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Channel: Il a osé !
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Les 101 dalmatiens

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En ce jour de Joël (que nous vous souhaitons noyeux ! - logiquement cette première phrase vient de vous flinguer la fête), M6, la chaîne de télévision, qui ma foi existe encore, a décidé de diffuser le remake live des 101 dalmatiens de Walt Disney, réalisé en 1996 par Stephen Herek, deuxième du nom, le fils (Herek's son). Ce film, c'était le "grand come-back" de Glenn Close, au même titre que tous les films tournés par Glenn Close, actrice au parcours chaotique qui, disparaissant des salles de cinéma entre chaque film tourné, n'a cessé de "revenir"à l'écran. Glenn Close, qu'il ne faut jamais regarder de trop près, contrairement à ce que son patronyme d'usage indique, sous peine de devenir curé manu militari, incarne ici Cruella d'Enfer, une stricte ordure humaine qui ne songe qu'à une chose : désosser 101 petits clébards innocents tachetés de black pour s'en faire un pur blouson. Glenn Close porte le film, il faut bien le dire, sur ses épaules (solides, voir l'affiche), malgré la présence du plus fringuant Jeff Daniels au casting. Capable de déformer sa tronche infecte dans tous les sens, plus qu'aucun animatronics ou autre dessin à main levée, l'actrice a décidé que c'était le moment ou jamais de putain de cabotiner. Résultat électrifiant.


Sur le plateau, en bleu de travail, Glenn Close, interviewée pour les besoins du making-of par le patron de Diaphana, Mouss Diouphana, répond à la question : "Pourquoi ce film ?" en exhibant son chèque de paie. La même honnêteté, et la même longévité, qu'Harrison Ford, qui invoquait les mêmes arguments tout récemment pour expliquer son retour dans la saga Star Wars.

Je suis triste cependant, en ce jour de réveillon, car M6 a décidé de diffuser la version grand public montée par les studios Disney. Je vous recommande de tout cœur le DVD du film aux éditions Diaphana, dont les bonus soumettent à notre curiosité les deux autres versions de la fin du film, signées de A à Z par Stephen Herek : l'une ultra positive, l'autre ultra négative. La première est une variante d'une séquence bel et bien présente mais fort édulcorée dans le film tel qu'il a été diffusé aujourd'hui sur la sixième chienne, qui se situe juste avant le moment où les deux sbires de Cruella, Horace et Jaspert (ce dernier incarné par un Hugh Laurie loin de s'imaginer qu'il deviendrait bientôt un sex symbol de mes deux), se font rôtir les burnes sur une clôture électrique. Dans la mouture originale de cette scène, prévue pour conclure le film, les gentils (les dalmatiens et Jeff Daniels, qui deux ans plus tôt était déjà toiletteur pour chiens dans Dumb and Dumber, chef-d’œuvre des frères Farrelly sur le point, d'après mes sources, de détrôner Vertigo en tête du palmarès du célèbre British Film Institute), gagnent, haut la main, large. C'est même un over happy end puisque le film se clôture sur une scène hilarante où Cruella d'Enfer, après avoir reçu coups de sabots sur targeons d'ailes de poulets dans la gueule au sein de la ferme où elle cherche les dalmatiens (le règne animal s'étant coalisé pour lui foutre la rouste), subit in fine les assauts déments du gros porc concupiscent dont elle a tiré le zob, malencontreusement confondu à travers un tas de paille avec la queue d'un des clébards traqués. Glenn Close est plus que jamais survoltée dans ces quelques minutes de cinéma underground où un goret enragé, le cousin dégénéré de Babe, crédité au générique de fin comme Zgeg le cochon devenu acteur porno, la lui fait à l'envers sous les yeux ébahis de tous les bestiaux de la ferme. 


Jolie scène où Jeff Daniels joue à Earthworm Jim PC sous le regard bienveillant de son dalmatien, Davy Croquette.

Dans la deuxième fin alternative, c'est au contraire Cruella qui marque les trois points. Rien de visuellement traumatisant ni de gore dans cette version-là. A condition toutefois de ne pas du tout aimer les animaux. En effet, Cruella finit ici par mettre la main sur chacun des 101 chiots des quais (elle n'en loupe pas un), et les dépèce un à un sous l'objectif un brin complaisant de Stephen Herek, avant de les coudre tête-bêche, pour finir reine du défilé, pavoisant sur le podium avec son manteau de poils ras, toute de chiens morts vêtue. Gênant. Peut-être vous dites-vous que, tout compte fait, la version plus connue du film est encore la plus adaptée à un public enfantin. Certes, mais c'est faire fi de la cruauté inhérente aux contes merveilleux, et fermer les yeux sur l'audace délirante d'un authentique jobard du cinéma en la personne de Stephen Herek, fan incorrigible du cinéaste belge Jean-Louis Le Tacon, comme le prouvent ces deux fins originales qui réunissent l'amour du porc et la fascination pour le massacre animal qui font la richesse de Cochon qui s'en dédit, documentaire tétanisant s'il en est. Mais soit. Je peux comprendre. Chacun son délire. Et pour ceux qui veulent se perdre parmi les dalmatiens en ce 25 décembre, bouffer 250 minutes de yenches et faire des rêves en noir et blanc jusqu'au nouvel an, le film est suivi des 102 dalmatiens, avec notre Gérard Depardieu national dans le rôle de Cruella d'Enfer. Exit Glenn Close. Cruella, désormais dotée d'un service trois pièces massif, mais encore et toujours condamnée à de terribles problèmes de naseaux, recherche cette fois-ci un clebs de plus, le cent-deuxième du titre, pour compléter sa tenue et agrémenter le manteau de ses rêves d'un slip XXL.


Les 101 dalmatiens de Stephen Herek avec Glenn Close, Jeff Daniels et Hugh Laurie (1996)

Le Labyrinthe / Le Labyrinthe : Terre brûlée

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Douze jeunes hommes en colère se réveillent au sortir d'un traou. Parmi eux, une jeune femme. De quoi égayer les soirées à la prairie des filtres. Cette prairie que surplombent les immenses murs d'un labyrinthe, d'où le titre français, très éclairant quoique différent du titre original : Wes Ball. Le film est tiré d'une saga para-littéraire pour mômes qui a fait tout un foin outre-manche, à l'image de Harry Potter et les boucliers de Quetzacoatl, de Hunger Gameset les boucliers de Tecucitzecatl, ou encore Divergente et les boucliers de Popocatepetl. Et comme dans tous ces romans-fleuves pour adolescents, on retrouve ici le fameux panel de jeunes trous de cul du tiéquard, à savoir le pequenaud à lunettes, le gros lard rose bonbon à binocles, le rouquemoute fumier à monocle, la tancharde semi-aveugle à triple foyers et à triple bonnets, le chinois aux cheveux pelliculeux qui porte des lentilles de contact, et le black qui n'a aucune de sorte de problème de vue. Tout ce beau petit monde, pas malin pour un sou, doit se dépêtrer d'une situation impossible : ici, un traou (ce n'était pas une faute de frappe).


Le fameux traou dont sort le blanc-bec au début du film. Trop évidente relecture de la célèbre expression "sortir du placard"... Entouré de tout un troupeau d'adolescents aveugles et boutonneux, notre héros chope illico un gros braquo.

Le héros (un acteur physiquement désagréable, si ce n'est honteux) sort de ce fameux traou dès la première seconde du film, et se découvre entouré par tous les autres binoclards qui crèchent déjà parmi les filtres depuis des mois. Là où n'importe qui se transformerait en moulin en parole et retrouverait ses cinq ans d'âge mental, ne cessant d'interroger tout le monde : "Qui ? Quand ? Comment ? Quoi ? Pourquoi ? D'où ? Jure ?", notre jeune enflure accepte sa nouvelle vie sans broncher, trouvant simplement ses nouveaux potes assez peu loquaces, et ne cessant par conséquent de se répéter à lui-même "Passe-moi le cendar, je te refile les corbacs..." Ce manque total de curiosité de la part du bouffon en tête d'affiche est pratique pour maintenir le suspense, mais d'une incohérence qui fait grimper la rage chez le spectateur. Une raison de plus de haïr tous ces personnages d'enfants de salauds ultra-stéréotypes et vides de tout. On décoche un premier sourire à la fin du film quand le mec tout à gauche sur l'affiche se fait enfin ratiboiser la tronche (qu'il avait déjà bien éclatée de base).


Complètement ignorée par tous les mâles qui l'entourent (le virus ne les a pas transformés en zombis mais tout de même en vieux moines zens et eunuques), la seule fille de la bande finira par les [Spoiler]trahir[Spoiler].

Dans le deuxième film, rebelote. Tous les défauts sont de retour. Les producteurs et le réalisateur, Maze Runner, ont misé sur le vieillissement de leur public en faisant de leur film de SF un zombie flick soft. Au-delà du labyrinthe, une horde de zombacs a envahi le monde suite à un virus d'origine inconnue. Et la bande des têtes brûlées, recherchée par les autorités car immunisée contre le fléau, fout les voiles dans la nature à la recherche d'une nouvelle place de la daurade où couler de beaux jours. Seul passage du film un peu étonnant, qui sort des sentiers rebattus, cette scène, au début, où le héros prend une douche après avoir mangé un kebab et découvre qu'il a ses règles. Ceci étant dit, grâce à un rythme soutenu, le téléspectateur traverse le film comme une goule assoiffée. De belles images servent cette suite, allaitante et lovelace. Hypermarché.


Le Labyrinthe / Le Labyrinthe : Terre brûlée de Maze Runner avec Dylan O'Brien et Kaya Scoladerio (2014/2015)

Les Marmottes

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10 novembre 1993 : Les Marmottes d'Elie Chouraqui sort sur nos écrans. 22 décembre 1994 : le film est pour la première fois diffusé sur Canal +. Ma famille est abonnée. Soudain, c'est le drame. J'ai 9 ans. Mes vacances de Noël sont ruinées. Mon amour naissant pour le cinéma est mis à mal. Tout cinéphile a vécu des traumatismes, des chocs successifs qui ont façonné ses goûts, ses préférences. Tout cinéphile a une trajectoire personnelle générée par ses coups de cœur enfantins, ses découvertes de passionné affirmé, ses déceptions juvéniles ou ses trauma formateurs. Le visionnage des Marmottes correspond en ce qui me concerne à un véritable trou noir dans ma vie de cinéphage. Ma fraîche passion se voyait aspirée par ce film diabolique. Anéantie. Poussée dans ses derniers retranchements. Rouée de coups. Bousculée comme jamais. Les Marmottes est un tel supplice ! Matez l'affiche, ça donne un petit avant-goût.


Au secours !

Au scénario de ce film chorale détestable, on retrouvait déjà l'infâme Danièle Thompson. C'est dingue ce que cette femme a pu accumuler comme haine chez moi, dès mon plus jeune âge ! Un jour, j'aurais sa vieille tronche empaillée dans mon salon, au-dessus de la cheminée. A l'écran : Jean-Hugues Anglade, Jacqueline Bisset, André Dussollier, Gérard Lanvin, Anouk Aimée, Marie Trintignant, Daniel Gélin, Christopher Thompson et Virginie Ledoyen. Beaucoup de gros noms bankables qui tâchent. Tous ces gens-là, à l'exception notable de Virginie Ledoyen (crush adolescent persistant...), devaient être bannis de mon panthéon personnel. C'était forcément tous des gros salopards, puisqu'ils avaient joué dans cette abomination ! Quand on est gosse, on a le raccourci facile, il ne faut pas m'en vouloir... Je ne voulais plus jamais recroiser leurs gueules. Plus jamais. C'était un réflexe de pure autodéfense. Ils étaient définitivement associés à ces deux heures de tortures non-stop vécues sans consentement. Heureusement, je me suis beaucoup adouci avec l'âge et la rancœur a fini par se dissiper quelque peu. Je suis même devenu fan d'André Dussollier, que je considère comme un ami, même s'il ne me connaît pas. A l'époque, Elie Chouraqui s'en était tiré indemne car je ne m'intéressais pas encore au nom du réalisateur. Ce n'est qu'aujourd'hui que je fais le rapprochement et que je lui en veux à mort. J'apprends à l'instant qu'Elie Chouraqui s'est fait la main en tant qu'assistant réalisateur de Claude Lelouch. Plus rien ne m'étonne !

