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Channel: Il a osé !
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Bad Company

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Premier film de Robert Benton, plus connu pour avoir réalisé le très oscarisé Kramer contre Kramer, Bad Company est un anti-western typique du cinéma américain des années 70. Barry Brown y incarne un fils de bonne famille qui se retrouve livré à lui-même sur les routes mal famées de l'Ouest après avoir évité de justesse l'enrôlement dans l'armée pour la guerre de Sécession. Très vite, il croise le chemin du chef d'une petite bande de voyous, joué par le très fringuant Jeff Bridges. Le film nous narrera alors en une série d'épisodes les différentes mésaventures de cette bande de jeunes partie vers l'Ouest à la recherche d'une vie meilleure.



On suit tout cela avec un certain plaisir notamment grâce aux deux personnages principaux, très attachants, l'un voulant rester droit dans ses bottes par rapport à ses croyances malgré les méfaits dans lesquels il est entraîné tandis que l'autre se fantasme fièrement en un hors-la-loi intrépide. On veut croire en leur amitié et son expression à l'écran, toujours pleine de pudeur et d'authenticité, nous offre les plus beaux moments du film. L'interprétation de Barry Brown, également fascinant dans Daisy Miller, y est pour quelque chose. Cet acteur malheureusement disparu quelques années après le tournage, membre méconnu du "club des 27", est la curiosité de Bad Company. Avec ses airs troublants de Ryan Gosling brun, il a une présence étonnante, dégageant une fragilité et une incrédulité qui conviennent totalement à son personnage.




Trait récurrent du Nouvel Hollywood, la naïveté et la soif de vivre des jeunes protagonistes est contagieuse pour le spectateur et systématiquement mise à mal par des retours à la réalité à la brutalité souvent saisissante. Certaines scènes sont aussi cruelles que mémorables, l'humour bravache se mêle à la violence crue, les beaux moments de douceur alternent les grands drames inattendus. Tout cela fait de Bad Company un film hautement recommandable, à ne surtout pas confondre avec celui dans lequel Anthony Hopkins affronte Chris Rock.


Bad Company de Robert Benton avec Barry Brown et Jeff Bridges (1972)

Sir ! Yes Sir ! - Les meilleurs sergents-instructeurs

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Je vous propose, sans aucune raison particulière (sinon que le service militaire risque de revenir à la mode dans les années qui viennent), un petit tour d’horizon, non-exhaustif, d’une figure récurrente du cinéma, et plus particulièrement du cinéma américain : le sergent-instructeur. Je ne sais pas si je suis seul dans ce cas, mais j’ai beaucoup d’affection pour ce personnage. Il ne doit pourtant pas exister beaucoup de catégories socio-professionnelles auxquelles j’aimerais moins avoir affaire. Cependant, je l’avoue, quand j’ai eu à me rendre au Pôle Emploi, je me suis fabriqué un profil de garde-chiourme sans pitié, de maton homophobe, dans l’espoir qu’on me propose un poste de sergent-instructeur et de pouvoir ensuite aller fouetter des culs en portant un chapeau vert. Tout ça grâce au cinéma et à quelques films bien précis. J’ai un faible, un gros faible, je vous le dis, pour les sergents-instructeurs de tous poils. Aussi, voici un classement des 10 meilleurs sergents instructeurs au cinéma selon moi.



10
 
C'est sur ce tournage que Richard Gere s'est mis au yoga.

A la 10ème place, le Sergent Emil Foley, interprété par Louis Gossett Jr., dans le médiocre Officiers et gentleman de Taylor Hackford. Gossett Jr. y mène la vie dure à Richard Gere, fils d'un sous-officier de marine alcoolique et putanier. Le bellâtre aux yeux d'oriental, sosie officiel de Zizou et horrible comédien, vient de s'inscrire sur les listes de l'armée pour devenir aviateur. Tout du long, Foley en fait baver à Dick Gere, jusqu'à ce que ce dernier en perde son bouddhisme et que les deux hommes s'affrontent sur un tatami, tout nus, dans un corps-à-corps troublant. D'autant plus troublant qu'en ce qui me concerne la véritable figure mémorable de ce film (qui ne l'est pas pour un dinar, mémorable) reste plutôt celle de la jolie Debra Winger, compagne de Gere et véritable bouffée d'air frais entre deux parcours du combattant et autres sauts de haies avec feu de barrage à balles réelles.


La belle Debra Winger, délaissée pour un grand noir avec une chaussure blonde...



9

La 9ème place revient à Warren Oates dans la faiblarde comédie signée Ivan Reitman en 1982, Les Bleus, avec Bill Murray et Harold Ramis. C'était la toute fin de carrière du grand Warren, qui comme son ami Peckinpah n'avait sans doute pas sa place dans les années 80. Il est assez effacé dans son rôle de sergent-instructeur sur le retour un rien grognon, taquiné par ces sales gosses de Muray et Ramis, qui se sont engagés pour parer leur ennui et quitter une vie d'échecs multiples et variés (l'intro évoque très vite fait celle de Dumb & Dumber). A moins que ce soit le script qui batte de l'aile. Quoi qu'il en soit, Warren, au final, prendra parti pour ses bêtes noires, en pseudo-père de substitution, partant les tirer des griffes communistes où ils se sont égarés par bêtise. Belle époque, dite "classique", du cinoche ricain !


Warren Oates incarne Hulka, un sergent-instructeur trop cool pour porter pareil blaze.



8

Le sergent Zim, incarné par Clancy Brown, n'est pas le personnage le plus mémorable de Starship Troopers, malgré ses méthodes originales et bon enfant (par exemple quand il transperce la main d'un de ses novices avec un jet de couteau sublime pour lui donner une leçon de modestie), et malgré toute l'estime que semble lui porter Paul Verhoeven, qui le laisse mystérieusement disparaître du film (telle Lea Massari dans L'Avventura, hommage évident) au moment où les personnages principaux ont terminé leur stage d'entraînement et foncent attaquer les Arachnides, pour le faire revenir en grande star inattendue dans un finale en fanfare : engagé comme simple soldat, c'est lui qui parvient à capturer le cerveau ennemi (une grosse couille gluante) dans une grotte de la planète P. Néanmoins, ce comeback délirant paraît un peu forcé et marque moins les esprits que celui de Jean Rasczak (Michael Ironside), professeur d'arts plastiques un rien prosélyte dans la première partie du film, reconverti meneur intraitable des Francs-Tireurs dans la deuxième.


 Le sergent Zim, grand pédagogue, a lui-même lancé ce couteau à beurre sur son élève.



7

Changeons de registre avec un sergent-instructeur aux antipodes de la figure autoritaire dessinée par Verhoeven : le sergent Cass d’Opération Shakespeare, rôle tenu par le mémorable Gregory Hines, un beau noir moustachu (morphotype idéal du sergent-instructeur, comme cet article tend à le prouver). Le sergent Cass est emblématique de l’autre grande catégorie de sergents-instructeurs, les grandes gueules au grand cœur. Cass commence par casser les couilles de Danny DeVito, prof de littérature improvisé dans une caserne, bien décidé à faire entrer Shakespeare dans la tronche des gosses des cités venus apprendre le pas de l'oie. A la fin du film, le sergent Cass, avec ses yeux de clebs battu, finit quasiment en larmes, sous la pluie et sous son chapeau de scout, planté là parmi la bleusaille (dont Marc Whalberg dans le rôle d'un demi-demeuré) à écouter un soldat lui réciter la plus belle tirade du Henry V de Shakespeare, celle de la St Crépin (« Encore une fois sur la brèche, mes amis… »). Bouleversant.


Avec une gueule d'amour pareille, Gregory Hines ne pouvait pas tenir son rôle d'enflure bien longtemps. Ce type-là aime forcément la littérature.



6

Il ne s'agit peut-être pas à proprement parler d'un sergent-instructeur, puisqu'il est adjudant-chef, mais il tient quand même un rôle assez similaire. Il s'agit de l'adjudant-chef Picard (François Darbon, Darbon qui sera d'ailleurs dans le film le nom de la fiancée d'Antoine Doinel, Christine Darbon). Il apparaît brièvement au tout début de Baisers volés, unique film non-américain de la liste. Doinel sort du trou, convoqué par Picard, qui termine une entrevue avec ses hommes où il leur recommande de manipuler leur arme avec délicatesse (c'est comme les femmes, "on leur met pas tout de suite la main au cul"). S'ensuit un dialogue savoureux, où Picard compare Doinel au chien de Nivelle, "celui qui fout le camp quand on l'appelle", et le renvoie à la vie civile avec des piques bienveillantes qui font sourire un Jean-Pierre Léaud muet et aussi rieur, mais plus couillon, que dans Les 400 coups ou Antoine et Colette.


 François Darbon, paysan dans Le Caporal épinglé de Renoir, adjudant-chef chez Truffaut.



5

Le plus célèbre, celui qui vient à l’esprit de chacun quand on parle de sergent-instructeur et de cinéma, l’incontournable Gunnery Sergeant Hartman (Ronald Lee Ermey) de Full Metal Jacket est appelé à la barre des enculés. Il est l'incarnation pure et dure du taré militaire, de la teigne en uniforme, du formateur jobard qui file des surnoms humiliants, dresse les futures recrues les unes contre les autres, forme plus des assassins que des fantassins, hurle des horreurs sur ses bleus et les torture quotidiennement avec un plaisir non-dissimulé avant de retourner coucher avec son fusil-mitrailleur. Le chapeau posé sur les sourcils, Ronald Lee Ermey vocifère sur sa bleusaille à chaque fois qu'il apparaît, comme M. Massol, mon prof de physique-chimie en classe de Terminale L. Kubrick, en forçant le trait pour tendre vers une rigoureuse caricature du personnage, a sans doute visé assez juste, et nous a quoi qu’il en soit livré une référence, le portrait le plus terrible mais le plus mémorable du sergent-instructeur type.


Soit son pantalon de pyjama kaki est un taille haute, soit Ronald Lee Ermey rivalise avec Titi Henry dans la catégorie des prétendants au surnom de "Cobra".



4

Quelques films nous ont ceci dit offert des sergents-instructeurs plus fréquentables, de ceux dont on se délecte encore et encore, et sans se lasser. Par exemple le sergent-instructeur de Hot Shots !, « Red » Herring, incarné par Bruce A. Young, parodie de la parodie de sergent-instructeur fournie par Kubrick quatre ans plus tôt. Malheureusement peu présent dans la célèbre comédie menée par Charlie Sheen, Valeria Golino et Cary Elwes, Bruce A. Young l’illumine néanmoins par une performance inoubliable. Sa seule apparition consiste à entrer dans le dortoir des jeunes pilotes en hurlant des tas de trucs plus ou moins débiles, émaillés de répliques cinglantes, dont un « Sors les pectoraux ! » lancé à la blonde de l’équipe, au garde-à-vous en soutien-gorge, ou encore le génial : « Tu ferais mieux de pas signer le chèque si t’as pas le fric en caisse ! ». Je cite notre homme en français pour la bonne raison que c’était encore l’époque où les traducteurs et les doubleurs y mettaient du cœur, y compris avec un accent "noir" douteux, et où la VF avait du bon pour ce genre de film.


Ce qui accapare mon regard ici consiste en deux obus proéminents et fièrement rebondis, qui se situent dans le coin inférieur gauche de l'image.



