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Channel: Il a osé !
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Le Bon gros géant

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J'ai enfin vu le dernier épisode de la galaxie filmique de tonton Spielby. Je suis à jour. Le Bon gros géant (The Big Fat Geriatric Fuck en VO), est adapté d'un bouquin de Roald Dahl. Honte à moi de ne l'avoir jamais lu. Je n'ai lu aucun roman de Roald Dahl car je suis dyslexique et je n'ai jamais réussi à dépasser son nom sur la couverture. Je ne saurai donc dire si l'adaptation est fidèle au livre. En tout cas le film aurait pu s'appeler "Le CGI", car autant dire que le Bon Gros Effet Spécial du titre, s'il a plutôt fière allure, peine parfois à convaincre (une fois de plus, on passe son temps à regarder si c'est vraiment bien fait au lieu de regarder un personnage), notamment à cause de la lenteur de ses déplacements, que le scénario excuse en arguant de son vieil âge. La caméra de Spielberg est plus rapide et plus mobile que lui, quitte à nous foutre une Bonne Grosse Gerbe de tous les diables dans ces nombreux plans où la gamine est trimballée dans tous les sens par le géant et où la caméra tourneboule sans cesse pour rien. 


Cette jeune spectatrice binoclarde tourne le dos à la télé. On dirait qu'elle prend quand même son pied...

Reste que les gamins y trouvent sans doute leur compte, avec ce personnage au final plutôt sympathique, chasseur de rêves qui s'exprime dans un anglais de Bon Gros Golmon, s'invite chez la reine d'Angleterre pour lui faire découvrir la joie de larguer un énorme pet, et s'attache à sauver les mômes de ses congénères carnivores. Ces derniers m'ont fait de la peine d'ailleurs, pas les mômes, les autres géants. Le Bon Gros Gitan a peur que les hommes, en le découvrant, l'enferment dans une cage de zoo pour se distraire. Mais à la fin du film, les autres Bons Gros Glandus, qui pour leur part sont donc des dévoreurs d'enfants, finissent capturés dans de grands filets, et exilés sur une île déserte dépourvue de tout morceau de viande, ces Bons Gros Gigots dont ils raffolent tant. 


Le Bon Gros Géant n'a pas la main verte. Ses Bonnes Grosses Gourgettes le font béger.

Quel est leur crime ? Aimer la barbaque ? Être des bestioles portées sur la viande et avoir l'instinct du chasseur ? Et ça mérite d'être puni, éradiqué de la surface de la terre ? Je trouve ça un peu rude. Nous autres humains avons la chance d'être omnivores et de pouvoir choisir, mais s'il fallait châtier toutes les créatures de notre monde qui ne se nourrissent que de steak et qui , pour ne pas crever, s'en prennent à des bestiaux plus faibles, ce serait la merde ! Les potes géants du héros auraient mérité un vrai procès, au lieu d'être éjectés du film en deux temps trois mouvements grâce à une intervention militaire héliportée. Certes, ce sont de Bons Gros Gonnards, mais c'est injuste ! On pourrait croire que le film porte un message écolo pro-végétariens, mais même pas, car les légumes sont décrits comme infâmes, puants, dégueulasses, et même le Bon Gros Vegan les tient en horreur, préférant mille fois s’empiffrer de croques-meuss' chez la reine d'Angleterre. Quand ils finissent isolés sur le caillou rocheux en pleine mer, les méchants géants reçoivent des kilos de légumes infects sur la tronche en guise de châtiment, et ces derniers ne sont pas générés par des ordinateurs, cela se voit. L'écoresponsable Tonton Spielby ignore-t-il les incroyables bienfaits nutritionnels des cucurbitaceae ?


Le Bon gros géant de Steven Spielberg avec Ruby Barnhill, Mark Rylance, Penelope Wilton et Rebecca Hall (2016)

Personal Shopper

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Heureux lauréat du prix de la mise en scène à Cannes cette année (notre édito cannois du 26 maiétait peut-être plus juste qu'on ne croyait), Olivier Assayas poursuit de front l'échafaudage d'une filmographie cohérente et l'exploration de nouveaux territoires cinématographiques. La première scène du film, où Kristen Stewart entre seule dans une vieille maison de famille abandonnée, commence par nous rappeler L'Heure d'été ou L'Eau Froide (comme, plus loin, les déambulations de l'héroïne en scooter dans Paris évoquent celles de Maggie Cheung dans Irma Vep ou Clean), mais le cinéaste s'ouvre dans le même temps à autre chose, à travers ce long travelling de suivi, en plan-séquence, dans les couloirs sombres de la demeure : via et au-delà du clin d'oeil à Shining, il entre dans le genre fantastique.




Et Assayas se frotte au genre sans fausse pudeur, osant à tout va en flirtant avec les limites, toujours sur le fil. Personal Shopper est un film de fantômes. De façon littérale mais aussi sur un mode plus métaphorique. Maureen (Kristen Stewart), le personnage principal, est chargée de vivre à la place de Kyra, la célébrité pour laquelle elle fait des achats idiots toute la journée, choisissant des tenues à sa place, parlant pour elle et servant occasionnellement de doublure corps, d'incarnation, pour essayer les futures robes de la star fantomatique, pour ainsi dire invisible, inaccessible. Autre fantôme (hormis Maureen elle-même, qui n'a guère de contact avec les autres et hante, passagère et discrète, son propre appartement), l'ami vivant à l'étranger, qui n'apparaît que par écrans interposés, dont le corps et la voix sont dilués dans un amas de pixels fluctuants et d'interférences.




La beauté du film tient dans sa manière de confronter le fantastique le plus éternel (Assayas convoque Hugo faisant tourner les tables à Jersey et n'hésite pas à user d'effets spéciaux assez prosaïques, mais qui n'en sont que plus réussis) à notre monde ultra contemporain, quitte à également marier deux genres (le thriller se taillant une bonne place dans l'intrigue). Assayas rejoue les interrogations obsessionnelles d'un Maupassant, maître français du genre qui, dans ses contes fantastiques (Lettre d'un fou, Le Horla, Un fou ?, etc.), dont les personnages étaient en proie à l'inexplicable, marquait régulièrement une pause, plus ou moins longue (Lettre d'un fou y est presque toute entière consacrée), vouée à disserter sur la pauvreté et l'insuffisance des cinq sens et des connaissances humaines dans l'appréhension des phénomènes qui nous entourent.




Mais évidemment ces questionnements sont redoublés depuis que l'humain est augmenté de facultés nouvelles et de sens artificiels, principalement grâce aux nouvelles technologies : le savoir quasi-infini à portée de clic, la vision et la communication à distance, le don d'ubiquité, la capacité à se situer dans l'espace, etc. C'est cet être humain-là que le film met face au surnaturel, au mystère, requestionnant le genre fantastique un peu comme Pascale Ferran, il y a deux ans, avec la même audace, la même prise de risque, le fit avec le merveilleux dans Bird People. D'un côté, l'oiseau perché sur l'escalier roulant de l'aéroport, de l'autre, un ascenseur et des portes automatiques qui réagissent à l'invisible, et de part et d'autre l'omniprésence des écrans (d'ordinateur et de téléphone ; et là aussi Assayas tire sur la corde, sans la rompre). En travaillant les procédés de mise en scène les plus simples et les plus inépuisables, la profondeur de champ (dans la scène du verre brisé par exemple, où apparaît brièvement Anders Danielsen Lie) ou le hors-champ (dans l'ultime séquence, la plus glissante du film, qui montre bien que le cinéaste joue jusqu'au bout à se faire peur), Olivier Assayas signe un très beau film fantastique aux prises avec son époque.


Personal Shopper d'Olivier Assayas avec Kristen Stewart, Anders Danielsen Lie et Nora von Waldstätten (2016)

Bilan 2015

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http://ilaose.blogspot.fr/2015/02/it-follows.html
1. It Followsde David Robert Mitchell


http://ilaose.blogspot.fr/2016/04/la-sapienza.html
2. La Sapienza d'Eugène Green


http://ilaose.blogspot.fr/2015/12/slow-west.html
3. Slow Westde John Maclean


 4. L'ombre des femmes de Philippe Garrel


5. Notre petite sœur de Hirokazu Kore-Eda


6. Mad Max : Fury Roadde George Miller



7. Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore



 8. Trois souvenirs de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin


 9. Jauja de Lisandro Alonso


10. Félix et Meira de Maxime Giroux


On accuse un léger retard sur 2015, mais le taff est là. On a même un top 10 assez original, avec pour la première fois un film venu du Québec : Félix et Meira, dans lequel au moins l'un des deux auteurs de ce blog s'est reconnu (l'autre ne s'appelant pas Meira  - nota bene : juste tapez Hadas Yaron dans Google). Petite mais sympathique année de cinéma. Peut-être découvrirons-nous la grosse pépite de 2015 en 2025. Hâte d'y être. En attendant nous avons choisi de mettre en exergue des films qui parfois surprendront (suivez notre regard vers La Sapience, qui rend presque tout le monde complètement jobard, ou vers Slow West, western certes petit par la taille mais grand par le charme). Dans ce top, plusieurs films qui divisent notre comité de rédaction, du fait qu'un membre les a vus et pas l'autre, ou vice versa. Vous aurez peut-être vu le numéro 6 de ce classement, qui a fait causer de lui à sa sortie, et que nous reconnaissons comme un film d'action efficace, revu avec plaisir (quand bien même George Miller n'avait rien à foutre sur le siège de président du festival de Cannes 2016 ; d'ailleurs, en passant, un mot sur Cannes 2016 : quand on regarde le top des Cahiers du Cinéma, on croise 8 films sélectionnés en compétition officielle sur le tapis rouge, sauf le grand gagnant, aka le Ken Loach, ce qui en dit long sur le palmarès merdique de sir Miller). D'autres films nous ont plu, mais il leur manquait un petit quelque chose pour figurer dans ce classement, comme Contes italiens ou Caprice. Nous sommes aussi passés à côté de quelques titres importants, du fait de leur format quelque peu contraignant, notamment le Kiyoshi Kurosawa, le Apichatpong Weerasethakul ou la trilogie de Miguel Gomes. Dieu nous pardonne. Mais faisons amende honorable. D'ailleurs, si on va par là, il y a tout un pan du cinéma mondial que nous autres occidentaux laissons systématiquement dans l'ombre, il s'agit du cinéma indien, de Bollywood, qui truste le Top 100 des meilleurs films mondiaux sortis depuis 2014 sur Imdb, avec des titres comme Yapisik Kardesler, Jaatishwar, Aagadu, Duu duu, Pouslanana emulcafé, Yusuf Yusuf ou encore Vikramadithyan. Logiquement, si on les avait vus, ces sept merveilles du 7ème art seraient indiscutables dans les premières lignes de notre classement, qui par conséquent n'a aucun sens ni aucune valeur.