J'en veux encore à mes parents et à la Vie !


Les Marmottes d'Elie Chouraqui avec Jean-Hugues Anglade, Jacqueline Bisset, André Dussollier, Gérard Lanvin, Anouk Aimée, Marie Trintignant, Daniel Gélin et Virginie Ledoyen (1993)

L'Homme irrationnel

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Il y a un moment que je déteste chaque année, c’est le passage à l’heure d’hiver. C’est triste à se foutre par la fenêtre. Le seul équivalent que je puisse trouver, un autre truc récurrent, qui nous fout le coup du lapin chaque année, qui s'acharne à ruiner l'humeur de tout un peuple, plus ou moins à la même période, c’est les films de Woody Allen. Sauf que ça, on peut y couper. Suffit de pas les mater. Pas besoin de déménager. C’est un gros plus des films de Woody Allen sur l’heure d’hiver. Le seul. Et encore. Parce qu’en fin de compte, même quand on a décidé de ne pas regarder ses films, on finit toujours pas tomber sur l’un d’eux, sans vraiment l’avoir cherché, bien au contraire. C’est ce qui m’est arrivé avec le dernier, L’Homme irrationnel, alors que j’avais consciencieusement raté quelques uns des précédents opus du binoclard le plus vétuste de l’histoire contemporaine du 7ème art.


Woody Allen donne dans le placement de produit abusif et insupportable. Je parle d'Emma Stone.

Ce n’est sans doute pas le pire titre de sa filmographie récente, mais mon dieu que ce n’est pas significatif ! D’abord, si vous cherchez à vous marrer, tracez votre route au loin. Pas l’ombre d’un gag ou d’une réplique comique dans ce long métrage. Si vous aimez les personnages bien construits, idem, faites comme le chien de Jean Nivelle, celui qui fout le camp quand on l'appelle. Si vous aimez le cinéma en général, mettez les bouts, hissez la grand voile, zigzaguez au large. Et c’est dommage, parce que c’est néanmoins pas si mal foutu, pas toujours désagréable, malgré le vieux jazz huileux qu’on nous balance à la tronche toutes les quinze secondes environ. Que nous raconte Woody ? L’histoire d’un prof de philo totalement dépressif, alcoolique, drogué, suicidaire, tout ça suite à la mort de son meilleur ami en Irak et au départ de sa femme. Il est incarné par Joaquin Phoenix, qui fait le job, sans se fouler, pépère, affublé d’un gros bide lourdement mis en avant par le port de t-shirts étirés et ridicules. Le type, véritable légende urbaine, fantasme de tous les amphis, débarque dans une nouvelle université où il est tout de suite agressé sexuellement par une prof (Parker Posey), la cinquantaine en manque d’orgasmes, et une étudiante (Emma Stone), la vingtaine franchement impressionnée par le mot « existentialisme » (la philo tourne autour de ce mot selon Woody Allen, tandis que non loin gravitent, brumeux, les noms de Kant et de Heidegger, ce qui en dit déjà long…). Sauf que le docteur ès Simone Sarstre ne bande plus.


Cette scène-clé, cruciale, le tournant du film, est à peu près aussi platement filmée que tout le reste.

Heureusement, Abe, car c'est son nom, retrouve le chemin des filets quand lui et son étudiante à la manque surprennent une conversation dans un bar : une mère de famille se plaint de son divorce et d’un juge malveillant prêt à lui sucrer la garde de ses gosses au profit d’un père irresponsable. Dans la seconde qui suit, le prof de philo pour les nazes décide de mettre un terme à la vie du fameux juge, afin de soulager celle de cette parfaite inconnue qui chialait dans le bar et de donner un sens à sa propre existence (il retrouve illico le goût des aliments, la sensation du grand air et le plaisir universel de la turgescence). Il a déjà donné en matière d’aide humanitaire par le passé, mais tout cela ne sert à rien d’après lui. En prime, c’est pendant qu’il aidait les victimes du tsunami à Taïpeï que sa femme s’est barrée avec son collègue de chambrée. Par conséquent il trouve terriblement plus efficace, pour participer à améliorer la vie sur terre, de tuer un type sur la seule base d’une conversation privée épiée pendant cinq minutes. Ce type qu’on nous a vendu, durant toute l’introduction, comme un puits de science, un esprit brillant, un génie de la pensée, l'équivalent humain du gros cerveau arachnide suintant et rampant qui fout la merde dans Starship Troopers, décide de tout mettre en œuvre pour abattre un gars dont il ne sait rien en se basant en tout et pour tout sur une brève de comptoir. Parlez-moi d’un connard…


Avant de tuer le juge, Joaquin Phoenix lui lâche une petite perlouse discretos. Tout ceux qui ont déjà commis ce genre d'attentat en lieu public reconnaitront la précision du gestus de ce grand acteur.

Quand c’est là la base du scénario, ma parole, quelque chose ne tourne pas rond. Et quand en prime Woody Allen se sert de tout un tas de ficelles qui relèvent au final de l’énorme cordage de paquebot, voire de la poutrelle en acier trempé, pour justifier que le crime parfait de son héros finisse par rejaillir et l'éclabousser, comme toutes ces conversations quotidiennes autour de la mort du juge, qu’aucun des personnages ne connaissait, et dont tout le monde devrait se foutre (ça vous arrive souvent, vous, de commenter pendant des plombes un petit fait divers minable lu dans le journal avant d’arriver chez vos beaux-parents, et de passer tout le dessert à tenter d’élucider le mystère en famille... mieux, de tomber bizarrement juste ? Sans déconner…), c'est le signe qu'il est vraiment important de remettre l'ouvrage sur le métier pendant quelques années. La fin, que je ne vous dévoile pas, car je reste correct, même après avoir vu ce film, est pathétique elle aussi. Le personnage principal achève de ne plus tenir debout, Emma Stone s’énerve et exprime, à l'aide de ses traits faciaux, cet énervement (ce qui n’est jamais bon pour nos yeux innocents), et Woody Alien use et abuse d’une symbolique lourdaude à souhait, à peu près aussi pataude que le titre même de son film, qui annonce certes la couleur (tout cela n'a aucun sens) mais se révèle d’une prétention démesurée quand on est face à l’objet final.


L'Homme irrationnel de Woody Allen avec Joaquin Phoenix et Emma Stone (2015)

Demolition Man

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L'un des films phares de "l'année Sly". On est en 1993 ou 1995, Sly Stallone est à l'affiche de Cliffhanger, Judge Dredd, Assassins, et donc Demolition Man, aka D.M. (même si aller voir ce film au cinéma était tout sauf un devoir maison). Commençons par l'affiche, qui contient plus d'idées et de punchlines que la plupart des films d'action actuels. On compte sur ce seul poster pas moins de trois taglines, dont la fameuse : "Le futur n'est pas assez grand pour ces deux cons". Sly "Stallone" Snipes est opposé à l'acteur Dennis Rodman pour un duel au sommet entre un flic blanc et un truand noir. Rappel de l'histoire : Los Angeles, 1996, un flic aux méthodes un poil rustres, qui lui valent le surnom de "Demolition Man", interpelle un braqueur récidiviste sociopathe nommé Simon Phoenix. Les deux hommes s'annihilent et se retrouvent cryogénisés. 




Trente-quatre ans plus tard, dans une société aseptisée, où le mal, du crime de masse au moindre gros mot, a disparu, Simon Phoenix et le démolisseur feront un peu tache dans le tableau. En effet, Simon Phoenix se réveille plus tôt que prévu, la faute à une érection du matin vieille de 34 ans qui aura fini par élimer le caisson métallique dans lequel il était retenu prisonnier au cryo-pénitencier du coin. Malgré un lavage de cerveau longue durée, le criminel n'a rien oublié de ses petites pulsions perso et ne tarde pas à remettre la ville à sac. Pour l'arrêter, la flicaille désormais impuissante de Los Angeles, rodée aux seules contravention pour papier jeté sur le trottoir, se propose de rebrancher l'Homme Démolition, seul capable de castrer une bonne fois pour toutes le malade à crête blonde qui rue dans les brancards. Il sera tout de même épaulé, dans le but de se familiariser avec un monde complètement nouveau, par deux policiers des temps modernes, dont une fliquette pas piquée des vers, incarnée par Sandra Bullock.




Mais avant de revenir sur ce dernier point, rappelons que le film dresse le portrait d'une société futuriste incroyablement crédible, et chaque jour qui passe donne raison à Marco Brambilla, le réalisateur, pote d'enfance de Sly (car Stallone a vécu en Italie, et les deux bambins tapaient la balle ensemble dans les ruelles de Milan). On parle beaucoup de 1984, Le Meilleur des mondes, Fahrenheit 451, Ravage, comme autant de dates dans la peinture de sociétés futuristes totalitaires glaçantes. Marc Brambilla affirme n'avoir lu aucune page de ces livres, et pourtant son film rivalise. Chez nous, nous avons d'un côté du salon une dvdthèque, de l'autre côté une bibliothèque, or Demolition Man est rangé dans la seconde, entre tous ces classiques de la littérature d'anticipation qui ont façonné notre esprit critique durant l'adolescence et qui nous ont fait taper du poing sur la table en plein repas, lors du troisième mariage inoubliable de Tonton Scefo, en plein toast : "A quoi bon ?!".




Les scènes et les répliques marquantes dans ce film sont indénombrables. Rappelez-vous ! "1, 8, 7, secteur nord-ouest", cette réplique nous a valu une semaine d'exclusion du bahut à l'époque, car les profs n'en pouvaient plus de nous voir lever le doigt toutes les cinq minutes juste pour réciter cette phrase avec la voix robotique du film. "Allez passer une semaine à l'ombre chez vos parents, ça vous passera", nous avait dit le principal du collège. Sauf qu'on a passé une semaine à ré-étudier le film et que la date de réintégration de l'établissement scolaire coïncidait fort heureusement avec les grandes vacances. Il y a aussi toutes ces séquences où les deux héros déballent des tonnes d'insanités pour faire griller les machins à PV qui jalonnent toutes les rues de la ville, ces ordinateurs qui filent des amendes à quiconque prononce un mot de travers. Les deux acteurs en tête d'affiche s'en donnent à cœur joie et nous ont appris des tas d'injures nouvelles. Ces fumiers de Sly et Rodman sont en roues libres du début à la fin du film. Le premier était sur son nuage. C'était l'acteur le plus bankable d'une époque où ce mot n'existait pas. L'engager, c'était s'assurer d'un retour sur investissement fracassant. Les producteurs savaient d'avance qu'ils rembourseraient tous les frais de production (y compris le fric brûlé pour ses petites facéties personnelles de starlette capricieuse), et ce dès la première projection. Quant à Rodman... Citez-nous un exemple de sportif qui a réussi à tourner dans un chef-d’œuvre, à l'exception des 22 héros de l'équipe de France dans Les Yeux dans les bleus.




Mais ce film, c'est pas que des muscles. C'est aussi de la peau, ferme en chaque endroit, celle de Sandra Bullock, alors à son zénith, malgré deux sourcils ignobles mais bien pensés pour coller au futur. Avec Eric Rohmer, Marco Brambilla est le seul cinéaste à nous avoir autant excités sur un genou (voir, et fixer du regard, le photogramme ci-dessus). On veut bien sûr parler de cette scène d'amour à distance, par wifi, entre Sly et Bullock assis face-à-face, la seconde portant un peignoir blanc qui nous a valu quelques nuits blanches. La tension érotique de cette séquence platonique a donné un gros coup de pied au cul à notre enfance. On a vite réclamé la sexualité d'un homme adulte, tirant un trait sur la pourtant fatidique période de l'adolescence. Pas de transition, pas de "passage", voyage sans escale des bacs à sable au spring break. A l'époque, Traque sur Internet, Speed, puis Demolition Man ont installé Bullock tout en haut de notre palmarès perso, aussi garde-t-on une affection éternelle pour cette actrice. Et quand maman s'est rendue compte que les photos de Meg Ryan, idole de notre enfance, aimée d'un amour tendre et désintéressé pour la joliesse et la douceur de ses traits de petite blonde à la manque, avaient laissé place à celles de Sandra Bullock, elle nous a simplement murmuré : "T'as un peu changé..." Bref, Demolition Man est un film qui a beaucoup compté pour nous, et on comprend parfaitement que Marco Brambilla n'ait rien tourné ensuite, un peu à la façon de Charles Laughton. One perfect shot.


