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Channel: Il a osé !
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Brimstone

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On avait très envie de s'enthousiasmer pour ce western sombre et ambitieux au casting a priori sympathique, Guy Pearce et Dakota Fanning se partageant l'affiche. Hélas, force est de constater que le cinéaste néerlandais Martin Koolhoven paraît un brin trop prétentieux dans sa façon de traiter son sujet et son film échoue à emporter l'adhésion. Avec un peu plus d'humilité, Brimstone aurait pourtant peut-être pu rejoindre Bone Tomahawk et The Keeping Room parmi les excellents westerns, réalistes et durs, produits récemment. Dakota Fanning incarne ici une jeune femme poursuivie depuis sa plus tendre enfance par un mystérieux révérend, campé par Guy Pearce. Le film, trop long, découpé en quatre chapitres aux titres un peu pompeux et non-chronologiques, nous déplie progressivement l'histoire qui relie, beaucoup plus intimement qu'on ne l'imagine, ces deux personnages. Le premier a le malheur d'être une femme, le second est un fanatique ayant une interprétation très personnelle de la Bible... 




Le scénario de Martin Koolhoven aurait pu déboucher sur un western intéressant, abordant audacieusement des thèmes malheureusement et tristement d'actualité comme le fanatisme religieux et la condition des femmes. Mais trop d'emphase, trop de lourdeur dans le message asséné, et des personnages finalement bien maigres, pour lesquels nous ne vibrons jamais, nous empêchent d'être réellement saisis par les enjeux du film. Interdit au moins de 16 ans, Brimstone n'est pas spécialement choquant, sa violence et ses détails morbides paraissent simplement un peu vains dans le sens où ils ne suffisent pas à créer la moindre terreur. Le révérend auquel Guy Pearce prête ses traits durs et son accent grotesque ne parvient guère à incarner une nouvelle figure du Mal marquante auquel il prétend trop ostensiblement, dès même sa première apparition. Malgré les multiples contre-plongées et le jeu pesant de l'acteur, on est plus proche du taré d'un film d'horreur lambda, d'un slasher plus soigné que la moyenne, que de l'inoubliable révérend de La Nuit du Chasseur dans la lignée duquel le réalisateur néerlandais aimerait plutôt s'inscrire.




Au lieu des images ténébreuses que le cinéaste aimerait tant imprimer sur nos rétines, on retiendra surtout la mort particulièrement ridicule de Kit Harington, avec qui le cinéma est décidément bien cruel, et celle, assez risible également, de ce pauvre homme qui demande calmement qu'on l'achève alors qu'on l'a déjà étranglé avec ses propres intestins (poussée un peu plus loin, la situation aurait pu donner lieu à une scène d'un comique absurde réjouissant). C'est donc une vraie déception car les intentions sont bonnes et le cœur y est, mais on aurait aussi aimé que Martin Koolhoven se prenne peut-être moins au sérieux, sache trancher dans le vif et donner du corps à son histoire, à ses personnages. Le ton du film, sa durée exagérée et son allure clinquante nous semblent finalement en bien triste décalage avec sa réelle envergure. 


Brimstone de Martin Koolhoven avec Dakota Fanning, Guy Pearce et Carice Van Houten (2017)

Snake Eyes

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Snake Eyes (intitulé "Œil de lynx" dans sa version française peu usitée), est un film à la gloire de Gary Sinise : le titre du film est un anagramme du blaze de l'acteur. Cet acteur qui nous a tous déçus en décembre 2003 quand il a été le premier citoyen américain à faire la guerre à l'Irak. Le saviez-vous ? L'immortel Lieutenant Dan, plus proche de son personnage qu'on ne l'aurait espéré, est un gros facho fou de Bush qui a pris les armes pour aller défoncer tous les Irakiens afin de mettre la patte sur Saddam Hussein, lequel était tout simplement descendu dans sa cave à la recherche d'une bonne bouteille. Avec ce film, Gary Sinise avait déniché son alter ego cinéaste en la personne de Brian De Palma, qu'il a retrouvé ensuite dans le fameux Mission to Mars, lequel a marqué la fin de la collaboration entre les deux hommes puisqu'ils ne partagent pas le même avis sur l'origine de l'humanité : De Palmas, adepte de la théorie de la panspermie d'Hermann von Helmholtz, pense que les martiens sont dans le coup, alors que pour Sinise, l'origine de l'homme, c'est Bush.


Nicolas Cage, toujours la main prête à accueillir une quelconque émotion.

Retour à Snake Eyes, le seul film dont le héros porte une chemise en croco du début à la fin. Qui d'autre que Nick Cage pouvait se permettre cette fantaisie vestimentaire ? En fait c'est son look du quotidien, déjà visible dans Sailor et Lula da Silva, le biopic du président brésilien par un David Lynch précog. Pour en revenir au film, c'est un huis-clos sur un ring de boxe opposant donc un flic survolté, Nicolas Cage, à un agent de sécurité véreux, Gary Sinistre, qui s'avère à la fin être le méchant de l'histoire. Et nous venons de vous flinguer ce film. On sait que ça se fait pas de taper sur les copains ou sur la famille, mais nous tenons juste à dire que ce film a été le film-culte de Josué, rédac' chef et unique cerveau valide de feu C'est Entendu, à l'époque où il ne connaissait pas encore OK Computer et où il était fan des albums solo de Mark Owen du groupe Take That, qu'il avait choisi de prononcer "Tèk Dat". Or, pour retourner au sujet, celui d'entre nous qui a grandi avec le sus-nommé rédac' chef a vu ce Snake Eyes, plusieurs fois, pense même le connaître par cœur et pourtant s'avoue absolument incapable d'en dire quoi que ce soit, alors qu'il serait capable de pondre un roman sur tous les bibelots qui entouraient la télé dans la chambre de ce frère où il a subi le film de De Palma au moins dix fois, tous ces objets hideux à l'effigie de Mark Owen...


Snake Eyes de Brian De Palma avec Gary Sinise et Nicolas Cage (1998)

The Keeping Room

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Nous avions quitté Daniel Barber il y a près de sept ans, dans les ruelles sombres de Londres, en espérant ne plus jamais recroiser sa route. Il venait de nous livrer Harry Brown, un polar aux relents nauséabonds dans lequel Michael Caine jouait au vigilante du troisième âge pour faire régner l'ordre dans son quartier. Nous retrouvons aujourd'hui le cinéaste britannique au sud des États-Unis, animé de bien plus nobles intentions, et très joliment accompagné puisque le premier rôle de son western revient à Brit Marling. Notre dernière rencontre avec l'actrice américaine était également un mauvais souvenir, nous nous étions effectivement arrêtés au très mauvais I Origins, où elle incarnait une pénible chercheuse pas crédible pour un sou. Elle se retrouve ici à la tête d'un excellent western indépendant, qui réussit à tirer parti de la petitesse de son budget à travers un scénario aussi concis qu'intelligent, et qui vient se ranger aux côtés des films de genre originaux, simples et efficaces, dans lesquels nous l'avions appréciée à ses débuts. The Keeping Room apparaît donc comme une double réhabilitation pour le réalisateur et son actrice.




Dans un film constamment sous tension, Daniel Barber met en scène trois femmes aux prises avec une paire de soldats alcooliques et violents, en pleine guerre de sécession. Augusta (Brit Marling) et Louise (Hailee Steinfeld, croisée dans un autre western, le True Grit des frères Coen) sont deux sœurs isolées qui partagent, avec Mad (Muna Otaru), esclave noire-américaine, un domaine du Sud des États-Unis frappé par la désertification humaine, la misère, voire la famine, et que menace l'avancée des troupes de l'Union. Deux éclaireurs de l'armée yankee débarquent justement dans le coin et trucident tous ceux qu'ils croisent. Le film se concentre sur la lutte entre les trois femmes, d'un côté, et les deux hommes, de l'autre, et fait preuve d'un féminisme bien pesé d'un bout à l'autre.




Le plus beau moment du film est sans doute cette séquence où les deux agresseurs jettent un cocktail Molotov dans la maison barricadée et où Augusta se défait de sa chemise pour éteindre le début d'incendie, avant d'affronter les assaillants torse nu et fusil à l'épaule. La scène, a priori, était glissante. Le réalisateur fait plus que bien de ne rien dévoiler du corps de son actrice et de ne laisser peser aucun soupçon sur la plus petite velléité de voyeurisme ou d'érotisme, préférant ériger son héroïne en espèce d'amazone, défendant sa maison et les siennes de toutes ses forces. C'est une séquence très forte, que l'on aurait souhaitée plus longue, mais qui aurait peut-être perdu au change.




Le film réussit par ailleurs à donner son importance à la plupart des personnages, que l'on pense au monologue de Muna Otaru, qui incarne l'esclave quasi-affranchie du domaine, où cette dernière raconte les viols subis sur une autre plantation, ou à l'échange final entre Augusta et Moses (Sam Worthington, qui s'en tire mieux que d'habitude), l'un des deux éclaireurs nordistes. La fin peut surprendre, voire faire grincer des dents, mais elle sonne assez juste, pointant d'une part à quel point les dégâts causés par la violence masculine à l'égard des femmes s'étendent au-delà, et jusqu'aux hommes, et disant bien, d'autre part, que pour toute femme, à cette époque-là et par-delà les époques, partout et toujours, en temps de guerre la survie relève quoi qu'il en soit du miracle.