3
En 3, le génial Lt. Thaddeus Harris, instructeur de Police Academy interprété par le non moins génial G.W. Bailey. La peau de vache par excellence, qui déteste toutes ses recrues sans exception et se fait un plaisir de les pousser vers la sortie en leur rendant la vie impossible. Notamment à coups d'injures qui révèlent chez lui une forme de génie. Quand il accompagne les bleus dans les dortoirs, Harris s'en donne à cœur joie, et son chouette doubleur avec. Après avoir gueulé son classique "Plus vite ! plus vite !", il chantonne : "Nous devons trouver à ces chers petits merdeux un endroit pour dormir !", et il vient juste de finir sa mélodie, et personne n'a répondu, qu'il enchaîne déjà : "Vous feriez mieux d'écouter au lieu de ramener votre fraise, bande de connards !" Une fois qu'il a attribué une chambre à Mahoney, le personnage principal, il continue : "Tous les autres pédés, venez avec moi !" C'est tellement gratuit, laid, et dit avec le cœur qu'on aimerait être dans la bande. Idem un peu plus tard : "Vous faites partie de la section F., F. comme Fumiers. Quand je dis "Hey, les fumiers", vous comprenez que c'est vous". Un discours à retenir pour tous les profs qui débutent. Harris finit le film la tête tanquée dans le trou de balle d'un cheval et il en sort grandi. Sacré mec.


Le Lt. Harris, génie de l'insulte.



2

Mais le Drill Sergeant de Forrest Gump marque aussi des points dans la catégorie des sergents-instructeurs ultra grossiers, d'autant que lui se veut sympathique. Il faut dire que, dans le film de Robert Zemeckis, le rôle du supérieur irascible et vociférant est confié au conducteur du bus de l’armée (Kenneth Bevington), qui, quand Forrest Gump lui donne son nom avant d’aller s’asseoir, comme il avait l’habitude de le faire dans le bus de l’école, se met sans prévenir à lui hurler dessus : « Tout le monde s’en tape le coquillart de ton blase, couille molle ! T’es même pas digne de me lécher mes bottes de merde ! Gare tes grosses miches de tantouse dans ce bus, tu es à l’armée maintenant ! ». A noter que l’ultra-violence de ce propos homophobe littéralement hurlé, poussé le cou en avant par un chauffeur sur-énervé, chauffé à blanc sans raison apparente, vers la nouvelle recrue Gump, est multipliée par deux via les gouttes d’eau que projettent les essuies-glaces du bus et qui semblent sortir de la bouche du type, comme autant de postillons énormes. Sans doute la plus grande idée de mise en scène de toute la filmographie de Bob Zemeckis. 


Moustache ? Pas moustache ? Impossible à dire. Le sergent-instructeur de Forrest Gump est toujours filmé à contre-jour, ou dans la pénombre, ou les deux, de telle sorte qu'il constitue un trou noir dans l'image, d'où n'émanent que des paroles d'amour hurlées sur son 1ère classe préféré.

La part de débilité militaire (pléonasme ?) étant entièrement et fièrement assumée par le chauffeur du car, le véritable sergent instructeur du film, interprété par le magnifiquement nommé Afemo Omilami, peut quant à lui se montrer parfaitement agréable, et même encourageant. Mais tout le génie de ce personnage, c’est de prendre le parfait contrepied de son rôle tout en le tenant sans faillir : il hurle, mais pour louer les talents de sa nouvelle recrue. C’est ce qui en fait l’un des meilleurs sergents-instructeurs de l’histoire du cinéma. Il faut voir ce type (encore une fois trop vite évacué du film alors qu’il en est la principale attraction) s’émerveiller des réponses débiles de Gump (qu'il invective toujours en gueulant : "GUUUUUUUUMP") à des questions au moins aussi débiles. Quand on lui demande pourquoi il a remonté son arme aussi vite, question faramineusement conne au départ, le soldat répond, tout penaud, « Parce que vous me l’avez demandé sergent-instructeur », et l’autre de trouver ça putain de brillant. Le génie d’Afemo Omilami tient dans cette scène. Il promet au deuxième classe Gump qu’il sera général un jour, le traite de génie et mise sur un QI de 160, le tout en lui gueulant au visage comme si l’autre lui avait chié dans les pompes. C’est là toute la noblesse des meilleurs sergents-instructeurs, et je crois sincèrement que tout bon film devrait en compter au moins un dans son casting. Imaginez un personnage de sergent-instructeur dans Shakespeare in Luv.



1

En numéro 1, un autre sergent-instructeur assez colérique mais très drôle, l’inégalable Sergent Apone, sous les traits d’Al Matthews. Il n’est pas qu’un sergent-instructeur d’ailleurs, c’est aussi un vrai sergent sur le terrain, mais il tient son rôle à la perfection dans le Aliens de James Cameron. Noir et moustachu, comme Louis Gossett Jr., Gregory Hines, Bruce A. Young et Afemo Omilami, Al Matthews jouit lui aussi d’un doublage au poil, et disparaît également trop vite de l’écran, massacré par un alien particulièrement détestable dès la première escarmouche du film. Mais le sergent Apone a quand même eu le temps de nous faire rêver avant de crever, et ce dès sa première apparition, quand les capsules d’hyper-sommeil du vaisseau de guerre Sulaco s’ouvrent pour nous présenter tour à tour les différents membres du commando de marines. Apone, à peine réveillé, enfourne un cigare sous sa moustache et au moins jusqu’à sa glotte, puis nous gratifie d’un discours savoureux : « Alors mes cailles vous attendez quoi ? Votre café au pieu ? Encore une jolie journée de soleil ! Être dans les marines c'est comme des vacances à la ferme, chaque repas est un banquet, chaque fin de mois, on est millionnaire, chaque corvée est une partie de plaisir ». Et quand Hudson (l’indispensable Bill Paxton), mettant le pied au sol, se plaint du froid, Apone conclut l’échange en tirant le dessous de sa paupière avec son index : « Regarde-moi dans l’oeil ! ». Ca n’a l’air de rien comme ça, mais c’est du grand numéro d’acteur.



Le sergent Apone dans toute sa splendeur. Je me suis mis à fumer le cigare après avoir vu le film pour la première fois, vers 7 ans.

Le sergent-instructeur est aussi un homme de discours, c’est lui qui doit motiver les troupes avant la bataille, et Apone est un modèle du genre, notamment à chaque fois qu’il s’en prend à Hudson (« Ta gueule Hudson »). On se rappelle aussi de ce moment magique où Ripley (Sigourney Weaver) lui demande s’il y a quelque chose qu’elle peut faire, et où il répond, presque sans lui laisser le temps de terminer sa phrase : « Y’a quelque chose que vous savez faire ? ». Le doubleur mérite à lui seul un Oscar. Quand la jeune femme lui prouve qu’elle sait manipuler un robot de charge et lui demande où elle doit mettre une roquette, Apone lui répond de sa voix rugueuse et sur ce ton rigolard inimitable en avalant quasiment tout son cigare. Grâce aux quelques courtes scènes marquées par la prestation d’Al Matthews, et presque exclusivement grâce à elles (disons grâce à son tandem avec Bill Paxton), Aliens a fini par devenir une comédie à mes yeux, une armored-car-comédie, un véritable chef-d’œuvre.


Officiers et Gentleman de Taylor Hackford avec Louis Gossett Jr. (1982)
Les Bleusd'Ivan Reitman avec Warren Oates (1981)
Starship Troopersde Paul Verhoeven avec Clancy Brown (1998)
Opération Shakespearede Penny Marshall avec Gregory Hines (1994)
Baisers volésde François Truffaut avec François Darbon (1968)
Full Metal Jacket de Stanley Kubrick avec Ronald Lee Ermey (1987)
Hot Shots ! de Jim Abrahams avec Bruce A. Young (1991)
Police Academy de Hugh Wilson avec G. W. Bailey (1984)
Forrest Gumpde Robert Zemeckis avec Afemo Omilami (1994)
Aliens de James Cameron avec Al Matthews (1986)

The Way, la route ensemble

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C'est joli puisque ça se passe, je dirais même que ça déambule, dans les Pyrénées, le Pays Basque puis le nord-ouest de l'Espagne jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle. Ensuite, n'importe qui suivrait Martin Sheen n'importe où, avec ses cheveux virvoltants, sa dégaine de vétéran du Viet-Nam et ses yeux constamment exorbités, même dans un Lidl au milieu des clodos en train de charger à ras bord leurs cagettes de Finkbräu.

Martin Sheen est ophtalmo en Californie lorsqu'il apprend au milieu de son parcours de golf que son con de fils unique Emilio, avec lequel il est légèrement en froid, vient de mourir victime du mauvais temps pyrénéen. En effet, Emilio avait décidé, sans en référer à son père, de se taper le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. D'où l'étonnement compréhensif de Martin Sheen quand Tcheky Karyo, se faisant passer pour le capitaine de la gendarmerie de Saint-Jean-Pied-de-Port, lui apprend le tragique mais banal accident dont a été victime son fils après seulement un jour de marche. Éploré, Martin Sheen file dans ce petit village bucolique des Pyrénées et débarque d'un TER, ce qui a dû l'éplorer un peu plus encore. Tcheky Karyo joue parfaitement le gendarme lambda français, tout en douceur et retenue, parlant sans effort un anglais châtié en faisant bien attention d'aspirer les h, ce que tout Français fait de manière naturelle, on le sait tous.


Après avoir tergiversé quelques heures, Martin Sheen décide de faire cramer son fils et d'aller répartir ses cendres le long du chemin de pèlerinage jusqu'à Saint Jacques de Compostelle, d'où le titre du film! Durant son voyage, il est rapidement harcelé par un gros hollandais fumeur de weed qui fait le pèlerinage pour perdre du poids afin de pouvoir remettre un de ses vieux costards pour le troisième mariage de son frangin. Il rencontre ensuite une canadienne jouée par Deborah Kara Hunger qui est ici tellement maigre qu'elle n'a jamais aussi bien porté son nom, et qui ressemble maintenant à un transsexuel toxicomane, canadien donc. Un peu plus tard, il rencontre un écrivain irlandais colérique et en panne d'inspiration qui a eu juste le temps de faire le pèlerinage avec toute l'équipe du film avant de s'envoler pour la Nouvelle-Zélande jouer un nain. Les rapports entre les personnages passent de cordiaux à tendus, puis de tendus à cordiaux au fur et à mesure des beignes, des insultes ou des mots d'amour qu'ils se balancent.


Le tout est illustrée par une musique survoltée choisie personnellement par Emilio Estevez! Pour notre plus grand désarroi, Emilio ne peut pas s'empêcher de nous mettre sa playlist idéale de ballade cheminantes tout au long de cette randonnée que l'on suit les yeux rougis par l'effort, cette playlist qu'il a effectivement mise sur son iPod Touch personnel et qu'il a fait subir à toute l'équipe du film le long des 800 bornes jusqu'à Santiago. Et malheureusement, entre les classiques instrumentales à la guitare, les solos violon enflammés et les ersatz de Bob Dylan gémissant des insanités nombrilistes, on a droit à l'habituel New Slang des Shins, qui est toujours ressorti par les réalisateurs à l'esprit étroit à chaque fois qu'un être humain chemine avec émotion d'un point A à un point B, que ce soit à pied, à cheval ou en voiture. Nick Drake est aussi de la partie, ce qui me fait soupçonner une certaine accointance, voire une amitié avec le démoniaque Zack Braff.