The Assassin

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Autant le dire tout de suite, je n'ai pas tout pigé, vraiment pas tout, à cause des intrigues politiques, des noms chinois difficilement assignables, des personnages qui se ressemblent et des éléments de scénario obscurs (les combats où les adversaires se retirent après deux coups sans qu'on sache trop pourquoi ; la fumée autour de la femme enceinte !), mais peu importe parce que c'est extrêmement beau, à chaque seconde. C'est le genre de film qui fait penser avec beaucoup de peine à tous ces réalisateurs qui n'arrivent pas à pondre un plan correct dans leurs films alors que tous les plans de Hou Hsiao Hsien (lauréat du prix de la mise en scène à Cannes), tous sans exception, sont sublimes et donnent autant à s'émerveiller qu'à méditer. Ce film est à voir comme on lit un poème : il y a des vers sibyllins sur lesquels on passe sans les comprendre mais sans qu'ils n'enlèvent rien (au contraire) à la beauté de l'ensemble.





Dans la Chine du IXème siècle, Nie Yinniang (Shu Qi), revenant d'un long exil auprès d'une nonne qui a fait d'elle une redoutable assassine, a la mission de tuer son propre cousin et ancien prétendant, Tian Ji’an (Chang Chen), alors en dissidence vis-à-vis de l'empereur. Mais Yinniang a la faiblesse de laisser parler ses sentiments et sa sensibilité, comme nous le révèle la scène d'introduction, filmée dans un splendide noir et blanc, où elle refuse d'exécuter un homme accompagné d'un enfant. Mais au fond, l'histoire, que j'ai d'ailleurs peut-être mal résumée, est secondaire, en tout cas dans les détails. C'est surtout les grandes lignes, les thèmes, qui comptent, la façon dont Hou Hsiao Hsien les met en scène.





On ne compte pas les moments de grâce, car chaque plan en est un ou presque. Quand il compose un plan d'ensemble incroyable sur un paysage, Hou démarre au bout de quelques secondes un lent panoramique pour cadrer un personnage mobile ou statique dans l'espace adjacent, et si, un court instant, on se dit qu'il est fou de mettre en danger le plan fixe dé départ, on se ravise très vite, car le mouvement et le cadre sur lequel il s'achève ont ajouté à la beauté initiale. Hsia joue avec la profondeur de champ grâce à tout un système de voiles superposés dans l'image et de scintillements qui évoquent la figure fantomatique de l'héroïne, assassine et espionne invisible. 






Un plan est particulièrement marquant : celui où, après avoir écouté la conversation de son cousin et sa maîtresse, après avoir été surprise, après s'être battue avec son cousin et après lui avoir révélé son identité, Yinniang revient dans la même chambre pour ne rien rater de la suite de la discussion à son sujet. On voit alors la jeune femme apparaître entre deux tentures, puis, à la faveur d'un de ces flottements de la caméra de Hsien, qui donnent au film ce sentiment d'apesanteur, la silhouette de l'assassine, les contours de son visage, se confondent dans les motifs superposés des voiles qui la dissimulent, comme si elle était réellement capable de se fondre dans le décor. Or justement, le regard porté par le cinéaste sur les visages et les paysages, avec ce grain de l'image qui les rend plus présents encore, et cette coexistence, jusqu'à la confusion, des êtres et de l'espace, sont pour beaucoup dans la poésie qui émane de l'ensemble.


The Assassin de Hou Hsiao Hsien avec Shu Qi et Chang Chen (2016)

Premier Contact

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Au début, on a l'impression que se joue quelque chose d'important. On a hâte de rencontrer ces extraterrestres, de rentrer dans leur suppositoire géant, et de savoir ce qu'ils pourraient bien vouloir nous dire. Si l'on passe les fautes de goût lors de ces faux flashbacks à l'image embuée dégueulasse, toute la première partie du film est assez réussie et particulièrement captivante. Nous sommes même scotchés lors de la première rencontre, de loin le meilleur moment du film, avec cette belle idée d'inversion de la gravité une fois arrivé dans le vaisseau, où les visiteurs sont invités à faire un saut pour se retrouver debout, à la verticale. Nous sommes prêts à suivre la linguiste incarnée par Amy Adams dans ses recherches, pas à pas, quitte à manger des dialogues explicatifs lourdingues, ici plutôt bien emballés. Nous y croyons dur comme fer et nous pensons effectivement avoir mis la main sur ce chouette film de SF vanté par les critiques unanimes. 




Hélas, tout cela se délite progressivement. D'abord, quand Denis Villeneuve accélère maladroitement le rythme de son récit via la voix off du chercheur campé par Jeremy Renner qui nous explique les avancées des recherches pour décrypter le langage alien. On se sent alors comme abandonnés dans la dynamique du film. Et ensuite, quand les relations avec les aliens sont temporairement coupées, Premier Contact perd alors définitivement son souffle et l'intérêt de son départ canon, et s'enchaînent les incohérences (la bombe amenée tranquillement dans le vaisseau...) ou les facilités de scénario (ce petit cours de géopolitique du pauvre...). 




Enfin, quand nous comprenons le fin mot de l'histoire, on se demande bien comment il aurait été possible de se passionner et de vibrer pour ce drame intimiste concernant des personnages si désincarnés, ennuyeux et sans substance. Amy Adams fait tout son possible, mais que peut-on dire de son personnage ? Il n'existe à aucun moment. C'est une linguiste persévérante, pugnace... et quoi d'autre ? Jamais on ne la voit vivre, rire (le film se prend drôlement au sérieux), dans son immense baraque où elle ne fait que se servir des verres de vin blanc devant la gigantesque baie vitrée ou admirer les mille bouquins qui trônent sur ses étagères pour nous rappeler qu'on tient là une vraie intellectuelle. Très triste aussi est la romance qui finit par lier les deux chercheurs. Le terme de "romance" est d'ailleurs bien fort puisqu'il ne se passe strictement jamais rien entre eux. Denis Villeneuve est bien incapable de nous faire ressentir quoi que ce soit. Quand, à la fin du film, Jeremy Renner déclare sa flamme et dit à sa collègue, "J'ai passé mon temps à regarder dans les étoiles alors que j'avais tes eins sous les yeux...", la tirade est bien sentie, mais c'est un peu tard. 




Par ailleurs, Premier Contact est encore un film qui veut véhiculer un beau message sur l'humanité, ici appelée à apprendre à communiquer et à agir collectivement, mais où celle-ci trouve néanmoins son salut à travers les actes d'un personnage peu à peu doté de facultés hors normes. Est-il impossible de délivrer un tel discours sans prôner l'héroïsme le plus bêta ? Alors certes, le film de Denis Villeneuve aborde des questions intéressantes, il paraît traiter avec intelligence et une finesse inhabituelle le thème de la rencontre extraterrestre. Mais faut-il que la concurrence se porte mal pour qu'un tel film se fasse tant remarquer. La complexité d'apparat, la triste froideur et le sérieux plombant de Denis Villeneuve rappelant le cinéma de sieur Nolan, il y a somme toute une logique en ce bas monde... 