The Keeping Room de Daniel Barber avec Brit Marling, Muna Otaru, Hailee Steinfeld et Sam Worthington (2014)

Sur la Piste du Marsupilami

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Bien que ce ne soit pas dans nos habitudes, non accueillons parmi nous un invité afin de l'aider à relayer son message à la France entière, au sujet du dernier film paru d'Alain Chabat, symbole d'un certain cinéma opportuniste loin de ce que devrait être le septième art. Nous laissons donc la parole à Cedric Jung, président de l'association "Les cinq millions".

La dernière réalisation en date d'Alain Chabat n'a pas fait date. A l'heure qu'il est j'espère que tout le monde s'est remis du traumatisme engendré par ce film qui a quand même enregistré plus de cinq millions d'entrées. Je suis un de ces "cinq millions" et j'en subis encore les séquelles. Parfois la nuit je me réveille en sursaut, un filet de sueur glacée descendant le long de mon dos jusque dans ma raie, après avoir revu dans un flash la tronche couverte de boue de Chabat ou celle de guingois, digne du dessin d'un enfant attardé tentant de copier un tableau cubiste de Picasso, de Géraldine Nakache. L'horreur.




J'ai créé une association, "Les cinq millions" dont le but est de se faire rembourser le prix de la place de cinéma (ajusté à l'inflation) et récupérer des dommages et intérêts liés aux 1h45 perdues devant un spectacle aussi navrant (soit, à 30€ de l'heure, car nous ne sommes pas des smicards du cinoche, une somme de 52,50 € par spectateur). Nous sommes actuellement 8752 membres, tous domiciliés dans Metz et ses environs, et nous aimerions que notre article revendicatif sur ce blog populaire nous donne l'opportunité de recruter d'autres spectateurs ayant été victimes de ce film en plâtre. Si la totalité des spectateurs floués par ce film (soit 5 224 663 personnes) font part de leur revendication et poursuivent les auteurs de ce délit sur pellicule, alors Chabat et sa clique devront rembourser 5 224 663 x 52,5 x 8€ (8€ étant le prix moyen de la place de cinéma ajusté à l'inflation, en étant très magnanime) soit 2 194 358 460 Euros, en espérant que cela les calmera suffisamment pour ne pas tenter de remettre le couvert avant longtemps. La note peut vous paraitre très fortement salée, mais notre association désire faire de ce film un exemple (et c'est tombé sur Chabat, c'est aussi un moyen de mettre en lumière l'ensemble de son œuvre dite "solo", elle est loin l'époque où on se marrait quand il défonçait un "con de mime") et enfin mettre en place une jurisprudence qui (dans un monde idéal) évitera au cinéma de se coltiner ce genre d'ignominie.




Notre association n'a aucun autre but lucratif que celui d'un remboursement complet et sans condition des frais, du temps perdu et de la souffrance physique et psychologique engendrés par cette "œuvre" qui parjure le cinéma et ébranle jusqu'à la base de nos convictions au sujet de l'avenir de l'Humanité. Nous espérons que vous serez nombreux à répondre à notre appel.


Sur la Piste du Marsupilami d'Alain Chabat avec Jamel Debbouze, Alain Chabat, Lambert Wilson, Fred Testot, Géraldine Nakache et le Marsupilami (2012).

The Ridiculous 6

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Avouons-le d'emblée : The Ridiculous 6 n'est pas un grand Adam Sandler. L'acteur comique, qui était au top de sa forme et totalement en roues libres dans That's My Boy et Jack & Jill, apparaît ici presque éteint, aux côtés de la très belle troupe qu'il a su réunir. Son nouveau film a les défauts que l'on peut tout à fait prévoir à la seule lecture de sa fiche technique. 119 minutes, c'est trop long, beaucoup trop long pour un film comique de ce genre-là. The Ridiculous 6 démarre d'ailleurs très mollement et l'on sait tout de suite que nous tenons-là un petit cru. Et puis ça décolle progressivement, à mesure que la petite bande s'agrandit. Mais voici l'autre défaut : bien trop de personnages comiques (à commencer par les six tocards du titre, mais la bande rivale menée par Will Forte est pas mal non plus), dont le potentiel véritable n'apparaît pas suffisamment exploité. Luke Wilson, par exemple, a quelques bons petits moments, il nous rappelle encore qu'il pourrait tout à fait porter sur ses seules épaules une comédie débile de cet acabit, ou être l'alter ego idéal d'une star de l'humour dans un buddy movie rêvé, et l'on regrette quasi systématiquement qu'il n'ait pas plus de place là-dedans.




A vrai dire, les six personnages principaux sont tous plutôt réussis, d'un pouvoir comique que l'on saisit immédiatement, mais aucun n'est véritablement marquant. L'un ou l'autre nous amuse de temps à autre, et guère plus. Le film a beau durer deux longues heures, il ne réussit jamais complètement à tirer le meilleur de son casting, de la plupart des situations dans lesquelles les six débiles se retrouvent empêtrés. Plus dommage encore, l'humour manque trop souvent sa cible. Le pourcentage de vannes ratées est bien trop élevé, certains effets comiques tombent tristement à plat, d'autres sont trop attendus et faciles. On se dit alors que Sandler aurait peut-être dû consacrer moins d'énergie à réunir un casting impressionnant et consacrer plus de temps à retravailler ses vannes... On navigue entre un comique très sage, tendant presque vers l'esprit Disney, et un humour sale et idiot, plus digne des meilleurs Sandler, que l'on attendait davantage. Et on aurait évidemment préféré que le film soit plus court et opte plus souvent pour la débilité totale, quitte à perdre une grande partie de son audience potentielle. Les derniers soubresauts de cette trop longue histoire finissent aussi par lasser un peu... 




Malgré cela, il faut aussi reconnaître que The Ridiculous 6 est ponctué de moments hilarants, parfois d'une absurdité vraiment osée. On se dit plus d'une fois "Mais c'est quoi ce film ?!". Quid de cette apparition étonnante de John Turturo qui débouche sur une scène inepte au possible où l'on assiste à la première partie de baseball de l'Histoire. On jurerait qu'il s'agit là d'une improvisation qui a mal tourné, d'une idée apparue à l'un des joyeux drilles impliqués dans cette affaire et aurait été jugée, sur le moment, hilarante par toute l'équipe, pour finalement donner lieu à un trou noir de 10 minutes au beau milieu du film. Un trou noir d'une débilité réjouissante ! Autre moment fort du film : cette partie de poker mettant en scène Mark Twain (incarné par un Vanilla Ice déjà croisé, avec plaisir, dans That's My Boy, et de nouveau intenable ici), Wyatt Earp, et le Général Custer, autant de caricatures à peine ébauchées, mais toutes remarquables par leur terrible connerie. On a beaucoup aimé aussi ce moment trop con trop bon durant lequel Luke Wilson raconte son histoire pour mieux expliquer à ses acolytes l'origine de sa culpabilité dévorante, un flashback glaçant nous apprend qu'il était le garde du corps un brin insouciant d'Abraham Lincoln le soir de son assassinat... On jurerait que le scénario a parfois été écrit sous influence. Que les acteurs, stimulés les uns par les autres, ont laissé libre cours à leur plus primaire stupidité. Mais cette sensation est hélas trop rare pour faire de The Ridiculous 6 un film comique que l'on aimera voir et revoir entre potes. Dommage, car il y avait là un sacré potentiel !


The Ridiculous 6 de Frank Coraci avec Adam Sandler, Terry Crews, Jorge Garcia, Taylor Lautner, Luke Wilson et Rob Schneider (2015)

Paterson

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A propos de son dernier film en date, Jim Jarmusch a dit : « Paterson raconte une histoire tranquille, sans conflit dramatique à proprement parler […] Le film se veut un antidote à la noirceur et à la lourdeur des films dramatiques et du cinéma d’action. C’est un film que le spectateur devrait laisser flotter sous ses yeux, comme des images qu’on voit par la fenêtre d’un bus qui glisse, comme une gondole, à travers les rues d’une petite ville oubliée.» Ce propos contient et réunit assez bien les petits défauts et les grandes qualités de ce film, qui fait le portrait de son personnage éponyme, un chauffeur de bus poète, parcourant, observant, écoutant et écrivant chaque jour la ville dont il porte lui-même le nom. Commençons par les menus défauts. 




A trop vouloir prendre le contrepied des grosses productions à lourds sabots, téléguidées et prévisibles, Jarmusch crée lui-même des attentes qui semblent n'être suscitées que pour être déjouées, de façon quelque peu factice. On redoute par exemple que le bulldog anglais de la fiancée (Golshifteh Farahani) de Paterson (Adam Driver) ne soit enlevé devant le bar où il le laisse sans surveillance pour aller boire un coup avec des amis chaque soir en rentrant de sa tournée de bus, surtout après la scène où des types à casquettes en bagnole l'interrogent sur ce chien qui, apparemment, coûterait cher. Or ceci n'a pas d'intérêt puisqu'il ne se passe rien de cet ordre (au contraire, c'est Paterson qui aura des raisons d'en vouloir à sa compagne quant au maudit clébard).




J'adresserais un deuxième reproche au film, qui est plutôt un regret. Concernant le personnage de la fiancée de Paterson, qui n'est pas inintéressant mais que j'aurais voulu plus développé, moins caricatural. Elle donne parfois l'impression de n'être là que pour servir la soupe au personnage principal, ce grand dadais calme, souvent silencieux, observateur taciturne du quotidien, en incarnant à elle seule toute une batterie de clichés (la fille gaga de son chien hideux, qui cuisine du quinoa, redécore tout son appartement à longueur de temps, achète une guitare à 400 dollars pour devenir une star, etc.), qu'elle ne parvient qu'à peine, et assez miraculeusement, à dépasser.




