enfin volontaire.


Le Seigneur des anneaux : Les deux tours de Peter Jackson avec toujours les mêmes cons (2002)

Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi

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Voici enfin l'épisode final de la trilogie, un épisode sans début mais avec une putain de fin, à la hauteur du mot "fin", une fin qui dure près de deux heures (dans la version longue, une heure et demi dans la version normale, car il faut rappeler que chaque opus de la trilogie possède une version longue qui rajoute trois quart d'heures à des films déjà longs de quatre fois une heure chacun). On peut donc comprendre la longueur de cette fin, qui n'est pas juste la fin du troisième film mais la fin des trois épisodes, soit la fin de près de 12 heures de supplice pour les non-fans de la saga, c'est-à-dire pour environ 99,999% des gens de cette planète. Durant ces deux heures de fin, on voit les hobbits et leurs potes se lécher les couilles à qui mieux mieux et au ralenti, dans la tradition des purs Joe d'Amato, le fameux réalisateur italien de pornos et inventeur du gangbang. On assiste tétanisé à deux heures montre en main d'embrassades, d’œillades complices et équivoques, de tripotage en règle, de sauts sur des lits, de bataille de polochons, de sourires narquois, de larmes aux yeux, de merde au cul, de Gandalf qui abuse de son autorité avec sa baguette magique, d'Aragorn qui lance sa langue sur Liv Tyler (l'actrice avouera avoir "pris son pied" tandis que l'acteur avouera avoir "pris son cul") au milieu d'une foule numérique qui assiste à leurs ébats non simulés sur le toit d'une tour ovale remplie à craquer et ne pouvant accepter un invité de plus sous peine de le voir se tenir dans le vide.




Cette fin, aussi imbuvable soit-elle, colle à merveille à l'ambiance qui se dégage des bonus du film, lesquels durent 50 heures en tout, 50 heures au bas mot d'entre-branlage, à l'issue desquelles chaque intervenant à le gland violacé ou littéralement décollé. Certains fans malades se sont envoyé ces journées entières de bonus d'une traite, acceptant avec le sourire cette chaîne sans fin d'anecdotes de tournage putrides. Quid d'Orlande Bloom qui raconte avec délice cette fameuse soirée où John Rhys-Davies, aka Gimli le nain (sachant que l'acteur est l'équivalent physique du colosse de Rhodes mais passons), avait piqué son costume d'elfe pour faire une blague potache à un Peter Jackson écroulé de rire en devinant la flèche de Gimli bandant l'arc de Legola. C'est aussi l'occasion de voir Sean Bean, littéralement Jean Haricot, raconter la tournure que prit son haricot magique en voyant Arwen enjamber son cheval avec un "prout" digne du pet bucal, ce fameux "pff", de Gandalf au moment de sa chute avec le Balrog dans un puits sans fond à la fin du premier film. On peut aussi s'extasier d'entendre Peter Jackson lui-même raconter comment il a perdu ses lunettes dans le Rohan. Ou écouter Cate Blanchett, qui tourne en tout et pour tout trois scènes sur la totalité des 12 heures du film mais qui s’enorgueillit d'être restée présente sur toute la durée du tournage pour tenir la perche, étant le seul individu de plus d'1m70 à des kilomètres à la ronde. Et enfin, qui ne lâchera pas sa larme en regardant Peter Jackson nous expliquer qu'il a demandé à ses acteurs de re-tourner les derniers plans d'enculage amical des centaines de fois pour que le tournage ne finisse jamais, ce qui nous a valu l'insatiable fin tournant en boucles du troisième film, conclusion que Peter Jackson aurait découpée en deux "chapitres" pour faire plus de blé si cette mode chère aux producteurs des Twilight et autres Harry Potter avait eu cours en 2003.




Ce qu'on se demande "à l'heure d'aujourd'hui", comme disent les trépanés, en revoyant cette abominable fin, c'est "que sont-ils devenus ?". Quid (on ne se lasse pas de cette formule) de Cate Blanchett qui depuis s'est contentée de se prendre un taxi en pleine poire dans L'Affreuse histoire de Benjamin Buttonet de jouer un transgenre russe dans l'odieux Indiana Jones 4, et pourtant c'est peut-être celle qui s'en tire le moins mal parmi ceux qui composent le casting de la trilogie (Mortensen mis à part, qui s'est taillé un nom en traçant La Route chez Cronenberg avec History of Violence,Les Promesses de l'ombre et Dangerous Method, et qui reste un putain d'artiste peintre). Orlando Bloom quant à lui, à défaut de se tailler une véritable place dans l'actorat hollywoodien, a su tailler quelques pipes et s'est ainsi retrouvé dans un nouveau rôle féminin au sein d'une autre saga d'enfer, Pirates des Caraïbes. Pour les autres, qu'il s'agisse d'Elijah Wood, de Sean Astin, de Sean Bean, de Dominique Monaghan, Hugo Weaving ou Billy Boyd, la suite de leur carrière s'apparente à un encéphalogramme plat. Les vieux ne s'en sortent pas beaucoup mieux (Ian McKellen, Ian Holm ou Christopher Lee), mais ils ont le tout petit avantage sur leurs camarades d'être vieux, précisément, et d'avoir fait une carrière avant le désastre. Peter Jackson de son côté n'est pas beaucoup mieux loti puisqu'après avoir réalisé des saloperies telles que King Kong ou Lovely Bones, il en est réduit, comme George Lucas en son temps, à tourner le prequel de son grand succès, comme un aveu d'échec. Mais peut-être qu'en renouant avec la trilogie il parviendra à accoucher d'un film au moins regardable, ce que ses derniers films ne sont pas.


Le Seigneur des anneaux : Le retour du roi de Peter Jackson toujours avec la même bande de bras cassés (2003)

Un monde sans femmes

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Récemment on a cherché un héritage au cinéma d’Éric Rohmer du côté d'Emmanuel Mouret, et à juste titre, mais Guillaume Brac s'inscrit peut-être plus directement encore dans le sillage du grand Momo avec ce film de séduction, de sentiments, de vacances et de plages. Rohmer a fait de ce genre cinématographique français à part entière l'une de ses spécialités, et s'y est illustré avec des films comme Pauline à la plage et Conte d'été bien sûr, mais aussi Le Rayon vert, voire d'une certaine manière La Collectionneuse et Le Genou de Claire. Cependant c'est bien à Pauline à la plage qu'on pense le plus souvent puisque le film de Guillaume Brac raconte une histoire assez semblable, celle de Sylvain, un trentenaire célibataire, jeune homme dégarni, un peu empâté et un peu empoté, timide et sentimental (ou discret et romantique, pour reprendre des mots prononcés dans le film), qui vit seul sur la Côte Picarde et fait visiter un petit appartement à Patricia et Juliette, mère et fille en vacances.




Les deux personnages féminins évoquent les cousines du film de Rohmer, Marion et Pauline, que le personnage de séducteur joué par Féodor Atkine prenait pour des sœurs tout comme le personnage de l'ami gendarme de Sylvain se méprend ici sur le lien de parenté de la mère, Patricia, et de la fille, Juliette, non sans une arrière-pensée flatteuse à l'égard de la plus âgée des deux. Et dans les deux cas, le séducteur à la petite semaine va emballer la belle dame dans une petite boîte de nuit de province sous les yeux d'une jeune fille ou cousine toujours discrète, effacée, mais observatrice, Amanda Langlet dans Pauline à la plage, Constance Rousseau dans Un monde sans femmes, et à la barbe d'un amoureux éconduit et malheureux, Pascal Greggory chez Rohmer, Vincent Macaigne chez Brac. C'est d'ailleurs aussi par les personnages que la filiation se tisse. Si Laure Calamy, qui interprète Patricia, est beaucoup moins agaçante que Dombasle en femme fatale, elle est une autre semi-bécasse un peu naïve, sexuellement excitée, pleine de vie et exubérante qui s'obstine à chercher le bonheur là où il n'est pas. Et Sylvain, comme la jeune Juliette, qui très vite se place de son côté, se pose les mêmes questions que Pascal Greggory chez Rohmer, ne comprenant pas qu'une femme puisse être attirée par un bellâtre qui se moque d'elle plutôt que par un homme sincère et aimant. Par sa fragilité, sa relative passivité même, et sa triste façon d'être écarté, Macaigne peut aussi faire penser au Serge Renko des Rendez-vous de Paris.




Mais le film n'est pas un décalque révérencieux du cinéma de Rohmer, c'est une œuvre singulière et remarquable. Il est rare qu'un film soit à ce point aussi joyeux que triste. On ne rit pas vraiment devant Un monde sans femmes, mais on sourit sans cesse, d'abord parce que Guillaume Brac a un grand talent pour diriger ses acteurs et pour capter leurs gaucheries, leurs malaises, leurs travers ou leur complicité, mais aussi parce qu'il nous place constamment dans leur intimité, auprès d'eux, de leur côté. Les personnages nous sont immédiatement proches et notre sympathie leur est acquise d'emblée. On sourit même sans doute à des choses qui ne nous feraient pas cet effet si elles ne venaient pas de protagonistes que nous aimons déjà tant. Brac excelle à filmer les étourderies et les flottements comiques de ses personnages mais aussi tous ceux qui appartiennent au monde amoureux, tous ces errements, toutes ces imprécisions, ces souffrances rentrées, toute cette cruauté du jeu hasardeux des illusions et des sentiments. On devine en admirant le visage mi-émerveillé mi-désemparé de Sylvain combien deux créatures si belles peuvent bouleverser une vi(ll)e sans femmes. Mais la précision de Guillaume Brac pour représenter en un seul plan et sur un seul corps toute une palette d'émotions vaut pour tous les personnages sans exception et vient peut-être aussi de ce que tous sont à un moment ou à un autre filmés, avec un tact et un respect absolus, dans un moment de détresse, en tout cas de profonde fragilité, du copain gendarme esseulé dans la nuit à la mère évoquant en quelques mots son passé quand Sylvain lui tient la main, en passant par Juliette, assise en haut d'une falaise ou lisant dans sa chambre. Quand au superbe Vincent Macaigne, il passe, le temps d'un raccord, d'un sourire complètement niais à un autre, imperceptible mais saisi par la caméra de Guillaume Brac, paradoxalement emprunt de toute la peine et de tout l'espoir du monde. La façon dont l'acteur est filmé tout au long du film, dans ses scènes de solitude comme quand il hésite à dire tel mot ou à faire tel geste vers une femme ou une autre, est bouleversante.




Car, même si les acteurs sont formidables, c'est bien dans la mise en scène que tout se passe, une mise en scène presque invisible, indescriptible, sans effets et sans volonté de prestance, toute en finesse et en présence indécelable, par quoi l'on rejoint Rohmer, et par laquelle Guillaume Brac nous conquiert et nous touche directement. Même si les dialogues sont présents et plutôt nombreux, ils délivrent une petite musique, permettent aux personnages d'exister, de s'exprimer, et ne viennent jamais surligner une idée, moins encore que chez Rohmer dont les films cependant restent pour des images, des attitudes, des sonorités, des postures et des voix plus que pour leurs textes, aussi magnifiques puissent-ils être. On ne saura pas grand chose du parcours de Sylvain avant cette histoire, même si on le suppose monocorde. On devine qu'il est une sorte d'adulescent triste au simple fait qu'il porte des t-shirts à blagues, joue seul à la Wii et vive dans une maison décorée de Simpsons, mais ces mots-tiroirs, "adulescent" ou "geek", ne nous viennent jamais à l'esprit devant lui, et c'est entre autres pourquoi il est l'anti-Dark Horse de Todd Solondz, parce qu'il n'est pas une bête de foire, ni un phénomène de société sur pattes, parce qu'aucun stéréotype ne suffit à le figer ou à le contenir, et parce que rien ne nous conduit à le juger ou à le mépriser, bien au contraire.




Et de la même façon on devine le trajet de Patricia (qu'elle délivre d'ailleurs à demi-mot - parce qu'elle est une femme bavarde et peu discrète - ne dévoilant rien que l'on n'ait pas déjà deviné), fait de rencontres sans lendemains et d'échecs amoureux, l'un d'eux ayant donné naissance à une fille aimée mais non-désirée. Rien de tout ceci n'est péniblement démontré ou ne vient servir un discours très déterminé et surgelé sur la société, comme la plupart des cinéastes s'en régalent sans arrêt. L'absence de discours calculé n'empêche pas l'existence d'un point de vue, un point de vue humaniste venant d'un cinéaste qui aime ce qu'il filme au point de vouloir sauver ses personnages. Car, toujours sur le même principe, on ne peut qu'imaginer ce qui se trame derrière le comportement de Juliette à la fin du film. Nous sommes partagés entre l'hypothèse d'une pitié possiblement inspirée par un transfert paternel, celle d'une volonté de réparer les erreurs de la mère et de s'écarter de son destin, ou enfin la possibilité d'un amour réel. Car à la fin du film, le personnage de la fille prend le relai de celui de la mère pour accomplir ce que cette dernière n'a pas su faire et réparer sa faute, une injustice que tout spectateur ou presque entendra résonner au plus profond de lui-même. Et c'est peut-être le dernier cadeau que nous fait Guillaume Brac - à nous autant qu'à ses personnages - lorsque Constance Rousseau prend le contrôle du récit et du film dans l'ultime quart d'heure, comme elle le faisait dans la dernière partie de son premier film (Tout est pardonné de Mia Hansen-Løve), pour imprimer sa grâce à l'écran et donner un supplément de beauté à une œuvre toute neuve (Brac fait là ses premiers pas) mais déjà grande.