Demolition Man de Marco Brambilla avec Sylverster Stallone, Dennis Rodman et Sandra Bullock (1993)

La Rage au ventre

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Il faudra un jour que l'on m'explique comment des acteurs en vogue finissent encore devant la caméra d'Antoine Fuqua. Visez un peu le CV de ce type ! The Equalizer, La Chute de la Maison Blanche, Les Larmes du Soleil... C'est un amoncellement d'ignominies. Et il nous prépare un remake des Sept Mercenaires... Toute sa carrière paraît construite autour de l'Oscar du Meilleur Acteur que Denzel Washington a réussi à remporter grâce à sa ""performance"" (notez les doubles guillemets) dans Training Day. Un vaste malentendu... Quand il signe pour le rôle de cet écorché vif qui adore en prendre plein la gueule, Jake Gyllenhaall pense forcément à la statuette dorée tant convoitée. Quand, à la sueur de son front, au prix d'un entraînement quotidien et de nombreux efforts, il échange 10 kilos de graisse contre autant de muscles, l'acteur n'a évidemment qu'une chose en tête : le sacrosaint Oscar. Quand il troque ses cheesburgers habituels contre des boîtes de sardines éco+, il n'a que la prestigieuse récompense en tête. Et il ne l'aura pas, parce que le film n'est pas sorti entre le 31 octobre et le 31 décembre ! C'est con pour lui ! Il aura d'autres occaz'... 




Rappelons que le jeune acteur est un habitué des performances de ce genre, lui qui avait déjà suivi un régime drastique pour son rôle de reporter rachitique dans le lourdingue Nightcrawler (aka Night Call en vf...) et qui avait insisté pour réellement gravir l'Everest dans le film éponyme de Baltasar Kormákur. Mais nous n'applaudirons guère ses efforts tant qu'il n'aura pas appris à mieux s'entourer. Règle numéro 1 : éviter Antoine Fuqua. Règle numéro 2 : lire et relire les scénarios proposés. La Rage au ventre est une énième histoire de rédemption par la boxe thaï. Billy Hope (Gyllenhaal), un tocard fini, sombre dans la rancœur et la drogue après avoir perdu sa femme (McAdams), flinguée par un adversaire un brin zélé lors d'un petit échauffourée post-combat. Au bord du gouffre, Billy finit par plonger : il perd tous ses biens et, surtout, la garde de sa gamine binoclarde. Pour la récupérer et pour se racheter à ses yeux dissimulés derrière d'impressionnantes loupes, une seule solution s'impose : réapprendre à boxer, repartir de zéro, et redevenir fréquentable.




"Son plus grand combat se joue hors du ring" nous annonce l'affiche. Étant donné comment Antoine Fuqua choisit de filmer les matchs de boxe, il ne pouvait pas en être autrement... Le réalisateur croit bon multiplier les gros plans tremblotants, les caméras embarquées, scotchées aux épaules ou aux poings de ses acteurs, voire collées sur le nez disgracieux de sa vedette, pour nous plonger au milieu du ring. Ça ne fonctionne pas, mais cela a au moins évité à Monsieur Fuqua quelques prises de tête, puisqu'il n'a jamais eu à réfléchir à ses cadrages, à sa mise en scène, il a apparemment composé un peu à l'aveugle, avec le "found footage" que ses GoPro vissées aux cous de ses acteurs lui avaient ramené. Je croyais qu'il s'agissait d'une histoire vraie. Il n'en est rien. Ce film ne m'aura même pas permis d'enrichir ma culture boxe. C'est une perte de temps à tous points de vue. 


La Rage au ventre d'Antoine Fuqua avec Jake Gyllenhaal, Rachel McAdams et Forest Whitaker (2015)

Everly

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Un monceau d'ignominies qui m'a valu un regard de dégoût décoché par ma chère et tendre au bout de dix minutes de giclées de sang, de gunfights, de lancés de cervelle, de scènes de torture idiotes et de très mauvais jeu d'acteur. Si Salma Hayek sort de sa condition d'épouse de milliardaire pour ça, alors c'est honteux, à moins qu'elle ait été mise face à un dilemme : jouer dans ce film de merde ou assister à une autre rencontre du Stade Rennais en gardant le sourire. Si c'est le cas on la comprend et on lui pardonne.


Everly de Joe Lynch avec Salma Hayek (2015) 

Bringing Up Bobby

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Première critique écrite en anglais, car on aimerait que la première intéressée parvienne à nous lire, même si nous savons les américains plus susceptibles, et plus prompts à traîner leur prochain en justice. First article in english because we would like to be read by our human target : Famke Janssen. In France, to pronounce her name correctly, you have to hit a dog twice in the stomach and pray he suffers a lot. Famke Janssen is a hottie. She was born on november 5, 1964, in Amsterdam, but she looks like she was actually born on april 1st, 1802, in a bad place of evil. Everybody think she is a half-norwegian half-caraibean woman, but the truth is less funny. She comes from a low-lying country, a land as flat as her boobs (that are unpleasant to look at). She studied economics and mathematics (which she called "the stupidest thing she ever heard") for a year in Nam and for another year in her homeland countryside. Then, she decided to look further and went to L.A. (Los Angeles), California, to realize her true dream : become an actress, or at least a supermodel for supermarkets.




Her first film was a long feature crime drama movie called Fathers & Sons. She played the father, a man who had big problems of identity. This movie was a failure, to her and her relatives. So she came back to Amsterdam, with her tail between her legs. Out there, mummy Janssen told her daughter to pull herself together and move back to California to choose a better part. For instance, the part of a mother. After a three months headache in the Desert Valley, she won a leading role in an untitled movie, in which she was the love interest of Jeff Goldblum (who back then was called Jeffrey). This film was not a big success but two or three journalists liked her perfomance and praised it in the columns of their wallpapers. The best was not yet to come.




Her breakout year was undoubtely 1995, when she appeared as the James Bond's enemy in GoldenEye opposite the very handsome but also very selfish Pierce Brosnan. Famke received strong critical acclaim for her electrifying performance as the so-called "femme fatale" Xenia Onatopp (this tremendous name was a direct suggestion made by the actress). Pierce Brosnan told his best friend that she was, from his point of view, one of the biggest "femme fatale" he ever saw. He thought that she made a honest James Bond girl and, one night, he proposed Framke to be his wife for the evening. She refused and it was a very surprising heartbreak for Pierce, who was at this moment the number one fucker of L.A.. However, Framke's career was now on track. Destination Graceland.




Her filmography is the actual proof that God doesn't exist. Or, if he does, he doesn't give a fuck about mankind. Framke Janssen exploded in such films as La Maison de l'horreur, Celebrity and The Faculty : a lot of secondhand movies that cannot be seen whitout one decalitre of alcohol in the blood. Her career was well established but she needed a second breath, a new wind. She accepted to play again a guy nammed Jean Grey in X-Men and it was, as she told newspapers, "the biggest luck (she) had since the day (her) dog Titi Henry avoided a fast riding truck in the motorway". In fact, X-Men was an international success. The kind of movie even your uncle Scefo has seen. Framke Janssen bought a castle in Spain and a house in New Orleans. 




But the natural brunette has more than one trick up her leather handbag and now her idea is to go behind the camera, she wants to make her own movie. Here comes Bringing Up Bobby ! Her first and last film. The story is simple as a "bonjour" : a european con artist (played by the destroyed Famke's lookalike Milla Jovovich) moves with her son to a conservative neighborhood in Oklahoma in an effort to build a better future in the compagny of great guy's wallet (the stupid fuck being played by Bill Pullman), but it doesn't take long for her past to catch up with her, and for her son's behavior to cause problems of their own. To say the truth without lying, Bringing Up Bobby is an OK movie to watch but there is nothing amazing. A nothing type movie that feels like it was made just to make a movie. Let's say "B-", as english people use to say.


Bringing up Bobby by Famke Janssen with Milla Jovovich and Bill Pullman (2011)

Faults

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Prestation coup de poing de Mary Elizabeth Winstead dans un film coup de pied signé par son mari, Riley Stearns. L'actrice, sans aucun artifice, totalement investie dans son rôle par amour conjugal, incarne Claire, une jeune femme enrôlée dans une secte dont les parents essaient de l'en sortir en faisant appel à un spécialiste du désindoctrinement, le Dr Ansel. On se rend compte au début du film que le Dr Ansel est sur la pente descendante de sa carrière, pas loin d'un virage en épingle à cheveux longé d'un mur de parpaings bien épais. Entre conférences sordides pour tenter de vendre son dernier bouquin que personne ne veut et magouilles minables pour grappiller un repas gratuit, le Dr Ansel doit aussi faire face à son créancier qui lui réclame 20 000$ (dolleurs USD!). C'est à ce moment-là qu'un couple de sexagénaires en détresse le supplie de sortir leur fille Claire de la secte dans laquelle elle a été enrôlée quelques mois plus tôt. Le Dr Ansel saute sur l'occasion en pensant faire d'une pierre deux coups et demande donc 20 000$ pour son intervention qui consiste à kidnapper la fille, la séquestrer pendant 5 jours dans une chambre d'hôtel et la ramener par le dialogue et d'autres méthodes plus inavouables vers son ancienne vie.




Le Dr Ansel se fait aider de deux guignols pour kidnapper Claire. Le kidnapping est globalement un succès même s'il est teinté de quelques accrocs (tentative de fuite avortée, baffe reçue gratuitement...). Commence alors un huis clos tétanisant dont l'issue ne sera pas du tout celle à laquelle le Dr Ansel s'attendait. Je ne vous révèle rien de plus pour vous préserver le suspense mais je vous conseille fortement ce film si vous avez un petit faible pour MEW. Pour les plus aveugles d'entre vous, cette jeune femme pourrait vous paraître plutôt quelconque et banale. Mais détrompez-vous, elle est tout simplement irradiante de charme naturel et de beauté simple. Si on la comparait à une bagnole : ok, certaines gonzesses sont des Ferrari ou des Lamborghini ; elle, elle serait plutôt la Dodge Challenger de Vanishing Point. Élégante, racée, et pour laquelle il faut attendre de faire tourner le moteur et d'appuyer sur l'accélérateur pour constater que l'on a affaire à une putain de bombe. Tout le contraire d'une Megan Fox. Victime d'aucune retouche esthétique disgracieuse, Mary Elizabeth Winstead a mis derrière elle les blockbusters dégueulasses type Die Hard 4 ou The Thing et a décidé de tourner sa carrière vers la musique et le cinéma indépendant, de vrais films à petits budgets portés par une ambition d'auteur dans la lignée de Sound of My Voice. En plus de son investissement dans le ciné indé américain, elle s'essaye aussi aux séries, fuyant décidément la créativité aux abois d'Hollywood, et nous lui souhaitons de trouver rapidement un rôle à sa (dé)mesure. Ces choix l'honorent.




Avec Faults, MEW se met au service de son compagnon dans la vie et c'est pour cela qu'elle donne véritablement tout. Sur un nuage depuis que MEW lui a donné la clé de sa porte des plaisirs, Riley Stearns s'essaye au cinéma expérimental dans une atmosphère lynchéenne à souhait : panoramiques survoltés pendant une discussion sans enjeux, lents travellings quasiment imperceptibles à l’œil nu durant les scènes les plus tendues, cadrages osés à ras la raie des fesses de sa dulcinée, gros plans angoissants sur des boutons de portes, effets de lumière déconcertants... Pour son premier long métrage, Riley Steams est littéralement "on fire", transcendé par le fait d'avoir pour vedette de son film sa propre femme, au zénith de sa beauté de jeune maman. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, Faults n'est pas un chef-d’œuvre, simplement un premier film modeste, aux nombreuses qualités et plein de belles intentions. Un must-see pour les fans de MEW !