Mais heureusement, ces défauts n'entachent pas vraiment l’œuvre, Jarmusch ayant parfaitement réussi à créer les conditions pour que son spectateur puisse vivre ces deux heures comme il l'espérait dans la phrase citée en début d'article. Son film a bel et bien quelque chose d'un poème, au-delà de ce que cette comparaison peut avoir de banale et de convenue pour évoquer tout film plus ou moins lent ou contemplatif. On trouve dans Paterson ce côté libre et mouvant du poème. C'est un film tranquille, simple, mais qui n'oublie pas de dissoner, avec ses surgissements de bizarrerie, et qui allie la très forte présence du réel, pris pour ce qu'il est, à une sorte d'au-delà sans mystique, bien de ce monde. Le personnage principal (très bien interprété par Adam Driver), intériorise un sourire quand il écoute les conversations de ses passagers, et on sent qu'il aimerait continuer à écouter encore longtemps la petite fille qui lui lit son poème sur la pluie, qu'il aimerait même la connaître, la revoir, pouvoir l'écouter davantage. On le voit soucieux de la présence, de la place et de la puissance d'incarnation, d'évocation, des mots, que Jarmusch inscrit intelligemment sur l'image, sur le pare-brise du bus sinuant dans les rues de la ville et reflétant le ciel, les façades, les passants. Paterson est attentif aux choses, obsédé par les liens entre les paroles entendues et les événements les plus minimes autour de lui (comme les jumeaux/jumelles qui surgissent sous ses yeux). Jim Jarmusch parvient ainsi à bien parler de poésie, d'écriture, de la ville et de comment on peut écrire la ville. Ce n'est pas rien.


Paterson de Jim Jarmusch avec Adam Driver et Golshifteh Farahani (2016)

The Lost City of Z

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Décidément James Gray ne déçoit pas. Son dernier film en date est, c'est bête à dire mais vrai, un plaisir. Assez simple d'aspect, sans grands effets de manche ou surprises flagrantes, d'un classicisme évident, caractéristique du cinéaste, dans le même temps d'une grande beauté et d'une grande force, The Lost City of Z fait le portrait de Percy Fawcett (impeccablement interprété par Charlie Hunnam), un colonel d'armée irlandais, jeune père de famille et héritier d'un nom en disgrâce auprès de la noblesse britannique, envoyé au début du 20ème siècle par la Société Géographique Royale d'Angleterre en Amérique du sud pour cartographier la frontière entre le Brésil et la Bolivie, pour finalement y découvrir avec passion, bientôt jusqu'à l'obsession, les vestiges d'une civilisation perdue.




On est si bien dans ce film qu'on aimerait qu'il dure encore et encore, malgré le côté éventuellement répétitif des allers et retours de Fawcett entre l'Europe et l'Amérique du sud (ce serait sans compter sur le talent de conteur de Gray, y compris pour confronter l'exploration de la jungle du Nouveau Monde aux ravages de la guerre des tranchées dans les terres rasées de la vieille Europe). Certains éléments auraient d'ailleurs mérité d'être plus creusés, au détriment d'autres comme la querelle avec James Murray (Angus MacFadyen), membre de la société de géographie, ventripotent et lâche, prêt à suivre la troupe de Fawcett pour la trahir sans vergogne.




Je pense par exemple à l'instant où Fawcett découvre pour la première fois les traces de la civilisation Maya, près de la cascade que ses hommes et lui atteignent lorsqu'ils touchent au but de leur quête initiale. Idem pour la rencontre avec le peuple Guarani, pour la relation avec Henry Costin (Robert Pattinson), ou celle qui unit Percy à son épouse, certes déjà passionnante dans la très belle scène où Nina (Sienna Miller) se plaint de ne pas pouvoir partir à l'aventure à son tour. On aurait même pu souhaiter que James Gray se dégage un rien de tout souci de vraisemblance historique pour embrasser la fiction en libérant la femme de Fawcett du joug de son temps pour l'envoyer sur le terrain comme elle le souhaitait ; même si le cinéaste lui fait cette promesse dans l'ultime et magnifique plan du film.




Il est permis en effet de reprocher un manque d'ampleur, de tension, ou de folie, à James Gray. Y compris dans la relation qu'il fait de l'exploration au cœur d'une nature hostile, dans la jungle habitée par les peuplades indiennes ou sur le fleuve que longent les cartographes. Mais le film fait déjà énormément, évidemment, penser, entre autres, à Aguirre, et Gray, évitant de tomber dans le pastiche ou la redite, semble s'appuyer sur notre mémoire de Joseph Conrad ou Werner Herzog, et n'a pas besoin d'en faire beaucoup plus pour qu'on sache de quoi il parle et qu'on le traverse malgré tout.




Le film est habité par ces récits et peut donc plus sûrement dresser le portrait de son personnage obsessionnel, fasciné par l'objet de ses recherches  jusqu'à une forme de folie, au point de délaisser puis d'embarquer sa famille, ce personnage souvent coupable que le cinéaste ne soumet jamais à un jugement simpliste, préférant nous questionner sur son comportement et nous communiquer quelque chose de sa passion, de sa curiosité à toute épreuve, de sa soif d'en savoir plus. Car la plus grande force de The Lost City of Z est certainement là, liée à ce que l'on avait d'abord pris pour un défaut : ces manques, ces envies d'en voir plus évoquées plus haut, ces fantasmes de scènes, de récits, d'aventures qu'il sait susciter.


The Lost City of Z de James Gray avec Charlie Hunnam, Robert Pattinson et Sienna Miller (2017)

Get Out

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Un carton inattendu au box office, des critiques dithyrambiques à la pelle, saluant combien le film tombe à pic et résonne dans l'actualité de l'Amérique de Donald Trump, je ne pouvais pas rester très longtemps sans avoir vu Get Out, le nouveau phénomène du cinéma d'horreur indé US. Il s'agit du premier long métrage de Jordan Peele, un comique américain apprécié qui s'essaie donc au genre en abordant de manière très frontale la question du racisme, à travers le récit glaçant de la première venue en belle famille wasp d'un jeune photographe noir. J'étais très curieux de découvrir comment les choses allaient tourner mais il faut avouer que j'étais également un peu méfiant à l'égard d'un tel buzz... Et ma méfiance a hélas été confortée.




Get Out a des qualités indéniables, mais toutes relatives : celles du rythme et de l'efficacité. Mais à l'exception de quelques bonnes idées qui se comptent sur les doigts de la main, Jordan Peele s'avère bien incapable de faire réellement naître la tension et sa mise en scène apparaît vite très limitée. On a un peu l'impression d'être devant une série tv un peu soignée, les acteurs n'aidant pas. C'est ici le talent de scénariste de Jordan Peele qui lui permet de tenir la longueur, car Get Out a cette capacité qu'il faut bien lui reconnaître : il parvient à nous captiver du début à la fin, à nous laisser toujours dans l'expectative, désireux de connaître la suite des événements. Tout s'enchaîne à un bon rythme, et le cinéaste tient la cadence, malgré des incohérences qui nous agacerons seulement plus tard. 




Le temps du film, nous sommes donc dedans, bien scotché devant, et il n'est pas question d'en sortir, malgré la lourdeur du message asséné que l'on doit supporter dès les premières minutes et en dépit d'un côté prévisible, inéluctable, fataliste, des événements racontés. Une fois que le générique final se met à défiler sous nos yeux, nous nous rendons compte de la vacuité et de la facilité de l'ensemble. Et quelques heures plus tard, il n'en reste plus rien. Get Out, c'est 100 minutes que l'on trouvera plus ou moins divertissantes, à passer de préférence entre amis ou dans une salle réceptive, avec l'envie de rire ensemble, mais 100 minutes qui ne laissent finalement aucune trace, si ce n'est un léger agacement... 




A posteriori, on s'interroge même sur l'intérêt de certaines directions choisies par l'auteur et je recommande ici à ceux qui n'ont pas encore vu le film de fermer les yeux sur les lignes suivantes. Quel intérêt, par exemple, d'effectuer le "transfert des esprits" par des opérations chirurgicales, alors que le scénario met d'abord en avant la manipulation psychologique via l'hypnose, si ce n'est de nous offrir quelques timides images gores ? Et, malgré l'efficacité démontrée de ce transfert, pourquoi le comportement des domestiques est alors si clairement ambigu, si ce n'est par commodité scénaristique, pour instiller le doute dans l'esprit du personnage principal et des spectateurs ? En réalité, Jordan Peele fait donc un peu ce qui l'arrange pour alimenter l'efficacité de sa vaine entreprise. 




En outre, le cinéaste ne réussit pas tout à fait son mélange des genres. Get Out a le séant entre plusieurs chaises et échoue pratiquement dans tous les domaines. L'aspect comique du film ne paraît pas poussé assez loin pour pouvoir pleinement fonctionner. Les personnages sont trop antipathiques, à commencer par l'ignoble beau-frère (le hideux Caleb Landry Jones) et sa sœur (la très télévisuelle Allison Williams), totalement invraisemblable. Même le héros, incarné par Daniel Kaluuya, paraît bien fade et on se fiche un peu, au fond, de ce que sa belle-famille lui réserve. Son ami douanier (Lil Rel Howery), seul rôle ouvertement comique, est presque drôle. J'ai bien dit presque. On rigole à peine quand, après le carnage, il dit très simplement à son pote "Je t'avais bien dit de ne pas y aller".