Pendant leur grande rando de plus de deux heures, nos quatre compères rencontrent des Français, des Basques et des Espagnols, tous joués par autochtones placides qui ont la particularité de parler anglais avec la facilité et la délicatesse du premier Wayne Rooney venu, ce qui leur facilite pas mal la route. On apprend aussi que l'Espagnol est voleur puisqu'à peine Martin Sheen a posé son sac devant la cathédrale de Burgos qu'il se le fait chaparder par un gamin présenté comme un Gitan. Sympa les préjugés Émilio. Il essaie de se rattraper ensuite en faisant ramener le gamin par le colbac par son père rouge de honte qui parle, lui aussi, un anglais d'Oxford sans effort. Tout ça nous raconte une bien jolie histoire, remplie de vignettes gastronomiques et de paysages montagneux et tourmentés, probablement comme l'esprit d'Emilio Estevez, qui se plait à apparaitre tout le long du film, juste pour nous rappeler qu'il a une sacrée tête de con. L'arrivée sous les violons et solos guitares à Santiago de Compostela se fait par un jour gris et fade typique de la Province de La Corogne. Chacun des quatre personnages est ému, parfois jusqu'aux larmes comme notre Irlandais nain, et se fait tourner autour en contre-plongée par une caméra survoltée. C'est un film très chrétien.


TélécableSat nous dit candidement que ce film est plein d'humanité et qu'il nous permet de jouir de beaux paysages. Je ne peux pas être plus d'accord, mais j'y vois surtout la déclaration d'amour d'un fils à son père, un fils qui se rêve en cadavre et qui force son propre père dans la vraie vie à répartir ses cendres tout le long du chemin jusqu'à Saint Jacques de Compostelle ! Assez bizarre quand on y pense, et je ne sais pas comment Martin Sheen l'a pris quand son fils lui a présenté les grandes lignes de son grand projet cinématographique après son film sur la mort de Bobby Kennedy. Encore la mort, qui semble hanter Emilio Estevez, alors qu'il pourrait, comme tout le monde rêver qu'il décide de changer d'orientation professionnelle et devenir couvreur sous les ordres de Youri Djorkaeff qui serait l'un des 14 artisans couvreurs restants en France. Quatorze personnes pour plusieurs millions de toits! Au départ j'avais cru que ce film était une autre adaptation du livre On the Road de Jack Kerouac, car ça parle de route mais il n'y a pas Kristen Stewart qui dévoile sa poitrine dedans. Mais non c'est l'adaptation du livre Off the Road: A Modern-Day Walk Down the Pilgrim's Route Into Spain de Jack Hitt ! Un bon film d'ambiance, un bon film pour les fans des yeux fous de Martin Sheen. Pour les autres, je sais pas.


The Way, la route ensemble d'Emilio Estevez avec Martin Sheen, Deborah Kara Hunger, Yorick van Wageningen, James Nesbitt et Emilio Estevez (2010, sorti en France en 2013)

État second

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Il mériterait d'être mieux connu, ce Peter Weir-là, ne serait-ce que pour la performance outstanding de Jeff Bridges. Il faut dire qu'il a le défaut d'être situé à un moment charnière de la carrière du cinéaste australien. Peter Weir l'a sorti juste après ce qu'on a appelé sa "période verte", pas sa plus inspirée, durant laquelle il a simplement réalisé Green Card, et juste avant l'incontournable Truman Show, succès planétaire avec Jim Carrey. Cette situation inconfortable a fait d’État second (aka Fearless) un film obscur, oublié, difficile d'accès. Il s'agit pourtant d'un bon Peter Weir et nous en sommes convaincus dès les premières minutes. La scène d'ouverture est peut-être la plus réussie du film. On se retrouve d'abord plongé dans le brouillard, puis nous devinons progressivement un champ de maïs, duquel nous voyons sortir Jeff Bridges, portant un bébé dans les bras, suivi de quelques personnes mal en point. Tout ça accompagné par une musique terrible, principalement des violons, semble-t-il, s'insultant les uns les autres, dans une ambiance qui scotche littéralement au fauteuil.




Puis la caméra nous révèle petit à petit que nous sommes sur les lieux d'un terrible accident d'avion, nous découvrons les décombres, les restes fumants de la carlingue, les secours en alerte, les corps calcinés, et les quelques rescapés qui assistent à cela, sous le choc, comme nous. Mais Peter Weir est si habile que nous découvrons tout cela sans jamais avoir l'impression d'abandonner Jeff Bridges une seconde. Celui-ci, avec seulement quelques éraflures et un complet gris quasiment impeccable, trimballe une classe pas croyable et a l'air de déjà flotter au milieu des événements, l'air ahuri, comme s'il n'était pas concerné par la tragédie. On suivra ensuite le lent retour à la réalité de son personnage.




Suite au crash aérien dont il ressort parfaitement indemne, Jeff Bridges perd la boule. Il devient littéralement fearless. Il se met d'abord à conduire comme Ace Ventura, la tronche par la fenêtre pour apprécier l'effet de l'air dans ses cheveux, tout en fermant les yeux. Heureusement pour lui, il roule à ce moment-là sur la fameuse route 66, droite comme la justice, aucun risque. Jeff Bridges s'arrête ensuite dans un diner pour se goinfrer de fraises, alors qu'il était allergique avant l'accident et ne pouvait pas les voir en peinture ! Plus incompréhensible encore, il abandonne sa femme, incarnée par une Isabella Rossellini encore au faîte de sa beauté, pour une chicanos rescapée du crash qui ne se remet pas d'avoir perdu son gamin (dont le petit corps brûlé vif a été retrouvé à plus de 10 kilomètres de la carlingue !).




Avouons-le, ce personnage-là, joué par Rosie Perez, est véritablement la plaie du film, son boulet. On en a très vite ras-le-bol de l'entendre gémir et chialer son gosse, très souvent hystérique, toujours inconsolable. Lors d'une scène assez osée, Jeff Brdiges la fait asseoir sur la banquette arrière de sa bagnole et fonce à toute berzingue contre un mur. Il accomplit alors le souhait le plus cher du spectateur, bien qu'en ce qui me concerne, je n'aurais pas pris le soin d'attacher sa ceinture de sécurité. Si elle se tire de ce crash test en pleine forme, elle ressort de cette expérience calmée, apaisée, on s'en contente donc largement. On n'est pas du tout étonné d'apprendre que Rosie Perez n'a rien fait de notable par la suite. On remarquera aussi que le mari de cette triste femme n'est autre que Benicio Del Toro, dans l'un de ses premiers rôles filmés (il était jusque là abonné aux apparitions coupées au montage). Aux côtés d'un Jeff Bridges qui éclipse un peu tout le monde, on peut aussi entrevoir le nez aquilin de John Turturo, dans le rôle d'un psychiatre tout à fait inutile, mais conscient de l'être, alors tout va bien.




En découvrant ce film aujourd'hui, on se dit que Shyamalan a dû tomber dessus avant de réaliser Incassable. Pas de super-héros ici, bien sûr, mais Peter Weir s'attache comme le natif de Pondichéry à décrire les conséquences de la survie à un tel accident sur la personnalité de son héros. Il nous raconte l'histoire d'un inadapté se croyant invincible, immortel et perdant progressivement pied. Au delà de ça, on retrouve un peu une même ambiance, langoureuse et embrumée. La première scène pourrait d'ailleurs tout à fait avoir été signée par un Shyamalan en pleine possession de ses moyens. On suit avec un réel intérêt les élucubrations de Jeff Brdiges dans son entreprise de réadaptation. La très belle scène finale nous prouve qu'il est bien de retour parmi nous, qu'il revient à la raison et donc vers Isabella Rossellini. Le film nous quitte ainsi sur une bonne impression. La scène du crash aérien, que Jeff Brdiges revit en souvenirs lors de cette ultime séquence, est franchement efficace. Peter Weir nous démontre alors qu'il n'est pas n'importe qui. Un bon Peter Weir, j'vous dis !


État second (Fearless) de Peter Weir avec Jeff Bridges, Isabella Rossellini, Rosie Perez, John Turturo et Benicio Del Toro (1993)

Dirty Pretty Things

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J'ai annulé mes vacances aux Texas suite à la vision de Massacre à la tronçonneuse. Traumatisé ! Je n'ai plus jamais mis un pied dans l'eau après avoir vu Les Dents de la Mer. Et je sens fort des panards ! J'ai refusé une sacrée opportunité professionnelle en Antarctique à cause de The Thing. La chance d'une vie ! Je refuse de prendre des gens en auto-stop depuis Hitcher. Pas bête ! J'ai refusé un week-end tout frais payés dans un chalet à la montagne en compagnie de tonton Scefo, en repensant à Shining. Faut dire que Scefo est schizo... J'ai posé un lapin à des potes partis en roadtrip en Europe de l'Est à cause de cette saloperie de Hostel. J'en veux encore à ce zonard d'Eli Roth. Et j'ai décommandé mes billets EasyJet pour un petit séjour à Londres après avoir subi le thriller social de Stephen Frears, Dirty Pretty Things. Une vraie épreuve pour tout cinéphile. L'équivalent d'un épisode bien trash de l'émission Strip-Tease, en à peine mieux filmé, la déontologie journalistique en moins. Un éternuement à l'odeur putride et riche en microbes, reçu en pleine gueule.




Bon, la plupart des décisions évoquées ci-dessus sont aussi liées à de gros problèmes d'argent, mais quand même... J'en veux particulièrement à Stephen Frears, qui m'a pris en traître. Quelle horreur ce film ! Plus glauque, tu meurs. C'était l'un des premiers rôles post-Amélie Poulain pour Audrey Tautou. On a pratiquement tous fini devant, espérant qu'elle retire enfin le haut pour que sa carrière prenne son envol à l'étranger. A l'époque, on avait tous un cousin ou un grand frère fana de la dame pour nous traîner devant son nouveau film odieux. Internet et ses forums de fins limiers n'étaient pas encore accessibles dans nos chaumières reculées pour nous proposer l'essentiel, il fallait donc se taper le film. Son titre, aussi menteur qu'accrocheur, nous laissait imaginer le meilleur. On ne savait pas que c'était en réalité un billet sans retour vers l'enfer !




Audrey Tautou joue une immigrante turque déterminée à rester en Angleterre pour sortir de la misère. Elle passe tout le film à essayer de refiler son rein en loucedé en échange d'un passeport. C'est déprimant ! Et puis il pleut en continu et il ne fait jamais vraiment jour là-bas. Chaque image du film pourrait faire douter de l'existence du Christ à un chrétien convaincu. Les cheveux gras et des cernes morbides sous les yeux, Audrey Tautou n'est pas à son avantage. Capuches et cols roulés lui collent à la tronche. Stephen Frears nous fait douter de sa sexualité et de la notre. Cet homme-là n'est pas seulement laid physiquement, ses films le sont aussi. Il manque un rein et deux testicules à Dirty Pretty Things.

Quelques années plus tard, le bonhomme était nommé Président du Jury du 60ème Festival de Cannes. Je cherche encore à comprendre.