Faults de Riley Stearns avec Mary Elizabeth Winstead (2015)

Wasabi

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Wasabi est le parangon d'une catégorie de films qu'on appellera "films-prétextes", tournés pour toute autre chose que faire un film. C'est l'histoire d'un inspecteur de police obligé d'aller au Japon pour résoudre une enquête alors qu'il n'en a aucune envie, il n'aime ni l'avion, ni les nippons et encore moins les enquêtes. Le flic est affublé pour l'occasion d'un side-kick interprété par un acteur qui aurait pu être victime d'une balle perdue durant le tournage de The Crow : Michel Muller. Mais voilà, l'inspecteur de police principal est incarné par Jean Reno, plus connu au Japon que Steven Seagal. Les Japonais le surnomment "Le Loup blanc". A cause d'un problème de calendrier, il n'a pas pu jouer comme c'était prévu dans Lost in translation, un rôle pourtant écrit pour lui, celui que Scarlett Johansson a finalement repris tant bien que mal. Imaginez le premier plan avec son gros cul dans une culotte rose...




Profiter de la notoriété exceptionnelle de ce triste acteur français de l'autre côté du Pacifique c'était déjà viser bas. Un prétexte supplémentaire pour tourner le film en trois jours et passer le reste du temps à bouffer des sushis, à jouir dans des petites japonaises en profitant de passer pour des beaux gosses parce qu'on n'a pas les yeux fendus, à se prendre des grosses vagues dans la tronche et à faire des soirées karaoké endiablées. Michel Muller a dit à propos de ce séjour : "J'ai pas réussi à m'asseoir pendant quinze jours, j'ai dû dormir debout". Le gros rond rouge sur l'affiche n'est pas une allusion au drapeau du Japon, c'est un clin d’œil à l'état du gland de Jean Reno à son retour en France, ou, selon des sources plus anonymes, à l'état du fion de Michel Muller à l'issue de ce voyage en terres nippones, ça dépend, mais à ce moment-là le rond aurait dû être violet et strié de veines dégueulasses. Wasabi, c'est pas le nom d'un piment, c'est le bruit de la fermeture éclair du futal de Jean Réno.


Wasabi de Gérard Krawzczyk avec Jean Réno et Michel Muller (2001)

Everest

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Avant de se lancer, une petite préparation physique s'imposait. On a maté pas mal de films sur des montagnes plus basses. D'abord, le film de vacances de tonton Scefo sur l'ascension de la dune du Pylat, la plus haute dune d'Europe. Tranquille ! On a enchaîné avec La Sanction de Clint Eastwood. 3970m : un petit Clint, un Clint mineur. Puis nous avons revu le sublime documentaire de Werner Herzog, Gasherbrum, la montagne lumineuse, sur l'alpiniste Reinhold Messner, un habitué des sommets dépassant les 8000 mètres. Dans le genre, difficile de trouver mieux. Après ça, nous étions fin prêts pour le Everest de Baltasar Kormákur, que nous attendions de pied ferme, en tant qu'amateurs de films de montagne (rappelez-vous nos articles sur K2et Face Nord). 




Comment parler d'Everest sans revenir, même brièvement, sur la promo assez osée menée tambour battant par les studios d'Universal. Nous faisons évidemment allusion à ce tremblement de terre au Népal au moment de la sortie du film. Une opération marketing assez catastrophique... Mais nous ne pouvons pas en vouloir au réalisateur, ce sont les studios qui ont organisé ça. N'ayons pas peur des mots, c'était une opération ratée. Notre éthique indiscutable de blogueur ciné nous permettra néanmoins de dissocier l'oeuvre de ce fait divers et de juger le film pour ce qu'il est : une belle merde.




Très vite, Batlasar Kormákur ne s'avère pas à la hauteur du projet. De l'Everest, nous ne saurons rien. Où est-il situé ? Comment est-il apparu ? Pourquoi a-t-il grandi si vite ? Pourquoi s'est-il arrêté à 8848 mètres ? Comment le grimper au mieux ? Quel est le pique-nique à conseiller pour le jour J ? Toutes ces questions resteront malheureusement sans réponse. Ce film ne s'adresse ni aux scientifiques ni aux curieux, simplement aux amateurs de daubes. C'est tout juste si les grimpeurs justifieront leur idée fixe, gravir le colosse, par un laconique "Parce qu'il est là !" prononcé dans un éclat de rire général. Édifiant ! Plus con, tu meurs.




Le film de Baltasar Kormákur est l'adaptation du récit Tragédie à l'Everest (Into Thin Air: Death from Above on the World's Roof - A Personal Account of the Mt. Everest Disaster) de Jon Krakauer, publié en novembre 1997. Rappel des faits : depuis le milieu des années 90, l'Everest est, comme ma sœur, la cible des assauts répétés de dizaines et dizaines de pseudo et simili grimpeurs qui rêvent d'ajouter leurs noms à la liste, de plus en plus longue, de ceux qui ont réussi l'exploit d'atteindre le toit du monde et d'y redescendre sain et sauf. Deux expéditions faisant fi du mauvais temps décident de tenter le coup au même moment. Leur destinée tragique refroidira les ardeurs des alpinistes et marquera la fin de cette période de folie commerciale autour du plus haut sommet du monde aux flancs jonchés de détritus. 




Une quinzaine de mecs, au moins, part à l'aventure, la fleur au fusil. Comme Baltasar Kormákur est bien incapable de créer des personnages attachants, il a cru bon de s'entourer d'une panoplie d'acteurs aux tronches plus ou moins bien connues, pensant bêtement que cela suffirait à emporter l'adhésion des spectateurs. Jason Clarke, déjà entr'aperçu dans des films de sinistre mémoire, est le fade leader du gang. C'est un alpiniste chevronné qui a déjà conquis la bête plus d'une fois mais dont l'altruisme le mènera à sa perte. Josh Brolin incarne, comme à son habitude, le gros connard pas fin venu du Texas. Avec sa grosse gueule enfarinée, on aura vite envie de le voir glisser et sortir du cadre à tout jamais. Il s'en tirera bien amoché, incapable de prendre sa femme dans ses bras, couvert de bobos. Sam Worthington endosse le rôle le plus ridicule : celui du mec toujours dans les environs, au pied de l'Everest, qui regarde, la main vissée sur le front, l'air inquiet, où en sont les autres, prêt à agir en cas de souci. On le préférait sans ses guiboles dans Avorton...




Parmi toute cette bande d'acteurs, un seul retire véritablement son épingle du jeu et repart grandi de cette triste expérience : Jake Gyllenhaal. Pourquoi ? Parce qu'il est le seul à avoir réellement effectué la montée, et cela se voit ! Acteur total, héritier direct de l'école Schatzberg, que l'on a déjà vu perdre tous ses kilos superflus et se raser le crâne pour d'autres rôles, Jake Gyllenhaal a insisté pour être filmé dans les conditions du réel. Il est d'ailleurs le seul à mater du bon côté sur l'affiche. Nous éprouvons presque du respect pour son personnage que nous sommes déçus de voir mourir lentement de froid. Quant aux femmes : Robin Wright et Keira Knightley se contentent d'attendre près du téléphone, des nouvelles de leurs maris, les yeux humides, la voix tremblante. Disons-le tout net : Everest obtiendrait un résultat négatif au fameux test de Bechdel-Wallace. 




Est-ce normal de rire à la mort de chacun des personnages ? Est-ce normal de ne strictement jamais ressentir le moindre frisson, le moindre risque, le moindre vertige ? Everest révèle toutes les limites du talent et des compétences de Baltasar Kormákur. Son film ne fait aucun effet. Aucune tension dramatique. Aucun suspense. Aucune émotion, une fois le sommet foulé du pied par quelques uns de ces crétins dont la passion nous paraît bien étrangère. Et ne comptez pas sur Kormákur pour rendre la montagne cinégénique. Il n'y a même pas de beaux paysages à regarder. Et quand débarque la tempête fatale, nous avons droit à des effets numériques d'une laideur peu commune, c'est une merde grisâtre et lisse qui envahit l'écran mollement. Everest est raté sur toute la ligne et vient seulement nous rappeler qu'à Hollywood, les cinéastes capables de torcher des films efficaces sont désormais de plus en plus rares... 


Everest de Baltasar Kormákur avec Jason Clarke, Jake Gyllenhaal, Keira Knightley, Robin Wright Penn, Sam Worthington et Josh Brolin (2015)

Voyageur malgré lui

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Il y a des films qui, après avoir été l'objet de quelques éloges à leur sortie, sombrent totalement dans l'oubli. The Accidental Tourist, alias Voyageur malgré lui, est de ceux-là. Nous devons être les seuls zonards à avoir redécouvert ce film cette année, et nous vous déconseillerons d'en faire autant. Quatre nominations aux Oscars en 1988, dont celle du Meilleur film, 4 étoiles sur 4 et "two thumbs up" par Roger Ebert : beaucoup de mauvais signes, donc, mais étant donné le casting, constitué d'anciennes gloires des années 80, nous étions tout de même curieux. William Hurt (Guillaume Blessé) incarne un homme brisé n'arrivant pas à faire le deuil de son fils mort flingué à bout portant alors qu'il commandait un MacDalle. Sa femme, Kathleen Turner (qui ressemblait encore à une femme), lui reproche à demi-mots d'être responsable de la mort de leur gamin pour s'être servi de son corps comme d'un bouclier lors de l'agression. Leur couple n'arrive pas à surmonter cette épreuve et William Hurt se retrouve seul dans sa grande maison avec son Welsh Corgi Pembroke nommé Edgar.





Ce petit chien sympa va être le fil rouge de toute la première partie du film, de loin la plus agréable. Il permet à William Hurt de croiser la route de Geena Davis, dresseuse de clebs professionnelle et célibataire à la recherche active d'un homme calme et attentionné. En 1988, Geena Davis n'est pas encore au faîte de sa beauté, légèrement trop maigre : on peut distinguer aisément, malgré la qualité de mon divx, un manubrium trop proéminent, témoin d'une sous-alimentation dramatique et donc d'une absence de zones charnues essentielles pour bâtir une silhouette à toute épreuve. Mais quand une femme comme ça vous fait des avances, il est difficile de rester de marbre, et c'est pourtant ce que fait William Hurt, trop empêtré dans son malheur personnel. Lawrence Kasdan s'attache à nous montrer la lente évolution de ce personnage qui, durant tout le film, ne fait que reculer pour mieux sauter.





Edgar le corgi tient le début du film à bout de pattes. Il donne envie d'aller dans un pet shop pour acquérir de ce pas un corgi à vil prix. Si le film se résumait aux interactions, toutes plus drôles les unes que les autres, de l'animal avec les humains et, tout simplement, avec la caméra, The Accidental Tourist serait une référence en termes de performance canine. Edgar éclipse le gratin d'Hollywood. Malheureusement, au bout de 40 minutes, probablement trop sollicité par le réalisateur, Edgar disparaît du cadre et est remplacé par un William Hurt aux abois dont nous suivons, sans aucune passion, les très ennuyeuses tergiversations. Bill Pullman débarque dans la peau de l'éditeur de William Hurt et tombe instantanément amoureux de la sœur de celui-ci. Avec sa raie sur le côté impeccable et son sourire carnassier, on espère très fort que Pullman va prendre le relai du chien pour donner un nouvel élan au film. Hélas, Lawrence Kasdan ne l'entendait pas de cette oreille, Pullman semble avoir été sacrifié au montage et paraît tristement sous-employé.