Get Out aurait aussi pu s'inscrire à point nommé dans cette vague de peur sectaire, très productive ces dernières années (qui a donné lieu à quelques réussites comme Kill List,Faults ou Sound of My Voice, et quelques autres tentatives plus ou moins ratées telles Red State, Martha Marcy May MarleneThe Sacrament ou, tout récemment, The Invitation), en nous dépeignant une grande famille wasp aux pratiques et aux idées bien étonnantes. Mais là encore, c'est très pauvre et un peut trop benêt. Nous ne ressentons aucune espèce de paranoïa au milieu de tout ce beau monde, cet aspect-là étant totalement survolé. Le film a aussi bien du mal à se faire une place au sein de ses aînés. On pense d'ailleurs beaucoup à The Stepford Wives, le thriller satirique de Bryan Forbes, adapté d'un livre d'Ira Levin, où ce sont les femmes qui étaient vidées de leur humanité ; mais cette référence en dit également assez long, car on était déjà bien loin du chef d'oeuvre en 1975... 

Get Out est donc simplement un joli coup. Un film intelligemment opportuniste et en réalité assez bête que l'on aura tôt fait d'oublier. Une déception.


Get Out de Jordan Peele avec Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener et Bradley Whitford (2017)

Bon rétablissement !

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Enfermer dans une chambre d'hôpital un Gérard Lanvin amoindri mais plus irascible que jamais, remonté comme une pendule, chauffé à blanc, et donc prêt à sauter à la gorge du moindre visiteur : l'idée me plaît beaucoup ! Et c'est bien ce que nous propose essentiellement (en tout cas ce que je préfère retenir) ce nouveau film de Jean Becker, promis par son affreuse affiche comme une "comédie". On pouvait donc espérer quelque chose de léger, loin des derniers films minables du cinéaste moustachu qui se terminaient tous par la mort d'un personnage principal dont on apprenait à mi-parcours qu'il était atteint d'une maladie incurable (triste ficelle scénaristique bien pratique pour boucler des films n'allant nulle part et espérer émouvoir le quidam).




Rien de tel ici, même si l'on craint bien longtemps qu'une intrigue bidon ne se développe pour nous expliquer pourquoi et comment Lanvin a été retrouvé dans la Seine avant d'atterrir dans un lit d'hôpital, grièvement blessé. Les quelques venues de Fred Testot, qui campe un flic enquêtant sur l'affaire et trouve ici son meilleur rôle au cinéma (un constat d'une tristesse inouïe mais qu'il faut bien établir !), sont autant de moments où l'on redoute d'apprendre que Lanvin est impliqué dans une sombre histoire policière ou autre affaire de règlements de compte entre truands... Heureusement, rien de tout ça n'arrive, et la découverte du fin mot de l'histoire, lors des ultimes minutes de ce film qui a comme autre avantage d'être très court, nous vaut un twist digne des heures de gloire de Shyamalan et nous offre une belle scène de course-poursuite dans les rues de Paris : Gérard Lanvin, en robe de chambre, essayant tout simplement de rattraper son chat en fuite ! [/spoiler off]




Si Jean Becker est au cinéma ce que la marque Tribord est au monde de la mode vestimentaire, reconnaissons-lui tout de même une qualité non négligeable : il n'a pas son pareil pour mettre ses acteurs à cran et immortaliser leurs coups de sang sur pellicule. On se souvient des dérapages de Patrick Chesnais dans Bienvenue parmi nous et des accès de colère d'Albert Dupontel dans Deux jours à crever. Ici, on se régale de voir Lanvin enrager pour une porte malencontreusement laissée entrouverte, pester contre un plateau repas jugé trop fade, s'énerver sur une gamine qui lui subtilise son ordi portable, prendre pour cible le personnel de l'hôpital, etc. Très peu échappent au courroux de Lanvin, pour notre plus grand plaisir ! A un bon rythme, ses coups d'éclat s'enchaînent et nous permettent de tenir bon.




Hélas, vers la moitié du film, Jean Becker croit tout de même judicieux d'étoffer son si maigre scénario en levant le voile sur la triste vie du personnage principal. Veuf, sans enfant ni vraie famille, vivant seul, son unique espoir de bonheur réside en Anne-Sophie Lapix (qui n'est pas du tout faite pour le grand écran, que cela soit dit), une musicienne avec laquelle il vivait tout juste les prémices d'une romance salvatrice. Quelques flash-backs tout gris et d'une laideur folle nous en apprennent plus sur le rôle de Lanvin au sein de sa fratrie (Jean-Pierre Darroussin, étonnamment éteint, vient souvent le voir à l'hosto, il joue son petit frère alors qu'on aurait plutôt imaginé l'inverse étant donné l'état de délabrement de son dos). Tout ça permet peut-être à ce Bon rétablissement d'atteindre la durée minimale d'un long métrage mais on s'en serait bien passé. Personnellement, le spectacle d'un Lanvin à bout de nerfs me suffisait amplement !


Bon rétablissement ! de Jean Becker avec Gérard Lanvin, Jean-Pierre Darroussin, Anne-Sophie Lapix et Fred Testot (2014)

Breakdown

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Voici le film breakthrough de Jonathan Mostow. Jonathan Mostow, c'est qui ? C'est surtout trois films : Terminator 3, U571 et Surrogates. Jonathan Mostow est spécialisé dans le film d'action qui se regarde sans déplaisir quand on tombe dessus alors qu'il passe à la télé mais qui peut provoquer un état de rage extrême lorsqu'une somme supérieure à 1€50 a été dépensée pour le visionner. Mostow a la réputation d'un cinéaste docile, carré et doux, un peu comme un gros bélier charmois fait metteur en scène hollywoodien. Il torche les films qu'on lui demande. Ils sont tous moyens, jamais honteux, mais ils n'amassent jamais suffisamment de fric pour que Jonny Mostow atteigne enfin une certaine reconnaissance et entre dans le cercle très fermé des réalisateurs de la A-list, en compagnie de personnalités telles que Christopher Nolan et Michael Bay du Mont St Michel. Jonathan Mostow devrait s'appeler Mosdos, car il s'est mis plein de monde à dos. Bref, Mostow est un raté, désespérément scotché aux années 90, et il le vit bien.



Breakdown (aka "Griller un câble") est donc son film breakthrough, c'est à dire celui qui le fit connaître dans le milieu et qui lui permit d'enchaîner les projets. Tout Mostow est dans Breakdown, ce petit film d'action honnête, plutôt divertissant, pas dégueu, que l'on pourrait situer quelque part entre Duel de Spielberg et L'Homme qui voulait savoir d'un réalisateur néerlandais inspiré, en infiniment moins bon. Le pitch ? Pour renouer avec sa femme, Kurt Russell lui propose un road trip sur la route 66, comme tout bon fan d'Elvis Presley qui se respecte. Au kilomètre 12, dispute, pugilat entre lui et sa femme : Kurt Russell a commis l'erreur de couper un coyote en deux avec le pare-buffle de sa bagnole. Il a transformé le coyote nommé Rue des Lois en une patte à gauche, deux pattes à droite, une patte broyée par le ventilo de sa Jeep Renegade et une tête sans yeux qui sert maintenant d'involontaire déco extérieure au pare-brise. A la vision de ce spectacle macabre, la femme de Kurt, une petite rousse bien achalandée, lui montre sa main et lui lance "Tchô" comme on disait alors chez les jeunes (le film date de 1997). Elle embarque ensuite dans le premier camion qui vient et c'est le début des ennuis pour son mari puisqu'à partir de ce moment-là, elle sera FBI portée disparue. Bien décidé à remettre le grappin dessus, Kurt Russell remue ciel et Terre, arpente tous les bars de la région et comprend assez vite qu'une sacrée bande de salopards a la main-mise sur cette partie de l'Arkansas. L'un d'eux résumera plus tard le scénario du film à sa façon : "Connard bourré de fric cherche emmerdes" en s'adressant au héros fortuné.



Breakdown est porté par un Kurt Russell littéralement awesome, toujours aux abois, à la recherche de, je cite, sa "conne de bonne femme". "Elle est où ma conne de bonne femme, hein, t'as une idée, toi ?" finira-t-il par demander, désespéré, à un élégant tapir croisé en chemin. L'acteur au sourire irrésistible tourna ce film à une période charnière de sa carrière, car ensuite, il enchaina les naufrages et les mauvais choix (Soldier, où il distribuait des baffes à tout le monde en tenue de GI Joe et, surtout, 3000 Miles to Graceland, autre digression filmique autour du King). Breakdown est l'occasion d'admirer l'allure et le physique atypiques de Kurt Russell : le mulet au vent, le menton plus volontaire que jamais, les yeux d'un bleu pétrole, le polo Ralph Lauren qui va bien, les chaussures Quetchua, le jean remonté jusqu'au nombril ("à 1 mètre" comme il aime le dire souvent), etc. L'acteur est au top de sa forme. En regardant le film, je me suis surpris à faire une recherche google pour essayer de percer les origines ethniques de ce bellâtre unique en son genre. Je pensais qu'il avait peut-être du sang wallisien ou, au moins, des gènes indiens ou pacifiques. En fin de compte, j'ai seulement appris qu'il était libertarien, c'est-à-dire qu'il a envie qu'on lui foute la paix quand il veut faire quelque chose. En le voyant dans ce film, je n'ai pu m'empêcher d'ajouter à ma "to do list" : revoir Big Trouble in Little China, Escape from New York et The Thing, en bref, les films cultes que le bonhomme a tourné avec son ami John Carpenter.