Dirty Pretty Things de Stephen Frears avec Audrey Tautou, Chiwetel Ejiofor et Sergi Lopez (2003)

Café Society

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Le énième passager de la filmographie Allen... Bon ça se regarde, mais ce n'est vraiment pas intéressant. Il s'agit d'un vaudeville à la noix : Kristen Stewart, guère à l'honneur, trouve un rôle très mal écrit sur lequel il est bien difficile de projeter quoi que ce soit : Vonnie, de son prénom, la jeune secrétaire d'un grand producteur de cinéma hollywoodien, est tiraillée entre ledit producteur (Steve Carell, totalement éteint), et un jeune juif new-yorkais, neveu dudit producteur (Jesse Eisenberg, qui n'a pas à se forcer beaucoup pour parvenir à parler aussi vite que Woody himself), fraîchement débarqué sur la côte ouest pour obtenir de son tonton Scefo quelques faveurs : un job de grouillot. Le problème, c'est que si l'on cerne assez rapidement les deux hommes de l'histoire, le producteur fou amoureux de sa secrétaire mais incapable de quitter sa femme et son neveu fou amoureux itou de la jolie Vonnie, il est plus difficile en revanche de bien comprendre le personnage féminin : ni vraiment vénale, ni vraiment sentimentale... Elle n'est finalement rien, sans intérêt, comme le film.




Sans intérêt mais suffisamment prenant pour qu'on aille au bout, car Woody, à défaut de livrer une mise en scène digne de ce nom ou d'éviter les gros clichetons et les lumières ultra artificielles fort à propos mais bien balourdes, a encore un vague sens du rythme. Sauf que c'est là que survient l'autre grand problème du projet : le cinéaste mélomane bien bigleux se fait un plaisir de rythmer son long métrage en foutant de la musique partout. Et quand je dis partout, c'est partout. Il n'est pas une seconde de ce film qui ne laisse entendre en fond un morceau de jazz endiablé avec clarinette de jobastre et clavecin survolté de rigueur. C'est constant, et franchement épuisant. Pourtant Dieu sait que je suis un grand fan de jazz (mot qu'il faut prononcer "yazz", et surtout pas "djazz", contrairement à une idée reçue, et contrairement au nom de famille de Michel Jonasz, grand yazziste devant l'éternel, qu'il faut quant à lui prononcer "Djonasz", ou à la rigueur "Yonasz").


Café Society de Woody Allen avec Jesse Eisenberg, Kristen Stewart et Steve Carell (2016)

The Lost Skeleton of Cadavra

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Amateurs de films Grindhouse, passez votre chemin. Réalisé en 2001, The Lost Skeleton of Cadavra est une parodie respectueuse du cinéma de science-fiction et d'horreur des années 50, un pastiche sans prétention de films tels que Planète Interdite, Le Jour où la Terre s'arrêta, Les Soucoupes volantes attaquent et La Nuit de tous les mystères. On est ici beaucoup plus proche, dans l'esprit, de films comme OSS 117 ou Tucker & Dale vs Evil que des daubes sans âme estampillées Grindhouse encouragées par le sinistre duo Robert Rodriguez - Quentin Tarantino. The Lost Skeleton of Cadavra est écrit, produit, interprété et réalisé par Larry Blamire, un amoureux du cinéma bis et de ces classiques de la SF, qui, peut-être par trop grand respect pour le genre, ne pousse pas toujours la caricature assez loin. Son film, qui nous raconte l'histoire assez farfelue de quelques personnages ahuris à la recherche d'une météorite aux pouvoirs magiques, se suit sans déplaisir mais aurait gagné à être plus insolent, plus drôle encore.




Les personnages en présence sont autant de caricatures de ceux que l'on croise généralement dans ces vieux films de genre : du pseudo-scientifique éclairé, campé par Blamire himself, désireux de faire la plus grande découverte de l'histoire de l'humanité, au couple d'extraterrestres pacifiste et perché, aux mœurs étranges et finalement très humaines, sans oublier un ridicule bonhomme obnubilé par l'idée de dominer le monde, ce qui passe par la résurrection d'un vieux squelette assez loquace perdu dans une grotte. Larry Blamire se moque gentiment et adroitement de l'inertie terrible des héros de ces films, il reproduit leurs dialogues absurdes et les situations parfois grotesques qu'ils mettent en scène, tout en brocardant intelligemment le rôle proéminent systématiquement accordé aux hommes et la triste place faite aux femmes.




En tant qu'acteur, Larry Blamire sait faire preuve d'un vrai talent comique qui rappelle un peu par moments celui d'un Will Ferrell, en moins exubérant, dans sa façon de débiter très sérieusement des conneries plus grosses que lui. Il prouve également qu'il n'a pas peur du ridicule, lors des scènes les plus réussies de son film, où toute la petite bande s'en donne véritablement à cœur joie. Lors de ces moments en particulier, on a un peu l'impression de voir le film qu'une bande de potes auraient tourné rapidement pendant les vacances, une petite chose sympathique faite avec trois sous mais beaucoup de cœur. Parfois marrant, la plupart du temps agréable, The Lost Skeleton of Cadavra est un tout petit film attachant, un hommage sincère et modeste au cinéma de genre des années 50. Une œuvre que je conseillerai seulement à un public peu exigent et amoureux, comme son auteur, de ces vieilles séries b au charme suranné.


The Lost Skeleton of Cadavra de Larry Blamire avec Larry Blamire, Fray Masterson, Brian Howe, Susan McConnell et Jennifer Blaire (2001)

Free State of Jones

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Les affiches, celle ci-à gauche ou d'autres, sont à l'image du film : une belle fellation prodiguée à un Matthew McConaughey consentant, qui s'en donne à cœur joie avec son accent sudiste à couper à la hallebarde. Le début du film, pourtant, n'est pas trop mal : je parle des 4 minutes où l'on voit une bataille opposant nordistes et sudistes, et où les soldats sont pâles comme des morts, semblent se chier littéralement dessus en marchant vers les balles ennemies. Il y a quelque chose de frappant dans ces visages livides, dans l'attitude hébétée des hommes aux corps sans force, ce n'est peut-être pas grand chose mais c'est déjà quelque chose. Puis, après ça, on comprend vite qu'en réalité le film prendra le contrepied parfait de ces images : nous auront simplement droit à un festival McConaughey, dans un rôle de super-héros sans peur et sans reproche prêt à tous les sacrifices pour sauver la veuve et l'orphelin, le genre de personnage dont on se demande comment on peut encore les écrire et les interpréter sérieusement.




Attention : tiré d'une histoire vraie. McConaughey prête sa belle gueule au chevalier blanc Newton Knight, le sublime et gentil infermier blancas de peau et humaniste qui fit sécession parmi les sécessionnistes et monta une armée dissidente campée dans les marais pour affronter le camp confédéré que Knight et ses hommes venaient de déserter, avec l'aide de quelques anciens esclaves (qui tomberont forcément tous amoureux de lui, et de l'un de ces mille coïts Homme-mecs-meuf dans l'eau saumâtre du Mississippi naîtra un enfant métisse, pratique pour remplacer le premier fils de Knight, dont il n'a plus rien eu à foutre un beau jour, sans raison). C'est triste parce que le récit est, à de rares moments, coupé pour laisser place à un tribunal de 1985 mettant en cause le descendant de notre saint homme (le fameux métisse, accusé de n'être pas blanc), et le contraste, sans transition, entre les deux époques a quelque chose de vaguement original, en tout cas la première fois qu'il a lieu, surgissant sans crier gare, mais là aussi, la première bonne impression s'estompe, et le film est en définitive très plat. Il est même parfois plus plat que plat, quand il ne va pas pile poil là où on l'attendait : alors que la plus grande ville prise par l'armée des déserteurs est sur le point d'être attaquée par un général sudiste et 1000 hommes, et tandis que l'on s'attend au moment de bravoure du film (la grande bataille sacrificielle et héroïque finale, façon Glory), il s'avère qu'elle n'est pas filmée. Grande ellipse et on retrouve nos glandus quelques mois plus tard, qui disent qu'ils ont gagné (on se demande bien comment) et doivent affronter une Amérique réunifiée mais toujours aussi raciste. C'est le grand sujet du film, traité bon an mal an par une équipe trop obnubilée par sa vedette (ce problème n'est pas sans rappeler la triste apparition de Brad Pitt dans 12 years a slave, mais le phénomène est ici généralisé à tout un film), au point de reléguer les actrices et acteurs noirs ainsi que l'ambition de réaliser un film pas trop naze au second plan.


Free State of Jones de Gary Ross avec Mathew McConaughey, Keri Russell, Gugu Mbatha-Raw et Mahershala Ali (2016)

La Nuit des maléfices

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Découvert grâce au cycle "Rencontre avec le diable" d'Arte, le très méconnu La Nuit des maléfices (encore visible, gratuitement, sur Arte Cinéma) pourrait faire un programme original pour la prochaine soirée d'Halloween. Film de 1971, sorti par un mini-studio que l'on pourrait qualifier de petit cousin de la Hammer, The Blood on Satan's Claw (en anglais) est un film de genre intéressant dont l'action se situe au XVIIIème siècle, dans un paysage rural d'Angleterre. En labourant son champ, un jeune homme, Ralph (Barry Andrews), déterre l'étrange cadavre d'une créature non-identifiable. Il en fait immédiatement part au juge du Comté (Patrick Wymark) mais ce dernier n'y prête pas attention. Peu à peu, les événements sordides se multiplient dans la petite bourgade, notamment chez les jeunes gens du coin : les jeunes filles se retrouvent couvertes de morceaux de peau brune poilue, une dame disparaît, une chasse aux sorcières anarchique se déploie et des groupes de jeunes gens se mettent à en massacrer d'autres, dirigés par l'une d'entre eux, la blonde Angel Blake (Linda Hayden), dont les sourcils se sont étrangement développés et qui n'est pas sans évoquer la diabolique Emmanuelle Seigner de Polanski (celle de Lune de fiel, de La Neuvième porte ou aussi bien de La Vénue à la fourrure) depuis qu'elle a trouvé une griffe dans le sillon d'un champ.




Le film n'est pas parfait, il faut le dire au risque de l'envoyer au casse-pipe. Avec ses rites sacrificiels ordonnés par toute une communauté de sorcières et de sorciers en l'honneur du Diable, La Nuit des maléfices peut évoquer The Wicker Man, autre film de genre anglais signé Robin Hardy et sorti deux ans plus tard, et les deux œuvres ont ceci en commun, me semble-t-il, qu'elles bénéficient d'un charme discret qui peut facilement s'évanouir ou échapper si le spectateur s'en est laissé dire monts et merveilles avant de les découvrir. Parmi les petits défauts de La Nuit des maléfices, on peut regretter l'absence de personnages forts. Les plus marquants sont au final Angel, la sorcière blonde séductrice aux gigantesques sourcils noirs, qui doit trop au charme de son interprète, et le juge, qui peut vaguement agacer en tant que citadin nanti et érudit venu éradiquer l'épidémie sévissant chez les petits paysans dévorés par le culte. Il y a aussi le prédicateur (Anthony Ainley), qui résiste non sans mal aux avances libidineuses de la très jeune et ensorcelante Angel, mais il ne joue qu'un rôle secondaire.


Photo de tournage d'une séquence de rite satanique.