Premier Contact de Dennis Villeneuve avec Amy Adams et Jeremy Renner (2016)

Bilan 2016

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http://ilaose.blogspot.fr/2016/03/un-jour-avec-un-jour-sans.html
1. Un jour avec, un jour sans de Hong Sang-Soo


2. Toni Erdmann de Maren Ade


http://ilaose.blogspot.fr/2016/03/bone-tomahawk.html
3. Bone Tomahawk de S. Craig Zahler


4. L'avenir de Mia Hansen-Love


5. Rester vertical d'Alain Guiraudie


http://ilaose.blogspot.fr/2016/12/personal-shopper.html
6. Personal Shopper d'Olivier Assayas


7. The Assassin de Hou Hsiao-Hsien


 8. Carol de Todd Haynes


9. The Neon Demon de Nicolas Winding Refn


10. Victoria de Justine Triet


11. Julieta de Pedro Almodovar


12. La Loi de la jungle d'Antonin Peretjatko


13. The Strangers de Na Hong-jin


14. Paterson de Jim Jarmusch


15. In a Valley of Violence de Ti West


On était à la bourre sur 2015, mais on est à fond sur 2016 (19 films de 2016 critiqués sur le blog à ce jour, record de la blogosphère !). On a vu de nombreux longs métrages cette année (d'où le peu de critiques, on était souvent en salles...), et on veut aider notre prochain. On sait trop ce que c'est de passer les fêtes de fin d'année entre deux téléviseurs pour rattraper le retard et boucler un top d'au moins 10 titres onze mois plus tard. Que dire de ce bilan (outre la giga surprise de cul de classement) ? Nous n'avons eu aucun mal cette année à dresser un top satisfaisant pour l'un comme pour l'autre, chacun a pu placer ses pépites sans démoraliser l'autre (ou preeeeeesque), et en fion de classement on a juste mis un film qu'on a vu tous les deux... un film qui tombait à pic pour éjecter Elle, poids-lourd de l'année qui n'a pas du tout fait l'unanimité au sein de la rédac' (aucun de nous n'est maso, contrairement à Elle, le personnage éponyme, et pourtant nous avons échangé pas mal de coups et de blessures à propos de ce film). Vous retrouvez dans le trio de tête Bone Tomahawk, qui est là pour dégoûter tous les Quentin Tarantino et compagnie, pour leur rappeler qu'avec un peu d'humilité (trois chevaux, un mec qui boîte et un bone tomahawk), on peut encore réaliser un western qui tienne la route et qui sente la poussière. A ce titre, on peut peut-être saluer Claude Lelouch (c'est rare dans nos pages, première fois ever, et dernière), qui était président du jury à Gérardmer et qui a su distinguer le grain de l'ivraie en couronnant le film de ce cher Bone Tomahawk (un réalisateur à suivre), le préférant à The Witch, film d'horreur indé couvert d'éloges réalisé par un petit faiseur hipster qui méritait qu'on le renvoie à son brouillon. Au top de ce top, une excellente soirée pour l'autre, un grand film pour l'un, venu de Corée et signé du sosie officiel de l'un d'entre nous. A part ça, d'autres bons films. Et puis il y a des absents, par exemple Homeland et Le Bois dont les rêves sont faits, que nous n'avons pas vus et qui n'ont pas leur place ici puisqu'il s'agit de mockumentaires, de même que nous n'avons pas cité Stranger Things ou Ma Loute, qui sont des séries télévisées et n'ont donc rien à foutre dans un top ciné. Nous ne pouvons pas tout voir, n'ayant que 4 yeux. Nous sommes aussi passés à côté d'Aquarius et de Toni Erdmann, le film tant acclamé de Maren Ade, que l'on a quand même mis en 2, pour la crédibilité du classement (même si du coup on vient d'annihiler toutes nos chances à ce niveau-là).

In a Valley of Violence

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Ti West s'essaie au western et s'entoure, pour la première fois de sa carrière, de deux vedettes : Ethan Hawke et John Travolta, dont l'affiche nous promet la confrontation. Nous étions donc très curieux de voir le résultat, d'autant plus que, malgré les déceptions, Ti West reste un cinéaste au potentiel évident. Malheureusement, il est aussi comme cet élève auquel le prof dit toujours "peut mieux faire". Peut-être par manque de confiance en lui, par je-m'en-foutisme ou par bêtise, West déçoit et frustre systématiquement. Ce réalisateur est clairement limité, c'est un fait, mais il cède aussi aux attraits d'un certain confort, avec la volonté de plaire aux amateurs de 'ti films de genre, s'en tenant à sa formule toute faite et facile, qui mêle un ton de série B directe, efficace et à l'ambition affichée avec un second degré forcé et un scénario trop maigre, dénué de toute dalle terrassée en béton armé susceptible de le retenir au sol face au vent.




In a Valley of Violence se regarde sans déplaisir mais le réalisateur semble se complaire dans ce ton semi-décalé qui parasitait déjà certains de ses précédents films et l'empêche de prétendre à signer des films d'une plus grande envergure. Et pourtant ! On a quand même droit à vingt minutes de perfection, qui expliquent la présence de ce film dans tous les tops de fin d'année (signés par les gens un peu éclairés disons). Pendant ces vingt minutes initiales, Ethan Hawke étale toute sa classe : il est beau comme un cœur. Ethan assume enfin ses rides, ses cicatrices, les ravages de son acné et ses innombrables stigmates dus à mille problèmes de peau. La séquence d'ouverture est un pied de nez à tout le cinéma de Tarantino, qu'elle fera crever de jalousie. Soulignons la qualité des dialogues, la plume de Ti West (qui faisait déjà des belles choses dans Innkeepers, malgré de gros gros temps morts dus à ces dialogues abscons qui rendaient le film à chier). Et puis durant ces vingt premières minutes, Ethan Hawke est accompagné par le meilleur chien vu à l'écran depuis Belle Lurette (le chien errant qui prenait des coups de genoux des passants à la sortie des usines Lumière dans le film La Sortie des usines Lumière des frères Lumière, dont le titre intégral était à l'origine "La Sortie des usines Lumière et le chien qui prend des gros taquets", plus long à prononcer que le film à regarder).




On adorerait suivre Ethan Hawke et son chien pendant 1h15, sans scénario, un Lucky Luke des temps modernes où Jolly Jumper aurait troqué sa place contre un chien des quais. Hélas, Ti West nous prive de ce régal et se réfugie dans un schéma très classique de film de vengeance, faisant de la mort du chien le pivot de l'intrigue et le motif (un peu léger) d'une fusillade géante, de la mise à mort méthodique de toutes les personnes impliquées de près (ou de très loin : un village entier) dans la mort de l'animal. On perçoit bien la volonté chez Ti West de tourner en dérision le genre en remplaçant l'habituelle épouse égorgée (ou autre famille ratiboisée) du héros rangé des bagnoles par un chien de prairie, et en clôturant le film sur une sorte de blague absurde...




... mais au lieu de franchement se marrer (Ti West n'allant pas assez loin, et ne faisant pas toujours dans la dentelle), on regrette que les personnages, par ailleurs bien croqués et bien campés par des acteurs qui ont foi dans le projet, n'aient pas droit à une histoire à leur hauteur. C'est vrai d'Ethan Hawke lui-même mais aussi de John Travolta, qui a fière allure, assume enfin son âge (43 ans), tient bien son rôle de shérif dégoûté par son propre fils (ne sachant plus quoi en faire), et se montre consterné par la tournure des événements (on dirait que le personnage connaît le scénario, quand il n'arrête pas de répéter : "Mais c'est tellement con !"). Enfin... In a Valley of Violence reste le 15ème meilleur film de l'année, pour les gens un peu éclairés et au fait de l'actu ciné.


In a Valley of Violence de Ti West avec Ethan Hawke, John Travolta, Taissa Farmiga, Karen Gillan et James Ransone (2016)

Mystic River

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Comme tout le monde, on a longtemps cru que l'affiche était à l'envers, comme tout le monde, on l'a retournée au moment de la placarder au-dessus de notre lit : mais non, aucun couac dans ce film cousu de fil blanc. Il serait trop long de faire le tour du casting et de présenter chaque force en présence. On peut se concentrer sur les trois têtes d'affiche. Commençons par celui qu'on voit de loin : Tim Robbins, qu'ils ont raccourci sur l'affiche pour pas qu'il mange la tagline. Il est là pour morfler, comme dans 99% de ses films, avec son regard d'agneau et son air de chien battu. L'autruche de Baltimore finit 9 films sur 10 la tête dans l'eau, et Mystic River ne fait pas exception à la règle. Excusez-nous pour le spoiler, mais qui n'a pas vu ce film ? Même quand il est sorti sur les écrans, tout le monde connaissait sur le bout des doigts le scénario diabolique imaginé par le malade Denis Lehaine, l'écrivain américain jadis maçon de profession qui sait bâtir des intrigues en béton armé et charpenter des personnages en bois massif. Sur Robbins, pas grand chose à rajouter : il se contente d'encaisser les coups comme un phoque sur la banquise, vulnérable et adipeux, de nouveau pris pour cible, la faute à son charme naturel de charognard à la manque.


1er jour de tournage : Sean Penn sort de sa caravane et s'en prend à Tim Robbins. La prod' est obligée d'appeler la police pour calmer la vedette.

Attaquons-nous au gros morceau. Sean Penn dit avoir "tout appris" de ses deux métiers (acteur et comédien) sur ce film. Sous les ordres d'Eastwood, dont il partage les opinions politiques d'extrême-droite, la collaboration fit des étoiles. Habité et enragé par son rôle, Sean Penn, chaque matin, à peine sorti de sa caravane, surgissait sur le plateau tel un boxer trop longtemps calefeutré sur son tabouret dans l'angle du ring, et mettait des roustes à Tim Robbins, quant à lui clairement engagé à gauche (pour rappel, la "gauche" en Amérique correspond grosso mierdo à notre FN français), soit à l'opposé de l'échiquier politique au pays de l'Oncle Sam. 


 2ème jour de tournage : sur le qui-vive, la police stoppe un acteur trop préparé pour le rôle, juste avant que son pied ne touche le pas de la porte de sa caravane.

Sale ambiance sur le plateau, mais comme souvent au cinéma, c'est dans les pires conditions qu'on chie des pépites d'or. Pour preuves, l'animosité qui régnait entre Humphrey Bogart et Lauren Bacall, qui les a amenés à en découdre plus que souvent, ou encore Paul Newman et Bob Redford, dont l'inimitié légendaire a pourri plus d'une cérémonie prestigieuse (dieu merci le sang ne se voit pas sur un tapis rouge) et ruiné plus d'un tournage, mais accouché de quelques merveilles instantanées.