Mais revenons à Breakdown de Brian Mostow. En plus d'un scénario linéaire et efficace, ce film propose aussi quelques lignes de dialogues savoureuses. Ainsi, quand Kurt Russell menace l'un des routiers et le soupçonne de lui avoir piqué sa femme, celui-ci lui rétorque sans ciller : "En effet, ta bonne femme est actuellement scellée dans ma cave et retenue en otage par Faulkner mon chien. Je l'ai aperçue. Elle fait 1m65, 62 kilos dont environ 1 kilo de nibards extra. J'aime aussi ses jolies bouclettes blondes. Le problème, c'est que Faulkner est du genre susceptible et raffole des belles pépés aux gros roberts". Un langage fleuri comme nous n'avons, hélas, plus vraiment l'occasion d'en entendre dans les films américains. Et que dire de cette dernière réplique : "Tu m'as demandé de te pépom, j't'ai pompé !"...


Breakdown de Jonathan Mostow avec Kurt Russell (1997)

U-571

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Le casting de ce film est tout simplement ébouriffant. C'est un cocktail de muscles et de cellules grises. Jonathan Mostow, classé cinquième selon IMDB dans la fameuse liste des "5 Gods of Accion and Ficcion", aussi appelée la "Suite de Fibonacci", peut se vanter d'avoir fait tourner les plus grands. Dans U-571, les têtes d'affiche sont nombreuses et toutes plus prestigieuses les unes que les autres : Matthew McConaughey, Bill Paxton, Alec Baldwin, Harrison Ford, Gene Packman, Harvey Keitel, Sam Neill, Sean Connery, Patrick Bouchitey, Denzel Washington et Liam Neeson, pour ne citer que les plus fameux. Avec cette équipe de choc, Johnny Mostow voulait s'emparer d'un sous-genre du film d'action et d'un sous-sous-genre du film de guerre : le film de sous-marin de guerre. Le classique du genre reste Das Boot, film de chevet de Steven Spielberg et seule lueur de génie de son réalisateur Wolfgang Petersen, qui par la suite et en gardant un pied en Allemagne a réalisé L'Histoire sans fin, qu'il n'a donc jamais pu terminer, avant de devenir 100% ricain et de s'exiler au pays de l'Oncle Sam pour aligner des blockbusters totalement stars and stripés (Alerte!, Air Force One...) mettant souvent en scène de grosses masses d'eau (En pleine tempête, Poséidon), faisant de lui un sous-sous-sous James Cameron. L'homme revient parfois sur Das Boot, son premier et dernier chef-d’œuvre, et il renomme souvent le film "Miracle en Alabama", avec clin d’œil à la clé. N'empêche que Das Boot est la référence affichée par Mostow comme par tout réalisateur qui planche sur un film de sous-marin.


Traduction pour les non audiophiles : "Crankcase est plein d'eau de source". Précision : Crankase c'est le nom d'un jeune mousse à bord du sous-marin. Ensuite il implore le capitaine Starboard Diesel (manque une majuscule à Diesel).

Quelques mots sur le pitch du film, car il faut toujours une bonne excuse pour sortir un film sur un sous-marin : en 1952, début de la guerre froide, dans les eaux de l'Atlantique nord, une bande de nationalistes russes s'empare d'une base de lancement de missiles nucléaires stratégiques et menace le reste du monde. Le capitaine Mike Dahlgren commande le U-571, un sous-marin archaïque mais redoutable, premier sous-marin nucléaire de l'arsenal soviétique. Quand il découvre que le système de refroidissement du réacteur principal est défaillant, Mike Dahlgren va accepter de maquiller son vaisseau en sous-marin allemand, l'un de ces célèbres U-Boote qui patrouillent au fond de l'océan. Un autre sous-marin, dans ces eaux réputées peu tranquilles, va prendre en chasse le U-571 de Mike Dahlgren (il aura fallu plus de 570 U ratés pour aboutir à ce navire insubmersible). A bord de son poursuivant, commandé par Alexei Vostrikov (l'Amiral Hackman), des ogives et un moteur à propulsion atomique menacent d'exploser si la température au cœur du réacteur ne baisse pas rapidement. Coupé du monde et de la flotte russe à cause d'une panne d'antenne, un premier ordre est quand même envoyé à Vostrikov lui intimant l'ordre de bombarder la Russie, lorsqu'arrive un second message indéchiffrable. Le capitaine Vostrikov est alors remplacé par son second, Starboard Diesel, pour cause de chiasse. Ce dernier et son nouveau second, Boubakar Polenin (Patrick Bouchitey), doivent surmonter un différend basé sur une différence de couleur de peau pour faire face à la crise et éviter un accident nucléaire. Par ailleurs, si une telle explosion se produisait, les États-Unis pourraient croire à une première attaque soviétique et déclencher une guerre totale. Pendant ce temps, la bande de nationalistes russes tâche de faire face au froid qui gèle les canalisations à bord de leur "bateau noir". A bord de l'U-571, la réussite de la mission de Mike Dahlgren va désormais dépendre de sa rapidité et de son courage. Tétanisant.


La touche Mostow : les petits ronds rouges dans l'image qui indiquent ce qu'il ne faut pas louper.

C'est ce pitch dantesque (qui est en fait la réunion de plusieurs projets et de maints courts métrages écrits par Jonathan Mostow dans sa baignoire quand il était jeune), qui a permis au réalisateur de se faire un petit nom et de confirmer son statut de faiseur un peu brouillon mais foutrement doué. Quelqu'un de sérieux et de bonne volonté, apprécié de ses acteurs, qui vantent l'ambiance unique sur le tournage, à la bonne franquette. S'il a un petit air facho en photo, c'est néanmoins grâce à sa douceur de caractère qu'on a confié plusieurs projets importants à Mostow. C'est aussi grâce à son côté bonne poire que des gens comme Arnold Schwarzenegger, ou Bruce Willis, voire Kurt Russell, ont dit un jour dans leur vie : "I want Mostow in !" Ces mastodontes-là ont l'habitude de complètement contrôler les films dans lesquels ils s'engagent, et ils savent qu'engager Mostow c'est l'assurance de garder toute latitude sur la dimension artistique. A la poursuite du Diams USS boot 519 Jump Street Alabama - Le piège des profondeurs est un bon film du dimanche soir, comme tous les Mostow. Et comme il a fait quatre films, ça fait un mois de dimanches soirs assurés.


U-571 de Jonathan Mostow avec Matthew McConaughey et Bill Paxton (2000)

Terminator 3 : le soulèvement des machines

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J'ai enfin vu ce film. Bon, c'est un Terminator, faut faire l'impasse sur la qualité du scénario. Mais il y a quand même un petit détail qui m'a titillé... J'ai relevé ce que j'appellerai une bizarrerie. Comment se fait-il que la Terminatrice reconnaisse l'ADN de John Connor quand elle lèche la flaque de sang coulant de la tête d'un asiatique vers le début du film ? Pensez-vous qu'elle a déjà prélevé un échantillon d'hémoglobine sur le cadavre de John en 2032 et qu'elle peut donc établir le lien ? Autrement, comment a-t-elle pu entrer en possession de cette information ? Comme cela fait longtemps que j'y réfléchis, j'ai échafaudé une théorie, mais elle ne me convainc pas encore totalement. Je sais qu'avant d'être un loubard, John Connor a vécu une vie "normale" jusqu'à, disons, ses 16 ou 17 ans. Son sang a donc pu être prélevé de nombreuses fois par les Mormons. Il parait en effet que Les Mormons conservent un échantillon de sang de chaque citoyen américain dans des grottes blindées contre les guerres nucléaires (la théorie de l'identification illustrée par X-Files notamment). Peut-être que John Connor a eu une période mormone et que la Terminatrice en a profité. Je précise que j'ouvre seulement des pistes, je ne prétends pas détenir la vérité. Je lance le débat...




Quant à la théorie du prélèvement sur le cadavre de John Connor en 2032, why not ? Mais cela ne suffit pas à expliquer, et c'est une question rhétorique que je me pose, pourquoi Skynet envoie un seul tueur tous les dix ans afin d'éliminer le futur leader des humains. S'ils envoyaient dix tueurs tous les jours, ça finirait par donner un résultat, non !? Et si en plus ces tueurs devaient également éliminer Sarah Connor enfant ou même la mère de Sarah Connor enfant, ça décanterait un brin la situation, non ? Et pourquoi pas carrément son père qui n'est, semble-t-il, pas au courant de ses futures fornications ? Faut exterminer le père dans ces cas-là. C'est ce que j'aurais fait... Bon je sais ça casse un peu le délire. Par égard pour le spectateur il est en effet plus logique de n'avoir qu'un seul tueur, de temps en temps. Comme ça, ça fait un film. Au détriment de la logique, hélas.




A vrai dire, Terminator est une saga qui me laisse vraiment circoncis. Par exemple, comment le T-800 fait-il pour reconnaître la tête de John sur sa bécane au début du 2 ? Impossible à savoir... Par contre, j'ai récemment élucidé ce qui était pour moi LE grand mystère du 2, à savoir le moment où le T-1000 (Robert Patrick) prend l'apparence du gardien de l'asile psychiatrique où est enfermée Sarah Connor. J'ai longtemps pensé qu'il s'agissait d'une nouvelle erreur du scénariste, étant donné que le T-1000 précise lui-même qu'il ne peut que prendre la forme des choses qu'il touche, quand il s'agit d'armes blanches ou d'objets de même taille que lui (êtres humains), mais pas d'un paquet de cigarette ou d'une bombe chimique. J'ai récemment repéré que, pendant cette scène dite "de la machine à café", le gardien évolue sur le carrelage dans lequel le T-1000 vient de se fondre. Le T-1000 touche donc le gardien, en tant que carrelage ! J'étais content de l'avoir compris, j'ai trouvé ça vraiment bien vu. Bon, par contre, quand le gardien marche dessus, le T-1000 n'est réellement en contact avec lui que par les godasses. Comment le T-1000 peut-il alors acquérir les informations sur la physiologie complète du gardien (moustache et compagnie) alors que celui-ci est électriquement isolé du sol ? Tout au plus il pourrait se transformer en semelle de chaussure ou en morceau de caoutchouc ! A moins que le T-1000 puisse se transformer en tout ce qu'il touche et tout ce qui touche ce qu'il touche...