A noter que c'est John Williams qui a composé la musique de ce très long métrage et celle-ci est omniprésente, en inadéquation totale avec l'ambiance du film et vient nous rappeler constamment en quelle année tout ça a été tourné. Malgré ses nombreux élans mélodiques, elle ne sort guère le film de sa torpeur et semble souvent bien trop joyeuse et légère comparée aux scènes dramatiquement pénibles qui se jouent devant nos yeux fatigués. Scénariste reconnu pour quelques titres de gloire comme Les Aventuriers de l'Arche perdu ou L'Empire contre-attaque, Kasdan nous prouve que sa place n'est pas derrière la caméra, sa mise en scène terriblement plate contribue à nous endormir et à nous désintéresser de son petit drame mollasson. Il finit même par nous faire prendre en grippe son si morne personnage principal dont le sourire final, prouvant qu'il a enfin tourné la page, nous laisse coi. La seule chose à retenir de ce film : les corgis ne sont pas seulement ces animaux obèses qui traînent dans les jupes de la Reine d'Angleterre, ils font bel et bien partie des meilleurs chiens.




The Accidental Tourist (Voyageur malgré lui) de Lawrence Kasdan avec William Hurt, Geena Davis, Bill Pullman et Kathleen Turner (1988)

Dead Birds

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Voilà un film d'horreur que j'aurais adoré vous recommander, car il est beaucoup plus aimable que la plupart des saloperies qui sortent aujourd'hui. La belle ambition de son auteur pourrait nous faire pardonner beaucoup de ses quelques maladresses. Hélas, force est de reconnaître que son étonnante mixture, mêlant le western rugueux au film de maison hantée minimaliste, ne tient pas la longueur et a fini par me perdre lâchement en cours de route. Tout commence pourtant parfaitement bien. Nous sommes immédiatement plongés en plein dans l'Ouest américain de la guerre civile. Un soleil de plomb écrase une petite ville misérable où le temps semble suspendu. Une bande de déserteurs arrivent. Ils préparent quelque chose : le braquage de la banque. Quelques plans particulièrement sanguinolents lors dudit braquage nous rappellent que nous ne sommes pas devant un banal western. Une fois le magot récupéré, notre bande de voleurs a un plan : passer la nuit dans une grande baraque abandonnée, surplombant une immense plantation en friche, avant de fuir pour le Mexique à l'aube. Mais cette baraque s’avérera être un abri bien peu reposant pour eux...





Après avoir commencé comme un western très sec, Dead Birds prend alors la tournure d'un pur film de trouille s'appuyant principalement sur l'ambiance que le réalisateur développe lentement. La tension naît d'abord des luttes intestines qui pourrissent les relations entre les différents hommes. Le doute s'installe au sujet du partage du butin et de sa surveillance durant la nuit. Un ancien esclave noir est pris pour cible par le plus obtus de ses compagnons d'infortune, campé par le toujours impeccable Michael Shannon, l'acteur fétiche de Jeff Nichols. La légitimité du leader de la bande (joué par Henry Thomas, le gamin d'E.T.) est contestée, ce dernier ne supporte plus sa culpabilité et les morts laissés derrière lui pour quelques sous, tandis que la seule femme du lot attire toutes les convoitises. A cela s'ajoutent les phénomènes et apparitions inexplicables dont sont témoins les personnages dans la maison. Et c'est malheureusement dans ce registre que le réalisateur, Alex Turner, s'en tire le moins bien. Si sa patience et le soin apporté à ses personnages s'avèrent payant dans le versant psychologique de son film d'angoisse et participe activement à faire grimper la tension, sa mise en scène dévoile ses tristes limites lorsqu'il s'agit de rompre avec la pure suggestion. C'est dommage, car son film ne manque pas d'intriguer et déploie une vraie atmosphère, lourde et incertaine, qui maintient durant longtemps l'attention. Celle-ci naît du rythme nonchalant mis en place par le réalisateur mais aussi par ces drôles de plans quasi systématiquement choisis pour filmer son gang de voleurs dès les premières minutes du film : des plans toujours légèrement inclinés, en contre-plongée, qui font que les acteurs apparaissent souvent avec un vide qui les écrase, les domine. Ils semblent immédiatement coincés, quelque part entre la vie et la mort, rongés par leur culpabilité et l'absence totale d'espoir. Leur sort paraît déjà jeté. Ce choix très étrange et déstabilisant confère au film une vraie singularité, et contribue donc grandement à ce qui fait son prix : son atmosphère pesante, lugubre.





On aurait donc sacrément aimé voir l'essai être totalement transformé et croire en l'existence d'un cinéaste doué et spécialiste du genre, jusque-là inconnu. Las, comme s'il avait peur du surplace, le scénario se disperse progressivement, levant laborieusement le voile sur une histoire de magie noire et de livre maudit qui pourrait être sympathique, en ce qu'elle rappelle de loin les écrits de Lovecraft, mais qui fait perdre au film tout son impact. On aurait largement préféré que Dead Birds se concentre sur son ambiance, sur cette terreur psychologique et suggestive qu'il parvient à créer avec brio et trois fois rien dans sa première partie, plutôt qu'il ne s'éparpille dans une intrigue sans queue ni tête, justifiant des scènes plus brutales et visuelles généralement ratées. Le film aurait largement gagné à être plus conceptuel et mystérieux, à abandonner son scénario boiteux, à préférer le silence morbide au grand déballage idiot. Une pirouette finale ne suffira pas à sauver les meubles et s'avérera même d'autant plus frustrante étant donné qu'elle ne fait pas vraiment sens avec les secrets découverts dans la baraque, mais aurait pu mieux s'incruster dans une intrigue purement cérébrale, où le but du jeu aurait simplement été de croire ou non dans les visions des personnages, en ayant la pétoche avec eux tout du long. Reste quelques belles idées, des images fortes (ce manoir perdu derrière cette plantation pourrie, cet épouvantail menaçant...) et le goût d'une atmosphère bien poisseuse, dans un humble mélange qui apparaît longtemps comme harmonieux et bien vu. Bien qu'il soit donc loin d'être vraiment réussi, Dead Birds encourage à continuer de fouiller du côté de l'horreur indépendante américaine, plutôt que de s'infliger ces films sans âme pour adolescents, qui se produisent à la chaîne.


Dead Birds d'Alex Turner avec Henry Thomas, Isaiah Washington et Michael Shannon (2005)

Lolo

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J’ignore exactement pourquoi, mais jusqu’à présent, j’avais encore une sorte de vieille foi en Julie Delpy. J’ignore d’ailleurs aussi d’où vient et comment se maintient cette aura qui entoure l’actrice-réalisatrice, cette vieille côte qu’elle se trimballe, cette réputation qui la précède ? Elle a joué dans quelques bons trucs étant jeune, certes, mais ça date, et ça ne pèse pas bien lourd à côté de ce qu’elle nous inflige depuis une dizaine d’années derrière la caméra. J’avais plutôt accroché à 2 Days in Paris en 2007, mais je pense qu’il vaut mieux ne plus jamais croiser ce film sous peine de s’en vouloir à mort d’avoir apprécié… Son film suivant, La Comtesse, était prometteur sur le papier mais, à l'écran, bien foiré. Après ça est venu Le Skylab, une horreur pas possible qui a commencé chez nous à faire carrément vaciller toute confiance en l’artiste, voire à éveiller un soupçon de rancœur à son endroit (on n'inflige pas ça à son public sans un retour de bâton dans la tronche). Mais je croyais à un mauvais virage précédant un bon coup de volant direction le bitume. Peau de zob. Avec Lolo, Julie Delpy accélère en pleine chicane à la Ayrton Senna. J’ai donc décidé de faire une croix sur elle, en tout cas en tant que cinéaste : elle ne vaut rien.


Cesse de creuser la Delp', t'es au fond.

Lolo (rien que le titre… et on a droit à tous les caméos du monde, sauf au seul qu'on attend, celui de Lolo Blanc) est une infamie. Et Julie Delpy ne perd pas une seconde pour nous dégoûter d’elle. Dès la première scène, on a envie de lui faire la peau : Karin Viard et Delpy herself, deux vieilles amies, sont dans un bain, en thalasso, à Biarritz. Je vous retranscris le tout premier dialogue, car il faut bien se rendre compte :

« Bon c’est quoi ce bain là ?
- Ca bouge la graisse tout en raffermissant les chairs, c’est bon pour ce qu’on a.
- On a quoi ?
- Ben 45 ans.
- Rah mais c’est un bain de bactéries. Quand je pense à tous ceux qui ont dû pisser dans ce truc aujourd’hui.
- Non mais t’es folle, personne pisse dans ces bains.
- AH c’est quoi ce jet, là, juste dessous, ça me rentre dans la chatte. C’est nul…
- Ben non c’est fait exprès.
- J’aime pas ça.
- Ah moi j’aime bien, ça me masse la chaaaaatte, ça me relaxe. Ca fait combien de temps que t’as pas baisé ?
(…)
- Non mais t’as raison, je ne suis pas normale. Moi j’aimerais me trouver un mec avec qui je pourrais partager des vrais moments de vie.
- Putain dis pas des phrases pareilles, ça me donne envie de me flinguer. »


 Inutile de gonfler les pecs, elle t'étale... C'est dans le ton de ce que les personnages s'envoient toutes les deux secondes à la face (à coups de "grosse bite", gros cul", etc.).

Delpy en est encore là. A nous dire que les femmes c’est aussi ça, que c’est comme les hommes, que ça parle de bite et de chatte, que ça aime le cul, et que c’est libre d’être grossier. Mais on est libre aussi d’avoir de l’humour et de ne pas être ultra lourd. Delpy n’est peut-être pas au courant. Voire, soyons fous, de ne pas écrire des trucs aussi bêtes et plats, et de construire des personnages qui ne sont pas obligatoirement de gros clichés insupportables, sinon des enflures de première. Les deux personnages sont non seulement des clichés de la femme de 45 ans divorcée qui aime et déteste ses gosses, aime et déteste son gros cul, aime et déteste les hommes et la bite, mais aussi, très vite, de la parisienne hautaine et névrosée qui travaille dans la mode et qui donne de formidables envies de coup de pied au cul à la moindre phrase. Delpy a dû se dire qu’en tartinant ainsi ses parisiennes, elle pourrait d’autant plus frapper sur les pèquenauds provinciaux (ou l’inverse). Quand en finira-t-on avec ces comédies françaises populaires dépourvues d’humour (Le Skylab, donc, mais aussi Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?, Radiostars, Sous les jupes des filles, 100% cachemire, Comme des frères, et tant d’autres) qui font leur beurre en tapant sur X pour avoir le droit de taper sur Y, qui excusent tout un chacun d’être détestable ou minable parce que le voisin l’est aussi, qui brossent des séries de portraits d’enfoirés pour peupler des films misérables à tous les étages ?


 Après le poids des mots...

Imaginez le même dialogue, en substance, dans la bouche de deux mecs de presque 50 ans divorcés. Ils sont dans un jacuzzi, l'un d'eux s'étonne de ce truc qui lui aspire le sexe, l'autre lui répond : « Rah moi j'adore, ça me suce le zooooooob... », puis on enchaîne : A aimerait partager des vrais moments de vie avec une femme et B lui annonce tout net qu'il est à deux doigts de se faire les veines dans la baignoire en entendant ça. Imaginez. Delpy se croit sans doute maligne, mais ce qu'elle écrit vaut à peine les pires moments d'un film de gros beaufs comme Le Cœur des hommes 3. Et encore j'suis large...


... le choc des tofs.