3ème jour de tournage : la colère ne faiblit pas. Avant même d'avoir pris sa douche et après une nuit de cauchemars, Sean Penn débaroule hors de sa caravane tel un lion  hors de sa cage. Tim Robbins est sous bonne garde.

Bref, le Penn, Shaüwn Penn, ce facho reconnu, qui est l'incarnation du smiley inversé (":-("), n'a pas eu à se forcer pour tirer une tronche de dix kilomètres de long avant, pendant et après chaque clap du maître de guerre Eastwood. Rappelons que ce dernier, peu de temps avant, incarnait son propre rôle de Casper dans le film Casper. Il faut donc bien dire que Mystic River a été le film coup de poing d'Eastwood, c'est à partir de là qu'il a renoué avec la critique et le succès. Les journalistes ont un peu mis de côté ses engagements politiques de fumier (ultra libéral, chacun pour sa peau, oeil pour oeil dent pour dent, an eye for an eye et and a tooth for a tooth, l'oeil était dans la tombe et regardait Casper, pro-NRA, pro-IVG, go-vegan, healthyfood, fitness therapy, etc.), pour le consacrer grand manitou du cinéma américain néo-classique aux côtés de Cristi Puiu et Cristian Mungiu. Nous ne tarirons pas d'éloges sur ce film, puisqu'on vient de lui en faire pas mal. 


 Dernier jour de tournage : Sean Penn n'aura pas réussi à "se faire" Tim Robbins. Plusieurs policiers de Baltimore sont mis au vert pour quelques mois. Ceux-là mêmes qui disent avoir régulé le soulèvement de Los Angeles en 1963 affirment avoir eu plus de difficultés à maîtriser "le Penn".

Ce film nous a marqués à jamais (si c'est bien dans celui-là qu'un vieux raciste apprenti boxer récure sa bagnole en proposant un échange entre un petit gamin et un joueur de rugby à qui il répète en boucle "Mo Cuisha") - sacré Lehaine ! On se souvient encore de cette image finale, un regard-caméra d'école, où Kevin Bacon, sis à côté de Laurence Fishburne à l'enterrement de feu l'innocent et saint Tim Robbins, fixe le Penn du regard (et à travers lui le spectateur, complice de sa culpabilité) en lui adressant un clin d’œil qui veut dire "Je sais tout, et je ne ferai rien, puisque t'as déjà neigué Robbins, qui de toute façon allait finir comme tel". Un deus-ex-machina qui nous laisse pantois. Décidément, cette rivière sur laquelle on voit défiler le cadavre de Robbins, gonflé d'eau comme un gnou ayant su échapper aux crocos mais un peu trop soiffard, était vraiment mythique. Le dicton ne dit-il pas : "Reste le cul vissé à la berge, tu verras passer le corps de Tim Robbins" ?


Mystic River de Clint Eastwood avec Sean Penn, Tim Robbins, Kevin Bacon, Lawrence Fishburne, Laura Linney (2003)

Crazy Stupid Love

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Dans quelques jours, sortira sur nos écrans le phénomène La La Land. Au cœur de ce phénomène, un couple vedette qui attire tous les regards et a su redonner à Hollywood tout son charme glamour, j'ai nommé Emma Stone et Ryan Gosling. Couple à la scène comme à l'écran, les deux acteurs s'étaient déjà croisés plus d'une fois sur la toile. Leur première rencontre remonte à Crazy Stupid Love, une comédie romantique réalisée par un autre couple à la campagne comme à la ville, Glenn Ficarra et John Requa. Ces deux-là s'étaient fait remarquer en 2009 avec I Love You Philipp Morris, autre comédie dont nous gardons tous un très mauvais souvenir, qui narrait la romance impossible entre deux hommes : un détenu et un policier, incarnés par des stars sur le déclin (Jim Carrey et Ewan McGregor). Crazy Stupid Love a confirmé la spécialisation dans la comédie bas de gamme du duo de cinéaste d'origine porto-ricaine depuis condamné au silence et dont l'aventure a inspiré le musical West Side Story. #coupledepacotille




Petit rappel des faits. Lors d'un dîner en tête-à-tête avec sa femme, Steve Carell apprend que celle-ci veut divorcer et qu'elle le trompe. Au bord du gouffre, il noie son chagrin dans l'alcool à 90°, réservé théoriquement au lavage du linge très sale. J'ai par ailleurs fait l'acquisition récente d'une machine à laver 9 litres, ce qui beaucoup trop pour un homme célibataire bien qu'en couple comme moi, n'hésitez donc pas à envoyer votre linge sale à ilaose-at-gmail-dot-com. Revenons à Carell : bien décidé à ne sombrer dans la dépression, il espère rencontrer l'âme-sœur. Pour retrouver confiance en lui et devenir un expert en séduction, il fait appel aux services de Ryan Gosling, qui devient son coach personnel. Tout d'abord proposé à Will Smith, celui-ci aurait décliné la proposition par peur que ce rôle lui colle à la peau, obligeant les réalisateurs siamois à se tourner vers un choix plus risqué. La relation entre Steve Carell et Ryan Gosling, acteur comique confirmé d'un côté et sex-symbol au potentiel humoristique avéré de l'autre, n'offre malheureusement aucune étincelle à l'écran. Non, c'est seulement quand Emma Stone apparaît que le film gagne un brin d'intérêt. Séducteur à qui personne ne résiste, Ryan Gosling se trouve en effet bien incapable de conquérir le cœur de la jeune femme. S'engage alors un jeu de chat et de la souris qui ravira les amateurs de Titi et Grominet.




L'histoire de Gosling et Stone prend progressivement le pas sur les tristes mésaventures de Steve Carrell, littéralement mis sur le bas-côté lors d'une scène de route indigne. On ne s'en plaindra pas. Après l'avoir cherché dans de nombreux films, il semblerait que Ryan ait trouvé en la red Emma Stone sa Blue Valentine... C'est le "love at first take". Les deux tourtereaux inscrivent alors leur nom directement dans le panthéon des #coupledelégende. Leur alchimie n'a pas d'égale. Leur charme, leur compatibilité évidente, nous laissent songeur.  En ces temps sombres, ils nous invitent même à reconsidérer les grandes théories panthropiques détaillées par James Blish. Le futur de l'homme passe peut-être par eux. Il faudrait envoyer leur sperme dans l'espace au quatre vents. Si des aliens tombent là dessus, ils voudront forcément nous rencontrer pour nous défoncer. Il faudrait semer la vie sur les exoplanètes étrangères avec leur sperme. S'ils font un gosse, par pitié, qu'ils nous en gardent un... Il faut sauvegarder leurs gênes. Congeler le sperme de Stone, conserver les ovules de Gosling. En attendant, nous nous contenterons de regarder leurs films... #MytheDeCinéma




On terminera cette critique par une petite astuce, par un petit secret beauté, que le beau Ryan (Ryan Gosling) nous offre dans les boni du DVD zone A. Si vous avez les cheveux gras et que vous ne voulez pas les laver, contentez-vous de suivre la technique suivante : avec un bon gros pinceau (taille 8), appliquez de la maïzena au niveau de vos racines. Attention, cependant, à ne pas abuser de la maïzena. Il en faut simplement tremper le bout du gros pinceau, que vous tapotez bien avant sur le rebord du lavabo. Après l'avoir appliquée avec soin, laissez reposer la mixture 10 minutes environ. Procédez ensuite à un bon petit brossage frénétique. Matez-vous alors dans la glace, et vous découvrirez des cheveux comme neufs ! Vous en doutez ? Demandez à EmmaStone... #MademoiZelle


Crazy Stupid Love de Glenn Ficarra et John Requa avec Ryan Gosling, Emma Stone et Steve Carell (2011)

La La Land

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L'année cinéma 2017 démarre sur les chapeaux de roues avec la sortie, dès le 25 janvier du premier mois de l'année, de La La Land, le très attendu second long métrage du jeune et prometteur Damien Chazelle. Ce cinéaste américain de lointaine origine française (de par son père), déjà auteur du remarqué et remarquable White Splash(parfois connu sous le titre BlackFish), trustera encore une fois les tops de fin d'année avec ce nouveau titre qui ravira les amateurs de musique, de danse, de jazz, de salsa ou, tout simplement, de bon cinéma. On tient là une oeuvre à la fraîcheur vivace et sincère, à la bonne humeur communicative et tombant à point nommé en cette ère glaciale de post-vérité. Nous sommes prêts à y laisser nos chemises respectives : on n'a pas fini d'en entendre parler...  




Ryan Gosling interprète ici Jazz Man, un trompettiste de jazz-salsa condamné à jouer les mêmes ritournelles dans des clubs miteux de Los Angeles, la "ville rose", pour rejoindre les deux bouts et arrondir des fins de mois plus que difficiles ou, comme il le dit en français dans le texte, "mettre des pâtes dans son eau". Son régime alimentaire se résume à quelques vertébrés victimes de collisions et autres asticots faisandés. Un beau jour, le jeune éphèbe à qui tout ne réussit pas croise la route de Mia Clarke (Emma Stone), une femme débonnaire aux dents qui rayent le parquet, prête à vendre son âme au Diable pour devenir actrice à Hollywood et enchaînant, en vain, les auditions. Le film de Damien Chazelle nous raconte, en musique s'il vous plaît, l'idylle terrible de ces deux roux rêveurs condamnés à cirer le parquet, auquel le destin réserve bien des surprises. Dès les premières minutes de ce "musical" revisité, le spectateur est invité à suivre ces deux personnages attachants à la trace, quitte à en avoir la tête qui tourne. Car il faut les suivre, les tourtereaux en rut, dans ce tour de manège qui ne prendra fin qu'aux mots "The End". 