Un monde sans femmes de Guillaume Brac avec Vincent Macaigne, Constance Rousseau et Laure Calamy (2012)

Martha Marcy May Marlene

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Commençons par un petit portrait du cinéaste en hipster de première. Sean Durkin, qui signe là son premier long métrage, est bien décidé à nous en foutre plein la vue, et ça passe d'abord par un look irréprochable à base de lunettes noires à montures épaisses, de bonnets et autres écharpes en tweed, de cabans noir ébène, de souliers en daim, de cheveux coiffés, décoiffés, surcoiffés collés sur le front, de barbe fournie taillée au millimètre et de poses énigmatiques bien calculées. C'est le Benjamin Gibbard de la mise en scène, un de ces types dont on connaît la playlist Spotify et la wishlist Deezer de Noël rien qu'au premier coup d’œil. Mais ça ne peut pas suffire, car Sean Durkin est quand même metteur en scène en plus d'être un cliché humain, et il a donc également voulu nous épater dans son premier film, dont le titre, version féminine et indiecute du très suffisant Tinker, Taylor, Soldier, Spy (aka Das Taupe en France), inspire déjà la méfiance. Martha Marcy May Marleneévoque le nom d'un joueur de foot africain, mais le charisme, la carrure et la longue vue en moins. Ce titre de génie fait référence aux deux fois deux noms de l'héroïne du film, partagée entre deux existences, deux vies dans lesquelles on l'appelle tantôt Martha Marlene, tantôt Marcy May, ce deuxième patronyme étant ingénieusement logé dans le premier, telle une identité secrète et cachée, plus profonde qu'un simple nom de baptême... Dès le titre on voit se pointer les grosses idées de Sean Durkin. Son héroïne est une jeune femme paumée qui, après avoir fugué dans une sorte de communauté communiste sectaire et après s'en être échappée, retourne auprès de sa grande sœur et tâche de s'adapter de nouveau à une vie bien rangée.




L'épisode sectaire de la vie de l'héroïne est une sorte de parenthèse déterminante dans son existence déréglée. Durkin tarde à nous révéler les tenants et les aboutissants de ce parcours dont on a pourtant tout compris au bout d'un quart d'heure, et en étant certain de ne pas se tromper. En effet, le film déroule tranquillement sa petite idée de génie, selon un schéma très attendu. A base de flashbacks enchâssés dans la continuité du récit par des raccords souvent très malheureux, qui nous rappellent sans cesse que le réalisateur se prend pour un gros malin, on devine que l'héroïne est hantée par son souvenir de la communauté, traumatisée même, notamment par les viols initiatiques perpétrés par le gourou de la bande, incarné par John Hawkes, cet acteur si gonflant abonné aux rôles de mecs étranges dans le petit univers du ciné indé contemporain. Mais Martha déteste tout autant, voire davantage, la vie bien structurée de sa soeur et de son mari. En gros le film joue le capitalisme, avec son petit confort matériel bourgeois, son american way of life, son couple coincé et sa réussite financière obligatoire, contre le communisme, qui trouve ici son expression dans l'esclavagisme des femmes, le viol de ces dernières par un dictateur mal intentionné, sorte de Charles Manson sans folie, le cambriolage organisé, le meurtre de sang froid et l'endoctrinement absolu de chaque membre à coup de promesses d'amour fallacieuses, embrigadement allant jusqu'à convaincre les demoiselles que le viol leur est nécessaire et que c'est même un idéal. Voilà la grande idée du réalisateur. Et Martha tangue entre ces deux modes de vie infernaux, ne trouve pas sa place, est inadaptée, voire carrément sociopathe, d'où, in fine, l'internement dans un centre spécialisé, même si on doute qu'elle y reste très longtemps puisque les dangereux criminels communistes la traquent sans relâche pour lui faire payer sa trahison. Voilà donc le discours de Durkin, rabâché mollement pendant une heure et quarante minutes qui en paraissent le triple, et en abusant de ce montage pour les nuls qui nous crève l'âme.




On s'attendait à voir éclore un cinéaste digne d'intérêt dans le petit monde assez moribond du cinéma indépendant américain. Certaines critiques nous avaient laissé espérer. Et on se retrouve à nouveau nez à nez avec l’œuvre d'un petit tocard qui pète plus haut que son cul, qui se prend très au sérieux alors qu'il n'a pas deux idées, et dont on a comme la certitude qu'il n'ira que difficilement plus loin qu'il n'est déjà allé. Pour ce qui est de nous révéler une nouvelle grande actrice, car c'est aussi ça qui a contribué à susciter l'intérêt de certains critiques, Elizabeth Olsen a beau rouler ses yeux globuleux dans tous les sens et nous gratifier de son regard de chien battu, on a du mal à croire qu'on la reverra un jour ailleurs que dans le pieu de Sean Durkin, qui visiblement en pince à mort pour elle et a pourtant des difficultés terribles à nous faire croquer sa passion pour ce minuscule bout de femme. L'actrice est saluée car elle a fait mieux que ses sœurs jumelles, devenues cocaïnomanes, cleptomanes, héroïnomanes et alcooliques. Mais l'insuccès de nos frères et sœurs suffit-il à faire de nous des Dieux vivants ? Nos frères respectifs par exemple sont des ramassis d'ordures, et en aucun cas les gens ne nous traiterons de petits princes. Peut-être est-ce parce que nos frères ne sont pas encore médiatisés comme les sœurs Olsen, qui ont joué dans Fête à la maison, mais si ça continue croyez-nous ça finira par arriver, et là on passera pour des anges de blogueurs ciné...


Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin avec Elizabeth Olsen, Sarah Paulson et John Hawkes (2012)

Après mai

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On craint au début du film d'assister à une récollection nostalgico-vintage d'Olivier Assayas, notamment dans ce plan où Gilles fait lentement défiler face la caméra quinze beaux vinyles, best-of de l'époque attestant du meilleur goût du cinéaste, avant d'en choisir un. On a l'impression aussi qu'Assayas veut filmer les confrontations des lycéens révolutionnaires soixante-huitards avec les policiers et leurs opérations d'affichages contre-culturels nocturnes comme il filmait les opérations terroristes de Carlos, avec efficacité certes mais aussi avec une forme d'emphase. Et puis assez vite on commence à voir un film sur la jeunesse comme Assayas sait les faire, où il filme ce qu'il a le mieux filmé jusqu'ici, les circonvolutions amoureuses de jeunes gens brûlant d'aimer et d'exister mais tiraillés par leur propre consumation. Comme dans cette scène où le cinéaste cite directement L'Eau froideà travers le motif de la fête nocturne dans la maison de campagne envahie par des silhouettes moins adolescentes qu'autrefois mais tout aussi gracieuses et désorientées, errantes ou bourrées d'énergie, avec l'inévitable grand bûcher dans le jardin, les amants qui s'éclipsent dans la forêt pour s'aimer et se séparer et, bientôt vingt ans après (ou avant ?) Virginie Ledoyen, une autre jeune fille perdue qui parcourt les couloirs de la demeure en cherchant une issue quelle qu'elle soit. Assayas filme aussi des choses plus infimes, qu'il sait parfaitement capter, partageant désormais ce don avec sa compagne Mia Hansen-Løve (avec laquelle il forme une chose rare, un couple de cinéastes incroyablement talentueux et obsédés par les mêmes sujets), à laquelle il emprunte l'actrice Lola Créton, qui intervient dans une de ces scènes sans paroles mais toute en présence et en délicate observation, celle de la séance de cinéma clandestine.




Le seul problème du film, si l'on excepte la voix de Carole Combes, l'actrice qui joue Laure, première maîtresse de Gilles, c'est son manque de prise de risque. Beaucoup de choses sont présentes, beaucoup d'idées, de thèmes et de discours : la question du choix entre l'art et l'engagement, ou du mélange des deux, qui se cristallise dans les options amoureuses, l'art étant représenté par Laure (Carole Combes), la politique par Christine (Lola Créton), le choix du voyage ou de la fondation d'un foyer aussi, la problématique du choix tout court en fin de compte, pour l'ensemble des personnages, qui font les bons ou les mauvais, hésitent à se décider et ont l'âge où l'on est hanté par cette hésitation même, pressé par la peur de perdre la jeunesse que l'on est en train de vivre et que l'on tient en soi pour si peu de temps encore. Le film place beaucoup de ces questionnements dans la bouche de ses personnages, parfois avant un fondu au noir qui nous pose la question à nous-mêmes et la laisse ouverte, mais il oublie de les poser plus directement encore par la mise en scène, très fine, très juste et très douce, parce qu'Olivier Assayas est un grand metteur en scène, mais qui ne se brûle pas suffisamment à son sujet.




Gilles (Clément Métayer), le personnage principal du film, s'indigne que des réalisateurs de films révolutionnaires adoptent le langage petit bourgeois du cinéma classique, et on aimerait qu'Assayas rompe le langage relativement policé de son film à son tour, qu'il prenne des risques, quitte à ce que son film soit moins directement grand public. Il n'y a qu'un plan où Assayas nous fait remarquer sa présence et se mouille franchement, par un effet de mise en scène intervenant au cœur de la part la plus autobiographique du film, celui, vers la fin du récit, où Gilles passe derrière un écran au fond d'un studio de cinéma de Pinewood, et marche non seulement dans le cinéma (un cinéma plutôt conventionnel pour le coup, complètement commercial même puisqu'il s'agit d'une série B grotesque, et on sait l'importance qu'a eu le film de genre extrême-oriental pour Assayas dans sa jeunesse), quitte à ce que son ombre occupe tout l'écran et le boive littéralement, tout en s'effaçant vers une sorte de décor immatériel qui serait le monde bis de la cinéphilie et de l'imaginaire cinématographique.




En dehors de ce bref instant, la mise en scène reste aussi respectable qu'élégamment transparente. Une séquence est très symptomatique de ce problème, la toute dernière du film, où Gilles va assister à une "nuit du cinéma expérimental" au cinéma, dans laquelle est diffusé son propre premier court métrage (on le suppose), qui ne consiste, pour ce qu'on en voit, que dans le portrait très sage et très propre de Laure, la muse du jeune homme, son premier amour et son modèle de liberté artistique, marchant sous le soleil dans un champ de blé puis s'approchant de la caméra pour lui tendre la main. On attendait un peu d'expérimentation, en tout cas un peu d'invention, d'explosion, de liberté artistique (puisque c'est le choix de Gilles) et d'audace formelle, on attendait en fait la dernière séquence d'Irma Vep, où le cinéaste vieillissant incarné par Jean-Pierre Léaud sublimait les rushes d'un remake plan-plan des Vampires de Feuillade dont il venait d'être évincé en massacrant la pellicule à coups de cutter pour rendre les plates images de Maggie Cheung grimée en Musidora non seulement expérimentales et puissantes mais surtout poétiques. Malgré cette déception, ce manque de folie, le film reste beau, riche, touchant et surtout particulièrement propice à l'introspection du spectateur. On s'interroge sur notre propre jeunesse, sur nos propres choix, sur nos engagements, notre liberté et nos décisions, et on regagne beaucoup de motivation et d'envie devant ce film qui a la force peu évidente (vu le sujet) d'être infiniment plus stimulant que mélancolique.


Après mai d'Olivier Assayas avec Clément Métayer, Lola Créton, Félix Armand, Carole Combes, India Salvor Menuez,  Hugo Conzelmann (2012)

La Dernière vague

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En 1977, deux ans après le très remarqué Pique-nique à Hanging Rock, Peter Weir réalisait une œuvre apocalyptique aux allures horrifiques, un film plus confidentiel, plus oublié aussi : The Last Wave, récemment remis en lumière par les mentions récurrentes qu'en fit Jeff Nichols ces derniers mois dans des entretiens où il disait s'être inspiré du film de Weir pour son magnifique Take Shelter. Dès les premières minutes de La Dernière vague, la filiation est très nette, et ce sont d'ailleurs ces premières minutes qui sont les plus réussies du film, laissant espérer un niveau de qualité que Peter Weir ne parvient pas tout à fait à maintenir sur la longueur. L’œuvre s'ouvre sur une cours d'école en bordure du désert australien où des enfants jouent avec insouciance. Quelques uns d'entre eux observent l'horizon, croyant percevoir un fugace changement de lumière, inattendu en plein milieu du jour, comme une improbable altération atmosphérique. Puis un grand tonnerre se fait entendre alors que le ciel sans nuages demeure parfaitement bleu et le temps toujours sec. Il est donc immédiatement clair que le personnage de Curtis LaForche (Michael Shannon) dans Take Shelter, seul parmi ses proches à entendre l'orage par temps clair, est directement inspiré des enfants de la première séquence du film de Peter Weir (mais aussi, comme nous le découvrirons ensuite, du héros de La Dernière vague en personne, David Burton, interprété par un excellent Richard Chamberlain, qui fait des cauchemars prémonitoires effrayants et se réveille en panique, réconforté par une femme aimante et compréhensive).



Inquiète d'entendre les immenses déflagrations d'un tonnerre invisible, l'institutrice demande aux enfants de se réunir dans l'école quand une pluie démentielle s'abat sur eux. Le cinéaste fait alors quelques plans pas piqués des vers sur le chemisier détrempé de la maîtresse d'école, une femme tout en poitrine. Ses fermes atouts mammaires autoritaires saillent fièrement bien que de manière impromptue sous un chemisier blanc détrempé qui n'en peut plus et sans que l'institutrice ne semble le remarquer, trop occupée à protéger ses bambins de la terrible averse providentielle qui éclate et se déverse sur leurs chères petites têtes blondes. Le ciel pourrait également me tomber sur la tête sans crier gare si j'avais face à moi une telle vision ultime du genre humain, je vous prie de me croire. Ooooook je reviens au ciné. Une fois les gamins abrités entre les murs du bâtiment, l'un d'eux reçoit ce qui semble être un projectile et commence à saigner : c'est un grêlon qui l'a frappé, une pluie torrentielle de glaçons énormes martèle soudain le toit de l'école et tout ce qui l'entoure dans ce qui ressemble moins à des intempéries qu'à une attaque ciblée, et qui n'est pas sans rappeler les deux séquences des Oiseaux d'Hitchcock où l'école de Bodega Bay est prise d'assaut par des mouettes puis des corbeaux, les enfants du film de Weir regardant au plafond sans comprendre d'où viennent ces bruits sourds qui écrasent leur école, puis les grêlons brisant les carreaux des fenêtres et pénétrant le bâtiment pour frapper un à un les enfants ensanglantés au milieu des cris stridents.