En ce qui concerne le numéro 1, l'original de Jaume Cameron, je focalise surtout sur l'expression faciale des terminators : parce qu'ils sont des robots, ils ne peuvent pas retranscrire certaines émotions humaines, et pourtant, revoyez donc Termintor 1, quand Arnold saute en feu sur le capot de la voiture et qu'il éclate le pare-brise, il tire une de ces tronches avec ses dents du bonheur si visibles à cet instant !! Un peu dans le même ordre d'idée : il nous est très tôt annoncé que les terminators ne clignent jamais des yeux. Or, si Kristanna Loken, la Terminatrice du 3, réussit cet exploit miraculeusement, j'ai cru repérer que ce n'était pas du tout le cas de ce bon vieux Bob Patrick dans T2. A un moment, je crois même qu'il baille. Un robot qui baille, sérieusement ? Dans ce cas là, serait-il possible qu'il ait une érection à la vue d'une belle pépée, sachant que les terminators sont dotés de bijoux de famille (cf la scène de nu de Schwarzy dans le premier opus qui nous dévoile en passant la raison pour laquelle il est surnommé le Chêne de Sturm Graz !) ?




Pour boucler la boucle et pour en revenir au troisième épisode, autre problème : pourquoi la Terminatrice n'a-t-elle pas les cheveux attachés dès la première scène où elle apparaît dans son plus simple appareil ? Ça permettrait de voir ses miches et ça me semblerait être une coupe un peu plus naturelle pour un robot, très soucieux du sens pratique. C'est idiot, c'est idiot pour mes sens. Là encore, ça ne fait pas sens... Et enfin, pour terminer, j'aurai une dernière question, mais qui ne concerne pas cette fois-ci la série Terminator. Est-ce que vous aussi, quand vous avez vachement sué dans un t-shirt que vous avez porté nuits et jours pendant des semaines, vous rechignez à le laver, en pensant que vous aurez bien du mal à reproduire l'odeur terrible qu'il trimballe, odeur dont vous devenez "addict" ?

En tout cas j'ai vraiment hâte d'être en mai 2009.


Terminator 3 de Jonathan Mostow avec Arnold Schwarzenegger, Kristanna Loken et Nick Stahl (2003)

Clones

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L'idée est simple et elle a le mérite d'être exposée en deux minutes chrono pendant le générique d'ouverture du film : tous les hommes et toutes les femmes sur terre ont désormais un double, une sorte d'avatar personnel robotique en tout point identique à son original de chair et de sang bien que plus beau et plus perfectionné, une sorte de substitute, physiquement très proche de Vikash Dorazoo. Le sportif français est l'idéal de la nouvelle humanité. Cocorico ! Il a servi de modèle aux maquilleurs pour tous les substituts et fait même une apparition en tant que lui-même. On le voit filmer en Super 8 son propre clone plus balèze que lui balle au pied, qui gagne le mondial à sa place pendant qu'il cire le banc de touche avec les coiffeurs et son nouveau pote, Fred Poulaga. Ce caméo est assez ironique car il paraît que dans la vraie vie, quand ses collègues commentateurs sportifs sont sur M6 le dimanche à une heure du matin, le vrai Vikash fait des passements de jambes avec leurs compagnes et compagnons, et se paie le luxe de filmer ces scènes en 35 mm. Razodoo mate M6 chez eux en se substituant à ses collègues de boulot dans leur canapé et en substituant au programme foot l'ancien film érotique qu'il transforme en nouveau porno.




Les gens du film ont donc un substitut qu'ils trimballent par téléguidage neuronal grâce à un genre d'ordinateur cérébral personnel, tout en restant le cul vissé à la casbah, afin que leur double accomplisse toutes les tâches de la vie quotidienne qui les font chier. C'est une idée simple comme bonjour et qui nous faciliterait bien la vie si ça existait vraiment. On pourrait s'en servir pour aller pointer au pôle-emploi, cet endroit qui fout la gerbe, ou pour faire un saut chez Lidl et mettre la main sur un gros lot de rouleaux de papier-cul au dernier moment (et une ou deux bouteilles de Yop, toujours !). Pour les tâches plus agréables, comme faire des roulés-boulés sur le plumard, là adios le substitut et welcome la vie. C'est une bonne idée de scénario donc. On pense beaucoup à Minority Report devant ce film, sauf que c'est infiniment moins bien. En revanche c'est plus simple, parce que Minority Report est cool mais compliqué ! Je le pige un peu moins à chaque fois que je le revois. Autre différence notable entre le film de Spielberg et celui de Mostow : ce n'est pas le Giant Coocoo de la scientologie qui mène la danse ici mais l'inaliénable Bruce Willis (cet homme si beau). Pour ne rien gâcher, à un moment il s'habille en Prada, comme dans Pulp Fiction, quand il retourne chercher sa montre aux mécanismes encore incrustés de fientes paternelles chez lui pour trouver Travolta sur les cabinets, avec ce "blue jeans" plus "blue" que "jeans" tellement il est blue, d'un blue ciel qui rappelle que si le ciel avait cette couleur on serait aveugles, heureux mais aveugles, et ce jean blue clair surmonte une paire de reebok blanches pour un assortiment des plus tonitruants : il n'est que Bruce qui puisse porter ce cocktail explosif dignement, et qui le porte à merveille.




Clones (qu'il convient de prononcer "Clonès", en hommage à son intitulé d'origine mexicaine : "Surrogatès") bénéficie en outre d'un scénario dans lequel il ne se passe pas tant de choses que ça, contrairement au rapport minoritaire assez touffu de Philip K. Dick, et ce n'est pas un mal, Mostow étant toujours plus à l'aise quand le script est vide. Au rayon des influences, le film fait aussi penser à They Live de Carpenter, via les faux-semblants, la tentative de réellement voir ce qui se trame autour de soi, avec aussi ce groupe de rebelles à priori plus clairvoyants que la moyenne, qui vivent dans une sorte de bidonville et qui sont guidés par un oracle noir à dreadlocks fan de reggae. En effet, Clonesévoque, par sa modestie, quelques films d'action des 90s, et, par son aspect, certains fleurons du cinéma des 70s, sans atteindre la cheville des meilleurs opus parmi les uns comme parmi les autres. On le préférera néanmoins, et sans difficulté, au très médiocre Looper, qui lorgnait récemment dans la même direction avec là encore le bulbe de Bruce Willis en crâne d'affiche.




Le film de Jonathan Mostow est pas mal du tout même si évidemment il n'est pas génialement filmé, interprété, monté, étalonné et diffusé. Son plus gros défaut, ce sont ces quelques plans un peu trop penchés sur le côté sans raison (tic qui s'était généralisé dans l'instant classic Batterfield Earth, et se veut bizarrement encore très actuel puisqu'il est utilisé jusqu'à la nausée dans Star Trek ou Thor). On est ici loin tout de même de la mise en scène 24 Heures Chrono, avec une caméra portée qui s'astique dans tous les sens et qui zoome insupportablement tous les 24 millièmes de seconde chrono. En somme il faudrait parler de sobriété pour éviter de dire que le film est filmé le plus simplement du monde, comme une merde. Non le vrai défaut du film c'est un certain manque d'humour. D'ailleurs Bruce Willis, quoique superbe comme à son habitude, est un peu éteint, et il y a fort à parier pour que ce soit dû au trait tiré au marqueur indélébile par Jonathan Mostow sur le légendaire esprit potache qui caractérisait jusqu'ici la plupart des (grands) rôles de l'acteur. Son personnage est même très lisse ! Pour prendre la défense du condamné d'office Mostow, ce n'est certes pas sans rapport avec le propos du film, car ce manque de personnalité ou de caractère est là pour appuyer l'idée que tant d'années passées à se cacher derrière un double parfait et inintéressant ont affadi les hommes dans leur for intérieur. Il aurait semblé peu logique que le double de Bruce Willis soit le seul être humain au monde à se montrer caractériel, marrant et original, à l'image de son personnage mémorable dans Le Dernier samaritain. C'est juste un mec qui a envie de revoir sa vraie femme (Rosamonde Pike), parce qu'il sait qu'elle souffre et qu'elle se drogue derrière ses aspects substitutifs d'américaine moyenne propre sur elle aux traits copiés collés sur ceux de Vikash Dorazoo.




De nombreuses études ont été menées pour savoir si les gens accepteraient de vivre dans un monde factice et virtuel (dans lequel ils seraient projetés grâce à des électrodes branchées à leur cerveau), un monde agréable où ils seraient riches et heureux, tout en sachant leur enveloppe charnelle "réelle" en parfaite sécurité, dans un monde concret où leur personne a contrario serait pauvre et déprimée. A cette question les gens répondent majoritairement qu'ils ne resteraient pas dans le monde "faux", par pur et simple refus du virtuel… Un choix édifiant qui démontre bien la portée de cette vaste question, passionnante en soi, que le film pose en passant, et je l'en remercie. Merci monsieur Mostow.