Et tout est à l’avenant. Dans la deuxième scène, Delpy, Viard et Larnicol (ancienne des Robin des Bois, qui apparaît dans deux scènes pour servir la soupe aux deux autres), sont assises en terrasse et rencontrent deux Biarrots (dont Boon, qui joue de plus en plus mal) forcément lourdingues, car ce sont des provinciaux. Ils viennent de pêcher un gros thon qu’ils font tomber sur la belle robe de la parisienne Delpy. Et dès qu’ils ont tourné le dos, les trois copines (enfin les deux principales, l’autre peut crever : elle est moche) décident qu’elles vont se les faire, car « plus ils sont cons, mieux ils baisent ». Les clichés sur les ploucs de province s’accumulent dans la scène suivante, une petite fête dont les parisiennes ont envie de déguerpir à peine arrivées car les guirlandes et la sangria font trop pitié. Puis Delpy va causer à Dany Boon le gros beauf (= il a un tablier et fait cuire les grillades). Dans une ellipse qui laisse à penser que les scènes coupées du dvd doivent durer 12 heures, on comprend que Boon et Delpy se sont mis ensemble lors de cette soirée ringarde et ont vécu pendant 10 jours dans un porno amateur. Puis on retrouve nos deux connasses (Delpy et Viard), à bord du train du retour pour Paris, où Delpy raconte à sa copine comment Boon lui a léché la chatte pendant 10 jours, y compris pendant ses règles, et les deux abruties de mimer un cunilingus de façon extrêmement voyante et bruyante, le tout devant une bourgeoise coincée foutue sur le siège d’à côté comme un pur faire-valoir bien pratique pour assurer au spectateur que les deux héroïnes sont décomplexées, libres et vulgaires et qu’elles ont bien raison de l’être.


Si y'en a un seul parmi vous qui parvient encore à endurer ça dans le calme, qu'il se manifeste, ça m'intéresse, pour les stats.

Dans la même scène, petite vanne sur les handicapés, qui choque évidemment la bourgeoise, mais que le personnage de Karin Viard justifie par une allusion finaude à Intouchables. Une comédie lourde et crétine en salue une autre. Ce n’est pas tout ce que salue Delpy d’ailleurs, qui n’arrête pas de placer ses personnages devant la télé ou dans des expositions à Beaubourg pour citer les films qu’elle aime. Au lieu d’aller piocher des images dans sa dvdthèque, qu’elle salit (d’ailleurs, dans le film, elle et son fils planquent de la beuh dans des boîtiers dvds, dont celui d’Easy Rider, c’est d'un fin...), Delpy ferait mieux de soigner les siennes. Ou plutôt, et surtout, son scénario, qui est une vraie merde. Tout tourne autour de la guerre entre Boon et Vincent Lacoste, qui joue le fils de Delpy. Quand Boon monte à Paris pour bosser (il est ingénieur informaticien pour le Crédit Rural…), son idylle avec Delpy s’intensifie, même si la vie parisienne lui pose quelques soucis (notamment les portiques du métro, car pour un type qui vient de Biarritz, soit un gros con, maîtriser le portique du métro c’est comme ramener Apollo 13 à Cap Canaveral). Or le fils de Delpy, qui a 20 piges, va consacrer sa vie à foutre en l’air le couple, car il veut sa maman pour lui tout seul (beaux plans sur des œufs dans un coquetier qui évoquent les seins de la mère, ou une paire de grosses couilles… allez piger). En fait il faut retirer 30 ans aux personnages adultes, qui agissent et pensent comme des adolescents trépanés (faut voir Delpy qui, apercevant une réaction cutanée sur la poitrine de Boon, le paysan malpropre, demande à son médecin de lui prescrire 36 tests pour détecter les maladies vénériennes), et 10 piges au gamin de Delpy (qui tient un journal colorié au feutre et fout du poil à gratter sur les chemises de son beau-père pendant tout le film). Erreur de casting généralisée. A commencer par la réalisatrice. Mettez-moi ça au chômage… une de plus ou de moins, au point où on en est… Et puis elle, au moins, elle l'a bien cherché.


Lolo de Julie Delpy avec Julie Delpy, Danny Boon, Karin Viard et Vincent Lacoste (2015)

Spotlight

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Vu. Pire début d’article possible. Mais c’est un peu le sentiment qui domine au moment de causer du film. Si cette critique dépasse le paragraphe d’intro, je serai sur le cul. C’est aussi ça la liberté de la presse, et le film en fait suffisamment l’éloge pour qu’on se le permette sans se sentir coupable. Tant mieux, parce qu’il n’y a pas masses de trucs à dire sur Spotlight, qui est aussi neutre que propre. Clean sheet. C’est un film d’enquête journalistique dans la veine des Hommes du président, bien ficelé, sans fioritures, qui va droit au but avec énergie et efficacité. Ca sent la vieille recette (d’ailleurs les décors et les costumes sont ceux d’un film des années 70 alors que ça se déroule au début des années 2000), mais c’est souvent dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs keftas. Que dire d’autre ? Le sujet peut-être ? Spotlight raconte l’histoire de Spotlight. Il s’agit, pour être plus précis, d’un petit groupe de journalistes, un cabinet d’investigation au sein du Boston Globe, qui, sous l’impulsion d’un nouveau directeur (le baryton Liev Schreiber, monolithique, beau gosse), enquête sur une histoire de pédophilie dans le diocèse de Boston et met au jour l’ampleur d’un phénomène à grande échelle. Le film accomplit sa mission avec les honneurs : il nous en apprend de bien bonnes.


Mark Ruffalo déploie toute une gestuelle pour attirer l'attention sur lui, y compris dans 
les scènes où il n'a rien à foutre là.

Verset 2 (je suis scié) : Il faut préciser que le film est certes sobre, et qu’on n’y trouve pas beaucoup de cinoche (pas beaucoup plus disons, sinon moins, que dans les précédentes réalisations de Tom McCarthy : The Visitor ou Les Winners), mais que c’est déjà pas mal de s’en tirer avec un truc droit dans ses bottes et rondement mené. 2h08 et on reste scotché de bout en bout grâce à un scénario qui file, aride, à la limite de l’austérité. Or ça devient agréable, par les temps qui courent, de voir un film hollywoodien qui reste concentré sur ce qu’il a à raconter (l’enquête en question et le boulot de journaliste de façon plus générale), sans tomber dans le pathos en allant s’attarder lourdement sur le témoignage des victimes ou sur les états d’âmes des enquêteurs. Le film a la bonne idée de ne pas virer au vieux déballage psychologique, et évite constamment de rajouter du drame au drame. Les acteurs restent aussi à leur place (même si Mark Ruffalo se la raconte pas mal entre une McAdams et un Keaton venus sagement travailler). Le travail sur les personnages est une autre qualité du film : pas de grande figure du bien ou du mal, pas de vilain intégral jeté en pâture au public, comme c'est de rigueur dans les habituelles daubes hollywoodiennes (alors que le sujet, 70 prêtres pédophiles couverts par un cardinal, s'y prêtait). Aucune figure simpliste, ni l'avocat véreux qui semble couvrir les curetons, ni le seul prêtre pédophile croisé par l'enquêtrice de la bande. Et, alors que pendant tout le film on se demande qui dans l'équipe a merdé vingt ans plus tôt en ne révélant pas le pot aux roses clés en main, la résolution de cette énigme n'est pas un prétexte pour jeter l'anathème sur un salop planqué sous un costume de héros, c'est bien plus simple et plus complexe à la fois.


 Ce con de Liev Schreiber joue enfin un type bien.

On pourrait facilement reprocher au film de se tenir un peu trop planté sur ses marques et de manquer d'ampleur, mais on préfère louer, sur un scénario pareil, qui appelle le défilé de grands acteurs rivalisant de hardiesse sur fond de grands sentiments, la petite mécanique bien huilée, modeste et sans gras mise en place par Tom McCarthy, qui ne donne pas dans le neuf sans non plus tomber dans l'hommage poussiéreux. Tout cela fait de Spotlight un honnête lauréat des Oscars 2016, un rien téléphoné et un peu plat mais loin de toute esbroufe ou de toute pseudo-performance pompeuse (suivez notre regard).


Spotlight de Tom McCarthy avec Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams et Liev Schreiber (2015)

Un jour avec, un jour sans

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Quand on voit l’allure à laquelle il tourne, on se demande parfois comment Hong Sang-soo peut réaliser autre chose que de très jolis petits films. Car il en a tourné un certain nombre déjà, et plus d'un (Ha Ha Ha, Sunhi) s’accommoderaient facilement de cette qualification, tant dans ce qu’elle a de positif que dans ce qu'elle a de réducteur. Les films de Hong Sang-soo sont toujours jolis, mais souvent guère plus que ça. Alors autant dire tout de suite que Un jour avec, un jour sans va bien au-delà de cette joliesse, et compte parmi les titres les plus riches et les plus subtils de la filmographie du sud-coréen, aux côtés, par exemple, des très beaux In Another Country et The Day he Arrives. Et pourtant ce nouveau film cache bien son jeu, car jeu il y a, qui ne se révèle d’ailleurs que tardivement et qui n’implique aucune part de dissimulation, de calcul, aucune articulation déceptive, mécanismes que le film refuse au profit d’une simplicité bouleversante.




Si Un jour avec, un jour sans est bien un « what if… film », dans l’idée comme dans la construction (qui évoque, dans les grandes lignes, celle du diptyque Smoking / No Smoking), Hong Sang-soo va à l’encontre de tous les schématismes pré-conçus que le genre, à ses pires heures, appelle du pied. Il fait fi de tout parallélisme de construction, de toute démonstration dogmatique et autre déterminisme sommaire. Il nous raconte deux fois la même journée, deux fois la même rencontre entre Ham Cheonsoo (l'excellent Jeong Jae-yeong), un cinéaste de passage à Suwon pour une conférence, et Yoon Heejeong (Kim Min-Hee), une jeune et belle artiste peintre, qui se découvrent et s’enivrent tout au long d’une fin de journée. Mais nous en propose deux versions différentes, deux récits, deux mises en scène, deux montages. Quelques scènes disparaissent, d’autres apparaissent, la plupart reviennent, parfois plus écourtées ; une bonne part des répliques sont identiques, mais rien, au fond, n’est pareil, que les variations de tons et de rythme soient sensibles, ou qu’un simple changement de cadrage ou de montage suffise à forcément transformer les phrases répétées d’une variante à l’autre.




Qu’est-ce qui fait basculer une même situation ? On ne peut s’empêcher de chercher une ou des réponses. Le personnage principal (Ham, le cinéaste) s’allonge ou ne s’allonge pas sur son lit avant de sortir de sa chambre d’hôtel. Il croise ou ne croise pas telle étudiante en cinéma avant de se rendre au temple où il va rencontrer Yoon (la jeune peintre). La liste des micro-variations susceptibles de tout influencer serait sans fin, d'autant que le récit, découpé en cinq ou six grandes scènes et en longs plans-séquences, nous offre le temps d'imprimer chaque moment, chaque geste, chaque expression, puis de traquer les changements. Et il en va évidemment de même pour tous les personnages. On peut se demander pourquoi les deux amies plus âgées de Yoon se comportent si différemment vis-à-vis de Ham lors du repas chez elles ? Est-ce parce que l’héroïne est ou n’est pas dans la pièce ? Est-ce parce que l’autre personnage masculin, probablement le mari de l'une des femmes, participe à la conversation ou fume à l’extérieur ? Parce que Ham lui-même se montre agréable/faux ou désagréable/honnête (si tant est que les deux facettes du personnage collent véritablement au défaut et à la qualité qui leur sont rattachées) ? Est-ce un peu tout cela ? Ou bien les réponses se logent-t-elle dans une de ces ellipses dont Hong Sang-soo joue avec malice (comme il joue de la voix-off, présente en A, absente en B, et dont il nous appartient de décider si elle varie) ?




Une hypothèse toutefois : ces différences, dans l’attitude et les jugements des personnages, viennent peut-être moins de leurs gestes, de leur comportement, de leur présence ou absence, que de l’image qu’on leur prête et qu’ils se donnent. Si ma mémoire est bonne, dans la deuxième version du récit, lors de la scène dans le bar, où les deux personnages principaux boivent du thé ou du café alors qu’il fait encore jour, Yoon dit à Ham qu’il est quelqu'un de très honnête et ne se présente pas à lui comme un ancien mannequin. Est-ce parce que la ravissante demoiselle l’a immédiatement, et un peu vite, présenté comme quelqu’un d’honnête que Ham va, sur la face B du récit, se montrer tel ? Est-ce parce qu’elle oublie un moment sa condition de mannequin superficiellement désirée que Yoon se montre plus détendue face aux facéties séductrices de Ham, aux soupçons qui pèsent sur lui et aux ragots qui tentent d'en faire un Dom Juan ? Il est vrai que l’on a tous tendance à se montrer sous un jour ou sous un autre face à des inconnus en fonction de ce qu’ils savent et ignorent de nous, de la simple façon dont un intermédiaire va nous définir face à eux.