Ceci étant dit, parlons plutôt des qualités du film. A commencer par la simplicité avec laquelle il égraine les éléments du récit et nous plonge sans heurt dans une ambiance gothique finement élaborée. Mais aussi et surtout la mise en scène de Piers Haggard, envoûtante dans les séquences violentes ou érotiques de rites sataniques. Le plus bizarre étant que ces cérémonies laissent apparaître parmi les enfants ou adolescents quelques vieillards isolés... La dernière est particulièrement réussie, avec la danse lascive d'une sorcière face à la dernière victime avant le réveil du Diable et, à l'autre bout de la scène, ces étonnants ralentis et arrêts sur image. Le film est par ailleurs ponctué de beaux effets de profondeur de champ, qui peuvent rappeler le travail d'un autre anglais, Jack Clayton, sur un autre film d'épouvante, Les Innocents, sorti en 61. 






Ces plans permettent au cinéaste de clôturer l'espace, par exemple dans une forme géométrique qui rappelle une disposition triangulaire rituelle de cérémonie occulte (cf. le 1er photogramme ci-dessus, tiré de la scène où Angel, à gauche, découvre la griffe du diable). Le procédé intervient également pour distribuer les personnages dans la profondeur afin de mieux séparer les contaminés des innocents, qui ne voient pas ce qui se joue face à eux (2ème photogramme). La profondeur de champ sert aussi à mettre en valeur certains membres du corps de tous ces jeunes gens qui, rongés par une maladie de peau diabolique ou directement amputés, s'apprêtent à donner (leur) corps au Malin. Surgissant du cadre, les pieds ou les mains des victimes sont comme détachés du reste de leur corps et attirés par celui qui ne demande qu'à s'incarner. Par exemple dans ce plan où Ralph cherche le cadavre qu'il a découvert au début du film, débout dans un champ : au premier plan se détachent les bottes de Ralph (qui bientôt se blessera précisément au tibia sous l'influence d'un corbeau de mauvais augure), tandis que derrière lui apparaît le juge circonspect. Ou encore ces nombreux plans qui nous montrent la jambe et le pied d'une jeune fille envoûtée que le médecin du village tente de libérer de sa peau infernale. Autant d'élégances de mise en scène qui font aussi la saveur de ce petit film fantastique à découvrir.


La Nuit des maléfices de Piers Haggard avec Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews, Wendy Padbury et Anthony Ainley (1971)

Audrey Rose

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Audrey Rose est peut-être loin d'être le film le plus recommandable de la si longue et hétéroclite filmographie de Robert Wise mais il est, à coup sûr, l'un des plus étranges. Il ne s'agit pas non plus d'une pépite oubliée du cinéma fantastique des années 70 et, à sa sortie, il semble avoir souffert d'être dans l'ombre de L'Exorciste, ce qui est somme toute logique, même si les deux films ont finalement très peu à voir. Découvert aujourd'hui, et sorti de ce contexte défavorable, Audrey Rose est pourtant une vraie curiosité qui mérite amplement le détour. Après s'être essayé à pratiquement tous les domaines, Bob Wise signe ici une œuvre apparaissant longtemps inclassable, naviguant et hésitant entre les genres, prenant des bifurcations inattendues, et dont il faut attendre la dernière scène pour être fixé et la ranger définitivement dans la catégorie du drame familial qui tache et cloue même sur place par la franchise de son fin mot.




Audrey Rose est constitué de deux parties bien distinctes. La première, plus conventionnelle, est illuminée par le talent d'Anthony Hopkins, un acteur dont je n'ai guère l'habitude de dire beaucoup de bien, mais qui est ici irréprochable dans un rôle pourtant compliqué. Nous devons en effet absolument croire en ce père en détresse, persuadé d'avoir trouvé en la petite Ivy, une new-yorkaise de 11 ans, la réincarnation de sa fille, Audrey Rose, décédée dans un tragique accident de voiture (scène d'ouverture glaçante). La précision du jeu de l'acteur, conjuguée à la maîtrise du cinéaste, nous permettent d'accepter ce scénario qui aurait pu, entre d'autres mains, aboutir à un insupportable mélo hollywoodien. Bien qu'il soit difficile à cerner, il se dégage du film une sincérité rare qui maintient alerte et finit par emporter l'adhésion. Audrey Rose est portée par la conviction sans faille d'un cinéaste bien décidé à donner vie au scénario étonnant écrit par Frank De Felitta, fidèlement adapté de son propre livre et de son vécu personnel.




Dans cette première partie, les scènes de crise, où la pauvre gamine revit en cauchemar la mort de son ancêtre, s'enchaînent et s'avèrent toutes assez efficaces, surtout la première, alors que le ridicule tend à chaque fois les bras au réalisateur. C'est dans ces moments-là que l'on reconnaît le savoir-faire de Robert Wise et que l'on peut également penser au classique de William Friedkin sorti 4 ans plus tôt. Cette fillette de bonne famille, s'agitant sur son lit en proie à des souffrances inconsolables et bientôt appelée à subir quelques tests pour déterminer l'origine de son mal (surtout une longue séance d'hypnose, qui clôt quasiment le film, et donne lieu à une scène tendue et très réussie), rappelle inévitablement la petite Reagan possédée. Mais Robert Wise parvient néanmoins à maintenir ses distances et la relation entre les deux films est en réalité très mince et ponctuelle, presque accidentelle. En outre, jamais Audrey Rose n'entre dans l'horreur et seulement par deux fois nous sommes à la lisière du fantastique, mais jamais nous n'y pénétrons véritablement. C'est une porte qui semble s'ouvrir toute seule comme dans un bon vieux film de maison hantée jusqu'à ce que l'on se rende compte que c'est encore la gamine qui fait une nouvelle crise de somnambulisme. C'est une tasse de thé qui paraît se renverser d'elle-même quand Hopkins évoque la mort de sa fille, mais qui nous est montrée de façon tout à fait anodine, comme un pur accident, et l'on finit par penser qu'il s'agissait d'une simple maladresse du personnage meurtri et emporté par son récit.




Le talent d'Anthony Hopkins, alors assez jeune et presque bel homme, s'exprime tout particulièrement dans deux scènes parmi lesquelles celle précédemment évoquée, où l'acteur captive et saisit par le débit de sa voix, son intonation et ses mots délicatement posés, très calculés, mais donnant parfaitement vie à un récit destiné à agiter l'imagination. Un mauvais réalisateur aurait peut-être choisi d'illustrer ce long monologue par un montage parallèle lourdingue, Robert Wise sait que le génie de son acteur suffit et il a bien raison de miser tout sur lui. La deuxième scène où Anthony Hopkins impressionne est celle, toujours dans la première heure, où il implore l'aide de la mère d'Ivy, pour que celle-ci lui permette de passer du temps avec sa fille, et c'est cette fois-ci dans ses postures, ses regards et ses mimiques subtiles, encore une fois très travaillés, que l'acteur nous fascine.




La seconde partie du film est la plus étonnante. Audrey Rose devient une sorte de réflexion sur la réincarnation et prend les allures d'un film de procès comme les américains savent en faire. Anthony Hopkins, au banc des accusés, est alors relégué au second plan, mais le film ne perd pas pour autant de son intérêt et continue d'intriguer. Sa force, sa singularité tient justement dans ce choix du réalisme à tout prix, dans sa prise de parti osée, quitte à parfois flirter maladroitement avec le documentaire sur l'hindouisme par l'intermédiaire de ces quelques images peut-être un peu superflues nous montrant les pratiques indiennes. On regarde donc tout ça avec les sourcils légèrement relevés, ne s'attendant pas à les hausser encore davantage à la toute fin, qui laisse vraiment sur le cul. Il serait totalement impensable qu'un tel film se termine comme ça aujourd'hui. De par son audace et sa singularité, Audrey Rose appartient bel et bien à la folle décennie du cinéma américain. 


Audrey Rose de Robert Wise avec Marsha Mason, Anthony Hopkins, Susan Swift et John Beck (1977)

Dernier train pour Busan

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Bon, si c'est ça le renouveau du film de genre populaire, comme on a pu le lire un peu partout, c'est quand même pas le rêve... C'est une histoire d'épidémie zombie, en Corée. Lesdits zombis sont sauvages, violents, obsédés par la chair humaine, indifférents à tout le reste, rapides, aveugles dès qu'on éteint la lumière, incapables d'ouvrir une porte, ultra débiles donc. A l'est que dalle d'à peu près neuf. Mais c'est surtout un film à très gros sabots, ou à très grosses tongs si les tongs sont bien des chaussures coréennes (il me semble que c'est bien le cas). C'est lourdingue dès le départ (un jeune papa divorcé bosse dans la finance, bosse trop et ne s'occupe pas de sa fille, qu'il finit par accompagner je ne sais où en train parce qu'à force d'agir comme un tocard il est à deux doigts de passer pour un définitif enfoiré - situation initiale sous-spielbergienne donc, de Hookà La Guerre des mondes), et jusqu'à la fin du film (bien lourde, vraiment, je ne spoile pas mais que c'est lourd nom de dieu... la chute au ralenti à l'arrière du train, la petite fille qui chante dans le tunnel alors qu'elle a la chance d'être dans le noir et de ne pas attirer d'éventuels zombis, quelle conne... je ne spoile pas, mais c'est lourd). 




Entre les deux, on peut dire que c'est lourdaud aussi, on tient bon parce que l'action n'est pas trop mal menée (même si c'est du non-stop, pas mal redondant au bout d'une heure à passer d'un wagon infesté à un autre... encore plus si on s'est déjà fadé le Snowpiercer de Bong Joon-Ho), malgré des scènes vraiment grossières (la croisade épique des trois cons à travers trois wagons jusqu'au chiotte où se sont planqués les autres - et encore le réal nous épargne l'effet foireux à la Old Boy... on sent qu'il était à ça de nous l'infliger...). Mais surtout, tout cela n'est pas finaud pour un sou. Combien de fois encore verrons-nous ce papa indigne qui, face à l'adversité, prouve à sa fille qu'en réalité il n'est pas totalement un con et qu'il peut même, parfois, tenir à elle ? Combien de fois ce directeur de compagnie hystérique qui ne pense qu'à sa gueule et qui est prêt à sacrifier tout le monde pour s'en sortir mais qui, au final, se fait dévorer comme de juste ? Combien de fois le gros type costaud, rigolard, un peu rustre mais plein d'humanité qui se sacrifie pour sa femme enceinte en lui glissant le prénom de leur futur enfant (Toshiba je crois) ? Combien de fois le coup de fil fastoche, à la fin, qui révèle que c'est la finance qui est à la base de tout ce merdier, sans non plus trop s'embêter à justifier un phénomène qu'il vaut souvent mieux laisser inexpliqué. Bref, parler de renouveau pour qualifier ce film,  c'est tout de même à pleurer.


Dernier train pour Busan de Sang-Ho Yeon avec Gong Yoo, Kim Soo-Ahn et Dong-seok Ma (2016)

Independence Day : Resurgence

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Si vous avez une quelconque curiosité pour le Mal, vous devrez regarder ce film un jour ou l'autre. Independence Day : Resurgence compte parmi les plus grands maléfices commis de main d'homme. Et on doit ce prodige, peut-être le pire film du monde ?, à Roland Emmerich, qui rempile vingt ans après le premier film du nom, pour vingt fois plus de destruction, vingt fois plus d'effets spéciaux, vingt fois plus de conneries à la seconde de métrage (c'est possible). Ce film est quasiment incompréhensible à force d'être mal écrit. On ne pige rien tant c'est con. Si vous ne l'avez pas vu, vous ne pouvez pas imaginer. C'est impossible. Et c'est pas seulement que c'est écrit à la truelle, que les personnages sont des clichés abominables, les dialogues misérables et la mise en scène à s'asseoir sur des grenades dégoupillées, c'est au-delà de ça, c'est presque de la magie de foirer un film à ce point.