Juste après cette introduction fracassante, une autre scène nous saisit également mais sur un mode plus insidieux. Celle où David Burton dîne tranquillement en famille autour d'une table de cuisine filmée en plan large et fixe tandis que le cinéaste nous présente en montage alterné de l'eau coulant sur les marches de l'escalier qui descend au rez-de-chaussée. La lente progression du liquide sur la moquette beige lentement foncée par sa propagation, qui évoque une contamination virale du réel, est filmée en gros plan comme s'il s'agissait des pas d'un tueur approchant ses proies, et la petite musique qui l'accompagne, digne d'un film d'horreur, redoublée à l'image par un lent travelling de suivi, accentue le suspense et l'impression angoissante typique d'un film d'Hitchcock, une fois de plus. La résolution de cette séquence est d'ailleurs très logiquement celle d'un film d'épouvante trompant son spectateur pour faire lentement grimper l'angoisse, puisque l'eau ne venait que d'une baignoire en train de déborder...



Puis le film diluera peu à peu sa puissance inaugurale, ne réitérant pas avec autant de brio l'effet brutal du déluge initial ou l'invention figurale de la deuxième séquence, au profit d'une mise en scène parfois presque télévisuelle et d'un scénario plus étale faisant la part belle à une enquête criminelle mêlée d'ésotérisme via les rites tribaux d'aborigènes locaux peu commodes. Le récit eschatologique perd quelque peu à se restreindre aux présages sentencieux des autochtones prophétiques et perd surtout du temps et de son pouvoir de fascination en explications superflues. Mais heureusement Peter Weir se rattrape par de brefs sursauts, comme quand le héros, au volant de sa voiture, est assailli de visions délétères que le ralenti de l'image et la bande son bruitiste drapent d'une angoissante étrangeté : son poste radio crache des litres d'eau qui, modulés par la vitesse de défilement de l'image, se parent d'une matérialité étonnante, déformant sensiblement la réalité et contribuant par là même à la rendre douteuse. Et la rue devant lui, avec ses passants et ses véhicules, se retrouve soudain noyée sous un océan parsemé de cadavres flottants au gré d'un contre-champ improbable. Il y a aussi cette scène où David Burton retourne chez lui et voit ses visions antérieures actualisées dans une demeure pénétrée par les arbres que la tempête propulse sur elle, tapissée par des rideaux de pluie et surveillée par un sombre hibou de mauvais augure. Encore que le plus réussi dans cette séquence aux images envoûtantes reste le plan qui la précède, où l'on voit arriver la voiture du personnage sous la pluie et où les phares du véhicule créent un effet de distorsion sur la lentille de la caméra, brisant l'image en deux stries blanches en formes de vagues qui dessinent autant d'apparitions alarmantes.



Vient ensuite la découverte d'une fresque annonciatrice, au fond d'une grotte, dans une séquence obscure où le personnage n'a de cesse de répéter les mêmes mots, comme hypnotisé par les peintures rupestres qui prévoient le désastre, filmé au ralenti au milieu d'objets improbables (un masque, une amulette, etc.) dans une atmosphère crépusculaire nimbée de mystère et portée par une iconographie riche à souhait. Et Peter Weir de conclure son film sur le visage effaré de Richard Chamberlain, agenouillé face à une fin grandiose réalisée avec trois sous, une caméra penchée sur une vague et un projecteur qui s'éteint, mais qui n'en est que plus frappante, à l'image de l'ensemble du film qui, malgré quelques faiblesses réelles et autres temps morts, marque l'esprit d'images de fin du monde parmi les plus sourdement tenaces et préoccupantes qui soient.


La Dernière vague de Peter Weir avec Richard Chamberlain, Olivia Hamnett, David Gulpilil et Frederick Parslow (1977)

Magic Mike

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Il fallait ne rien connaître de la carrière contemporaine de Steven Soderbergh pour se laisser tenter par ce Magic Mike. Nous avons vu, fascinés, tous ses films, et particulièrement les plus récents, les Contagion et autresPiégée, et pourtant nous avons quand même regardé le dernier... Faut-il être de bonne volonté ou complètement con. Après avoir fait un film sur une actrice porno, My Super-Ex Girlfriend Experiment, avec Sasha Grey, puis un film sur une catcheuse, Piégée, avec Gian Luigi-Buffon, mais encore un film sur le Ché, Ché, avec Guillermo del Toro, Soderbergh poursuit son entreprise naturaliste, que l'on pourrait comparer à celle de Balzac en son temps, avec La Comédie Humaine, celle de Zola avec les Rougon-Macquart et le Chelsea FC, ou du transformiste Jean-Baptiste Lamarck avec les girafes et les tatous. Ses films nous apparaissent comme des démarches scientifiques, des laboratoires d'une heure et demi dans lesquels Soderbergh pose des hypothèses nulles qu'il tente de réfuter. Fils d'un père sage-femme et d'une mère bûcheron, Soderbergh semblait né pour analyser les travers de la société mais surtout le quotidien d'êtres humains dédiés au spectacle. Dans Magic Mike, il s'intéresse de près, de très près, au stripteaseur-charpentier Channing Tatum, élu cette année "homme le plus sexy de la planète Terre", en s'inspirant de la propre vie de l'acteur, qui est aussi scénariste du film et chef décorateur.




Quand on s'interroge sur le fait que Soderbergh s'acharne à filmer des gens qui utilisent directement et de façon un peu spéciale leur propre corps dans leur métier, on pourrait se dire qu'il est en dialogue avec son contemporain Daren Aronofsky, qui a filmé un catcheur lui aussi (The Wrestler), puis une danseuse étoile (Black Swan), sauf que le Palmé d'Or 1989 n'a mais alors mais riiiiiien à voir avec le boloss d'origine polonaise. Son film nous fait plutôt penser à un épisode de Melrose Place un peu plus long que d'habitude et peut-être un poil mieux filmé, mais guère. Nous suivons Channing Tatum, maçon le jour, call girl la nuit, imitant l'écureuil de la Caisse d’Épargne, plus fourmi que cigale, foutant du pognon de côté en attendant non pas de trouver un métier un peu moins con mais de pouvoir monter sa petite entreprise à la Pierre Jolivet. Il a le projet étrange de monter une boîte de spectacle où il jonglerait chaque soir et où le jour il pourrait vendre des tables basses recyclées fabriquées de ses propres mains. Tatum prend sous son aile un jeune golio qu'il initie au monde de la nuit et à "l'argent faciiiiile", comme le dit Edward Furlong dans Terminator 2. Mais notre bel auto-entrepreneur tombe amoureux de la sœur de son pigeon, incarnée par une Franka Potente du pauvre (Franka Potente étant déjà à la rue), et s'ensuit une histoire à mourir debout. A noter toute une scène orange, en couleur saturée orange, si vous êtes friands de ça, de lomographie. Pour ceux qui n'en sont pas friands, tracez le plus loin possible de ce film à mi-chemin entre le docu, l'épisode final de Melrose Place, et finalement dans le néant total, dernière ligne en date d'une filmographie que nous imprimons régulièrement sur du papier toilette en taille 6 pour se torcher avec. Steven Soderbergh est décidément un cinéaste "qui compte" et à la "carrière foisonnante" dont on se fout éperdument.


Magic Mike de Steven Soderbergh avec Channing Tatum, Matthew McConaughey, Olivia Munn, Cody Horn, Alex Pettyfer et Mathieu Bodmer (2012)

Les Bêtes du sud sauvage

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Le premier film du jeune (30 ans à peine) cinéaste américain Benh Zeitlin a le mauvais goût de plutôt bien commencer et d'assez mal finir. La scène d'introduction a le charme de son excès et la force de sa naïveté. Zeitlin frôle les pires clichés de l'imagerie publicitaire actuelle pour appareil photo captant plus de couleurs qu'il n'en existe quand la petite héroïne du film, Hushpuppy (l'étonnante Quvenzhané Wallis), nous est présentée en train de courir au milieu d'une fête de "clochards célestes", des déclassés festifs vivant dans un bayou de la Nouvelle-Orléans, sur un îlot inondable abandonné avec les miséreux qui le peuplent et qui n'ont que leur joie pour tenir. Euphorique et insaisissable, l'enfant déambule sur une musique efficace (composée par le réalisateur lui-même), portant dans chaque main des feux d'artifice multicolores qui éclatent dans la nuit (c'est l'(ignoble) affiche du film) et la portent au moins autant que le montage exalté et maîtrisé de Zeitlin nous soulève nous-mêmes. On se dit alors que le jeune homme marche bon an mal an sur des œufs et que s'il n'en casse aucun d'ici la fin du film, ce sera un miracle.




Mais il faut bien avouer que le montage nous percute et que les idées ne sont pas mauvaises. Celle d'évoquer l'apocalypse en parlant de celles, partielles, qui ont déjà eu lieu en certaines régions du monde après le passage d'ouragans est particulièrement intéressante, celle aussi de filmer la fin du monde en la reliant à la fin du monde d'en bas, celui des plus pauvres, à côté duquel le chamboulement actuel de celui d'en haut, le nôtre, est à relativiser. Le projet supplémentaire de représenter la fin du monde comme fin du monde de l'enfance, avec la mort du père, une gamine qui passe son temps à regarder en face les animaux crevés et à écouter le pouls de ce qui vit encore, et qui apprend à s'en sortir toute seule pour faire face à un âge adulte où elle sera seule, semble également pertinent et porteur. Une scène, la plus belle du film, cristallise ces thématiques, celle où la gamine, après avoir mis le feu à sa cabane, frappe son père, cardiaque et mal en point, qui s'écroule (comme au début de Trust Me de Hal Hartley, où Adrienne Shelly assassinait son père en lui rendant sa claque sur la joue), au moment précis où se déclenche le déluge, Hushpuppy tirant les conséquences de ce concours de circonstances pour déduire logiquement qu'elle vient de déclencher la fonte des glaces par ce geste transitoire terrible.




La scène de déluge qui suit, où la petite fille reste dans la cabane tandis que le père ivre va tirer sur le ciel avec son fusil, continue d'impressionner avec une montée sonore des bruits de pluie assourdissants qui inquiète davantage que bien des scènes pyrotechniques de films catastrophes passés et récents. Zeitlin ayant tourné avec trois sous et jouant de cette pauvreté, le film tangue entre beauté et ridicule, aussi pourra-t-on se moquer de certains effets ou légitimement trouver beaucoup de poésie aux plans sur les aurochs prisonniers des cubes de glace, créatures préhistoriques issues du monde de l'enfance personnifiant la fin des temps, la menace des glaciers sur le point de déferler sur le monde connu. Malheureusement, et c'est là que le film commence à devenir plus anodin, ces bêtes qui font le titre du film, Beitlin les oublie un temps puis les récupère ensuite dans un contexte malheureux, plus proche de Max et les maximonstres, sans en faire grand chose, si ce n'est une sorte de pataude allégorie de la peur face à laquelle Hushpuppy fait montre de courage et devient femme à 6 ou 7 ans.




Ce n'est pas tellement suffisant et par conséquent le film s'affaiblit, perd sa poésie pour tomber dans pas mal de clichés, de scènes attendues, de choses très faciles (la voix-off de la mère décédée, entre autres), qui le sabordent en grande partie, pour finir sur un épisode regrettable, celui du voyage vers la mère, qui tombe dans le mièvre et dans le strict scénario. Il aurait fallu que le réalisateur ose davantage et tente quelque chose de plus original, de plus fort, notamment en se concentrant sur les créatures sauvages qu'annonçait son titre. Mais le résultat aurait peut-être tenu du miracle, et comment blâmer un premier film ambitieux de ne pas tenir toutes ses promesses. Reste que si Les Bêtes du sud sauvage se noie dans sa deuxième partie et en ressort très amoindri, Benh Zeitlin est désormais un nom à suivre, en espérant qu'il confirme et ne s'embourbe pas, mais on peut avoir bon espoir.


Les Bêtes du sud sauvage de Benh Zeitlin avec Quvenzhané Wallis et Dwight Henry (2012)

Dark Shadows

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Malgré une piètre introduction plantant très maladroitement le décor, j'ai longtemps trouvé le dernier film de Tim Burton plutôt sympa et, en tout cas, beaucoup moins affreux que je l'imaginais. Je me disais surtout qu'il s'agissait d'un très honnête divertissement pour enfants, capable de les amuser convenablement, sans trop les abrutir, avec quelques petites idées plaisantes ici ou là. J'étais en outre très agréablement surpris par le rythme du film qui, passée une petite mise en place trop rapidement expédiée, est globalement calme, tranquille, et non hystérique comme c'est actuellement la règle dans toutes les grosses machines américaines destinées au jeune public. Dark Shadows respire et nous laisse le temps de prendre nos marques dans son univers singulier : bien que l'action se déroule au début des années 70, le film s'inscrit très souvent en hommage à l'horreur gothique de la Hammer des années 50 et 60 (Christopher Lee fait d'ailleurs une apparition) ; les jeunes personnages du film, imprégnés de culture hippie, et sa BO, faite de chansons d'Alice Cooper, de Donovan, et des Stooges mêlées à la composition de l'inévitable Danny Elfman, viennent régulièrement nous rappeler ce décalage intéressant. Ce patchwork original participe au petit charme du film. Un plaisir communicatif, partagé par les acteurs et le metteur en scène, plus inspiré qu'à l'accoutumée, se dégage même de ce joyeux bordel. J'étais affalé sur mon canap' et je ne passais pas un mauvais moment, je dois vous l'avouer.