Mais au fond, cette hypothèse ne l’emporte sur aucune autre, y compris celle, toute bête, quoique terriblement juste, du titre : la même rencontre peut, ou plutôt doit nécessairement, partir dans toutes les directions dès lors qu’elle est rejouée. Rien ne saurait être rejoué deux fois à l’identique. Le film nous interroge ainsi (comme Un jour sans fin, tel que l’avait relevé notre ami Hamsterjovial), sur le principe même de répétition, au théâtre ou au cinéma. Hong Sang-soo nous pose face à ce constat simple, sinon bête à le formuler ainsi, que tous les films que nous voyons existent virtuellement, potentiellement, sous une infinité de formes plus ou moins différentes. Un cinéaste dispose, en retournant la moindre scène, d'un autre film et, partant, d'une infinité d’autres films. Et la question de la forme définitive et unique de l’œuvre devient vertigineuse, que l'on pense à ces films qui existent bel et bien sous plusieurs formes (un exemple, le Lady Chatterley de Pascale Ferran, dans sa version courte/cinéma et dans sa version longue/tv : qui saurait bien dire laquelle est le film) ou, pourquoi pas, à Picasso recouvrant encore et encore ses peintures sur verre face à la caméra de Clouzot dans Le Mystère Picasso, annulant ainsi mille œuvres possibles (et qui existent bien en réalité, car elles ont été figées, ne fût-ce qu’une seconde, par la caméra de Clouzot), lesquelles nous semblaient tout aussi valables que celle qui aura, in fine, les faveurs du peintre.





C’est ce qui se passe quand Yoon peint. Pourquoi ajouter cette touche de couleur à son tableau ? Qu'aurait-elle fait le lendemain ? Pourquoi ajouter du orange plutôt que du vert ? Quel film aurait-on vu si le tournage avait débuté un jour plus tard, si Hong Sang-soo avait placé sa caméra ici plutôt que là ? Ce sont aussi ces choix, le placement de la caméra, le cut  une seconde avant ou après, qui font non seulement le film, évidence, mais jusque à l'histoire qui nous est contée. Le long regard amoureux que Ham pose sur Yoon quand elle peint, et les compliments qu’il lui adresse juste après, sont appelés, dans la 1ère version du récit, par le cadrage et la durée du plan (sans parler de la voix-off) : Yoon au premier plan, de profil, regardant son tableau, Ham au second plan, presque face caméra, regardant Yoon, et leurs regards qui se croisent en un point magnétique de l’image (idem dans le bar où ils s'enivrent, le soir venu). C’est aussi parce que la caméra ne créé pas ce regard, ou ne lui laisse pas le temps de prendre, dans la deuxième version, qu’il n’existe pas et peut-être, qui sait ?, que Ham se lance dans une critique féroce du travail de Yoon au lieu de l'éloge naïf de la première version. On se demande aussi, par conséquent, en quoi le fait de ne pas écrire, ou jouer, une scène, impacte, chez les acteurs, donc chez les personnages, la suivante.





Toujours est-il que le film n’impose aucune théorie et ne roule pas les mécaniques de son dispositif. Il se joue par exemple de l'aspect binaire du What if film quand, au début de la première version, on voit Ham hésiter longuement à continuer tout droit, avant de finalement tourner à droite pour retourner au temple (cf. le premier photogramme de l'article). Dans beaucoup de films du genre (comme Pile ou face), c'est ce geste qui aurait tout déterminé, selon le principe de la porte ouverte ou fermée. Chez Hong Sang-soo, on ne voit plus Ham hésiter dans la version B (peut-être a-t-il hésité aussi ? on n'en sait rien), toujours est-il que ça n'est pas la clé de voûte du scénario : dans les deux versions Ham atterrit très vite au temple, s'assied et aperçoit Yoon. Un jour avec, un jour sans se révèle d’autant plus fort qu’il se détourne des scénarios simplistes tout en misant paradoxalement sur la plus évidente simplicité. Rien ne suffit à tout expliquer et en proposant juste deux possibilités parmi tant d'autres, Hong Sang-soo nous laisse entrevoir toutes les nuances et toute la puissance de ce que peut une mise en scène, et à quel point la moindre variation (de cadrage, de durée, etc.) modifie le regard tout entier. L'adéquation est limpide entre les variations cinématographiques et les aléas de la vie, des sentiments.





Il faut bien dire aussi que ce que raconte Hong Sang-soo, avec la sensibilité qu'on lui connaît, est déjà, avant toute question de reprise et de variation, émouvant : la rencontre amoureuse, avec toutes ses fragilités, ses hésitations, ses pulsions, ses erreurs et ses fulgurances. Qu'elle prenne ou non (mais au fond, quelle fin est plus heureuse ou plus triste ?), la relation entre les deux personnages est profondément touchante. Elle ne l'est que davantage encore quand le film parvient à nous faire éprouver toute la brutalité de cette intuition universelle que tout ce qui est pourrait aussi bien être autrement, que toute rencontre pourrait aboutir de mille façons différentes, que l’enchaînement des causes et des effets est si flottant qu’un type qui reste muet face aux questions pernicieuses de deux commères voit son image auprès de la femme aimée détruite à jamais, et que, un autre même jour, le même type, après s’être mis nu face aux deux mêmes inconnues, gagne toute les faveurs de la même femme aimée, sans que cela nous paraisse le moins du monde incongru.


Un jour avec, un jour sans de Hong Sang-soo, avec Jeong Jae-yeong et Kim Min-Hee (2016)

Bone Tomahawk

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Bone Tomahawk, le premier long métrage de l'américain S. Craig Zahler, s'il n'est pas parfait, nous donne plein de raisons de l'apprécier et de le défendre de tout notre coeur. Déjà copieusement salué et décoré en festivals, il a notamment obtenu le Grand Prix à Gérardmer face à une concurrence relevée (parmi laquelle The Witch, autre film d'horreur indé dont se dit le plus grand bien et dont nous espérons donc beaucoup) et il faudrait en effet être aveugle pour ne pas remarquer que Bone Tomahawk sort clairement du lot. Arrêtons-nous d'abord à ce qu'il y a de plus visible. Dès les premières images, on se dit que S. Craig Zahler, écrivain (publié chez Gallmeister, s'il vous plaît) et scénariste, devait crever d'impatience de passer enfin derrière la caméra pour réaliser un western. Visuellement, son film donne l'impression d'être la mise en image limpide d'un fantasme longuement mûri. En tant que cinéphile à la recherche de bonnes péloches de genre, on prend aussi un pied évident devant ça. Bone Tomahawk, comme son titre, a une putain d'allure et donne immédiatement envie d'être aimé. La mise en scène fluide et patiente d'un cinéaste débutant mais plein de confiance et de maîtrise, nous plonge somptueusement dans l'Ouest américain, sauvage et brutal. On y est et on s'y sent bien d'emblée !





Autre atout immédiatement visible : le casting, qui est une belle petite collection de gueules connues du cinéma de genre, ici superbement bien employées. On est à des années-lumière du défilé insupportable de gloires passées comme le proposent les saloperies à la  Grindhouse. La première scène, qui met de suite dans le bain et annonce bien la couleur, nous fait suivre les sombres méfaits de deux brigands aux méthodes radicales incarnés par David Arquette (l'éternel gaffeur condamné à jouer les benêts et autres petites frappes) et Sid Haig (une grosse tronche impossible déjà croisée dans les films cultes de Jack Hill, dont l'excellent Spider Baby, et revue plus récemment devant la caméra du triste Rob Zombie), deux salopards qui auront le malheur de s'aventurer sur le territoire d'une tribu indienne cannibale. Le scénario de S. Craig Zahler nous propose ensuite une sorte de variation horrifique et minimaliste du classique de John Ford, La Prisonnière du désert : une bande de cowboys remontés, menée par un Kurt Russell en pleine forme et au charisme toujours intact, se lance à la recherche d'une femme docteur enlevée par des indiens revanchards.





Avant le départ de la troupe, S. Craig Zahler installe avec le plus grand soin chacun de ses personnages. Et qu'il est rare et appréciable, aujourd'hui, de tomber sur un film qui prend autant son temps, qui croit à ce point en ses personnages et laisse ses acteurs leur donner si brillamment vie. On oublie d'ailleurs totalement les acteurs, à commencer par notre vieil ami Richard Jenkins, qui trouve peut-être ici son meilleur rôle dans la peau de l'adjoint un peu naïf du shérif joué par Kurt Russell. Ce n'est qu'une fois le film terminé que je me suis dit "Putain mais c'était Dick Jenkins, Dick Jenkins !!". Matthew Fox, le Jack de Lost, mérite lui aussi d'être félicité, il incarne avec beaucoup de classe et d'aplomb un cowboy dandy sans éthique et ce n'est, là encore, qu'une fois le générique terminé que je me suis dit "Putain mais c'était Jack, Jack de Lost !!".  





Même Patrick Wilson est bon là-dedans. Même Patrick "tronche de playmobil" Wilson ! Il passe tout le film à boiter, à en chier encore plus que DiCaprio dans The Revenant, et c'est un vrai régal d'assister à cela après toutes les ignominies dans lequel on l'a vu saloper l'écran. Patrick Wilson joue bien, je ne pensais jamais écrire ça un jour, et c'est dire si S. Craig Zahler doit également être un bon directeur d'acteurs. On s'attache à son personnage d'amoureux des plus déterminé à sauver sa dulcinée comme on s'attache à tous les autres. Soulignons aussi le talent du cinéaste et scénariste pour faire exister chaque protagoniste, et pour, chose encore très précieuse, écrire des dialogues si réussis (avec même quelques moments comiques bien sentis) et créer des scènes a priori anodines où il se passe réellement quelque chose alors que l'action est encore bien loin.





Le film se contente simplement de suivre au plus près cette petite bande dans sa quête qui la mènera jusqu'à l'obscurité ultra glauque d'une redoutable tribu cannibale troglodyte. On pense un peu à l'horreur sèche et brutale de The Descent quand on voit avec quel sérieux le réalisateur invite ses monstres oubliés à l'écran. S. Craig Zahler choisit délibérément de mettre en scène des "indiens" qui correspondent aux cauchemars irraisonnés des pionniers, à la terrible image qu'ils s'en faisaient alors : mangeurs d'hommes régnant en maîtres sur une zone interdite, ils sont des ombres grises qui surgissent de nulle part, dont les flèches proviennent d'on ne sait où et peuvent vous transpercer à tout moment quand vous avez le malheur de vous trouver sur leur territoire.





La violence et l'horreur de Bone Tomahawk, en même temps furtives et frontales (une scalpation suivie d'une mise à mort particulièrement dégueue est au programme, filmée sans complaisance), surprennent toujours et agissent un peu à retardement, saisis que nous sommes par l'ambiance aride de l'ensemble et suspendus au sort parfois terriblement cruel réservé aux personnages. Le cinéaste nous offre un western horrifique aux moments de tension rares mais épuisants pour les nerfs où nous pouvons trembler, par exemple, pour que notre héros ait le temps de recharger sa pétoire imprécise avant d'y passer. On tient également là un superbe film de rando. Après ça, on a l'impression d'avoir marché quelques kilomètres, nous aussi, et d'avoir campé une paire de nuits à la belle étoile, à l'affût du moindre bruit... 





Alors certes, on aurait peut-être aimé que le film soit un peu plus. Que, lorsqu'il s'arrête, nous n'ayons pas l'impression de tout savoir, d'avoir tout vu, mais qu'il reste des zones d'ombre, un peu de mystère, une sorte de fascination encore possible. La simplicité et la linéarité du scénario de S. Craig Zahler est à la fois sa force et sa limite. Il le cantonne dans son sous-genre, l'empêche de le dépasser, mais lui permet de s'affirmer pleinement comme un western simple, sec et racé comme nous n'en voyons quasiment plus et qu'il faut absolument saluer. Le subtil et bien mené mélange des genres tout comme l'ambiance particulièrement saisissante du film nous font également croire en l'éclosion d'un nouveau cinéaste très prometteur. Vivement la suite !