Si, politiquement, l'année s'annonce particulièrement morose et tendue, elle est, cinématographiquement, lancée sous les meilleurs auspices grâce aux talents conjugués de Ryan Gosling, Emma Stone et de leur chef d'orchestre Damien Chazelle. Alors que l'on croyait dans le prophétique Jeff Nichols pour incarner le renouveau du cinéma américain, il semblerait que le messie s'appelle, non sans ironie, Damien. Avec son premier long métrage, le réalisateur avait su éveiller les consciences et défendre les cétacés en jouant carte sur table et en pointant beaucoup de doigts. Pour ce nouveau film, le new yorkais abandonne sa véhémence et sa chasuble de la CGT, il nous propose un grand bol d'air frais, une véritable soupe à la grimace, cuisinée aux petits oignons.




S'il souhaitait reproduire ce film à l'identique, 9 fois sur 10 il se louperait. La La Land (dont le titre se prononce "Lay Lay Land", pays d'Oncle Sam oblige) multiplie les grands moments de cinéma et nous laisse un peu KO, chancelants dans nos fauteuils de velours, dont l'humidité atteste que nous avons passé 100 minutes de folie douce. S'il osait déjà beaucoup dans White Splash, Chazelle abandonne ici le cheval à son harnais et parie davantage que la somme de toutes les mises engagées. On s'étonnera néanmoins de ces nombreux passages où des sous-titres chinois sont cachés par des sous-titres français, affichés par-dessus, avant de saisir le message de Chazelle. C'est encore un choix de mise en scène courageux et novateur, un pied-de-nez adressé au lecteur et un message sans concession sur notre village-monde à la communication si difficile et invasive... 




Le fils de Mary-Ann et de Christian Keyboard filme avec une bravoure et un sens du rythme peu communs, emporté par des acteurs en ébullition dont l'attirance physique réciproque ne fait plus aucun doute. Emma Stone, déjà brillante dans Harry Potter (dont La La Land peut être perçu comme une suite enchantée), sort enfin de l'ombre de ses aïeuls. La fille de Sharon et Oliver Stone n'a jamais paru aussi à l'aise devant une caméra. Elle s'impose comme la digne successeuse de Marylin Monroe, près d'un siècle après la disparition tragique de celle-ci (il était temps !). Un Oscar lui est désormais promis, et nous nous joindrons aux applaudissements nourris qui accompagneront son triomphe écrit d'avance. L'actrice sonne le glas des espoirs révolutionnaires, jugulés par ailleurs dans les autres grandes nations européennes. Elle laisse le pendu choisir sa corde et sa performance est à se damner.




Et que dire de Ryan Gosling ? Durant tout le film, on se demande qui fait quoi, et si ça n'est pas Ryan qui dirige Damien ou l'inverse ! L'acteur avait confié à une télé anglaise en septembre 2008 qu'il avait pris une taille de plus, une information capitale qui ne laisse pas de doute sur son pragmatisme d'homme de terrain. Dans ce rôle, Ryan Gosling est comme un swap dans l'eau. Petit à petit, le plus grand acteur de sa génération décroche la bourgeoise à son thé... sans épargner le manant ni le banquier. On peut hélas constater par intermittences que la peau trop parfaite, diaphane, immaculée, du sex-symbol surdoué a parfois posé de gros problèmes aux différents directeurs photos engagés sur le projet, incapables de le saisir à l'image. La star n'est pas toujours perceptible à l'écran, on ne la voit pas comme il faut. Scarlett Johansson posait le même problème avant son premier enfant. On devine aisément que Ryan Gosling a signé le contrat sans avoir lu toutes les mentions en-bas de page, au petit bonheur la chance, mais avec sa générosité légendaire, et son courage en bandoulière. Dans l'ombre du couple vedette, nous retrouvons l'inévitable J. K. Simmons (cocorico !), de nouveau appelé pour jouer un personnage dénué de cheveux. L'acteur, qui a également accepté un rôle muet, ne prend jamais la parole malgré toutes les fois où on l'y invite. Le résultat à l'image est étonnant. 




Festival sonore et pyrotechnique, vibrant hommage à l'âge d'or du cinéma hollywoodien, La La Land est un poème macabre, une oeuvre païenne qui, si elle ne descend pas la pente à vive allure, sait la remonter sans difficulté car son moteur est solide. Un film généreux et altruiste qui, contrairement à l'hôpital, ne se fout pas de la charité. Une date. Un rendez-vous.


La La Land de Damien Chazelle avec Ryan Gosling, Emma Stone et J. K. Simmons (2017)

Good Kill

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Évacuons vite la question du film d'Andrée Niccol, qui ne fonctionne tout simplement pas. Good Kill est un film de guerre sur des pilotes de drones vissés derrière leurs écrans et victimes de petites crises de conscience quand, le soir venu, ils rentrent chez eux et ont du mal à tirer un bilan positif d'une journée passée à déglinguer à coups de clics droits des arabes innocents. Cela ne fonctionne pas. L'idée était belle, puisqu'il y a double dénonciation : l'Amérique de Bush, les drones, le web. Mais encore une fois Andrée Niccol se fourvoie car cela ne fait pas un film, pas entre ses mains malhabiles en tout cas. Par contre, ce qui fait un film, c'est Ethan Hawke, l'aigle fin du cinéma américain, qui survole en maître l'art et la culture de son pays. Et vu que son pays domine le monde, le requin andalou ne domine-t-il pas l'art et la culture de la planète ?


Hawke a enfin trouvé un joujou à sa démesure.

L'autre soir, nous étions en afterwork, ces soirées arrosées où l'on dépense en liquides l'argent durement gagné la journée, avant de se plaindre 15 jours avant la fin du mois d'être ric-rac. La discussion s'est orientée vers le cinéma, notre domaine de prédestination. Nos camarades de beuveries ont alors évoqué le récent Boyhood, vociférant sur la performance jugée pathétique d'Ethan Hawke, arguant que cet acteur "ne sait rien et ne sert à rien". Nous n'avons pas infirmé la première partie de leur thèse, car il est vrai qu'Ethan Hawke est connu pour être un véritable puits d'ignorance, lui qui affirme avoir tourné la trilogie Before Sunrise/Sunset/Sundown sous les ordres de la réalisatrice Julie Delpy et aux côtés de l'acteur Richard Linklater. La petite histoire raconte* qu'Ethan Hawke scia tout son auditoire lors de sa première audition, pour un petit rôle muet d'amnésique, quand, le directeur de casting lui demandant de se présenter, il répondit par un gonflement de joues en levant les deux paumes vers le ciel, l'air de dire "Hein ?"


On compte plus de cratères sur sa la peau de Hawke que sur tout le sol irakien.

En revanche, nous nous sommes portés caution et mis en porte-à-faux pour désamorcer la seconde agression, selon laquelle notre idole ne servirait à rien. Nous nous sommes bien renseignés sur lui, avons passé quelques coups de fil, nous sommes rendus sur le terrain, avons épluché une paire de bibliothèques, et nous pouvons aujourd'hui dresser un portrait robot de l'individu Ethan "Thelonious" Hawke. D'abord, c'est le mec serviable par définition, l'altruisme fait homme, sa mère le définit comme une perle. Dès que le projet se monte de préparer une quiche, Ethan se désigne pour tailler les oignons. Dès que l'intuition germe de faire tourner une machine, Ethan sait parfaitement comment traiter, laver et sécher les différents linges et types de tissus, fort de l'expérience accumulée par son père, qui était gérant d'une laverie. C'est l'homme à consulter quand on se pose une question sur le bon chargement d'une batterie (de téléphone, d'ordinateur, de voiture, de casseroles, etc.). Il répond aussi présent pour effectuer tous les menus travaux domestiques (dixit sa mère, madame Hawke). Cette dernière nous a conté une petite anecdote. Un beau jour, Ethan lui demanda de recoudre un bouton de chemise récalcitrant. La surprise de maman Hawke fut immense en découvrant, après avoir refusé d'accéder à la requête de son bambin faute de temps libre, que son fils beau comme un cœur s'était emparé du problème en raccommodant le bouton avec du scotch. Comme quoi il ne sait pas tout à fait rien.

* Ethan Hawke, une vie d'aigle fin, op. cit., Éditions Le Tout-Venant, Paris, 2001. 


Good Kill d'Andrée Niccol avec Ethan Hawke (2015)

A Hologram for the King

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Si c'est pour le cinoche que vous matez des films, celui-ci ne présente aucun caractère d'urgence. Si c'est pour Tom Hanks, en revanche, y'a matière. Oh, pas qu'il soit particulièrement remarquable dans ce rôle de représentant de commerce parti vendre une technologie de visioconférence par hologramme au roi d'Arabie Saoudite. Disons qu'il brille dans ce rôle comme dans tous les autres. Il incarne un type un peu sur le retour. Son personnage est divorcé, à sec, bosse pour payer des études à sa grande fille, est en léger froid avec son père depuis qu'il a contribué à délocaliser l'entreprise pour laquelle il bossait de Boston vers la Chine, et lutte contre un jetlag de tous les diables tout en découvrant un pays assez surprenant. Le titre du film, merdique, résume le pitch en même temps qu'il est trompeur, puisque la scène où Hanks présente l'hologramme au roi dure environ 10 secondes et n'a aucun intérêt.