Je notais bien quelques grosses fautes de goût assez regrettables et difficilement compréhensibles dans un ensemble de plutôt bonne tenue, mais ça passait, et j'encaissais sans trop me plaindre. Je ne comprenais pas toutes les subtilités du scénario, un véritable foutoir sans nom qui vise vraisemblablement à synthétiser les 1225 épisodes de la série dont il est adapté, mais je faisais avec, peinard, et je ne me focalisais pas là-dessus. De justesse, le positif l'emportait donc, jusqu'à ce drôle de moment où, sans prévenir, Docteur Hoffman (Helena Bonham Carter) se met à pratiquer une fellation sauvage pour le plus grand plaisir du pâle zigouigoui de Bar-Tabac le vampire (Johnny Depp), dans une scène certes étonnante mais qui n'a rien à faire là. Le film s'enfonce encore davantage lors de cette scène lamentable où notre vampire à la libido décidément galopante se laisse aller et démonte carrément Angie-la-sorcière (Eva Green), dans un vacarme assourdissant doublé d'une chorégraphie misérable. Je n'ai rien contre quelques moments graveleux pour ce côté "décalé" si cher à Burton, mais ceux-là m'ont simplement rendu définitivement indigeste le vaste bordel qu'est ce film, et je me suis mis à le mépriser tout entier. Mes derniers espoirs se seraient de toute façon définitivement envolés lors de cette ultime demi-heure totalement insupportable où le décor s'embrase, explose, et où tout le monde se tombe dessus, se fout dedans, se transforme en monstre, s'affronte à coups de fusil à pompe et se bouffe le cou à tour de rôle dans un déluge d'effets spéciaux ridicules dont la laideur culmine quand la petite Chloë Grace Moretz devient loup-garou. J'ai donc fini par rendre les armes, assez dégoûté après avoir tenu aussi longtemps et rudement bataillé avec moi-même, armé des meilleures intentions du monde, pour voir le verre à moitié plein. J'ai finalement accordé la note de 3/10 à Dark Shadows et je ne le conseillerais même pas à mes petits neveux... Depuis, le délirant Frankenweenie est venu nous rassurer sur l'état de santé mentale du cinéaste.


Dark Shadows de Tim Burton avec Johnny Depp, Eva Green, Michelle Pfeiffer, Jackie Earle Haley, Chloë Grace Mortez, Bella Heathcote et Helena Bonham Carter (2012)

The Day He Arrives

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Après nous avoir fait le nécessaire éloge deIn Another Country, notre collaborateur Simon revient pour nous parler du film précédent du même auteur, également sorti en France en 2012, et cette fois-ci je me joins à lui afin de déclarer de concert notre amour commun pour un film enchanteur :
 
The Day He Arrives, avant-dernier film en date du très prolifique Hong Sang-soo, raconte l'histoire de Seongjun (joué par Yu JunSang, le génial "lifeguard" de In Another Country), un réalisateur dont la carrière est sur pause, qui vit en province, mais qui vient passer quelques jours à Séoul, où il ne s'est pas rendu depuis un certain temps. Il y vient flâner, voir son meilleur ami, avec qui il passe plusieurs soirées à boire et à faire des rencontres, va rendre visite à son ex-petite amie à l'improviste... En bref on retrouve les personnages, les thèmes et les "non-intrigues" habituelles de Hong Sang-soo, dans un Séoul hivernal glacé, filmé dans un très beau noir et blanc, cadré et "recadré" par les mêmes zooms rapides et violents que ceux qui rythment et parsèment ses précédents films.




Le film est drôle et enchaîne des situations parfois grotesques (il faut voir Seongjun fuir de jeunes admirateurs sympathiques en les insultant sous prétexte qu'ils l'imitent), souvent gênantes pour le personnage (quand un ancien collègue de travail l'accuse de l'avoir écarté d'un projet), perpétuel indécis sentimental et insatisfait professionnel. Nous disons enchaînement mais devrions plutôt dire déclinaisons de situations. Si le principe narratif du film est moins schématique que dans In Another Country (qui est clairement découpé en 3 parties "miroirs" qui se répondent et communiquent entre elles), beaucoup de situations de The Day He Arrives semblent se répéter, se décliner, les personnages reviennent toujours dans les mêmes lieux, faire les mêmes choses... Comme Isabelle Huppert dans le dernier film en date du cinéaste, une jeune et belle comédienne coréenne, Kim Bokyung, incarne même deux femmes différentes, l'ex-petite amie et une nouvelle conquête du personnage principal. Il en résulte l'impression à la fois agréable et malaisante de flotter dans les méandres d'un esprit indécis et tourmenté, dans ce mélange de drôlerie et de gravité mélancolique qui fait la particularité et le prix des films de Hong Sang-soo.




La répétition des actions et des rencontres participe de ce mélange en créant une sorte d'élégante ritournelle à la fois tendre et maussade, accentuée par les choix musicaux du cinéaste, de la Nocturne de Chopin jouée au piano par le héros ivre à la jolie mélodie qui ouvre et clôt le film. Avec des scènes d'une simplicité biblique, Hong Sang-soo nous transpose dans ses ambiances personnelles et nous émeut profondément. Quand Seongjun se met à pleurer devant son ancienne compagne, qui veut voir ses larmes pour y croire et qui les verra, replongeant alors comme lui dans une relation à distance sans séparation effective, ou quand il embrasse soudainement et à pleine bouche la patronne du restaurant à peine rencontrée et jouée par la même actrice, au milieu d'une ruelle, de nuit et sous la neige, pour débuter sans préavis une histoire d'amour heureuse qu'ils décideront finalement de ne pas continuer, un même sentiment d'empathie pour cet homme obsédé par une figure inaccessible nous étreint et l'émotion affleure sans prévenir. Retournant sur ses traces pour poursuivre une histoire finie ou empruntant des chemins nouveaux pour en inventer une autre, hasardeuse et sans lendemain, le héros de Hong Sang-soo passe comme souvent à côté de son existence tout en la vivant pleinement à coups de beuveries, de festins, de larmes et de baisers. On ne s'attend pas forcément à trouver tant de vie et de chaleur dans un film en noir et blanc à la poétique enneigée.


The Day He Arrives de Hong Sang-soo avec Yu Junsang, Kim Bokyung et Kim Sang-soo (2012)

Kill List

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Le salut du cinéma d'horreur passe souvent par un savant mélange des genres et des tons. Kill List, le second long-métrage remarqué du productif réalisateur britannique Ben Wheatley, en est une nouvelle preuve. Au risque de perdre le spectateur, le cinéaste propose une œuvre totalement hybride et inclassable. L'étiquette de film d'horreur qui lui est accolée mettra peut-être bien du temps à vous paraître justifiée, malgré une ambiance lourde, toujours incertaine, inquiétante et, surtout, une tension sourde, permanente, qui ne nous quitte jamais, de la première à la dernière image, et dans tous les différents registres qu'explore et traverse le réalisateur avec, souvent, beaucoup de talent et d'habileté. D'une fascinante étrangeté, Kill List s'ouvre comme un drame social sec et étouffant, où un homme est incité par sa femme à accepter un nouveau contrat pour subvenir aux besoins de sa famille, avant de se transformer en un film noir sarcastique traversé de scènes de violence fulgurantes (l'homme est tueur à gages), et de se conclure assez magistralement par l'épouvante pure et dure, dans une ambiance particulièrement poisseuse, habitée par cette horreur folklorique et païenne si chère au cinéma de genre britannique (on pense inévitablement au cultissime et également inclassable The Wicker Man de Robin Hardy).




La grande qualité du film de Ben Wheatley est de garder une vraie cohérence malgré cette diversité de registres, et même de trouver sa cohérence dans celle-ci, dans ce fin et singulier amalgame, dans cette confusion terrifiante qui ne manquera pas de surprendre et de décontenancer l'audience, peu habituée et parfois même rétive à ce qu'on lui retire tous ses repères pour la mener droit vers l'inconnu, d'une noirceur glaçante tout à fait inattendue. L'autre force du film, qui pourra aussi être décrite comme une de ses limites, est qu'il sait parfaitement rester dans le vague pour mieux faire naître l'angoisse. Après nous avoir maintenus dans un flou minutieusement entretenu, Ben Wheatley nous abandonne en plein cauchemar et laisse l'essentiel de son intrigue à l'imagination de son spectateur. Celui-ci pourra s'en saisir et, une fois le film terminé, se rendre compte qu'il tente de s'expliquer et de rationaliser ce qu'il vient de voir en s'échinant à compléter les zones d'ombres laissées à son attention, constatant ainsi que l'entreprise de Ben Wheatley a diablement fait mouche ; ou il pourra s'en défaire, s'en désintéresser progressivement, et chasser toutes les questions restées en suspend, en considérant donc le film assez dérisoire et son scénario très faiblard. Nul besoin de vous préciser que je fais clairement partie de la première catégorie de spectateurs.




Bien que Kill List contienne au moins une scène d'une violence visuelle extrême à vivement déconseiller aux âmes sensibles, Ben Wheatley a donc l'intelligence de plutôt suggérer l'horreur pour que celle-ci soit plus grande, et de nous quitter en son climax pour qu'elle soit totale et perdure bien longtemps après le générique de fin. Un générique final hanté par un chant inquiétant, lointain et guttural, un air indescriptible qui semble émaner d'une sorcière insaisissable, tout à fait à l'image de la bande son très réussie et particulièrement travaillée du film, Ben Wheatley ayant tout à fait compris qu'il s'agissait là aussi d'un aspect incontournable de tout bon film de genre. Mais Kill List est avant tout un film de mise en scène, dans lequel tout repose sur l'ambiance asphyxiante que celle-ci parvient à développer à moindre effets et notamment grâce à un montage syncopé particulièrement déstabilisant. Le style rugueux et froid de Ben Wheatley, fait d'ellipses brutales et de cuts tranchants, semble empli d'une hargne maîtrisée et canalisée, mise au service d'une terreur flottante, indicible et exponentielle qui fait donc de Kill List un sacré film d'horreur, un vrai, remarquable en de nombreux points, qui a donc entièrement mérité les quelques éloges reçues et qui rend très impatient de découvrir ce que son auteur fera par la suite.


Kill List de Ben Wheatley avec Neil Maskell, MyAnna Buring et Michael Smiley (2012)

Gimme the Loot

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On reçoit notre cher Simon pour évoquer le cas de ce premier film. Premier film de son réalisateur et premier film de 2013 sur nos pages, qui succède en cela à Take Shelter, premier cru de 2012 traité chez nous, et on lui souhaite la même carrière, d'autant qu'il a sacrément besoin d'un coup de pouce :

Le premier beau film de 2013 est sorti ce 2 janvier dans un regrettable anonymat. Si il a notamment été présenté à Cannes (Un certain regard), à Deauville ou à Sundance, et qu’il a partout été très bien accueilli, il débarque en cette période post-foie gras avec une affiche pas jojo et une étiquette de « premier film américain indé/fauché sur la communauté noire à New-York » qui laisse craindre l’ennui. Il n’en est rien tant l’énergie qui se dégage du film est contagieuse, et tant la façon dont il transforme ses handicaps (thématiques, budgétaires…) en atouts est surprenante. Ca se passe à New-York, entre le Bronx, le Queens et Manhattan. Deux jeunes gens de 16-17 ans, Malcolm et Sofia, passent le plus clair de leur temps à sauter de toit en toit pour taguer les immeubles de leur quartier, en concurrence avec d’autres lascars de leur genre. Un jour le garçon a l’idée saugrenue qui selon lui leur permettra de s’imposer comme les stars de leur confrérie : taguer de leur nom la pomme géante qui est lâchée au-dessus du stade des Mets chaque fois que ceux-ci marquent un home run. Le film les suit dans leurs tribulations pour trouver les 500$ qui leur permettraient de soudoyer le gardien du stade et de s’y introduire, entre vols, petits trafics en tous genres, rencontres dangereuses et/ou amoureuses.




Racontée comme ça cette histoire peut paraître très anecdotique, et en effet elle l’est, mais elle intéresse finalement assez peu Leon. Ce qui est beau c’est ce qu’il en fait : il se dégage de ce New-York estival une torpeur, un côté poisseux extrêmement puissant et sensible, une véritable « atmosphère » ; la mise en scène, sous ses dehors discrets, est en fait très précise et affirmée. Elle est faite de très longs plans qui laissent les comédiens, qu’on devine amateurs ou en tous cas débutants, délier leurs longs dialogues très musicaux, tout en déambulant au milieu de gens ignorants du film qui se joue autour d’eux, grâce à de très longues focales et à des travellings et panoramiques très lents, très fluides. Des plans qu’on devine littéralement volés à la foule et à la ville. Ce système en apparence très simple mais très précis (Leon a préparé son film et répété avec ses comédiens pendant de longs mois, leur permettant une fois sur le « plateau » de tourner extrêmement vite) donne au film son identité, et n’est pas exempt de très belles fulgurances esthétiques (la « scène du château d’eau », évoquée plus bas, en est le plus bel exemple).




Atout plus trivial mais néanmoins important : les personnages de Malcolm et Sofia sont très bien dessinés. Leur relation, très marquée par des conventions communautaires un peu raides, laisse progressivement poindre une attirance contrariée très pudique et émouvante, et on en vient très vite à aimer ces jeunes gens nous-mêmes. L’originalité et la réussite de Gimme the Loot se joue aussi ici : Leon se détourne d’emblée de la critique sociale dans laquelle son sujet le menaçait de tomber et qui n’est ici qu’une toile de fond, certes bien présente mais sans aucun esprit de démonstration ou de dénonciation, au profit de l’observation de jeunes gens dont on sent la pulsation, l’énergie vitale, l’humour, et les espoirs (certes souvent déçus)… Ce ton que le film arrive à trouver est une vraie réussite, et suscite une réelle émotion, qui se joue dans les scènes qui réunissent Malcolm et Sofia, mais aussi dans leurs tribulations à chacun, séparément, et notamment dans la relation aussi excitante que cruelle de Malcolm avec cette « fille blanche » à qui il va livrer un peu d’herbe dans son appartement huppé de Manhattan. Là encore l’auteur trouve l’équilibre entre évocation des relations ambigües, teintées de fascination réciproque et d’incompréhension, entre deux communautés (bourgeoisie blanche de Manhattan vs population noire modeste du Bronx), et peinture très intense d’un rapprochement entre deux jeunes gens, de la montée du désir, de la tension érotique… cette belle combinaison va donc trouver son accomplissement dans cette magnifique « scène du château d’eau », vers la fin du film, à la fois très touchante et visuellement assez sidérante dans sa continuité. 