Pour poursuivre sur les qualités du film, on peut regretter tout de même quelques petites bizarreries dans le scénario. Comme l'idée qu'un seul gringalet, le créateur de tout ce bordel, puisse contrôler tous les substituts du monde, épaulé par un gros geek, obèse et affublé de cheveux gras, d'un front huileux, d'un vieux bouc, d'un nez retroussé et de grosses lunettes, comme tous les geeks représentés au cinéma. Autre point positif, le tout manque peut-être d'ampleur, notamment à la fin, dans la scène où tous les clones s'écroulent d'un seul coup, séquence qui aurait pu être grandiose, mais le film semble étonnement guidé par une volonté farouche d'humilité, se rangeant avec modestie dans la lignée des petits films de genre qui ne laisseront pratiquement aucun souvenir, mais qui n'écorchent pas la rétine, et ce en refusant notamment l'imparable gouverne de l'effet spécial tout-puissant. Si le film est bien d'aujourd'hui, comme en témoigne son absence un peu cruelle d'humour, il est par ailleurs, et comme nous l'avons déjà dit, marqué d'un style très années 70. Or, alors que le scénario le réclamait presque, les "robots" ne sont pas réalisés en images de synthèses, ils sont incarnés par les acteurs eux-mêmes, simplement maquillés pour sembler plus parfaits, plus lisses et plus laids, et ressembler à Vikash, ce qui renforce la parenté entre le clone et son original et favorise la crédibilité des substituts. Automatiquement on y croit bien davantage qu'à tous ces films hideux qui ne jurent que par la motion capture, ce qui est très finement vu de la part de Mostow. Il y a bien des effets spéciaux dans le film, mais ils sont justifiés puisque celui-ci a précisément pour sujet l'invasion du quotidien par "l'image fausse" : une fois de plus, excellente idée de sieur Mostow. Autant d'arguments qui donnent envie de célébrer cette œuvre simple, modeste, et réussie (bien que non-exempte de défauts énormes qui le rendent parfaitement secondaire et totalement oubliable), surtout quand on la compare au marécage puant qu'est le cinéma d'action américain actuel, que Jonathan Mostow incarne à lui tout seul avec panache et distinction.


Clones de Jonathan Mostow avec Bruce Willis, Radha Mitchell, Ving Rhames et Rosamund Pike (2009)

The Outfit (Échec à l'organisation)

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Film de 1973, The Outfit (Échec à l'organisation en VF) est un film de gangsters méconnu, dû à John Flynn, cinéaste lui-même oublié, qui fut l'assistant entre autres de Robert Wise avant de passer à la réalisation pour une dizaine de films. L'histoire de The Outfit, son troisième long métrage, est celle de Macklin (Robert Duvall, en pleine forme), un type qui sort de taule, retrouve Bett (Karen Black), une ex-compagne, et apprend que son frère Eddie vient de se faire éteindre par "l'organisation", sorte de syndicat du crime de Chicago mené d'une main de fer par un dénommé Mailer (Robert Ryan). Pourquoi ? On l'apprend bientôt : Macklin et son frère ont braqué une banque quelques années plus tôt, qui appartenait à l'organisation, et celui touche à l'organisation doit mourir. Sauf que Macklin est un dur à cuire, et qu'aidé par son ancien acolyte (le troisième larron du braquage qui mit le feu aux poudres), Cody (John Doe Baker), il est bien décidé à retourner le principe de l'organisation contre elle, et à lui faire payer tout ce qu'elle peut.




Le film manque peut-être d'un petit quelque chose, qui le rendrait plus original disons, mais il fonctionne tout de même très bien. Son héros, risque-tout habile et obstiné, fidèle en haine comme en amitié, contribue grandement à nous embarquer dans la suite de braquages et de fusillades qui le conduisent petit à petit jusque dans la riche et imprenable demeure du grand manitou ennemi. The Outfit est également intéressant dans sa façon de synthétiser le passage d'une époque à l'autre, mettant face à face les fiers reliquats du cinéma hollywoodien de l'âge d'or d'une part, incarné par l'immense Robert Ryan, en parrain vieillissant de la pègre, mais aussi Timothy Carey, qui joue son bras droit et que l'on vit chez Wellman, Hathaway, De Toth ou Daves, sans oublier un clin d'oeil de ce bon vieil Elisha Cook Jr, ici barman ; et les frais visages du Nouvel Hollywood, d'autre part, Duvall en tête, Karen Black à ses côtés, qui débuta chez Coppola et Dennis Hopper, ainsi que John Doe Baker, qui commença en 67 dans Luke la main froide et a tourné récemment, en 2012, dans le Mud de Jeff Nichols. 




D'ailleurs, toute l'intrigue découlant de ce fameux braquage survenu quelques années plus tôt, dont nous ne verrons aucune image, c'est comme si le film prenait littéralement appui sur un autre, virtuel, un film noir de la grande époque du genre, réalisé en un temps où Robert Ryan était au faîte de sa gloire. Et c'est un beau tour de force de The Outfit que de nous offrir de fabriquer les images de ce deuxième film antérieur et inexistant qu'il porte en lui-même. La confrontation entre deux moments de l'histoire du cinéma américain devient ainsi cohabitation, et va jusqu'à la réconciliation dans l'ultime scène, voire l'ultime plan du film en forme de résolution ouverte, où, étrangement, une concession ironique aux codes d'un certain cinéma classique se conjugue à une tonalité bien estampillée 70s évoquant les conclusions de quelques beaux titres de l'époque (Midnight Cowboypar exemple ou encore Scarecrow et Thunderbolt and Lightfoot, sortis la même année que The Outfit), et consistant en un baisser de rideau amical entre le rire et la mort.


The Outfit (Échec à l'organisation) de John Flynn avec Robert Duvall, Karen Black, John Doe Baker, Robert Ryan et Timothy Carey (1973)

The Pleasure of Being Robbed / Lenny and the Kids

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Les frères Joshua et Ben Safdie étaient en compétition au Festival de Cannes cette année pour le remarqué Good Time, un thriller policier qui marquait une belle évolution dans leur carrière puisqu'ils délaissaient quelque peu le style "mumblecore" pur de leurs débuts pour un film plus posé et moins nerveux mettant pour la première fois en tête d'affiche une vraie vedette en la personne de Robert Pattinson, acteur aux choix décidément intéressants. Je n'ai pas encore vu Good Time mais ce que j'en ai lu m'a beaucoup attiré et amené à m'intéresser de plus près aux premiers films des cinéastes new-yorkais.

Leur premier long métrage, The Pleasure of Being Robbed, est une agréable petite divagation de 70 minutes, durant laquelle nous suivons les pas d'une jeune femme new-yorkaise, Eleonore, déambulant dans les rues et dérobant, un peu au hasard, ce qui lui tombe sous la main. Ses larcins entraînent aventures et rencontres, plus ou moins heureuses, et son chemin croisera notamment celui de Josh, interprété avec beaucoup de naturel par Joshua Safdie, pour une sympathique parenthèse de road movie.




Le premier essai des Safdie est très anecdotique et l'on aura facilement tendance à somnoler devant. Mais il s'agira d'un sommeil doux et rêveur, influencé, bercé par le rythme et le ton plutôt plaisant de leur film. On suit les pérégrinations de ce personnage paumé, campé avec fraîcheur par Eleonore Hendricks, une actrice fétiche du duo, en finissant par s'y attacher. Le film ne se contente pas d'être une courte escapade fantaisiste auprès d'une cleptomane un brin allumée, il se drape progressivement d'une certaine mélancolie, d'un spleen grisâtre qui semble envahir l'air des rues new-yorkaises et atteindre, par moments, le personnage principal, perdu. C'est donc un peu troublés que nous le laissons là, dans la rue, et que le film se termine, sur les notes de piano de Thelonious Monk, en symbiose avec l'atmosphère final.

Le second film des deux frères, Lenny and The Kids, parvient encore plus franchement à développer cette capacité étonnante à aller de la fantaisie vers le drame, de la légèreté vers la gravité, du rire insouciant à l'anxiété pesante. Les Safdie nous dressent cette fois-ci le portrait de Lenny, un père fantasque et imprévisible (Ronald Bronstein), qui doit s'occuper de ses deux fils, âgés de 7 et 9 ans (trivia : il s'agit de Sage et Frey Ranaldo, les enfants du guitariste de Sonic Youth, Lee Ranaldo, qui fait lui-même une brève apparition dans le film). Débordé par son quotidien, complètement désorganisé, Lenny a bien du mal à assurer son rôle de père mais se rattrape toujours auprès de ses gosses par des blagues et autres pirouettes.

Le film est constitué de séquences décousues et imprévisibles à l'image de Lenny, filmées caméra à l'épaule, au plus près des visages, dans un style qui ne varie quasiment jamais mais que les Safdie maîtrisent bien. Peu à peu, le ton s'assombrit, les difficultés de Lenny prennent une tournure réellement dramatique, anxiogène, que l'on aurait bien eu du mal à envisager au départ, malgré quelques indices disséminer ici ou là, comme par exemple la mauvaise rencontre avec un clodo brutal campé par Abel Ferrara. Un suspense assez morbide, où l'on s'interroge sur le devenir des enfants, s'installe dans le dernier tiers et porte les ultimes traits, cruels, au portrait, très troublant, de ce père dépassé.




Dans cette veine "mumblecore" qui caractérise un certain cinéma indé US actuel et malheureusement si propice aux œuvres totalement anodines, les frères Safdie sont donc parvenus à créer des films singuliers, où l'on sent un regard, un ton, bien à eux. Si The Pleasure of Being Robbed est une digression plutôt plaisante mais anecdotique, Lenny and the Kids réussit quant à lui à marquer assez durablement l'esprit. Je suis donc très curieux de découvrir ce qu'ils nous réservent pour la suite !