L'intérêt est tout autre. Il est d'admirer Tom Hanks, toujours en grande forme. Le comédien sur-oscarisé s'est lié d'amitié avec le réalisateur allemand Tom Tykwer (auteur de L'enquête) sur le tournage de Cloud Atlas, que Tykwer Tom a co-réalisé avec les sœurs Lilly et Lana Wachowski, et c'est ainsi qu'a germé l'idée d'A Hologram for the King. Dans ce film, Tom Hanks est de tous les plans et nous rappelle qu'il a plus d'une corde à sa harpe. On le voit faire des cascades (innombrables chutes de sa chaise), on le voit suer des litres sous le cagnard, on le voit se torcher au whisky, s'écorcher vif avec un couteau, battre un record d'apnée en eau claire, avoir une panne sexuelle, lutter contre une excroissance pré-cancéreuse (pas nombreux les acteurs qui accepteraient de traverser un tel drame pour les besoins d'un film), faire de longs trajets en bagnole, parler avec bonne humeur et de sa voix de baryton sexy à tous les figurants sans exception quitte à essuyer quelques vents désagréables, manger des keftas assis par terre, subir une opération à cœur ouvert, arpenter le désert saoudien (le film a été tourné sur place, plus précisément à Rabat) avec un foulard sur la tête, chasser le loup des steppes au fusil à lunette, tomber amoureux d'une femme-médecin pleine aux as et renouer avec les délices de l'érection. C'est peut-être rien pour lui, mais pour ses fans c'est une brique de plus posée sur l'échafaud de sa terrible carrière et de sa non moins terrible vie, tout simplement. Bravo et merci oncle Hanks.


A Hologram for the King de Tom Tykwer avec Tom Hanks (2016)

Yourself and Yours

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Le nouveau film de Hong Sang-soo n'est pas aussi passionnant que le précédent (Un jour avec, un jour sans), mais il n'en est pas moins intéressant et émouvant. Au début (ou presque), les deux personnages principaux, Youngsoo et Minjung, qui sont en couple, se disputent. Des amis de Youngsoo lui ont affirmé avoir vu Minjung boire avec excès dans divers bars de la ville, alors qu'elle avait promis à son amant de ne boire que modérément (cinq verres, pas plus...). Youngsoo se sent trahi, en veut à Minjung et le lui fait savoir sans prendre de gants, en pleine nuit, avec cris et insultes. Minjung, blessée, s'en va en lui précisant qu'il vaut mieux qu'ils évitent de se voir pendant quelque temps. A partir de là, Youngsoo ne va avoir de cesse que de retrouver Minjung, arpentant la ville en béquilles (à partir du moment où Minjung est manquante, Youngsoo n'évolue plus que sur une jambe), avec l'aide de son ami à la langue bien pendue, tandis que cette dernière va rencontrer plusieurs hommes, dans des bars évidemment, en prétendant systématiquement ne pas les connaître ni les reconnaître d'une scène à l'autre.




On retrouve le goût du jeu de Hong Sang-soo à travers l'étrange Minjung, dont on se demande un moment si elle est double ou non. Le cinéaste coréen continue d'explorer la question du personnage, de l'identité et de la variation en créant un nouveau jeu de piste autour de Minjung, qui peut-être ment effrontément pour se jouer des hommes qui la courtisent, qui peut-être souffre d'amnésie chronique ou qui encore possède réellement une sœur jumelle comme elle l'affirme au début du film à l'un de ses futurs prétendants. Mais assez vite, on peut  affirmer (grâce à quelques indices vestimentaires, au gré d'un raccord ou deux) qu'il n'y a qu'une Minjung, et qu'elle pratique le mensonge comme par addiction, pour nier sa présence dans les bars et sa propension à séduire malgré elle, ou bien pour se protéger, tout simplement.




A vrai dire, le film s'amuse moins à brouiller les pistes (c'est rarement, sinon jamais, le but de Hong Sang-soo) qu'à observer les deux personnages évoluant l'un dans son obsession douloureuse et l'autre dans sa fantaisie triste (sans que le film soit ni douloureux ni triste, bien au contraire, et la petite musique sympathique qui revient régulièrement faire la liaison y contribue). Pour aboutir à une conclusion qui rehausse l'ensemble, ouvre le film et délivre une émotion digne peut-être de celle qui émanait de la fin du Conte d'hiver ou des Amours d'Astrée et de Céladon de Rohmer. Je sais qu'il est convenu de comparer Hong Sang-soo à Rohmer, mais c'est peut-être la première fois, du moins me semble-t-il, que la ressemblance se situe de façon si nette sur le plan de l'émotion et de la résolution en forme d'épiphanie amoureuse, quand Youngsoo et Minjung acceptent d'un commun accord de jouer le jeu de la jeune femme, de tout miser sur le mensonge partagé, consenti, heureux. Youngsoo, surtout, reconnaît son erreur, s'être fié à des ragots et avoir nié à Minjung sa liberté. Une femme, en couple de surcroît, seule dans un bar, qui boit et parle avec un homme, est en faute. Ce n'est pas la première fois que Hong Sang-soo, qui multiplie ici les plans sur des hommes au comptoir dévisageant et jugeant Minjung gratuitement, remet en question ce type d'attitude masculine, cette propension des hommes à ranger les femmes dans des cases et à les enrober de discours pré-fabriqués, puisque c'était déjà présent notamment dans Sunhi. Quand Youngsoo remet en question son comportement paternaliste et possessif, le couple peut repartir de zéro, rejouer son histoire avec plutôt que sans.


Yourself and Yours de Hong Sang-soo avec Kim Ju-Hyeok, Lee Yoo-Young et Hae-hyo Kwon (2017)

Loving

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Devinette : qu'est-ce qui est long, plat, lourd et qui a flingué ma soirée ? Réponse : Loving, de Jeff Nichols. Après le très décevant Midnight Special, excursion ratée dans la science-fiction intimiste, le cinéaste jadis si prometteur se compromet une nouvelle fois avec ce mélodrame au moins aussi creux que sa tagline française "L'amour plus fort que la haine". En parlant de tagline, il semblerait que Jeff Nichols se soit mis pour but de donner raison à cette citation facile qui faisait de lui "le nouveau Spielberg" et qui traversait l'affiche de son précédent film. Suite à Midnight Special, croisement bâtard entre Rencontre du 3ème type et Starman, Jeffrey Nichols signe ainsi son mélodrame historique, engagé pour la cause noire, tel un La Couleur Peuprou 2.0, dont on se serait volontiers passé... 




Comment le réalisateur croit-il que l'on pourra se passionner pour cette histoire telle qu'il choisit de nous la raconter ? Dans les années 50, les époux Loving sont exclus de leur état, la Virginie, où le mariage "interracial" est interdit par la loi. Quelques années plus tard et suite à une bataille judiciaire pendant la montée des droits civiques aux États-Unis, l'amour des Loving rendra inconstitutionnelles les lois interdisant les mariages "interraciaux". Le film de Nichols est la plate retranscription visuelle de ces quelques lignes qui pourraient être copiées de l'article wikipédia consacré aux Loving. Mais attention, ne croyez pas que Jeff Nichols a perdu tout ce qui faisait sa particularité. Loving n'est jamais désagréable pour les yeux, bien au contraire, le cinéaste conserve un style agréable et ne propose que de bien belles images à la lumière et au cadre très soignés. C'est là tout le bien que je dirai de son nouveau bébé.




En revanche, depuis deux films maintenant, il semblerait que Jeff Nichols ne sache plus du tout comment nous captiver, comment faire vivre ses personnages et donner du souffle à son scénario. Quand Loving commence, le couple est déjà formé. A l'exception d'une petite scène assez jolie où Richard Loving (Joel Edgerton) amène sa dulcinée (Ruth Negga) dans un champ pour lui dire, grosso mierdo, "Tu kiffes ce bout de terre ? Bah je viens de l'acheter pour quelques sous... J'y construirai notre maison. Tiens là, tu te tiens pile poil dans la cheminée", eh bien à part cette courte scène et cette tirade mignonnette, jamais nous ne sommes un tantinet touchés par l'amour qui lie les deux personnages. Celui-ci devrait exister très fort à l'écran pour que nous puissions ensuite être atteints par l'injustice cruelle qui frappe le couple, mais ça n'est jamais le cas. Et nous regardons les jolies images défiler à l'écran en se sentant très peu concerné, en luttant contre le sommeil et en attendant désespérément que quelque chose se passe, que le film prenne son envol. Ce qui n'arrive évidemment jamais. Même la partie davantage consacrée aux démarches judiciaires qui permettront au couple de retourner en Virginie est terriblement peu captivante. On est très loin de l'efficacité de certains films américains en la matière...




Face à un si morne spectacle, on se demande presque ce qui fait tant souffrir nos deux personnages, simplement condamnés à ne plus remettre les pieds dans leur état natal. Loving est si pauvre qu'il ne parvient même pas à nous mettre en rage contre cette injustice, qui apparaît comme bien peu de chose. On finit quasiment par prendre en grippe les Loving. Il faut dire que les acteurs ne nous aident pas beaucoup... Je doutais de la capacité de Joel Edgerton, d'ordinaire condamné aux seconds rôles, à porter un film sur ses épaules. Jeff Nichols m'a donné raison en confirmant mes doutes. Edgerton est insupportable là-dedans. On a envie de le secouer. Parce qu'il joue un type un peu rustre et taiseux du Sud, il passe tout son temps les bras ballants, la tête basse, la mine mauvaise, le dos courbé et le pas lourd, comme s'il portait toute la misère du monde sur les épaules. Sa compagne Ruth Negga s'en tire un peu mieux bien qu'elle soit parfois assez difficile à encaisser. L'actrice donnait plus de consistance à son personnage dans le méconnu Isolation, film d'horreur irlandais dans lequel elle incarnait une jeune vagabonde attaquée par un veau mutant... Son jeu est ici trop prévisible. Quand elle répond au téléphone, qu'elle entend à l'autre bout de la ligne "Mme Loving ? J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer", qu'elle s'accroche alors au mur en tirant une tronche pas possible, la bouche grande ouverte, la main sur la poitrine, les yeux exorbités, on a simplement envie que son interlocuteur enchaîne en disant "Non, je suis désolé, la bonne nouvelle, c'est pour ma pomme : je ne veux plus avoir affaire à vous, vous m'exaspérez, je vous devine, là, avec l'air grave, jouant si mal, et ça me suffit, j'ai eu ma dose. Adios !". 