Ci-dessus quelques photogrammes de la fin du film. Je reste fasciné par l'incommensurable laideur des plans de Roland Emmerich. Ses incrustations sont tellement dégueulasses. Il nous avait déjà livré quelques monstruosités visuelles dans 2012 et je crois qu'il a encore poussé la barre un peu plus loin ici. Ah tiens, je n'ai pas dit un mot de l'histoire. En gros, les méchants aliens reviennent vingt ans plus tard. Juste avant leur arrivée, un vaisseau alien d'une autre race est venu nous aider, mais les chefs des gouvernements du monde ont décidé, en deux seconde chrono, sans raison ni justificatif de domicile, de leur tirer dessus. Du coup l'humanité doit subir une autre attaque des salopards (à laquelle ils réagissent exactement comme vingt ans plus tôt : à coups d'avions de chasse et de Bill Pullman, qui rempile aux côtés de Jeff Goldblum, parmi quelques nouveaux, dont Charlotte Gainsbourg et Liam Hemsworth, frère de Chris, ici dans le rôle de la tête brûlée horripilante, la même que celle incarnée par Charlie Hunnam dans Pacific Rimet tant d'autres daubes du genre). Tout cela bien sûr avant de piger que la petite boule blanche venue au début, et qui s'avère parler un excellent anglais (elle cause comme la voix digitale de la SNCF), leur veut du bien, et veut même faire des humains ses soldats pour aller botter le cul des méchants extra-terrestres chez eux. Ce qui nous vaut une dernière réplique digne des meilleures saillies de Donald Trump : "We're gonna kick some alien ass !", annonçant avec fracas la suite de cette suite... promesse d'un spectacle aux confins de l'imaginaire et de la merde.


Independence Day : Resurgence de Roland Emmerich avec Bill Pullman, Liam Hemsworth, Charlotte Gainsbourg, Jeff Goldblum et Maika Monroe (2016)

L'Affaire SK1

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L'Affaire SK1, premier film de Frédéric Tellier, nous montre en parallèle la traque policière et le procès du tueur qui a terrorisé l'est parisien dans les années 90, Guy Georges. Il s'agit d'une nouvelle tentative ambitieuse de polar à la française, n'hésitant pas à aller puiser son inspiration dans des faits réels assez récents et cherchant à provoquer le vertige chez le spectateur plongé dans une enquête qui n'en finit pas et placé face au portrait d'un monstre au visage humain. On aurait aimé s'enthousiasmer pour ce film mais force est de constater que s'il parvient sans souci à captiver son auditoire et qu'il nous rafraîchit la mémoire sur le déroulé de cette enquête, il ne restera guère gravé dans nos mémoires de cinéphiles. Loin de là. 




Il y a quelque chose d'assez pathétique dans la volonté ostentatoire de Frédéric Tellier de créer une fascination pour le 36, quai des Orfèvres. Il n'y a rien à faire, ça ne prend pas. Ça sonne faux. On ne marche pas. Et nous ne sommes pas étonnés d'apprendre que M. Tellier était directeur artistique du film lourdingue d'Olivier Marchal. On ne croit pas à cette équipe de flics obsédés par leur enquête qui passent leurs week-ends ensemble en bateau pour mieux resserrer les liens et dont les vies privées sont totalement bouffées par le boulot ; on ne croit pas à ces personnages à peine dessinés qui s'encouragent les uns les autres à coups de tirades très stéréotypées et parfois grotesques : "Faut qu'on la résolve cette affaire, merde !", "On gratte, on gratte, on gratte ! On secoue le cocotier et on verra ce qu'il en tombe !". Les dialogues sont un sérieux handicap, ils paraissent beaucoup trop écrits, quand ils ne tombent pas tout simplement dans la caricature. "Toutes ces horreurs que tu voies au 36, j'ai peur que ça t'abîme..." dit la femme du flic à son mari rongé par l'enquête. Les acteurs ont tous un mal fou à réciter leurs répliques de façon crédible, même ceux que l'on a déjà vu très bon ailleurs (je pense par exemple à Olivier Gourmet). Raphaël Personnaz a beau tout essayer, avec la barbe ou rasé de près, il n'a toujours pas le charisme ni les épaules pour porter un tel film. Mais il n'est pas vraiment à blâmer. 




C'est bien Frédéric Tellier qui se montre incapable de développer la tension nécessaire et, surtout de donner du souffle à son petit bébé. L'affaire SK1 s'étale sur plus d'une décennie, mais nous ne ressentons jamais cette impression du temps qui traîne, qui passe, qui s'accumule comme les cadavres de jeunes filles retrouvées égorgées et violées. Tellier aligne les vignettes en s'appliquant à reconstituer l'affaire au plus près, mais il sacrifie le suspense, oublie de créer une atmosphère, de faire du cinéma. Devant L'Affaire SK1, on pense davantage à un reportage soigné d'M6 qu'à un de ces grands thrillers américains auquel Tellier aimerait tant ressembler. Quand il s'intéresse à Guy Georges et tente timidement de dresser un portrait psychologique du tueur, Tellier donne de nouveau l'impression d'effleurer son sujet, d'échouer dans l'essentiel. Jamais nous ne ressentons ces sentiments contradictoires d'attirance et de répulsion pour ce serial killer que visent apparemment le cinéaste. C'est bien dommage. Tout cela reste tout à fait regardable et un peu mieux qu'un épisode de Faites entrer l'accusé, mais ça n'est pas vraiment du bon cinéma...


L'Affaire SK1 de Frédéric Tellier avec Raphaël Personnaz, Adama Niane, Nathalie Baye, Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz et Christa Theret (2014)

Ce sentiment de l'été

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En pleine convalescence, au sortir de l'hosto, la tronche encore enfarinée par l'anesthésie générale, québlo sur mon canapé, je cherchais un film susceptible de me détendre, de me faire voir la vie en rose, de me laisser fumer des mauves tranquille. Sur une pauvre clé USB, déjà tanquée dans mon lecteur dvd/bluray, deux films. J'avais le choix entre Green Grass de Paul Greenzone, film sur la guerre en Irak et les mensonges éhontés de ces enfoirés de Bush et Blair à propos des armes de destruction massive de Saddam, qui avait 9 chances sur 10 de me foutre la rage, et Ce sentiment de l'été. On est en novembre, il fait pas toujours clair dehors, pas toujours chaud dedans, avec un titre pareil, mon choix fut vite fait. En prime, le casting pouvait se pointer dans mon salon sans que je trouve à gueuler : Anders Danielsen Lie, le jeune homme d'Oslo 31 août, deux acteurs rohmeriens, Marie Rivière et Feodor Atkine, la sympathique Laure Calamy d'Un monde sans femmes et de Rester vertical, et au milieu de tout ça la jeune première Judith Chemla, la Chem'.




Le film commence plutôt bien. On observe une jeune femme qui se réveille toute nue auprès de son compagnon (Danielsen Lie), qui va se faire un café, traîne sur son balcon au soleil, se douche, part au boulot, fait son taff - qui semble agréable - avec le sourire, mange un morceau, s'y remet, baignée d'une lumière ma-gni-fique, toujours aussi zen, lumineuse, puis elle sort du boulot, elle fait dix mètres dans un parc et tombe raide morte. Rupture d'anévrisme ? En tout cas les symptômes sont les mêmes. Elle a cané. Euh, ok. Après on suit la famille et le petit copain, qui souffrent, se regardent en silence, ne pigent rien, sont dévastés par la tristesse. Et apparemment le film va consister à les regarder en chier plus ou moins. Et ça s'appelle Ce sentiment de l'été. Titre presque aussi traitre et salaud que celui de Quelques heures de printemps. J'ai quand même tenu une grosse demi heure à partir du moment où celle qui nous était présentée comme l'héroïne joviale et rayonnante se vautre décédée au bout de trois minutes de métrage. Puis après avoir bien cherché les rayons de soleil dans tout ce merdier j'ai tout arrêté. Le film est peut-être bien malgré tout. Je n'en sais rien. J'ai préféré lancer le dernier épisode de Jason Bourne. C'est de la merde mais là au moins on s'attend aux ruptures d'anévrisme, et on sait qu'elles ne débarqueront pas sans prévenir, en général elles sont précédées par un coup de feu, ou alors par un coup sec du tranchant de la main de Jason Bourne sur les cervicales de ses potes, accompagné d'un bruit de cagette brisée. CLAC.


Ce sentiment de l'été de Mikhaël Hers avec Anders Danielsen Lie, Judith Chemla, Marie Rivière et Feodor Atkine (2016)

Bleeder

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De retour en salles cette année, Bleeder est le deuxième long métrage de Nicolas Winding Refn, réalisé en 1999, soit trois ans après son coup d'éclat initial, Pusher, plongée violente et réaliste dans le monde des trafiquants de drogue danois qui plaça le réalisateur sur orbite. On y retrouve les trois acteurs principaux de la trilogie Pusher : Kim Bodnia, Mads Mikkelsen et Zlatko Buric. On replonge aussi dans les mêmes décors : les rues ternes de Copenhague, ses appartements lugubres et ses döners peu ragoûtants, ses journées grises et ses nuits sanglantes (si vous voulez vous passer l'envie d'aller visiter la capitale danoise, regardez l'un des premiers films de NWR !). Mais contrairement à chaque épisode de la saga Pusher, qui se focalise toujours sur un seul personnage, le collant littéralement aux basques du début à la fin et épousant totalement son point de vue, Bleeder s'éparpille davantage et nous propose de suivre deux types appartenant à la même bande de zonards. 





Kim Bodnia interprète Leo, un trentenaire qui, c'est le moins que l'on puisse dire, accepte fort mal sa paternité à venir et s'enfonce dans une crise existentielle sans échappatoire. Mads Mikkelsen campe Lenny, un grand obsédé de cinéma tenant un vidéo-club et qui tente, très laborieusement, de séduire la blonde bossant au kebab du coin. Deux gros paumés, ne sachant pas trop quoi faire de leurs vies, soignant et exprimant leur mal-être de différentes manières, qui trouvent refuge dans la violence, le cinéma, ou les deux à la fois. Bien que le personnage joué par l'inévitable Mads Mikkelsen ait une présence moindre à l'écran, on sent que Nicolas Winding Refn est beaucoup plus attiré par lui, et nous de même par conséquent. Inutile de partir dans de grandes analyses pour se dire que l'acteur fétiche du cinéaste incarne ici une sorte d'alter ego. Cinéphile transi, il permet au réalisateur de citer explicitement, à travers lui, ses plus grandes influences, sans détour et avec une grande simplicité. 





Cette cinéphilie dévorante, partagée par le personnage et son auteur, transparaît via des films qui tournent souvent en arrière-plan, diffusés sur le mini-poste du vidéo-club ou dans la petite salle de projection de Lenny, des œuvres contenant toute la violence qui finira par se propager bien au-delà. Un univers cinématographique et des influences qui prennent également la forme d'une longue récitation quand Mikkelsen énumère mécaniquement à un client hagard tous les réalisateurs mis en avant dans sa boutique, ou quand il répond, sans aucune hésitation, que son film préféré est Massacre à la tronçonneuseà la jeune fille qu'il tente d'approcher. C'est d'ailleurs Liv Corfixen, filmée avec une attention toute particulière et future épouse de NWR, qui obnubile le pauvre Lenny, amateur de cinéma de genre et grand handicapé social dont les maladresses amènent quelques moments d'humour dans ce monde si noir. 