Bone Tomahawk de S. Craig Zahler avec Kurt Russell, Patrick Wilson, Richard Jenkins, Matthew Fox et David Arquette (2016)

Des Hommes sans loi

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John Hillcoat, le réalisateur australien de The Road, a voulu signer "son film de gangsters", avec tous les archétypes et les codes "du film de gangsters". Le scénario est signé Nick Cave, collaborateur régulier du cinéaste, mais il pourrait avoir été écrit par n'importe quel âne d'Hollywood. On y suit les frères Bondurant, des trafiquants d'alcool notoires qui vivent paisiblement dans leur comté de Virginie jusqu'au jour où un flic un peu timbré débarque de Chicago, bien décidé à faire respecter le 18ème amendement de la Constitution américaine. S'il n'y a jamais rien de surprenant du côté du déroulement de l'histoire, il ne faut pas non plus s'attendre à être surpris par la mise en scène de John Hillcoat, très académique. Le film se regarde sans trop souffrir, mais il est tout à fait insignifiant et, sans la présence de spectateurs pris en otage à mes côtés, je me demande même si je ne l'aurais pas interrompu au bout d'une heure. Jamais étonnant, surprenant, différent, Des Hommes sans loi est simplement fait avec une triste application, de celle qui condamne le moindre élan créatif, commune à ces films certes soignés et pas désagréables à l’œil, mais sans vie ni éclat. Il y a bien une ou deux idées ici ou là, dans le montage notamment, mais elles sont si rares que l'on se demande si elles ne sont pas simplement dues au hasard. Un peu plus inspirée est la bande originale du film, que l'on doit au groupe The Bootleggers, featuring Marky Lanegan, Ralphonse Stanley, Emmylou Harris et l'inévitable Nick Cave, décidément plus doué derrière un micro qu'à l'écriture de scénars.  




John Hillcoat n'étant pas un cinéaste doué, malgré ce que l'on essaie de nous faire croire depuis The Road, il ponctue les scènes de violence qui jalonnent son film par des plans très gores et assez choquants, qui brusquent forcément le spectateur mais qui cachent très médiocrement toute l'incapacité du réalisateur à captiver son audience d'une autre façon. Ces accès de violences inattendus sont finalement les seuls moments un peu marquants de ce film, c'est dire... Les acteurs font leur boulot, on ne peut pas leur reprocher grand chose. On notera la présence toujours agréable de la belle Jessica Chastain, dans le rôle du pot de fleur qui ne sert strictement à rien si ce n'est à montrer tous les efforts des costumiers (ses vêtements lui vont en effet à ravir). On sera davantage agacé par la prestation écœurante de l'inénarrable Guy Pearce, qui en fait vraiment des caisses dans la peau d'un personnage vraiment lamentable : une sorte de méchant ultra méchant, un homme sans cœur, sans remord, sans rien, le Mal incarné, avec une allure impossible (sourcils rasés et coupe de cheveux hideuse) qui finit de le ridiculiser. C'est bien simple, on attend sagement pendant tout le film que Guy Pearce se fasse enfin casser la gueule par l'un des frères Bondurant. Bref, un film pour rien. Mes parents m'ont dit avoir plutôt bien aimé, puis je leur ai demandé "Et vous auriez aimé payer pour voir ça au ciné ?" et mon père de répondre "Ah non, après ça j'aurais foutu le feu à des bagnoles ou dégommé quelques rétroviseurs" (dans tous les cas, il s'en serait donc pris à des voitures). Puis je lui ai rappelé que ce film faisait partie de la sélection officielle au festival de Cannes, et il a fait "Ah... merde". 


Des Hommes sans loi de John Hillcoat avec Tom Hardy, Shia LaBeouf, Gary Oldman, Mia Wasikowska, Jessica Chastain et Guy Pearce (2012)

The Revenant

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C'est donc comme ça qu'il faut filmer désormais. Il faut faire des films en fish-eye, en plans-séquences tournoyants, en contre-plongée, truffés de moments de bravoure (comme ce long plan qui grimpe la montagne à reculons depuis le bord escarpé du fleuve, au début du film, qui nous crie "Visez-moi la prouesse !"), et ne tourner que durant "l'heure bleue", quand les animaux de la nuit se la ferment et juste avant que ceux du jour ne s'ébrouent, l'heure où les loups-garous ont le plus la trique. Le chef op' de Terrence Malick, Emmanuel Lubezki, le virtuose, a donc commis un massacre supplémentaire et voit son "style"érigé en modèle par l'académie des Oscars, puisqu'il a obtenu trois fois de suite le prix de la meilleure photographie. On a de nouveau droit à ses effets signatures détestables : mille et un plans en contre-plongée totale sur les arbres, par exemple, ou bien, dans quelques scènes de rêverie horribles, dignes des pires flashbacks sentimentaux dégoulinants de Gladiator, ces sempiternels et tristes plans sur un personnage béat devant les rayons du soleil, autant de clichés morbides qu'on ne peut plus blairer depuis longtemps, qui sont aussi tristes et usants que la mode des films aux teintes uniformément bleu gris...




The Revenant est donc visuellement à couper le souffle, dans le pire sens de l'expression, mais il est avant tout d'une lourdeur extrême. Tout ce qui faisait le charme, la force, la richesse d'un film comme Le Convoi sauvage, basé sur la même histoire (celle du trappeur Hugh Glass, salement blessé par un grizzly en 1823, qui parvint à rejoindre son bivouac à Pincou-les-bains, distant de plus de 300km, en moins de six ans et en rampant), fout le camp au profit d'une bête histoire de vengeance opposant Leo DiCaprio et Tom Hardy. Le premier s'étant fait sodomiser par un ours, le second l'abandonne à son sort après avoir tringlé son fils. Par suite de quoi, Leo DiCaprio met tout en œuvre pour rattraper le coupable et se l'esprofondir, après 2h50 de galère où rien n'est rendu palpable de la difficulté des épreuves traversées par le héros ni de la distance séparant les espaces arpentés pour mettre la main sur un simple connard. Car c'est bien à cela que se résume l'antagoniste de Hugh Glass (grand-père de Philip Glass, qui malheureusement ne signe pas, de ses dix doigts de fée, longs et véloces, la bande originale du film). Le héros, bon, généreux, fort, courageux et à l'écoute de la nature, traque son ennemi, un fumier intégral, couard et cupide, jusqu'à ce qu'ils se larguent quelques dizaines de balles et de coups de couteau au bord de l'eau...




DiCaprio, l'acteur le plus apprécié du moment, s'est retrouvé en top tendance pendant deux semaines suite à son Oscar et à sa petite diatribe contre l'environnement. Et pourtant, si on a beaucoup déblatéré sur les difficultés du tournage en conditions extrêmes (il faudrait chialer pour eux alors que personne ne leur avait rien demandé jusqu'à preuve du contraire), c'est bien la faune et la flore des coins perdus où Iñarritu est allé planté sa caméra et son bivouac qui ont le plus trinqué. Il s'agit d'écosystèmes extrêmement fragiles, où la vie ne tient qu'à un fil, grâce à un équilibre millénaire vite perturbé par une présence étrangère aussi délicate soit-elle. Et c'est pas les gros sabots pleins de merde d'Iñarritu, ou la petite gueule enfarinée et bouffie de DiCaprio, ni la putain de bouche à pipe de Tom Hardy qui auront su préserver l'anonymat dans un tel contexte. En d'autres mots, la caravane du film, ultra nomade, a démoli tous les paysages qu'elle a traversés. Lubezki et Iñarritu, emportés dans leur grand délire maniaco-dépressif et égocentrique, se sont lancés dans des kilomètres de route et de vol pour trouver le pin parfait, le galet idéal, la brindille de rêve, la feuille de chêne la mieux dessinée, le champignon hallucinogène le plus dément, la fougère la plus velue, la toile d'araignée la plus symétrique, le grain de sable le plus fin, l'indien d'Amérique le moins mort. En bref, si DiCaprio se montre au fait de l'actu ciné et environnementale, il ferait mieux de balayer devant ses propres pompes et de changer plus régulièrement la litière d'Iñarritu.


The Revenant d'Alejandro Gonzalez Iñarritu avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Lukas Haas et Domhnall Gleeson (2016)

Les Huit salopards

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Script faisandé, vérolé, pas étanche, à fuite, piraté, mais script néanmoins filmé. Et franchement y'avait pas de quoi chialer à l'idée que quelqu'un le foute sur le net... Commençons par le positif : le dernier Tarantino est nettement moins énervant que les précédents. Et ce pour une raison simple : il est absolument vide de tout. Y compris de ces velléités de justicier qui animaient récemment Tarantino et achevaient de plomber ses dernières fèces filmiques destinées à réparer les horreurs de l'Histoire avec l'intelligence et la finesse d'un mauvais écrit du brevet d'histoire-géographie-enseignement moral et civique rédigé par un adolescent ayant tiré un trait sur l'obtention du DNB depuis la fin du CP. Autre louange : le main theme signé Morricone est cuisiné aux petits oignons. C'est tout pour le big up. Le premier plan du film est le plus agréable : pas d'acteurs, pas de dialogues, juste la musique d'Ennio Morricone. Dès que la carriole s'arrête, stoppée par Samuel L. Jackson, tout s'écroule. Tarantino retombe dans ses travers : dialogues surécrits, répliques d'une pauvreté terrible censées faire mouche, acteurs grimés à la truelle qui en font des caisses à coups d'accent juteux ou de chansonnettes "cool", effets de ralenti hideux, pseudo-tension aussitôt mutée en torpeur absolue, etc.




L'histoire se résume à une fusillade dans une auberge. Pourquoi ? Parce qu'un type veut libérer sa sœur. Ce qui donne à Channing Tatum l'occasion de ne pas briller dans le pire rôle qui soit. Et pour gratiner cette triste affaire, Tarantino met en place un vague whodunit dont tout le monde se tape royalement. Peu importe qui a empoisonné le café, qui veut libérer Jennifer Jason Leigh... n'importe quel personnage pourrait crever à n'importe quel moment sans que cela nous fasse ni chaud ni froid tant ils sont dépourvus de toute histoire, de tout intérêt ou de toute qualité. D'ailleurs, quand Samuel L. Jackson se fait ratiboiser les burnes, on n'éprouve aucune forme de surprise, ou d'empathie, pour lui, alors que Tarantino lui consacre la plupart de son temps. Notamment la grande scène du film, le moment de bravoure, le dialogue déjà culte avant d'avoir été écrit, qui ferait pitié même dans la bouche d'un collégien... après avoir fait un vague buzz de cinq minutes en cours de mathématiques. Ce moment accablant où le nordiste Jackson, pour pousser un vieil officier sudiste (Bruce Dern) à dégainer son arme et ainsi le tuer en tout légitimité, raconte à ce dernier comment il a forcé son fils à crapahuter tout nu et à sucer sa queue. Et tout ça dans un 70mm tout feu tout flamme qui ne sert rigoureusement à rien, surtout sur notre télé de poche.




Ce dialogue rejoint quelques autres lignes fameuses signées Tarantino ces dernières années, elles aussi dignes de la cour de récréation d'un collège en détresse : rappelez-vous de la longue conversation mythique entre Kill et Bill à la fin de Kill Billà propos de cette prise de judo légendaire qui force l'adversaire à se chier dessus, et de ce débat insipide sur Batman et Superman. Pas de quoi se relever la nuit. Sans parler de Boulevard de la mort, et de toute l'anecdote autour d'une femme tombée connement dans un ravin... Ceci dit, avec sa longue tirade sur sa bite sucée par un type tout nu, Samuel Jackson tient peut-être le pompon... Ah si, autre point positif : on a beaucoup plus entendu parler du film avant sa sortie qu'après.


Les Huit Salopards de Quentin Tarantino avec Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Bruce Dern, Tim Roth et Michael Madsen (2016)
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