Le film est donc une espèce de mix curieux entre les premiers films de Spike Lee sans leur dimension politique (ou alors de façon beaucoup plus discrète et intime) et une version légère et débarrassée de pathos et de provocation du Kids de Larry Clark (pour l’atmosphère de la ville et l’âge et certaines préoccupations des personnages), et paradoxalement ça donne quelque chose d'assez neuf dans le ton, une œuvre de facture à la fois modeste et affirmée dans ses choix, qui fait preuve de belles qualités et nous épargne les écueils qui parsèment tant de films américains indé labellisés Sundance dont on nous abreuve chaque année. Le premier beau film de 2013 donc (déjà), une jolie découverte et un jeune réalisateur dont on guettera le prochain film avec curiosité.


Gimme the Loot d'Adam Leon avec Tashiana Washington, Ty Hickson et Zoë Lescaze (2013)

Go Go Tales

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Go Go Tales c'est Cosmopolis avant l'heure (le film n'est sorti en France qu'en février mais date en réalité de 2007) et en mieux. On y retrouve un bel homme charismatique, maître en son domaine, un huis-clos sombre, artificiellement éclairé et sur-coloré. Notre patron est isolé dans cette bulle parsemée de mille écrans de contrôle, entouré à sa guise de femmes sublimes et de conseillers divers, en proie à une névrose, confronté à la mécanique marchande des corps, et il affronte directement la crise économique en bon emblème de la société américaine capitaliste. Or Ferrara est non seulement d'un raffinement esthétique extrême, à base de mouvements de caméra fluides et presque aquatiques, de plans séquences coulant les uns dans les autres et de cadrages sublimes, mais il excelle en prime à filmer un collectif certes marginal et parfois étrange mais d'une vraisemblance à toute épreuve, il capte sans forcer une infinité de mouvements de corps et de matières, s'empare d'une énergie concrète et saisit la présence de personnages vivants et attachants, qu'il semble aimer vraiment.




Le film consiste plus ou moins en une immersion dans un microcosme en fin de cycle (Ray Ruby, le héros du film et patron de la boîte, ainsi que ses sbires, n'arrêtent pas de répéter qu'un club de striptease fonctionne par cycles), où les numéros de lap-dance s'enchaînent tandis que le taulier essaie de maintenir de l'ordre dans une affaire menacée de toutes parts, par une propriétaire réclamant quatre mois de loyer, un frère pourvoyeur de fonds lassé par l'échec financier de la boîte, ou des filles qui parlent de faire grève si elles ne sont pas payées. Et dans la même journée, Ray attend que son fidèle assistant retrouve le billet de loterie truqué et gagnant qui leur permettra de remporter 18 millions de dollars.




Aux deux extrémités de cette plongée anxieuse dans un univers en déliquescence, deux séquences absolument magistrales. D'abord une courte introduction d'une grande beauté : un premier plan remonte le long du corps allongé de Willem Dafoe jusqu'à se placer au-dessus de ses beaux cheveux brillants tandis qu'il regarde une bague à son doigt ; Ferrara raccorde sur l'image vacillante des pieds d'une fille assise en tenue de danseuse classique, et grimpe lentement jusqu'à son beau visage avant de redescendre vers ses jambes ; retour au premier plan sur la tête de Willem Dafoe et retour, là encore, à la position première de la caméra, qui parcourt à nouveau et en sens inverse le corps de l'acteur. L'image tremblante, fragile, imprécise de cette danseuse en tutu au milieu d'un cabaret est une image mentale mystérieuse. Mais il ne sera pas question d'une histoire d'amour perdu ni d'une quelconque passion contrariée avec une employée (comme dans Tournée de Mathieu Amalric, sorti il y a deux ans, auquel on pense beaucoup, comme on pense forcément à la référence commune de ces deux films, le Meurtre d'un bookmaker chinois de John Cassavetes), et d'ailleurs Ferrara évite tous les passages obligés du film de genre : pas de mafieux à l'horizon, pas d'intervention de gorilles pour tabasser le héros endetté, pas de vrai problème avec les clients ni avec les filles. L'image désirée dans le prologue est un rêve pur et simple, le rêve d'une vie, celui de créer une communauté artistique et de voir des êtres s'épanouir. Ray Ruby aime ses filles et ne prend de plaisir qu'à les présenter au public dans l'exercice de leur passion, sauf à chanter lui-même sur scène une ritournelle sentimentale inappropriée à son commerce. D'où ces fameux jeudis soirs où il fout ses clients à la porte pour laisser à ses employés, hommes ou femmes, une chance de s'exprimer librement en tant qu'artistes devant quelques éventuels producteurs, à l'image de la danseuse étoile du rêve initial que l'on retrouve alors dans un numéro de pointes émouvant.




Ferrara dénonce un monde contemporain (et un cinéma américain contemporain, que la boîte de spectacle refermée sur elle-même symbolise, avec cette omniprésence d'écrans et ces danseuses qui rêvent de faire l'actrice à Hollywood) où il faut se prostituer pour espérer pouvoir s'exprimer de temps en temps, et où le manque de financement désintéressé brime la liberté (à ce titre les figures de producteurs, bien que délestées de tout cynisme pesant, font froid dans le dos, de la vieille propriétaire gueularde au frère coiffeur putanier et artiste raté incarné par Matthew Modine). Mais Ferrara n'est pas un doux ange et, comme son double Ray Ruby, il ne rechigne pas totalement à cette concession qui consiste à déshabiller des filles (même s'il le fait sans aucun voyeurisme, au contraire même, avec beaucoup de respect), d'où le vice assumé (celui du jeu) avec un sourire malsain par Ray Ruby à la fin du film, dans un monologue où Willem Dafoe fascine une fois de plus.




Dans cette dernière séquence, où le personnage est au fond du gouffre et avoue son échec, la faillite de son rêve de communauté artistique unie et solidaire, Ferrara a la géniale idée de ce gag quand Ray retrouve le billet gagnant dans la poche intérieure de sa veste porte-bonheur. Par cette pirouette, Ferrara évite un final trop écrasant après une longue et violente chute libre, il termine sur une note positive et sauve ses personnages en liesse en même temps qu'il enfonce le clou sans lourdeur quant à la perversité et l'illusion du système capitaliste, qui pousse ses membres au vice, le cinéaste remettant un jeton sur l'inévitable système cyclique de la crise, qui rattrapera bien vite le millionnaire Palace de Ray Ruby. Cette fin permet aussi à Ferrara de conclure sur le sourire de détraqué légendaire de ce cher Williem Dafoe, et ça, ça n'a pas de prix.


Go Go Tales d'Abel Ferrara avec Willem Dafoe, Matthew Modine, Asia Argento et Bob Hoskins (2012)

4h44 Dernier jour sur Terre

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On peut lire un peu partout que les deux derniers films d'Abel Ferrara, Go Go Tales et 4h44 Last Day On Earth, s'inscrivent dans la suite logique de l'ensemble de la carrière du cinéaste par la nature des sujets abordés, qui répondent aux mêmes obsessions, et notamment via les thème de la religion, de l'addiction, de la puissance corporelle et de son contraire, ou de l'accomplissement artistique. Mais ces deux films se répondent tout particulièrement entre eux et forment une sorte de diptyque sur la fin du monde, avec le même acteur principal, l'impayable et superbe Willem Dafoe, qui passe dans le dernier film d'une interprétation rentrée à des explosions corporelles étonnantes, sans oublier de nous faire bien rire quand il parle au Dalaï-lama à travers sa télé. Dafoe incarne deux héros plutôt mystérieux confinés dans des huis-clos truffés d'écrans, des cocons menacés où la passion artistique persiste à s'exprimer jusqu'au bout et même si tout s'écroule.




Si le film de 2007 traitait d'une catastrophe économique là où celui de 2012 aborde une apocalypse écologique, dans les deux cas l'idée de cycle revient, ici sous la forme des aléas d'un commerce inconstant, là par le motif du cercle, celui que peint Skye (Shanyn Leigh, qui joue la compagne de Cisco, interprété par Dafoe) au début du film et celui qu'elle peint à la fin, ce dragon bleu dessiné sur une toile à même le sol et dans la courbe duquel s'allongent les amants pour mourir, quand dans leurs yeux se reflète un autre cercle lumineux. Ces deux films peuvent également fonctionner par paire dans la mesure où ils s'écartent conjointement de la noirceur pessimiste et défaitiste d'un autre chef-d’œuvre comme Bad Lieutenant, pour se focaliser sur des personnages dont le salut est envisageable, et envisagé, par un cinéaste qui ne se leurre pas quant à l'état de dégénérescence avancé de notre monde mais qui veut en préserver et en révéler la beauté coûte que coûte.




C'est cet esprit qui règne quand Ferrara, avec un minimalisme de rigueur et une poésie inversement proportionnelle à la petitesse de ses moyens, filme le ciel nocturne de la ville de New-York plongée dans l'obscurité envahi d'une aurore boréale improbable, somptueuse lueur verte qui donne l'impression d'admirer le fantôme géant de ce ciel même, le spectre de notre monde surplombant nos têtes. La fin est globale, elle doit s'abattre sur l'humanité tout entière d'un seul coup, et c'est comme si l'humanité dans son ensemble était déjà transformée en un ectoplasme géant. Cette apparition par anticipation, de la même façon que Ferrara filme un monde fini avant sa fin effective, pourrait être une image mentale (celles dont parle le gourou que Skye écoute sur sa tablette en peignant) produite par l'humanité elle-même qui, obsédée par la fin des temps annoncée, projetterait sa mort commune dans l'écran du ciel quelques minutes avant que la fin simultanée de tous les habitants de la Terre n'ait eu lieu. Cette image peut aussi symboliser la réunion finale de tous les êtres vivants. Cisco, en même temps qu'il découvre ce ciel nouveau, regarde à la jumelle depuis la terrasse de son appartement ses voisins dans leurs gestes les plus anodins. Le film a un fort aspect religieux mais qui va bien au-delà de la question christique de Bad Lieutenant ou de la conversion récente de Ferrara au Bouddhisme, et qu'il faut entendre au premier sens du terme "religieux", comme "ce qui relie" les hommes.




De la même manière qu'il prenait le contrepied du scénario de cabaret-avec-patron-endetté dans Go Go Tales, Ferrara prend le contrepied du film catastrophe en ne se laissant jamais aller à filmer des règlements de compte de dernière minute, des agressions de la dernière chance, des tentatives d'isolement dans un bunker ou des combats à mort pour une survie impossible. Au contraire il filme des gens qui s'aiment, qui aiment jusqu'au livreur vietnamien, qui leur emprunte un ordinateur pour parler aux siens et que Skye prend dans ses bras sans le connaître, parce qu'elle ne le reverra jamais. Les personnages du film sans exception ne cherchent qu'une chose, être ensemble (c'est tout l'enjeu de la dispute entre Skye et Cisco, la jeune femme refusant que son homme se drogue juste avant la fin, pour qu'il soit bien avec elle à ce moment-là), n'aspirant qu'à se relier. Cisco y parvient quand, arrivé au bout d'une séance de méditation ou juste avant l'explosion finale, il voit lui apparaître des images du monde entier confondues les unes dans les autres (Ferrara profite de sa liberté jusqu'à frôler l'expérimentation), une mémoire universelle qui défile devant son esprit avant la fin de tout. Penser le monde comme une boucle et la mort comme la promesse d'un retour cyclique à la vie (Skye demande à Cisco de ne pas avoir peur car ils se retrouveront au-delà de la dernière lumière blanche) fait certainement partie des préceptes bouddhistes mais aboutit ici à un film moins idéologique que simplement humaniste et optimiste, qui place tout son espoir dans l'homme et dans sa faculté à aimer l'autre. Les moyens de se lier à l'humain sont nombreux et consistent principalement en une foule d'outils de vision et de communication que le couple exploite tout au long du film : les jumelles déjà évoquées, l'inénarrable et plutôt inefficace écran de télévision, le visiophone ou tous les moyens de vidéo-communication possibles (internet, téléphone, etc.), et si Ferrara est conscient que ces outils créent une distance autant qu'une proximité, il préfère en retenir la capacité à réunir les gens. D'ailleurs quand Cisco sort de chez lui pour aller rejoindre ses amis, il doit se fondre dans la nuit et grimper aux échelles de sécurité des immeubles avec difficulté, puis repart très vite pour ne pas laisser Skye toute seule, la réunion physique impliquant autant de séparations que les écrans tâchent de combler. Ultime rencontre des êtres, beaucoup plus probante, celle qui passe par le corps, et qui donne à Ferrara l'occasion de filmer une scène d'amour physique assez sublime où les corps nus des deux amants s'empoignent très simplement mais sur fond d'un grésillement faible, d'une vibration lointaine et sourde qui nous rappelle que la fin approche et que cette étreinte sera la dernière, nous conduisant à la trouver plus belle que toutes les autres.