Si Bleeder s'avère moins intense, moins maîtrisé, en bref, moins réussi que n'importe quel Pusher, il est tout de même traversé par des scènes saisissantes, d'une tension et d'une violence qui font parfois froid dans le dos (je pense ici au sombre destin de Leo). Mais c'est peut-être lors de ces moments plus légers, nous montrant les errances, le morne quotidien et les discussions anodines de la petite bande, que NWR nous séduit davantage. Il se rapproche alors d'une certaine façon du cinéma américain indépendant de cette période et de ses "slackers", il rappelle aussi, et plus directement, ces petits apartés et ces dialogues triviaux entre camés qui faisaient le charme du premier Pusher. Dans une veine encore très réaliste, caméra portée, nerveuse ou attentive, près des corps, un style bien éloigné de celui auquel on l'associe depuis Drive, NWR filme ses personnages avec un regard et une sincérité qui emportent l'adhésion. Car Bleeder, c'est aussi et surtout des personnages remarquables, qui existent durablement une fois le film achevé. Les acteurs sont au diapason et le jeu de Mads Mikkelsen, déjà excellent et auquel le réalisateur offrira bientôt son rôle le plus marquant dans Pusher II, contribue évidemment à rendre son personnage plus attachant. Nous sommes rassurés que le film choisisse de se terminer sur lui, avec la promesse d'une idylle enfin possible...


Bleeder de Nicolas Winding Refn avec Kim Bodnia, Mads Mikkelsen et Liv Corfixen (1999)

True Story

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True Story. Beau titre. Un intitulé lynchéen. En parlant de Lynch, l'autre jour ma tata jobarde, la femme de mon tonton Scefo, m'a conseillé d'aller voir "le dernier film social de Lynch sur le Pôle Emploi". Elle me sort ça à table, en plein repas dominical. J'étais comme un fou. D'habitude je me renseigne un peu sur les sorties ciné... Et ma tata jobarde me sort un scoop, elle me laisse carrément sur le cul entre le fromage et le dessert. J'étais surexcité, curieux à en crever de voir le nouveau film de Lynch, un vrai tournant dans sa carrière, un virage à 180° vers le cinéma sociétal réaliste engagé ! Con de tata... Lynch, Loach, à deux lettres et quelques neurones près, on y était... Bref. Revenons au film de Rupert Goold et à son magnifique titre. Les distributeurs français ont hésité à le traduire par Pur scénar, Gros script, Récit exact ou Beau film. Au final ils n'ont rien traduit du tout. Ils ne l'ont pas regardé non plus.


Un beau ticket de cinéma vendu pour True Story, en double programme avec Scream 4, pour 12$50, soit 11€80 les deux films, une affaire. Un(e) gros(se) veinard(e) a vu ce film sur écran géant, le 4 du mois de ??? 20?? On l'applaudit.

Comme dit l'adage, "vérité en-deçà des Pyrénées, mensonge au-delà". De quel côté est l'en-deça des Pyrénées ? Aucune idée... Cette histoire véridique, sur laquelle Rupert Goold a misé toute sa vie, c'est celle d'un type accusé à tort, qui passe des siècles en taule avant que le vrai meurtrier aille se dénoncer. Énorme. Enfin, pas sûr de bien résumer. La tagline est pas mal non plus : "Aurez-vous le courage d'y croire ?" D'où ma question : si le film était basé sur une histoire fausse, l'auraient-ils vendu en nous disant : "Aurez-vous le courage de ne pas y croire ?" Je reste sceptique face à cette accroche, de même que je suis mal à l'aise devant le travail de l'infographiste qui a superposé et mélangé les tronches de Jonah Hill et James Franco sur l'affiche. D'ailleurs c'est un film plein d'effets de fondu, des fondus au noir, des fondus au blanc, des fondus enchaînés, des fondus bourguignone. Ce serait un titre plus exact : Fondue. Je sais que pour certain(e)s les très sexy James Franco, Felicity Jones et Jonah Hill sont des arguments de vente massifs, mais je vous défie d'avoir le courage de mater cette merde, du moins jusqu'au bout. Un point positif quand même pour terminer, et parce que tout n'est pas à jeter : le dvd est disponible en 48h à la livraison sur certains sites.


True Story de Rupert Goold avec James Franco, Jonah Hill et Felicity Jones (2015)

Sully

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Gros point positif : le film se termine plus tôt qu'on ne le croit. Et quand le film est à ce point merdique, c'est un sacré point positif. C'est même un miracle que ça dure 1h30 tant Eastwood n'a strictement rien à raconter. C'est tout simplement hallucinant le nombre de conneries qu'on peut lire dans la presse au sujet de ce film. C'est à se dégoûter définitivement de la critique cinéma qui ne sait plus quoi déblatérer pour lécher les pompes d'un Eastwood sénile, en bout de course, plus naze que jamais. On entend parler de "film d'action", de "mise en scène à la maîtrise olympienne" (merci Malausa, le malotru), d'"image magnifique", de "beauté plastique", "nous sommes - le mot est adéquat - transportés" dans la merde ! Comment peut-on ? Comment peut-on écrire toutes ces conneries à propos d'un pareil film ?


"J'en suis à mon deuxième film !" Non mec, t'en as déjà 100 derrière oit.

Sully cumule toutes les pires tares du cinéma américain post-11 novembre : cette image perpétuellement grise, ces héros fins et discrets d'une histoire vraie, ce peuple de New-York sanctifié, ces avions qui tutoient les buildings, ce Times Square filmé comme si c'était la 8ème merveille du monde alors que c'est peut-être l'endroit le plus hideux sur terre, objectivement, sans parler des personnages pendus à leur téléphone dans 3 scènes sur 2 et du rôle de la femme, toujours là pour cirer les pompes du capitaine. Le film est vide de tout, se basant sur l'histoire d'un amerrissage sans conséquence, et prenant pour héros un type parfait qui démontre sans se fouler qu'il a agi au top. Eastwood est infoutu d'insuffler le moindre sentiment de suspense et filme ses scènes de bravoure comme un vieux papy sous morphine. La fin du film, c'est le clou, avec ces images du véritable équipage qui vient s'entre-branler sur fond de générique, chaque rescapé citant son numéro de siège face caméra avec des gueules enfarinées. Eastwood, le patriote, celui qui devrait s'appeler Clint Westwood tant il est à l'ouest, nous avait déjà fait le coup à la fin de l'infâme Americain Sniper.


 
Combien de films de merde as-tu mis en boîte ce mois-ci pépé East ?

Il y a quand même une belle séquence à sauver dans ce merdier d'ennui, de platitude et de laideur. Un truc à retirer des flammes de ce brasier du cinéma ricain, qui crame sous nos yeux au rythme des cuts d'Eastwood, que le vieux croit bon de scander à coups de grands bruits de moteur, y compris quand il n'y a pas le moindre aéroplane dans le champ. Un truc à tirer des eaux fades dans lesquelles Eastwood se noie sous nos mirettes inquiètes, sans oublier, entre deux remontées à la surface laborieuses, de nous asséner ses petites doubles-croches, penché, à moitié mort, sur son orgue tire-larmes à la noix. C'est la scène de procès où les juges de Sully lui montrent une bonne dizaines de simulations qui prouvent qu'il a fait le con en allant larguer son planeur sur la flotte glacée de l'Hudson (quand bien même il n'y a eu aucune victime ! des gens passent des jours à harceler un vieux briscard doué de ses dix doigts de pied pour rien, c'est passionnant) alors que 18 aéroports vides l'attendaient les bras en croix aux quatre coins. Premier essai : un duo mixte prend place dans le cockpit et parvient les doigts dans le nez à poser l'engin tel une plume (clin d’œil à Forrest Gump) sur la piste 13 ou 14 (on s'en tape) de La Guardia. 2ème essai : un enfant aveugle fait de même, les yeux bandés et des bouchons dans les oreilles, allant atterrir comme une fleur à Terterboro, non loin. 3ème essai : un macaque prend les commandes et gère l'atterrissage sur le toit d'un building, sans le moindre heurt, tout en se grattant le cul plein cadre. 4ème essai : le cockpit est vide, le mode pilote automatique est enclenché et le zinc, tous moteurs éteints, fait un looping sur lui-même puis va se poser comme une planche de surf devant le domicile de chaque passager pour les ramener chez eux un par un avant de retourner à bon port. 5ème essai : un moko collé au manche de l'A320 s'en sort très bien, et pose le ventre de l'appareil sans la moindre éraflure, tout en adressant un clin d’œil à un Sully humilié. Dernier essai : Airbus fait appel au commandant du Costa Concordia pour voir comment il s'en tire aux manettes d'un paquebot volant : là encore, du velours, le pilote effleure bien un ou deux rochers mais il finit diplômé et distribue sous les yeux médusés de l'assemblée des pizzas aux lasagnes à tous les passagers du vol, comblés. Au final, Sully, accablé par toutes ces démonstrations de sa profonde nullité, en réchappe en répliquant qu'aucun n'avait pour copilote ce con de Aaron Eckhart.


"Combien d'entrées pour Jersy Boyz, Clint ? - Deux ! - Wesh !"

Dans ce naufrage, il n'y a bien que Tom Hanks qui, littéralement, surnage, d'où le succès de l'amerrissage. L'acteur est époustouflant. Il remplit les critères définis par Max Weber et Alexis de Tocqueville : charisma, bravoure et sagacité. Il continue d'écrire sa légende, même quand il est sali par la puanteur totale des films dans lesquels il joue. L'acteur est sur un nuage, notamment lors de la principale scène d'amerrissage (car Eastwood la remontre au moins 8 fois - exactement la même), où son jeu de regards parvient à exprimer en 4 minutes tout ce que l'humain a pu éprouver depuis son arrivée sur terre : un mélange de culpabilité et d'auto-accusation. Le ver était dans la pomme. Dans la pomme de Tom Hanks, plus grand acteur de sa génération (derrière Denzel). Tom Hanks tutoie les cieux malgré un souci d'essieux. Tout de même un peu curieux qu'un film soit ainsi consacré à un procès qui se termine sur un éclat de rire général et sur des tapes dans le dos entre procureurs et accusés. 


Sully de Clint Eastwood avec Tom Hanks, Aaron Eckhart (premier film dont il sort indemne) et Laura Linney (2016)

The Walk : rêver plus haut

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Avec la sortie d'Alliés, les gens semblent avoir pris conscience de la maladie dégénérative de Bob Zemeckis. Pourtant, Das Walkétait un premier signal. Ce film nous évoque le fumier que les agriculteurs n'utilisent pas parce qu'il est trop sec, trop aigre, pour que quoi que ce soit pousse dessus si ce n'est de la rancœur et de la haine. Au sommet de ce faramineux tas de fumier : un enfoiré, aka Joseph Gordon-Levitt. Quoi de mieux pour incarner un Nemourien qu'un texan de l'est ? Surmonté d'une perruque orange abominable, mais qui a le mérite de trancher avec le gris poutrelle et le bleu acier qui dominent les teintes du film, l'acteur est à gerber. Ne se contentant pas d'agresser nos yeux, il triture aussi nos oreilles. La starlette affirme avoir appris quelque charabia de français afin d'être crédible : on est loin du compte. Gordon-Levitt, coincé dans un pull rouge à col roulé (parce que le vrai Philippe Petit en a porté un, une fois, et a été photographié dedans), parle français avec un sale accent anglais, et s'efforce de parler anglais avec un sale accent français. Nous n'avons jamais rien entendu de plus laid, depuis le dernier râle de notre chat Toxic sur son lit de mort.