Autre constat bien triste : Jeff Nichols livre un film sans vie et d'une monotonie affligeante. Le temps passe, l'histoire se déroule sur près de dix ans, le couple met au monde trois enfants (deux garçons, Donald et Romuald, et une fille, Gérald - autant de gamins dont on se fout éperdument), les années défilent, mais rien ne se passe, rien ne change. Des moments de joie pourraient ponctuer le film et nous permettre d'apprécier les Loving, d'éprouver des choses avec eux, de vivre à leurs côtés... Que nenni. On ne les voit ainsi jamais faire l'amour. Ça paraît bête à dire, mais pour un couple que nous ne voyons guère non plus se former, c'est encore plus difficile de croire en leur passion. Les Loving apparaissent comme une simple anecdote historique, trop platement mise en image. Film de Jeff Nichols oblige, Michael Shannon vient faire son petit numéro dans la peau du photographe du magazine Life dépêché pour immortaliser le couple vedette et sa bataille judiciaire. Comme il incarne un photographe, l'acteur porte en permanence son lourd appareil autour du cou. Cela le gêne beaucoup lors d'une scène de repas pénible où l'objectif traîne dans l'assiette. Le film est à l'image de cet appareil, de ce photographe et de l'image qu'il saisit : lourd, maladroit, d'un autre âge. La célèbre photographie de Life où le couple rigole, dans la position dite de la cuillère sur le canapé, devant la télé, dont nous voyons ici l'envers, recèle d'ailleurs plus de vie que l'intégralité du film de Jeff Nichols.




Jeff Nichols fait également preuve d'une maladresse qui nage à contre-courant de son propos. Il s'agit simplement de quelques dialogues mal écrits, de mots très mal choisis, et de personnages traités par-dessus la jambe, en l’occurrence les gamins Loving. Je fais ici allusion à cette scène durant laquelle Mme Loving regarde ses trois mômes s'amuser dangereusement dans les escaliers sa petite maison et déclare, dépitée, "Ils ne sont pas faits pour vivre ici, ils devraient jouer dans les champs", comme si elle parlait d'animaux trop malheureux d'être en cage... Une autre scène nous montre les trois marmots s'amuser dans la rue (ils sont intenables !), l'un des gamins traverse la rue pour récupérer un ballon et finit sur le capot d'une bagnole. Le conducteur n'est aucunement fautif, ce sont les enfants qui nous sont montrés comme étant inaptes à la vie citadine, trop sauvages pour intégrer les règles les plus basiques de sécurité (à savoir : mater à droite à gauche avant de traverser). Bref, c'est naze. En plus de se contrefoutre de ces trois petits dont les naissances ne sont guère filmées et auxquels Jeff Nichols ne s'intéresse jamais, on finit par les mépriser un peu. 




La musique est au diapason. Les violons sont de sortie. C'est lourd, lourd, lourd. Comme ces plans répétés sur les murs que construit Richard Loving, maçon de son état. Ses images de briques et de pelles transportant du béton qui jalonnent le film semblent là pour nous rappeler que ce sont les petites gens, les Loving et compagnie, qui participent, de par leurs luttes quotidiennes, à la construction d'une nation. C'est beau, c'est fin, c'est signé Jeff Nichols, cinéaste à l'inspiration en voie d'extinction... 


Loving de Jeff Nichols avec Joel Edgerton et Ruth Negga (2017)

Silence

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Silence de Martin Scorsese avec Andrew Garfield, Adam Driver et Liam Neeson (2017)

Desierto

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En lançant Desierto, j'avais peur de tomber sur un film engagé, au propos lourdingue, porteur d'un message se voulant fort sur l'immigration mexicaine aux Etats-Unis. La présence de Gael Garcia Bernal en tête d'affiche, habitué aux films sociaux, a participé à m'induire en erreur. En réalité, le sujet n'est que le prétexte d'un thriller tout ce qu'il y a de plus minimaliste puisqu'il s'agit, pendant près de 90 minutes, de voir des pauvres chicanos pris en chasse par un immense taré appliquant sa politique d'immigration personnelle, qui les flingue un à un et lance un chien fou à leurs trousses. Vers l'heure de film, Jonás Cuarón juge judicieux d'ébaucher un peu ses personnages et nous propose les premiers véritables dialogues entre les deux derniers survivants. Hélas, ça ne prend pas, c'est beaucoup trop tard et on s'en contrefout complètement. On préférait presque le clébard, aussi agressif soit-il, dont la mort, impressionnante et ridicule, survenant quelques minutes auparavant, lui rend fort peu hommage. A ma connaissance, c'est bien le seul film où l'on voit un chien crever ainsi, flingué par Gael Garcia Bernal, qui lui fourre la fusée d'un pistolet de détresse en pleine gueule ! Le chien, devenu pur CGI, s'illumine littéralement de l'intérieur, se met même à clignoter étrangement tout en couinant à la mort, et finit par prendre laborieusement feu. Son maître verse une larme en retrouvant les morceaux calcinés du toutou, qui émet encore quelques râles absurdes malgré qu'il soit tout à fait mort (léger couac de synchronisation entre l'image et le son à souligner lors de cette scène, pourtant la plus marquante du film, dommage...).




Ma compagne lisait à côté pendant que je matais ce truc. A un moment donné, elle a levé les yeux, froncé ses longs sourcils puis m'a demandé avec une intonation faussement neutre : "C'est quoi ce film ?". Je ne savais déjà pas trop quoi lui répondre. En quelques secondes, elle avait compris en quoi ça consistait. "Euh c'est Desierto, c'est des mexicains qui essaient de passer la frontière et y'a un mec qui se les fait, je m'attendais pas trop à ce que ça prenne cette tournure...". "Pourquoi tu regardes ça ?". Là encore, j'étais pris au dépourvu, je me sentais coincé dans l'angle de mon canapé, pris en étau entre ses deux sourcils. J'avais mes raisons, mais elles n'étaient pas bonnes, et je le savais. J'essayais quand même péniblement de me justifier. "Bah... Il était déjà 22h, je voulais un film pas trop exigeant, que je pouvais éventuellement arrêter avant la fin... [blanc] C'est le fils du gars qui a fait Gravity... [gros blanc] Et y'a un acteur qui joue parfois dans des films intéressants, celui avec la casquette-là, Gael Garcia Bernal... Tu le connais pas ? Il plaît aux filles, téma...". Elle n'a même pas regardé ledit acteur et s'est levée pour aller continuer à lire dans la chambre. J'avais perdu des points. Et le film se poursuivait lamentablement... 




Je n'ai donc pas compris ce film, que j'ai dû couper net au bout d'1h08 parce qu'il était en mkv et que mon lecteur ne permet pas de faire avance rapide sur les fichiers de ce format. Quand on voit avec quel malin plaisir Jonás Cuarón filme ces pauvres mexicains chercher des cachettes dans le désert, se faire tuer un à un par un as de la gâchette, on se demande bien ce qui l'anime, tout comme on se demande quel est l'intérêt de ces gerbes de sangs ajoutées numériquement aux pauvres cibles humaines qui tombent les unes après les autres. Bon, je ne doute pas que Jonás Cuarón fasse partie des "anti-Trump", comme son papa et comme pratiquement tout Hollywood, mais son film est tellement bête... 


Desierto de Jonás Cuarón avec Gael Garcia Bernal, Jeffrey Dean Morgan et Anne Hidalgo (2016)

La Chanson de Roland

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Réalisé par Frank Cassenti, La Chanson de Roland ne parle pas de mon oncle, mon tonton port-de-boucain, celui qui mange 10 yaourts chaque soir sous peine d'avoir les nerfs qui "craquent". Non, le film parle d'autre chose. Il raconte non seulement, comme son titre l'indique, l'épopée de Roland, la plus fameuse chanson de geste, avec Charlemagne, le roi Marsile et les sarrasins, Saragosse, le traitre Ganelon, le col de Roncevaux, le brave Olivier et la fameuse Durendal, mais aussi, et même surtout, l'histoire d'une troupe de comédiens et de pélerins en marche pour Saint-Jacques-de-Compostelle, au Moyen-Âge, passant de ville en village pour raconter la légende au gré de leurs étapes. Les acteurs du film incarnent donc tour à tour un comédien, troubadour de la troupe de Turold (le présummé auteur de la Chanson de Roland), et un ou deux personnages de ladite chanson.


Mon tonton frôle ce genre de comportement à l'égard de ceux qu'il appelle les "sarrasins". Sauf qu'il faudrait remplacer le cheval par une R5 et la cotte de mailles par un jogging Lacoste.