Cette scène, minimale dans les termes mais maximale dans l'effet créé, est à l'image de l'ensemble du film. Car le plus fascinant dans tout ça n'est pas tant, par exemple, la séquence faite de bric et de broc mais parfaitement éblouissante de l'aurore boréale, c'est l'usage du presque rien. Ferrara, à partir d'une économie de moyens rare, parvient à nous faire croire à la fin du monde mieux qu'aucun autre film ne l'a fait. De la même façon qu'il raconte à ses personnages une histoire à dormir debout et à laquelle ils croient pourtant tous (comment pourrait-on prédire l'heure de la fin du monde par voie de destruction de la couche d'ozone à la minute près ?), le cinéaste nous convainc absolument de l'imminence et de la réalité de cette apocalypse improbable avec trois fois rien. Il suffit au début du film que la chose soit annoncée sur un écran de télévision, que les personnages aient l'air de le croire dur comme fer, que Skye recouvre sa toile de peinture noire et que Cisco écrive noir sur blanc dans son journal cet énoncé performatif, "The world is ending", pour que nous soyons parfaitement immergés dans cette réalité incontestable, pour que nous regardions passer les voitures en bas de l'immeuble du couple en nous demandant très sérieusement où vont ces gens qui perdent leurs derniers moments sur la route, et pour les imaginer désespérés d'atteindre leur dernière destination. Il suffit de rien enfin pour que nous soyons terriblement touchés de voir les amants du film et ceux qui les entourent prononcer toutes leurs paroles et faire tous leurs gestes, banals, idiots, insignifiants (et désormais plus importants que tout) pour la dernière fois, et pour que nous remettions en cause notre propre quotidien, dérisoire sans doute mais que nous aurions bien tort de laisser filer.


4h44 Dernier jour sur Terre d'Abel Ferrara avec Willem Dafoe et Shanyn Leigh (2012)

The Pact

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Dans la situation actuelle du cinéma d'horreur et la triste sensation de désœuvrement que connaît l'amateur en manque de frissons, un petit film totalement inattendu comme The Pact fait un bien fou. Mais que ce fut difficile de mettre la main dessus ! Bien entendu, un tel titre ne sort pas en salles, ne sera jamais diffusé à la télévision et ne vous sera jamais conseillé par vos revues de cinéma, à part peut-être les plus spécialisées, et encore... Pourtant remarqué à différents festivals, ce film réalisé par un dénommé Nicholas McCarthy est seulement sorti en VOD et dans un nombre extrêmement limité de salles aux États-Unis. Il faut que des fins limiers, des amateurs aux goûts sûrs, altruistes et bien intentionnés, décident d'en faire les sous-titres eux-mêmes et de partager le résultat sur la toile pour espérer dénicher le film, un jour où, désespérément en quête d'une bonne pelloche horrifique, on tenterait un pari a priori bien risqué. Internet, ses blogs et ses forums de cinéphiles exigeants, s'occupent ensuite de donner une nouvelle vie à ce genre de pépites obscures qui, sans ça, seraient totalement éclipsées par ces mastodontes hideux dont les affiches inondent les frontons des multiplexes et gâchent les murs de nos rues, comme Sinister, Resident Evil 5 ou Possédée, offerts sur un plateau et à grands renforts publicitaires aux spectateurs les moins aventureux. 




Il ne faut cependant pas faire confiance à des sites comme IMDb et aux votes massifs de ses utilisateurs pour éventuellement mettre en lumière un film comme celui-ci qui, étant donné ce que l'on a désormais l'habitude de proposer au public, très juvénile, de ce cinéma-là, surprendra, décevra et ne pourra vraiment plaire qu'à une minorité. Car le réalisateur de The Pact fait partie de ces rares têtes neuves, parmi lesquelles Ti West ou Ben Wheatley, qui ont compris que, pour être réussie et marquante, pour avoir une chance d'être un peu terrifiante, l'ambiance d'un film d'horreur est primordiale et doit être construite avec patience et minutie. Le non-dit, aussi, est essentiel, ces zones d'ombres, qui sont ici laissées à l'imagination du spectateur, pour alimenter sa peur, et non pour cacher un scénario brinquebalant : ça aussi, Nicholas McCarthy, également scénariste, l'a tout à fait compris. La peur s'installe dès les premières minutes de ce qui est son premier long-métrage. Une jeune femme seule, retournée dans la demeure de sa mère décédée, se dispute au téléphone avec sa sœur. Après avoir raccroché, elle lance une conversation vidéo sur son ordinateur portable avec sa petite fille. Pour mieux capter le signal wifi, elle se déplace, MacBook au bras, dans les pièces et les couloirs d'une maison qui nous apparaît de plus en plus glauque, jusqu'à ce que sa gamine lui demande, l'air de rien, "Maman, qui est la personne derrière toi ?". C'est très simple et même attendu, mais c'est fait de telle façon que cela fonctionne parfaitement : l'effet est garanti. Cette maison de banlieue très ordinaire aux papiers peints particulièrement austères sera le principal et quasi unique décor de cette histoire de fantôme fort bien menée, dont on prendra bien du plaisir à découvrir progressivement tous les secrets. La sœur (Caity Lotz, une actrice blonde au visage assez particulier, dont le charme agit à retardement), absente de la première scène, devient l'héroïne du film : nous la suivons mener son enquête sur les disparitions mystérieuses survenues dans la maison de sa défunte mère, avec la seule aide d'un flic à l'âme charitable, incarné par le revenant Casper Van Dien (l'éternel troufion de Starship Troopers, devenu un vrai bellâtre en vieillissant, avec ses longues mèches, sa barbe grisonnantes et son regard azuréen qui lui donnent des faux airs de Viggo Mortensen).




La simplicité ou, devrait-on dire, la limpidité du scénario apparaît elle aussi comme un véritable bol d'air frais à l'heure où la règle qui semble dominer le cinéma de genre pourrait se résumer par l'idiote formule "Plus c'est compliqué et tordu, mieux c'est". The Pact nous raconte une histoire bien glauque, certes, mais remplie de motifs simples que l'on peut décliner, déplacer, généraliser, comme sont faites ces histoires fantastiques conçues pour nourrir et faire bouillir notre imaginaire macabre. Nicholas McCarthy choisit les lieux les plus familiers pour y faire surgir l'horreur, filmant cette banale maison comme s'il s'agissait d'un vieux château gothique à la personnalité écrasante. Surtout, ce cinéaste d'origine inconnue a la très chic idée d'incorporer son histoire dans notre quotidien le plus actuel à travers un savant usage des NTIC (Nouvelles Technologies d'Information et de Communication), à l'image de la scène d'ouverture donc, où le téléphone portable, utilisé avec le haut-parleur, nous incite à imaginer la présence de l'interlocutrice, avant que la webcam s'avère révélatrice d'une menace inattendue, possiblement un fantôme quant à lui réellement invisible mais bel et bien présent. Pas dénué d'imagination et disposant de plus d'un tour dans son sac malgré un budget que l'on imagine rachitique, Nicholas McCarthy va même jusqu'à utiliser Google Map pour provoquer l'effroi en tirant partie des formes étranges que l'on peut parfois croiser sur ce site, au détour d'une rue ou d'un paysage, avec ces images instantanées, fondues les unes dans les autres, enchevêtrées, déformées, sans contour, où chaque pixel peut cacher une forme anormale, floue, inconnue, à condition d'être invité à la voir ainsi. Évidemment, les appareils photos numériques sont aussi utilisés pour capturer d'inquiétantes présences absentes, révéler des formes bizarres et nous faire frémir, The Pact rappelle alors le très efficace Shutter (littéralement "obturateur"), ce film de trouille thaïlandais de 2004, déjà l'objet d'un sordide remake hollywoodien, qui utilisait également cette idée et les autres possibilités offertes par les APN jusqu'à la corde, pour nous offrir quelques scènes véritablement terrifiantes.




Nicholas McCarthy parsème son film d'idées de mise en scène toutes simples mais diablement efficaces. Il ne tombe jamais dans la facilité et n'abuse pas, par exemple, de ces agaçants "jump scares", ces moments stridents hélas à la mode qui feraient sursauter n'importe qui n'importe quand, à l'exception d'un panoramique a priori fameux qui s'achève sur l'apparition inquiétante d'une silhouette à moitié dissimulée dans l'ombre, image malheureusement accompagnée d'un effet sonore très soudain, forcément terrorisant. Son récit mène le cinéaste vers des scènes à haut risque car déjà vues cent fois ailleurs (comme cette scène où une jeune medium s'aventure dans la maison hantée pour être réceptive aux signes paranormaux et finit par piquer une crise, puis ce moment où l'héroïne improvise une séance de spiritisme pour communiquer avec les esprits à l'aide d'un ouija), mais il s'en tire toujours avec les honneurs et parfois même à merveille, sans jamais faire de redite ni altérer l'identité propre de son œuvre. Il met d'abord en place un rythme assez lent, incertain, pour mieux préparer le terrain vers un final redoutable où le film prend alors une tournure assez inattendue, car plus rationnelle et terre-à-terre, mais qui permet cependant au scénario de se boucler proprement et à la tension de culminer vers des sommets très rarement atteints ces dernières années sur pellicule. Et ce n'est que lors de cette conclusion terrible que le cinéaste débutant se permet une citation très nette d'un classique de l'horreur, le Halloween de Carpenter, quand son héroïne sexy adopte la même posture que Jamie Lee Curtis, se servant d'un cintre aux mêmes fins, puis par ces ultimes plans fixes rythmés par le son d'une respiration de plus en plus forte. Il y a évidemment bien pire comme source d'inspiration et Nicholas McCarthy comble moins une lacune créative qu'il n'adresse là un très bel hommage à l’œuvre de John Carpenter, dont on sent par ailleurs qu'elle constitue une influence de taille. Par ailleurs, son attitude modeste, respectueuse du genre, consciente de ses influences et sachant s'affranchir de ses maigres moyens, n'est donc pas sans rappeler la démarche salutaire de Ti West, notamment sur le très réussi The House of the Devil autre film d'horreur américain « super-indépendant » sorti en DTV. The Pact déborde tellement de bonnes intentions et nous fait passer un moment de trouille d'une telle qualité qu'on lui pardonne aisément ses quelques petites maladresses, à l'image d'un plan final inutile et digne d'une piètre série b. Ces bémols seraient de toute façon largement insuffisants pour refroidir notre vif enthousiasme à l'égard de ce film d'horreur humble, intelligent et, surtout, réellement terrifiant, comme il est trop rare d'en voir actuellement, et qu'il me semble donc nécessaire de saluer. Inutile de préciser que nous suivrons de très près la suite de la carrière de ce cinéaste.


The Pact de Nicholas McCarthy avec Caity Lotz, Casper Van Dien, Agnes Bruckner, Mark Stegger et Haley Hudson (2012)

Bilan 2012

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Du 1er janvier 2012 à zéro heure au 31 décembre 2012 à minuit, nous avons épié l'actu ciné. Plus qu'hier et moins que demain, le cinéma a rythmé nos vies. Profitant d'une situation de demandeurs d'emploi jouissive, nous avons pu caler quelques séances de salles obscures entre deux rendez-vous avec des conseillers Pôle-Emploi malheureusement trop peu cinéphiles. A défaut de pouvoir partager nos passions avec eux, nous l'avons fait avec vous pour la quatrième année consécutive, et toujours avec autant de plaisir. Que le débat se poursuive dans les commentaires ou sur les réseaux sociaux à la mode, l'essentiel est de communiquer avec vous nos enthousiasmes, nos déceptions et nos dégoûts, et surtout de découvrir les vôtres. Connectés à Facebook et à Twitter, nous avons pu échanger tout au long de l'année sur les films qui sortaient chaque semaine et sur ceux, plus vieux, que nous découvrions sur le tard. Nous nous sommes également servis de ces réseaux pour tenter d'entrer en contact avec la petite famille du cinéma, de solliciter des retweets sympathiques de Marina Hands et Frédérique Bel ou des retweets haineux de Leïla Bekhti, Géraldine Nakache, Charlotte le Bon, Emma de Caunes, Mouloud Achour et Romain Levy, sans obtenir ni des uns ni des autres de réponses satisfaisantes. Soucieux d'être envahis un jour ou l'autre par le GIGN, nous avons tenté de provoquer à coups de "Lov' ur chest. Pleazzze RT" et autres "RT mes Nike fluo Mouloud, moi aussi je possède des sneakers pourries !", en vain. Bref nous avons voulu être un grain de sable inattendu dans le petit monde confortable du ciné. Mais rien de trop croustillant à raconter en matière d'anecdote de chantier, donc revenons sur ce qui nous a vraiment intéressés, c'est-à-dire échanger avec vous. Comparer nos préférences, défendre les films que nous aimons, puis connaître vos cinéphilies singulières et entendre ce que vous avez à en dire, c'est encore le but de nos grands articles bilans annuels, qui comme vous le savez réservent toujours une place à vos classements. Ainsi succédera à nos petites listes personnelles votre grand bilan collectif, avec d'un côté les dix films que vous avez préféré en 2012 et de l'autre ceux que vous avez le plus détesté.


Holy Motors de Leos Carax

De notre côté si on fait le bilan on peut être satisfaits de nous-mêmes : nous avons publié 176 articles dans l'année, soit deux par jour. Parmi ces articles figurent la majorité des films que nous avons aimés et surtout les principales sorties de 2012, à l'exception de The Hobbit et L'Odyssée de Pi (nous n'avons pas pris en compte le mois de décembre), Skyfall (on l'a vu au ciné et on avait toute la critique dans la tronche en sortant de la salle, mais on n'avait pas de calepin et le lendemain : trou noir), Astérix au service de sa majesté (ici on ne tire pas sur les ambulances), Hunger Games (on attend le jeu de plateau), Argo (on ne maîtrise déjà pas le verlan), Starbuck (on l'a pas vu mais on y est souvent allés, tout comme nous sommes souvent allés manger au Subway alors que nous n'avons toujours pas vu le film de Luc Besson, highlight de 1985), MIIIB (on n'avait pas vu MIIB), The We and the I et Camille redouble (trop de mauvais souvenirs de ce bahut qu'on essaye de quitter depuis plus de dix piges), Blanche-neige et le chasseur (Chris Hemsworth joue dans le film et nous n'aimons pas que des trisomiques soient exposés sur un écran) ou Le Lorax (on n'avait pas compris que c'était un film). Ces gros titres ne se retrouveront donc pas dans nos Tops malgré notre envie de surprendre.