 Le même film avec Jennifer Love Hewitt, et c'est pas la même...

Également à l'affiche du film, Charlotte LeBon (the enigma). Elle essaie de persuader son con de mec d'abandonner le projet de marcher sur un fil entre les deux tours du World Trade Center (encore un film post-nuke...) : mais il le fait quand même. Le film est entrecoupé de saynètes se déroulant sur le haut du toit de la Statue de la Liberté, où un Philippe Petit tout sourire s'envoie des fleurs et revient sur sa propre vie (tous ces moments où il s'est entraîné à marcher sur la corde à linge tendue dans son jardin et sur le câble d'alimentation de son fer à repasser branché dans sa salle de bain). Après avoir subi les préparations laborieuses et les engueulades ridicules du couple pendant une heure, où toute tension est annihilée par le fait que chaque spectateur connaît plus ou moins cette histoire en bois et par la fatigue cognitive de Bob Zemeckis, nous devons nous farcir JLG en tenue de danseuse noire, en legging, faisant le clown sur son fil et narguant les flics qui font des pas chassés sur les toits des deux tours, de part et d'autre du filin, en suivant ses moindres soubresauts ridicules. Cette interminable scène a eu le mérite de nous rappeler toutes ces fois où on a surexcité des chiens sans arrière pensée pour finalement - les bras ballants et le regard triste - les voir partir au quart de tour vers le premier greffe égaré sur une branche entre trente-six gueules de loups à l'affût, prêtes à n'en faire qu'une bouchée. Nous rêverions de nous enfumer le Levitt.


The Walk : rêver plus haut de Robert Zemeckis avec Joseph Gordon-Levitt et Charlotte LeBon (2015)

Sausage Party

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Pour la première fois de notre vie, nous avons rejoint les rangs de la Manif pour Tous. Dieu sait que nous haïssons tout ce qu'elle représente, mais quand ils ont décidé de s'en prendre à Sausage Party (ce qui en dit quand même long sur leur combat), ils étaient les seuls à voir juste au milieu de dizaines de critiques et de commentateurs saluant un film d'animation ultra gras. Ce n'est pas sur le plan moral que nous condamnons ce film (contrairement à ceux de la Manif pour Tous, qui restent des bœufs), mais sur un strict plan cinématographique. On se demande bien ce qu'il y a de si génial dans ces métaphores d'une lourdeur sans pareille : les saucisses vedettes veulent à tout prix se "fourrer" dans des pains à hot-dog qu'ils espèrent bien "étroits" ; l'une des saucisses, plus courte que les autres, subit les quolibets de ses camarades ; le pain à pita se dispute avec le bagel pour un territoire dans les rayons ; et un savon liquide blanc louche sur les ménagères en espérant pouvoir se "répandre" sur leur visage et intégrer leurs plis les plus intimes. Ces dialogues d'une débilité sans nom sont illustrés d'images ridicules de petits faiseurs qui, en studio, ont passé du temps à dessiner un camel toe. Rien que d'y repenser, on a les LARMES. On ne s'étonne pas d'apprendre que la bande de Seth Rogen est derrière tant d'intelligence brute et de finesse. Mais puisque c'est "culte"...


Sausage Party de Conrad Vernon et Greg Tiernan avec Seth Rogen, Jonah Hill, Kristen Wiig, James Franco et Michael Cera (2016)

Rush

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A priori, un film sur la F1 nous narrant la rivalité entre deux pilotes (incarnés par deux ploucs du cinéma) qui ont marqué leur époque, le tout mis en scène par un faiseur rarement inspiré : nous chions dessus. Mais quelques voix s'élevaient dès sa sortie pour pointer du doigt cet ODNI (Objet Déboulant Non-Identifié), parmi lesquelles celle du Bleu du miroir (blog qui présente une fameuse page concours, grâce à laquelle nous allons deux ou trois fois par semaine au cinéma, par le biais de nos très nombreuses boîtes postales factices et autres noms d'emprunts voués à multiplier nos chances). Un beau soir, on a sauté le pas : nous avons invité Ron Howard et ses deux pilotes de F1 dans notre chambre à coucher. Et c'est bien la première fois qu'on laisse autant de traces de frein dans notre plumard... car Rush est, tenez-vous bien, une petite bombe.


L'amitié des trois stars s'est poursuivie après le tournage. Ils sont ici en vacances dans la capitale anglaise, venus à la rencontre du fan londonien de leur film.

Dans chaque ville se terre un fan absolu de ce film, qui l'aime et le défend sans vergogne auprès de tous ceux qui ne veulent plus l'inviter. Quand nous partons en vacances, c'est la mort dans l'âme, car nous quittons nos postes respectifs de fans, dans les deux villes les plus ensoleillées de France, vidées pour un temps de leur représentant légal de Rush. Il existe des forums consacrés à ce film, des cercles de lecture, des partis politiques, des centres de désintox. On se serre les coudes entre fans, on se convainc les uns les autres, on se remotive aussi, quand il y a une petite baisse de motivation sur Rush. On se regroupe, on se retrouve autour du film, élément fédérateur : ce n'est pas un film culte, c'est un culte à proprement parler.


Ron Howard, à l'écoute, avoue avoir passé un tournage de rêve : ses trois idées griffonnées sur un post-it étaient toujours contrecarrées par des acteurs impliqués.

En têtes d'affiches, ceux que nous avons au préalable qualifiés de ploucs. A notre gauche, le blond le plus laid actuellement en salles, Chris Hemsworth, membre proéminent d'une fratrie qui nous débecte, celui-là même qui a participé à la médiocrité du dernier Michael Mann ; à notre droite, l'acteur allemand venu de la forêt noire, Daniel Brühl, qui est une jauge à bon goût chez les dames (celles qui prétendent avoir flashé sur lui dans Good Bye Vietnam sont aussi sec disqualifiées), l'éternel collégien en flagrant délit d'excès de sébum, dont le nom d'emprunt américain (Jim Sturgess) ne trompe personne. Eh bien ces deux glandus composent le casting d'une vie. Il fallait deux imbéciles comme eux pour donner vie à des pilotes qui étaient réellement cons comme leurs pieds dans le fait réel dont s'inspire le film. La rencontre entre les acteurs et les hommes qu'ils incarnent l'a d'ailleurs prouvé : ils sont devenus les meilleurs amis du monde (même si les deux vrais pilotes sont bourrés d'acouphènes et n'entendent strictement rien - quoique l'un des deux prétende lire sur les lèvres tandis que l'autre affirme avoir lu et relu son bouquin de chevet : Les gestes qui nous trahissent, pour s'en sortir dans sa chienne de vie). Les comédiens sont parfaitement choisis. Hemsworth, avec son air bonhomme de gros labrador, Brühl, avec ses sourcils étroits, dans le rôle du petit clebs teigneux. Ce dernier aurait d'ailleurs dû s'appeler Daniel Brühlàmoitié puisque son personnage fini à moitié cramé dans sa bagnole. Mais aucun acteur ne s'appelle Daniel Brühlàmoitié, ni Daniel SemiBrühlé.


Le seul moment du film où Daniel Brühl lève le pied pour ralentir.

Rendons à César ce qui appartient à Ron Howard : après avoir lu ce scénario, Ron Howard s'est découvert une passion pour la F1, et pour cette histoire de rivalité entre deux pilotes rendus encore plus bêtes et aveugles qu'ils n'étaient déjà par excès de ressentiment. La haine que les deux hommes se vouent les conduit à un véritable zèle de débilité, quitte à cramer toutes les règles de la F1 : démarrer au feu vert ; ne pas chevaucher un autre véhicule sur la ligne d'arrivée ; ne pas conduire en état d'ébriété ; ne pas affubler ses adversaires de tous les noms d'oiseaux en conférence de presse ; ne pas éclater la bouteille de champagne du vainqueur sur la tronche du deuxième ; ne pas faire de tête-à-queue en plein stand et ainsi sacrifier la vie de quelques réparateurs seulement pour gagner une paire de secondes ; ne pas traverser une tribune bondée de spectateurs médusés pour couper un virage ; ne pas conduire nu et sans casque pour économiser quelques précieux grammes qui feront la diff' au chrono ; ne pas faire de son réservoir une arme de destruction massive radioactive pour un départ canon ; ne pas transformer sa F1 en dragster pour fumer tout le monde au sprint final quitte à finir dans le décor dès le démarrage en sacrifiant de nouveau quelques vies (celle du type qui brandit son drapeau avec enthousiasme et un sourire figé sur le capot avant, et celles de tous les pilotes derrière, aveuglés par le parachute salvateur ouvert un peu trop tôt). Ron Howard, qui a su donner une identité visuelle à son film, fait de toutes ces courses des moments d'anthologie, d'où les traces de frein dans nos draps et notre nouvelle passion pour la F1 (qui fut comme un feu de paille, puisque depuis, on ne suit pas du tout l'actualité des courses - d'ailleurs Michael Schumacher est-il toujours le numéro 1 ?).


Les vrais Niki Lauda et James Hunt : La Guerre des Roses sur l'asphalte, et un mariage homo à la clé.

Les couleurs dominantes de ce film sont le rouge, le blanc et le feu. Autre atout : la présence au casting d'Erich Maria Remarque, l'actrice allemande prix Nobel de nos cœurs, trimbalée dans ses valises par Daniel Brühl. Premier jour du tournage : un Ron Howard tout sourire affirme à son acteur : "Tkt, on va lui trouver un rôle...". Et Hemsworth de conclure : "Quitte à trahir l'histoire vraie : bat les couilles". La rivalité des deux personnages nous captive jusqu'à la fin car ils vont toujours plus loin, nous rappelant que le sentiment de haine est celui qui pousse aux pires écarts de conduite. Le film véhicule ainsi un triple message sur l'amitié : Hemsworth n'existerait pas sans Brühl, Brühl serait intègre physiquement sans Hemsworth, et ces deux benêts mettent du temps à s'en rendre compte puisque ce n'est qu'au crépuscule de leur vie qu'ils s'adressent enfin un sourire. Qui plus est, pour une fois la ressemblance physique entre les comédiens et leurs personnages n'a pas dicté le choix d'un directeur de casting que nous tenons de nouveau à saluer bien bas (et qui depuis vit à Hawaï, estimant avoir fait le tour du job). Daniel Brühl est particulièrement admirable, car il porte de fausses dents pour ressembler à Niki Lauda, l'homme aux chicots impressionnants, ces dents de malade qui franchissaient toujours la ligne d'arrivée avec quelques secondes d'avance (la fédération avait même fini par disqualifier ses canines pour qu'elles arrêtent de fausser les chronos) : on ne comprend pas un traitre mot de ce que dit le comédien durant tout le film. C'est bien la ressemblance d'âme entre les deux acteurs qui les a réunis. Seul regret : l'absence au casting d'Olivia Wilde (aka Roswell). 


Rush de Ron Howard avec Daniel Brühl, Chris Hemsworth, Alexandra Maria Lara et Olivia Wilde (2013)
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