Le passage des conteurs aux héros racontés est très habile, aidé par un casting en or : Klaus Kinski, le fêlé, dans le rôle de l'acteur Klaus et de Roland, Alain Cuny, qui interprète un moine et le personnage de prêtre guerrier Turpin, Niels Arestrup (autrefois supportable), qui prête ses traits à un commerçant et à Oton, mais encore Jean-Claude Brialy, László Szabót, Dominique Sandale et Jean-Pierre Kalçon, qui incarne à la fois les deux rois ennemis, Charlemagne et Marsile, ainsi que Turold. Et, rapidement, c'est moins la geste de Roland qui fascine que le parcours des comédiens : leur difficulté à incarner tel ou tel personnage, l'apprentissage de la lecture, le sauvetage d'un supplicié enrôlé dans la troupe, la découverte d'un village décimé par des chevaliers, puis l'attaque qu'ils ont à subir, où la mort du poète finit par rattraper celle du grand héros. C'est la fin d'une certaine poésie, de la littérature contée, chantée, orale et itinérante. La mort de la voix, celle de Turold, portée par Jean-Pierre Kalfon, qui accompagne en off le récit, de sa voix douce, grave, posée, une voix de conteur qui contribue à nous immerger dans cette histoire doublement passionnante.


La Chanson de Roland de Frank Cassenti avec Klaus Kinski, Jean-Pierre Kalfon, Alain Cuny, Niels Arestrup, Jean-Claude Brialy, László Szabó et Dominique Sanda (1978)

10 Cloverfield Lane

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De films en films, Mary Elizabeth Winstead confirme tout son talent, toute son audace et toute sa beauté. Lecteurs fidèles, vous savez que nous suivons sa carrière de très près. Poulpard (aka "Brain Damage") et moi-même répondons en effet toujours présent pour saluer chaque performance de l'actrice. Celle-ci n'hésite jamais à apporter sa renommée grandissante à des projets modestes mais ambitieux, que ce soit pour le petit ou le grand écran, avec un penchant évident pour l'horreur, le fantastique et la science-fiction, ce qui n'est pas non plus pour nous déplaire. Lorsqu'elle joue la fille apeurée, nous fondons. De désir... Lorsque, malgré elle, elle se retrouve en petite tenue, enchaînée dans une pièce exiguë, des sentiments abjects nous inondent et nous comprenons l'attitude osée de son kidnappeur. La jeune américaine multiplie les choix de carrière judicieux et se retrouve ici en tête d'affiche de l'un des rares bons films de genre sortis au cinéma cette année. Quel nez (qu'elle a mutin) !




Huis-clos post-apo, 10 Cloverfield Lane n'est qu'un prétexte pour admirer Mary Elizabeth Winstead et assister à l'éclosion d'un personnage fort que l'on espère revoir très vite. En dehors du contexte d'une prétendue invasion extraterrestre qui aurait décimé toute l'humanité et n'aurait laissé que quelques survivants, MEW réalise les petits gestes du quotidien : se doucher, aller aux toilettes, manger des pâtes, déblatérer, jouer au pictionnary avec son ravisseur et assister, impuissante, à des drames (nota bene : ne pas jouer avec une arme dans un espace réduit). Nous suivons tout cela sans déplaisir. La fin du film, très réussie, érige Mary Elizabeth Winstead en une nouvelle icône de la science-fiction, en digne héritière de Sigourney Weaver. Le réalisateur parvient alors à saisir de véritables images bâtissant la légende d'une femme en action dans une combinaison de fortune confectionnée à partir d'un rideau de douche fantaisiste et d'un masque à oxygène (de loin la meilleure idée du film !). Une tenue colorée à l'impact visuel étonnant, qui tranche avec l'ambiance sombre et tendue de cette scène finale et que ne pouvait pas mettre en valeur n'importe qui. Souple, élégante, étalant face à la caméra toute sa force de caractère et son courage, MEW réussit à éviter le piège tendu par des aliens belliqueux sans jamais perdre de son sex-appeal. Les dernières minutes du film nous laissent rêver d'une future saga, en espérant que celle-ci soit pour Mary Elizabeth Winstead ce que Alien a été pour Sigourney Weaver. On attend de pied ferme 11 Cloverfield Lane !




Par ailleurs, nous vous conseillons l'Instagram de Mary Elizabeth Winstead. Il est assez facile de trouver des photos de sa jolie frimousse et de se délecter de son regard affûté sur la vie politique de son pays. Vous pourrez également constater, si vous croisez les informations de son compte Twitter, qu'il s'agit d'une personne simple et engagée, loin des paillettes et autres boules à facettes, ayant choisi une vie de couple posée plutôt qu'une débauche orgiaque que lui permettraient son corps et sa condition de femme. Le sous-homme qui partage sa vie et a réussi à lui passer la bague au doigt est soit le plus gros veinard de la galaxie soit le nouvel Einstein mais qui aurait non pas choisi de devenir expert en physique théorique mais en physique féminin, à la recherche de la femme idéale.


10 Cloverfield Lane de Dan Trachtenberg avec Mary Elizabeth Winstead et John Goodman (2016)

Le Carton

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Voici la liste que Fred Testot n'a jamais lue, sans quoi il se serait tiré une balle dans le front :

2000 : La Tour Montparnasse infernale de Charles Nemes : Manu, le policier fumeur
2002 : Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d'Alain Chabat : un peintre (scènes coupées)
2004 : Le Carton de Charles Nemes : David
2007 : Garage Babes (vidéo) de Julien Pelgrand : Manu, le patron
2008 : Seuls Two d'Éric et Ramzy : Xavier
2009 : Je vais te manquer de Amanda Sthers : Pierrot
2009 : La Loi de Murphy de Christophe Campos : le responsable de la morgue / Manu, le réceptionniste / le candidat du jeu TV / Manu, le père de Luciano / Garçon d'étage / Père Lachaise
2010 : Le Siffleur de Philippe Lefebvre : Xavier Mazini
2010 : Gardiens de l'ordre de Nicolas Boukhrief : Simon, le gardien de la paix
2011 : Au bistro du coin de Charles Nemes : Manu
2011 : Itinéraire bis de Jean-Luc Perreard : Jean
2011 : La Guerre des boutons de Yann Samuell : Le père Simon
2012 : Sur la piste du Marsupilami d'Alain Chabat : Hermoso
2012 : Dépression et des potes d'Arnaud Lemort : Franck
2012 : Sea, No Sex and Sun de Christophe Turpin : Guillaume
2013 : Le Grand méchant loup de Bruno Lavaine et Nicolas Charlet : Manu
2014 : Bon Rétablissement ! de Jean Becker : Manu 
2015 : Monsieur Cauchemar de Jean-Pierre Mocky : Monsieur Cauchemar
2015 : Arrête ton cinéma ! de Diane Kurys : Adrien
2016 : Pattaya de Franck Gastambide : le pilote d'avion, aka Manu
2017 : A deux heures de Parisde Virginie Verrier : Ø


Ce sont tous ses rôles, à ce jour. Il n'y a jamais d'espoir, aucun répit. C'est une chute infinie. Un pur cauchemar.


Le Carton de Charles Nemes avec Fred Testot (2004)

Ailleurs, l'herbe est plus verte

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Rarement agréable de prendre un film en cours de route... Mais ça peut l'être. Par exemple The Grass is Greener, de Stanley Donen. Je suis monté à bord avec quelques minutes (cinq, dix ?) de retard, suffisamment pour que le décor soit déjà planté, les personnages déjà présentés et l'intrigue lancée. Je suis arrivé sur les lieux sans préambule, en l'occurrence au beau milieu du salon de la grande propriété de lord Rhevyll (Cary Grant), salon dans lequel son épouse, interprétée par l'anglaise Deborah Kerr, était manifestement aux prises, depuis quelques temps déjà, avec un touriste américain sous les traits de Robert Mitchum. J'apprends alors, par bribes, que Cary Grant et Deborah Kerr sont des aristocrates plus ou moins fauchés, qu'ils ne vivent que dans quelques pièces de leur propriété, ouvrant les autres aux visiteurs moyennant finance afin de joindre les deux bouts, que leurs deux enfants sont en vacances, que madame cultive et vend des champignons..., que monsieur a engagé un nouveau domestique ancien militaire et futur écrivain, et que Robert Mitchum, milliardaire de son état, est venu ici pour visiter la baraque et compte bien repartir avec la maîtresse de maison. Ce qui, à vue de pif, ne saurait tarder.





Le film n'est pas véritablement un chef-d’œuvre, mais il est suffisamment agréable et plaisant pour que l'on s'y sente tout de suite assez bien, y compris - ou plus encore - si l'on arrive en retard. Au surplus, voir l'élégante Deborah Kerr céder, au bout de quelques minutes seulement (divisées par deux ou trois pour moi, soit un rien de temps) au charme et aux avances du hiératique Mitchum, après quelques présentations vite fait bien fait, quitte à l'embrasser à pleine bouche une minute avant l'arrivée dans la pièce du volubile, pépère et déjà cocu Cary Grant, puis rêver de lui dans son bain, sur son canapé, dans sa chambre, partout, couchée déjà, sourde au reste du monde, le regard dans le vide, et finalement s'en aller assouvir ses désirs dans quelque hôtel londonien avec la quasi-bénédiction de son mari pas naïf pour un sou mais plus triste et calculateur que sanguin et jaloux, a quelque chose, bizarrement, de particulièrement touchant. Et, à défaut de rendre spécialement passionnant le duel au pistolet opposant dans un couloir les deux amants rivaux, cela ajoute, en fin de compte, au charme du personnage féminin (lequel en dégageait déjà beaucoup, dans son pull et ses soquettes jaunes), qui fait à lui (presque) seul le charme du film.


Ailleurs, l'herbe est plus verte de Stanley Donen avec Deborah Kerr, Cary Grant et Robert Mitchum (1960)
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