Les Chants de Mandrin de Rabah Ameur-Zaïmeche

Nous n'avons peut-être pas tout vu mais dès le mois de mars, quand nous avons commencé à trier nos préférences, à hiérarchiser la catégorie socio-professionnelle "cinéaste", nous avons déjà entraperçu les grandes lignes directrices de nos classements à venir. Dès le premier film de l'année vu au cinéma, Take Shelter, c'était un souci de moins. Un blogueur ciné commence chaque année avec 10 soucis, les 10 films qu'il doit trouver à mettre dans son Top. Or là, paf, dès la première quinzaine de janvier un souci d'éradiqué. A l'orée du mois de juillet, nous avions la certitude de passer nos vacances au frais avec un Top 10 bien entamé, fait de bric et de broc mais déjà solide, et tout de même l'envie tenace d'éjecter quelques titres. Mi-décembre, grosse gueule de bois au réveil. Nuit de noël sans lune, sur dix œuvres intouchables dans ton Top il ne t'en reste qu'une. Emprunts à la médiathèque à gogo, achat de cartes de visites illimitées au cinéma Le Cratère et au Gaumont Pathé, abonnement à Vidéo-Futur, si ça existe encore, et passage à la fibre pour rattraper le retard et sauver les meubles. On a fini le mois de décembre avec des yeux comme des boules de bowling, incapables de distinguer la réalité de la fiction, paumés dans un univers lynchéen au possible (notre fidèle Poulpard a quant à lui passé son réveillon à éplucher Rotten Tomatoes et Metacritic pour terminer l'année avec un petit Top 4 dont il est bien fier). Et vu que l'année fut chargée en films de qualité, dresser des Tops 10 sans faire l'impasse sur quelques titres aimés s'est avéré compliqué. Nous nous y sommes pourtant pliés, au prix de fêtes de fin d'années passées entre quatre murs face à des écrans diffusant en simultané nos films préférés, à la recherche du moindre défaut. Sans plus attendre voici donc nos Tops 10 par ordre de préférence (ici et plus bas, cliquez sur les affiches pour accéder aux critiques) :


NOS TOPS
(Félix/Rémi, par ordre de préférence)



















































































































Au-delà de l'évidente profusion de grands films, que nos classements nous semblent révéler (bien qu'ils soient avant tout lesimple reflet de nos cinéphilies particulières), on se réjouit du vent de fraîcheur, d'audace et de nouveauté qui aura soufflé sur le cinéma cette année. Certes nos chouchous sont là, même si Olivier Assayas et son Après mai manquent à l'appel faute de place - cruauté du Top 10... - ainsi qu'Abbas Kiarostami faute d'avoir pu découvrir Like Someone in Love en salles, où il n'est resté à l'affiche que deux heures montre en main. On retrouve malgré tout des valeurs sûres, des cinéastes incontournables dont on attendait les films de pied ferme et qui ne nous ont pas déçus, à l'image d'Alexander Sokurov (Faust), d'Alain Resnais (Vous n'avez encore rien vu) ou de Werner Herzog (Into The Abyss). A côté de ça, des cinéastes en pleine croissance et en pleine confiance, déjà remarqués mais qui gagnent peu à peu en maturité, ont confirmé un talent exceptionnel, ce sont Rabah Ameur-Zaïmeche (Les Chants de Mandrin), Jeff Nichols (Take Shelter) ou Hirokazu Kore-Eda (I Wish). Et puis il y a eu quelques surprises, des cinéastes rares revenus d'outre-tombe sur le devant de la scène pour nous épater, Leos Carax (Holy Motors) d'un côté, Chantal Akerman (La Folie Almayer) de l'autre, et Abel Ferrara (Go Go Tales et 4h44 Dernier jour sur Terre) aux États-Unis. Hasard du calendar, ce dernier s'est retrouvé deux fois à l'écran en France, pour deux chefs-d’œuvre, partageant le haut de l'affiche de 2012 avec le prolifique et déjà très grand Hong Sang-soo (The Day he Arrives et In Another Country). L'autre poule aux œufs d'or - mais les siens sont pourris - de l'année, avec également deux films au compteur, n'est autre que Steven Soderbergh, auteur de Piégée et Magic Mike, qui nous ont tous deux piégés sans aucune magie... En revanche et pour terminer, nous avons fait quelques heureuses découvertes, quelques cinéastes viennent d'éclore sous nos yeux, dont nous attendons les prochains films avec, dans certains cas, un peu d'appréhension, mais globalement avec beaucoup d'optimisme, ils se nomment Ben Wheatley (Kill List), Joachim Trier (Oslo 31 août), Guillaume Brac (Un monde sans femmes), Nick McCarthy (The Pact) et Alex Ross Perry (The Color Wheel). Parmi ces noms se trouve peut-être bien la relève de demain !


Oslo 31 août de Joachim Trier

Se dégagent des films que nous avons préféré quelques idées communes, une même urgence à se saisir de l'actualité sans lourdeur, à la différence de cinéastes comme Jacques Audiard ou Cédric Kahn, qui nous ont torché leurs petits films sociaux misérabilistes pour se sentir bien dans leurs souliers tout en nous foutant la rage. Les cinéastes de 2012 que nous aimons partagent un regard humaniste portant l'homme au centre de toutes les attentions, et insufflent coûte que coûte la vie à leurs œuvres (y compris quand elles évoquent la peine de mort, chez Herzog, ou la fin du monde). C'est d'ailleurs sur ce point que le très froid, théorique et désaffecté Cosmopolis, film important sur la crise, n'a pas retenu notre intérêt au même titre que les œuvres de Jeff Nichols ou d'Abel Ferrara entre autres, qui quant à eux ont su se placer au cœur des enjeux angoissants de notre monde contemporain tout en aimant leurs personnages et en leur accordant une chance de bonheur et de salut non-négligeable. Certains auteurs l'an passé s'interrogeaient sur l'absence de guide à suivre les yeux fermés, et se projetaient avec doute et anxiété vers un futur incertain (La Dernière piste de Kelly Reichardt, Habemus Papam de Nanni Moretti, etc.). Cette année en revanche les cinéastes se sont souvent entendu à relier le présent au passé ou à le lire selon ses enseignements, pour constater la pérennité de la soif de lutte et de liberté (Les Chants de Mandrin), pour dénoncer le retour en arrière violent impacté par la crise et la politique de rigueur (Gebo et l'ombre, critique de l'immobilisme mortifère, que rejoignent sur ce point des films comme Faust ou La Folie Almayer), ou tout simplement pour questionner l'actualité du cinéma et de l'art en général. C'est une dimension primordiale des projets très différents que furent Vous n'avez encore rien vu et Holy Motors, mais aussi Tabou, trois films convoquant les origines du cinéma et leurs fantômes tout en jouant avec la modernité des techniques nouvelles pour les rendre plus poétiques que jamais (même si le film de Miguel Gomes ne nous a pas séduits, bien qu'il ait occupé nos soirées en famille, où l'on aime bien faire une partie de Tabou 1982, celui où il faut faire deviner Eddy Mitchell sans dire "dernière séance" ni "chaussettes noires").


Faust d'Alexander Sokurov

Dans les films de Carax et de Gomes, que beaucoup s'accordent à placer conjointement au sommet des sorties de l'année, mais aussi dans ceux de Resnais ou de Hong Sang-soo, on perçoit ainsi une envie de jouer avec l'outil cinéma (comme d'autres jouent avec le spectateur, à l'image de l'étonnant Kill List). L'énergie déployée par ces cinéastes pour sublimer leur art et créer des images poétiques fascinantes excelle à démontrer la puissance du cinéma même le plus modeste. Beaucoup de films pauvres nous ont éblouis, des Chants de Mandrinà Un monde sans femmes et de Kill Listà I Wish en passant par les films fauchés de Ferrara, Oslo 31 août de Joachim Trier, The Color Wheel d'Alex Ross Pery ou Gebo et l'ombre de Manoel de Oliveira. L'économie (forcée ou consentie) de moyens (on pourrait aussi penser à Twixt, même si le film ne nous a pas convaincus), conjuguée à des efforts toujours plus grands pour réaliser des films magistraux dans un sincère élan ludique et joyeux (car même si cet adjectif ne serait peut-être pas le premier venu pour parler des films de Carax et Resnais, il se dégage une profonde joie de leurs films aussi libres que majestueux), dénote enfin un besoin de croyance et une injonction à croire en ses rêves et en son art, à faire jouer son imagination, à s'exprimer librement, y compris dans les temps difficiles que nous traversons, et c'est ce que traduisent des films aussi différents que I Wish, Go Go Tales, 4h44 dernier jour sur Terre, The Color Wheel, The Day He Arrives, In Another Country ou Un Monde sans femmes.


In Another Country de Hong Sang-soo

Mais ne tardons pas davantage à découvrir ensemble le visage de votre propre bilan, élaboré à partir de vos classements personnels réunis par un très ingénieux système de points (à raison de 10 points attribués au 1er de chaque liste, 9 aux seconds, 8 aux troisièmes et ainsi de suite). Voici donc votre Top 2012 suivi de votre Flop de l'année :


VOTRE TOP
(Par ordre de préférence)












VOTRE FLOP
(Par ordre de répugnance)












Quel fier bilan que voilà. Un top qui nous ressemble, un top qui nous assemble... Mais au large les contagieux ! Parce qu'alors Wes Anderson, c'est déjà un gros malentendu qu'il ait eu droit à son papelard positif dans nos colonnes. Quant à Cosmopolis, nous l'avons vu, et ne nous l'offrez pas en dvd merci ! Et puis il y a le couac nommé Tabou, dont on a déjà parlé et sur lequel nous reviendrons dans un futur article.


I Wish de Hirokazu Kore-Eda

On notera dans notre classement (comme dans le vôtre plus ou moins) la relative timidité du cinéma américain, et l'absence totale de films hollywoodiens, puisque les seuls cinéastes nommés chez nous (Jeff Nichols, Abel Ferrara, Alex Ross Pery) sont des artistes indépendants, et pas qu'à moitié, on parle de films pauvres, certains tournés en DV (The Pact), d'autres réalisés au prix d'une lutte constante pour contourner les contraintes du système (Ferrara). Ce n'est ni calculé de notre part, ni faute d'avoir regardé des films à gros budgets sortis des grands studios, y compris en espérant sincèrement passer du bon temps. On a donné cher de notre peau, et la majeure partie d'entre vous aussi, en voyant et en critiquant pas mal de gros morceaux tels que Avengers, The Dark Knight Rises, Prometheus(ces deux-là arrivent en tête de vos haines annuelles - et sans doute des nôtres) ou Looper, soit la preuve par 1000 que le cinéma américain ne sait plus divertir intelligemment et poursuit son infantilisation macabre. Avengers est peut-être le plus triste succès de l'année puisque tandis que la mode du reboot et des super-héros commençait à s'enrayer, le carton phénoménal du film de Josh Whedon a relancé la machine à fric en réunissant bêtement une pléiade de personnages connus dans un délire pyrotechnique orchestré par un enfant turbulent et débile. Mais Avengers n'est venu, après un flot ininterrompu de médiocres films de super-héros, que comme l'affreux couronnement d'une entreprise bien rodée et depuis longtemps malsaine, tandis que les films de Rian Johnson, de son modèle Christopher Nolan et de l'idole de ce dernier, Ridley Scott, ont scié en deux les maigres espoirs que l'on pouvait encore placer sur la science-fiction grand public à l'américaine. On n'attendait rien du golden boy Nolan, plus grand chose du vieillard sénile Scott, mais on pouvait croire une seconde dans la soi-disant pépite à ne pas louper qu'était Looper, film encensé à droite à gauche et porté par une relique du cinéma américain populaire de qualité nommée Bruce Willis. Sauf que le film ne fut qu'une mascarade de plus, au goût particulièrement amer. Mais oublions ces dérapages industriels à des années lumières du cinéma qu'on aime. En est-ce encore vraiment ?


The Color Wheel d'Alex Ross Pery

On peut par contre noter l'absence totale, dans une sorte d'indifférence polie, des world acclamated directors que sont Steven Spielberg (Cheval de guerre), Tim Burton (Dark Shadows), David Fincher (Millenium, l'homme qui allumait des feux de paille) ou Clint Eastwood (J. Edgar). Cités nulle part, ni dans les Tops ni dans les Flops, ces noms célèbres échouent à marquer l'année, au contraire de certains de leurs camarades plus encensés, les Cronenberg (Cosmopolis), Coppola (Twixt) et autres Friedkin (Killer Joe), qui ont su aux yeux de certains d'entre vous trouver un second souffle ou une originalité faisant défaut aux exercices mollassons des premiers. Mais que leurs fans se rassurent, ces dinosaures-là reviennent chaque année tels de véritables marronniers avec une nouvelle fournée à faire croquer. On a maté Lincoln, le nouveau Spielberg, on a maté Frankenweenie, le nouveau Burton, on a même maté La Dernière chance, énième Eastwood en mode fin de vie, et on s'empéguera forcément le prochain Fincher, à notre corps défendant...


Un monde sans femmes de Guillaume Brac

Pour rester une minute de plus sur le dos du cinéma américain, que dire de l'anomalie Bellflower, pourquoi consacrer un paraphet à ce film qui n'est rien ? Parce qu'il a été fait avec cœur, c'est indéniable, mais par quel connard ! C'est comme si votre cousin schizophrène vous montrait un film qu'il aurait mis quinze jours à tourner mais trois années à monter entre deux énormes taffes de beuh, l'esprit détraqué et démultiplié, à la Hal Hashby de Festes-St-André. Aurait-on vraiment envie de profiter des bilans annuels pour tirer une balle dans le dos d'un individu déjà pas loupé par la vie ? Personnellement non. Mais il faut croire qu'Evan Glodell a poussé le bouchon un peu trop loin pour les plus rancuniers d'entre vous, à l'image de notre collaborateur Paul-Emile Geoffroy, qui envisage de passer ses vacances à Houston juste pour "se faire" le vidéaste amateur. C'est ainsi que l'anonyme Glodell se retrouve derrière les grands noms de Ridley Scott, Christopher Nolan et Michael Haneke dans la liste de vos têtes de turcs favorites, et ce n'est pas pour nous déplaire.



On remarque aussi que cette année fut profitable à notre cher cinéma français, même si "français" ne rime pas toujours avec "prendre son pied", surtout quand on repense aux râles morbides de la pauvre Emmanuelle Riva, poussée dans ses derniers retranchements par un détraqué dans Amour, le snuff movie le plus récompensé et acclamé de l'histoire du 7ème Art, lauréat de la Palme d'Or et légitimement bien placé dans vos coups de gueule de l'année. Michael Haneke, l'homme aux deux palmes et à l'humour so british, en a semble-t-il énervé pas mal, nous y compris. Son pensum sur la peine de mort nous a laissés froids. Représentatif d'un cinéma qui nous glace le sang, nous détruit l'humeur, nous écrase de bêtise, nous sommes heureux d'avoir découvert ce film à un âge où l'on peut faire la part des choses, et s'imaginer qu'après chaque prise Trintignant buvait des verres de schnaps en écoutant du Bob Marley pour décompresser. Nous nous sommes plaints du cinéma américain mais le cinéma français et francophone nous a aussi donné du fil à retordre. Haneke n'est pas seul à la barre des accusés, bien qu'il soit en tête de gondole avec son bouc traînant sur l’échafaud. Derrière lui se tient notamment Jacques Audiard, menotté pour De Rouille et d'os, que nous avons également détesté comme nous avons détesté Bullhead, polar agricole d'une lourdeur bovine sans précédent et autre film porté par l'acteur belge Matthias Schoenaerts. Un amour au quotidien ce Schoenaerts par contre, l'homme qui vient toujours filer un coup de main, le brave jeune, qui croyait flamber à Cannes (où il s'est surtout fait remarquer quant à son comportement auprès des petits fours), et qui est reparti avec un gros coup de pied au cul, l'emprunte de godasse de Gilles Jacob, pourtant pas bien costaud mais pas mal énervé, imprimée à jamais sur la raie.


Into the Abyss de Werner Herzog

On a souffert aussi du côté des comédies à succès, avec Le Prénom, Radiostars ou Nous York, respectivement portés par Patrick Bruel, Manu Payet et Géraldine Nakache, que nous considérons ouvertement comme des usurpateurs de malheur. On pourrait aussi parler de films comme Dépression et des potes, Plan de table, Marsupilami et tant d'autres, au point que nous avons consacré un certain temps à nous lamenter et à pointer du doigt les principaux auteurs de ces private joke misérables distribuées sur 500 copies et omniprésentes sur les plateaux de nos pires émissions télé. Sur ce point, c'est l'Amérique et ses comiques sans foi ni loi qui nous sauvent et nous offrent nos seules chances de rire bien franchement devant un écran. Will Ferrell dans The Campaign et Adam Sandler dans Jack et Julie et Crazy Dad ont marqué l'année de leurs facéties et des éclats de rire qu'ils nous ont fournis. Adam Sandler a pourtant été crucifié par la critique, et on ne vous remerciera jamais assez d'avoir quant à vous choisi d'épingler des grosses cylindrées et des grands noms qui le méritaient tellement plus.


La Folie Almayer de Chantal Akerman

Revenons en vitesse sur quelques tendances plus farfelues, qu'on aimerait voir dégager à tout jamais. Nous regrettons par exemple la mode des titres en "Dark" (Dark Shadows, Dark Horse, Dark Knight Rises, Dark Hairy Pussy), autant de films à fuir comme la peste, ainsi que la vague des films de l'est portant des prénoms de femmes en "a" (Elena, Aurora, Barbara, Vahirua, Valbuena, Pauletta, Bernarbia, etc.), films austères, graves et chiants.



En priant pour ne plus avoir affaire à ce type de titres, on espère que 2013 sera aussi riche en découvertes, en surprises et en plaisirs cinématographiques que 2012. En ce qui nous concerne on a la barre au beau fixe. Cette année on va continuer à bouffer ciné, à pioncer ciné et à halluciner, parce qu'on n'est pas encore vaccinés. Nous continuerons bien sûr à critiquer les nouvelles sorties qui nous inspireront et à revenir sur de plus vieux films aimés depuis longtemps ou à peine découverts. Peut-être que quelques nouveautés viendront animer le blog, en attendant nous poursuivrons sur notre lancée, par exemple en vous proposant bientôt un nouveau dossier consacré, on vous le donne en mille, aux westerns ! Tarantino oblige... On commençait notre bilan 2011 par lui et on finit par lui celui de 2012. D'ailleurs on lui dit "à dans onze mois !", pour voir s'il n'aura pas définitivement pété un plomb d'ici là, étant donné que d'année en année on le trouve physiquement de plus en plus sous tension.


 
Kill List de Ben Wheatley

Pour finir, nous souhaitons remercier chaleureusement tous ceux qui nous suivent de près ou de loin mais surtout ceux qui ont généreusement participé à ce grand bilan en nous faisant parvenir leurs préférences par mail (on vous invite d'ailleurs à les poster en commentaire), et notamment quelques collègues cinéphiles : Gendar (toujours fidèle au poste) ; Olivier Père (de mes enfants) ; Fredastair (pour toi nous changerons de sexe) ; Nightswimming (à quand une analyse des couv' France Foot ?) ; Le Cinéphobe (dont acte !) ; Ca flim (figure de proue du snuff movie bruxellois) ; Une fameuse gorgée de poison (méfiez-vous de ses fameux cocktails) ; C'est entendu (on attend un nouvel article depuis bientôt 6 mois !) ; Thibault (notre dirlo photo) ; Christoblog (666 gravé sur le front) ; TeddyDevisme (dont on a bien pris en compte les 16 tops succesifs) ; Pausanias (qui n'a pas participé mais que l'on salue amicalement car nous avons une passion commune : les grosses aréoles) ; FredMJG (même si un bogue nous a privés de son top) ; AdrienClem (ton gros boule de black, ma main : they should meet) ; Gondebaud (que trépasse si je faiblis !) ; JeanCalin (pour lequel nous n'avons pas de link, mais beaucoup de think) ; Thibault Fleuret (bon courage pour ta recherche de films) ; Josette K. (la sœur de Joseph Kessel) ; Pierre Morin (dans l'annuaire, entre "Pierre Morin" et "Pierre Morin") ; Sylvain Métafiot (mets ta cagoule !) ; Guillaume A. (côté de la plaque - sans rancune !) ; pierreAfeu (on a respecté jusqu'à la typologie de son blaze, toujours utile en ces temps sombres) et les autres ! (si nous avons oublié quelqu'un qu'il se manifeste et veuille bien nous excuser). Avec un petit clin d’œil à Pathé pour nous avoir fait pendre au nez un procès juste parce qu'on avait mis en lumière un film d'animation obsolète qui avait bien du mal à démarrer au box-office...

Merci encore à tous et à très bientôt pour de nouvelles aventures cinéphiliques !

Cloud Atlas

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Les cinéphages sont face à un dilemme terrible : attendu pour les ides of march, le 13 mars 2013, soit le 13/03/13 (connaissant les frères Washowski ça ne doit pas être un hasard), Cloud Atlas est depuis quelques jours disponible sous la forme totalement illégale et que nous condamnons fortement d'un DvdRip, sous-titré par le fameux Nicoo, étudiant en Master 2 d'anglais depuis cinq ans. Les fans des "frères" Wachowski parviendront-ils à dompter leur impatience pour découvrir le nouveau mastodonte de leurs idoles sur grand écran, seul mode de diffusion capable de rendre justice à la folie des grandeurs des auteurs de Matrix, ou craqueront-ils lâchement et en secret pour voir la Bête du Gévaudan avant tout le monde et pour avoir le temps, d'ici au 13 mars, de se convaincre que le film est bon ? Quant à nous, Speed Racer, le précédentnaveton des frère et sœur jumeaux cinéastes, nous attend dans le fond d'un disque dur externe vérolé. Il est donc probable que nous verrons Cloud Atlas en 2017, longtemps après le buzz, sous la présidence de Jean-François Copé, car nous serons alors tellement en quête d'évasion que nous chercherons un peu de paix jusque dans le film des Wachowski. Nous sommes prévoyants.


Milla Jovovich dans Resident Evil Opération Reconstruction ? Non, Lana Wachowski, premier shemale cinéaste (après le grand Michael Cimino), plus bonne en femme qu'en mec, sauf si on regarde en-dessous de la ceinture, un vrai massacre, attaqué au napalm et au fer à souder. Si vous vous étonnez de ces pustules sur son visage, ce ne sont que les vis qui tiennent l'ouvrage débout !

Le poster de ce Cloud Atlas est à mettre dans la grande catégorie "montagne de tronches", style graphique lancé avec Star Wars épisode 5 par le grand fossoyeur du ring hollywoodien, Leorge Gucas, chevalier des arts et des lettres, qui sera nommé à l'Académie Française et promu Commandeur de la Légion d'Honneur sous Raymond Copé. Cette mode a perduré et a été remise au goût du jour par Star Wars épisode 1 puis par la saga de l'anneau de Peter Jackson (rappelez-vous la gueule de Gandalf le Gland, avec les yeux globuleux de Gollum perchés de chaque côté de la pointe de son chapeau et les narines de Frodon encastrées dans sa barbe). Autre série de films avec "montagne de gueules" (on peut aussi employer l'expression "surchargé de merde") à l'affiche, celle de la trilogie Matrix, dans laquelle jouait déjà Hugo Weaving, le célèbre Rondelle du Seigneur des anneaux. Les Wachowski rempilent donc pour une nouvelle "cascade de tronches de cons", et ici les gambas de Gong Lui servent de base à un triangle équilatéral dont le côté adjacent n'est autre que le nez busqué de Tom Hanks. Une pellicule s'échappant des cheveux de l'acteur multi-oscarisé sert de sommet à cette forme géométrique faite de bric et de broc, puisque papy Wachowskirovitch, photographié au téléphone, a été incrusté là-dedans l'air de rien, pour faire le nombre. 


Cette image nous rend quand même pas mal curieux...

Nous ne voulons pas gâcher le plaisir aux fans mais on peut déjà révéler que la voix lactée du titre n'est autre qu'un nuage de pellicules dans la tignasse de Tom Hanks. Ici s'achève le mystère. De même, afin que les cinévores ne soient pas trop désappointés, prévenons-les que le tatouage maori que l'acteur arbore fièrement sur l'affiche est une simple maladie de peau dont il souffrait au moment du photoshoot. Cette tache faciale a suscité des théories incroyables chez les afficionados du cinéma des Wachowski, des mappe-mondes d'hypothèses, alors que ce n'est qu'un peu d'eczéma mal soigné. Les 11 millions d'affiches distribuées dans le monde entier n'ont pas été retirées car le coût eût été trop important, au prix peut-être d'une déception planétaire devant les écrans.


Cloud Atlas d'Andy & Lana Wachowski et Tom Tykwer avec Tom Hanks, Hugh Grant, Hugo Weaving, Jim Sturges, Halle Berry, Susan Sarandon (2012)

Abraham Lincoln, chasseur de vampires

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Comme nous prévoyions d'aller voir le Lincoln de Spielberg au cinéma et que nous savions que ça traitait de Lincoln président durant la guerre de sécession, on a voulu savoir ce qu'il en était du Lincoln d'avant, quand il était chasseur de vampires dans le middlewest. Car avant d'être l'avocat élu par le peuple et concerné par le sort des noirs américains, Abraham Lincoln, et nous l'avons appris grâce à ce film, était chasseur de wampas, et c'est ce premier métier qui l'aurait sensibilisé au problème black. Après avoir organisé et ardemment participé à quelques "nuits de cristal" avec ratonnades de vampiros lesbos à la clé, et après s'être repenti de cette première carrière marquée par le sceau de l'intolérance, Lincoln aurait voulu mettre un terme aux persécutions raciales dans son pays, cqfd. Les deux films ont été pensés comme une trilogie et tournés en même temps dans un seul et même studio, d'où quelques scènes de plaidoirie glissées dans le film de vampires, qui cassent un peu le rythme, et, il faudra s'y attendre, de possibles apparitions de goules et de gousses d'ail dans le portrait-vérité de Spielberg. Daniel Day Lewis, sans nul doute parfait dans le rôle du Lincoln président chez Spielby puisqu'il a joué le rôle d'un esclave noir dans Le Dernier des mohicans de Michael Mann, buvait donc des coups entre deux prises avec Chris Rock, qui incarne le Lincoln chasseur à courre de vamps dans le film jumeau de Timur Bekmambetov. Nous qui sommes souvent à côté de la plaque en matière de spin off et autres reboots, nous nous estimons bénis des Dieux d'avoir pu admirer Lincoln chasseur de vampires avant de courir nous extasier devant le biopic signé Spielberg. En effet ce n'est pas André Kaspi qui nous aurait appris ce qu'a été la vie de Lincoln avant son accession au pouvoir, ah ça non, ce n'est pas lui. Merci Timur. Et vivement la sortie de "Obama étrangleur de chats" ou de "Clinton tringleur de chiennes". Étant donné la qualité intrinsèque du film de Bekmambetov (nous restons lucides, faisons preuve ici de lucidité) il y a de très fortes chances pour que la saga Lincoln fasse partie de ces trilogies où le deuxième épisode (celui de Spielberg donc) est meilleur que le premier, avec Star Wars, Jurassic Park, Dirty Dancing et Philadelphia.


Abraham Lincoln, chasseur de vampires de Timur Bekmambetov avec Benjamin Walker, Dominic Cooper et Mary Elizabeth Winstead (2012)
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