The Pleasure of Being Robbed de Joshua Safdie avec Eleonore Hendricks (2008)
Lenny and the Kids de Joshua et Ben Safdie avec Ronald Bronstein, Eleonore Hendricks, Sage et Frey Ranaldo (2009)

Meurtre par décret

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Comptant parmi les nombreuses variations sur les aventures de Sherlock Holmes, Murder by Decree, réalisé par Bob Clark (l'auteur de Black Christmas) en 1978, est un film au scénario pour le moins accrocheur. L'idée de départ est séduisante puisque le scénariste John Hopkins et Bob Clark se proposent de faire plancher le célèbre détective d'Arthur Conan Doyle sur les exactions répugnantes du non-moins célèbre Jack l'éventreur. Le début du film est qui plus est très prometteur : les premiers plans, sur un Londres magnifiquement reconstitué, tapissé d'un fog à couper au couteau émanant de la Tamise pour envahir les ruelles sordides de Whitechapel, nous captivent tout de suite. Idem de ces plans ralentis où un fiacre sort de la brume pour s'avancer lentement mais sûrement vers la caméra, conduit par un cocher qui n'est qu'une ombre et accompagné d'une bande originale glaçante.





Malheureusement, le film, dans sa seconde moitié, perd peu à peu ses forces dans une intrigue politique (le titre annonçait la couleur me direz-vous) impliquant directement la famille royale, le gouvernement, et plus directement la Franc-maçonnerie, ce qui a pour effet de diluer le bloc de terreur que persiste à constituer la violence meurtrière incompréhensible de l'assassin mythique de Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly. Les figures des victimes comme celle du mystérieux tueur, pourtant bien amenée par les très gros plans sur son œil noir dilaté, écartelé, perdent les unes et l'autre consistance, et toute une foule d'éléments qui ont contribué à rendre cette affaire si mémorable (comme le caractère chirurgical des mutilations sur les cadavres des prostituées, par exemple, qui aura fasciné jusqu'à Robert Desnos, auteur de textes remarquables sur la question) passent à la trappe, ou bien sont présentés mais presque aussitôt évincés du récit (comme la tige de grappe de raisin retrouvée sur l'un des lieux du crime).





En revanche, si les seconds rôles sont inégalement traités (le médium Robert Lees, interprété par Donald Sutherland, ne sert pratiquement à rien ; alors que l'excellente Geneviève Bujold, dans le rôle d'Annie Crook, une prostituée séparée de son enfant et enfermée sans procès, bénéficie de quelques très belles scène dans un asile de folles particulièrement inquiétant), les deux personnages principaux sont bien servis par Christopher Plummer, dans le rôle de Holmes, et surtout le vieux James Mason dans celui de Watson. Ce dernier porte évidemment la part comique du duo, qui lui sied à ravir. Plummer est plus discret — il faut dire que son Sherlock a finalement guère le loisir de bien s'illustrer, usant plus d'entregent et de connaissances en gestuelle symbolique franc-maçonne que de véritable astuce et autre esprit de déduction —, mais les scènes qui réunissent les deux personnages parviennent facilement à faire sentir leur connivence et leur amitié. Le film, très plaisant au demeurant, et finalement assez original, aurait sans doute gagné à leur opposer un véritable troisième rôle principal dans la peau de l'éventreur, et à les laisser coudoyer plus souvent encore pour déjouer l'infâme et renouer coûte que coûte avec ce sourire que Holmes (et c'est une autre réussite du film), considérant avoir échoué (mais peut-être pas là où on s'y attendait), verra en partie effacé.


Meurtre par décret de Bob Clark avec Christopher Plummer, James Mason, Donald Sutherland et Geneviève Bujold (1979)

Wonder Woman

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Nous sommes en 2017 et nous nous réjouissons qu'un blockbuster américain soit un film de super-héros dont la vedette est une femme. Parce qu'en dehors de cette innovation révolutionnaire, Wonder Woman est tout ce qu'il y a de plus habituel et anodin. C'est un film débile de super-héros de plus, peut-être un peu moins nullissime que la moyenne, et donc à peine supportable, mais c'est strictement tout. Toutes les personnes qui se félicitent d'un tel film me font beaucoup de peine, à commencer par les stars américaines, complètement gaga. Wonder Woman a réussi à me fâcher avec mon idole Jessica Chastain qui, il y a quelques semaines, faisait ouvertement la pub de l'oeuvre de Patty Jenkins avec un enthousiasme sans réserve. Je suis très déçu, Jessica... Je me sens trahi !





Wonder Woman est simplement le premier film de super-héroïne qui ne soit pas réalisé par Pitof. Génial ! Une super-héroïne qui rêve tout de même, dès son plus jeune âge, de devenir une guerrière, d'apprendre à se battre, ce qui nous est montré lors des scènes les plus ridicules du début du film. Franchement, cette gamine au regard bovin, ne ressemblant pas une seconde à Gal Gadot, donnant des coups dans le vide en zieutant avec envie l'entraînement de ses aînés : a-t-on vu plus ridicule cette année au cinéma ?!




Puisque c'est réalisé par une femme et qu'une femme en est la star, on peut évidemment parler d'une grande oeuvre féministe... Je ne m'étendrai pas là-dessus. J'ai simplement relevé un dialogue plutôt réussi lors duquel Gal Gadot dit à un Chris Pine qui sort du bain et va récupérer sa montre bracelet : "Et vous laissez cette petite chose dicter tous vos faits et gestes ?", après lui avoir demandé de quoi il s'agissait. On pense tous qu'elle parle du zigouigoui de l'acteur et c'est donc une petite pique adressée aux hommes. Bien vu Patty. C'était osé.




Reconnaissons tout de même, en étant extrêmement indulgent, qu'il existe un semblant d'alchimie entre Gal Gadot et Chris Pine quand l'un débarque sur l'île des Amazones et l'autre découvre le monde des humains. Cela nous offre une ou deux scènes un peu plus agréables, plus légères, dans un registre où Patty Jenkins semble plus à l'aise et s'en tire légèrement mieux. Dommage toutefois que les acteurs soient si mauvais. Gal Gadot est peut-être une très belle femme, elle joue très mal. En fait, on se demande si c'est volontaire, si elle a choisi de jouer très bêtement la jeune femme qui fait ses premiers pas dans le Londres du début du siècle, à des fins comiques, ou si c'est simplement son jeu qui est ainsi, limité, dénué de la moindre nuance, pauvre et forcé. Quant à Chris Pine, il fait son possible, mais son personnage est inexistant, il n'a pas l'air d'avoir vécu avant qu'il déboule sur l'île des super meufs, il n'a aucune épaisseur, zéro charisme. 




Pour le reste, le succès de ce film me laisse toujours aussi songeur... Qui prend encore son pied devant des personnages quasiment immortels qui passent des heures à s'affronter à coups de baffes alors qu'ils sont invincibles ? Ici, nous avons droit à Wonder Woman combattant Arès, le Dieu de la Guerre. Celui-ci, sous les traits d'un vieil anglais maniéré (indispensable pour que le twist fonctionne), essaie de la convaincre, lors de l'affrontement final, que les hommes sont mauvais, qu'ils ne valent pas le coup, qu'il est préférable de les laisser s'entre-tuer. Heureusement, Wonder Woman croit en l'amour, en ces bonnes choses dont est capable l'être humain, comme par exemple son nouveau petit-ami, qui vient d'exploser en plein vol dans un acte éminemment héroïque, et elle le lui explique entre deux coups de pied. C'est véritablement passionnant. Avant cette scène poignante, cela n'a pas trop gêné Wonder Woman d'anéantir des centaines et des centaines de soldats allemands, pourtant livrés au même sort que les Alliés dans leurs tranchées, parce que l'as de la synthèse Chris Pine lui avait expliqué, dès son arrivée sur l'île, qu'ils étaient les "gentils" et eux les "méchants" via des répliques d'une bêtise abyssale. Ça fait rêver...




Faut-il que les blockbusters et les films de super-héros hollywoodiens soient mauvais pour que celui-ci se fasse remarquer et parvienne à sortir du lot... Faut-il que le cinéma de divertissement se porte mal pour que l'on s'extasie devant ça... C'est ce genre de films qui amènent à croire à l'infantilisation du public, à l'abrutissement général des populations, en bref, à notre fin prochaine. Nous vivons bel et bien les heures les plus sombres du cinéma à grand spectacle américain et, avec le succès retentissant d'un tel film, ça n'est pas prêt de s'arranger.


Wonder Woman de Patty Jenkins avec Gal Gadot et Chris Pine (2017)

Ce qui nous lie

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D'entrée, petite titrologie : Ce qui nous lie est le nouveau long métrage de Cédric Klapisch, qui avait commencé sa carrière par un court métrage très remarqué en son temps (à vérifier) intitulé Ce qui me meut. Ce qui nous lie, ce qui me meut, tout Klapisch réside dans ces deux phrases. La boucle est bouclée. Parce que pour Klapisch, grand maître du "film de groupe", nous sommes tous liés et nous avançons tous vers un destin inéluctable, les mouvements de l'un dictent ceux de l'autre, tels les battements d'aile d'un papillon, dans un monde 2.0. Toute la philosophie de Klapisch est là. Il était le réalisateur tout désigné pour signer la saga symbole d'Erasmus. Solidarité, fraternité, colocation, échange, voyage, village-monde, repas partagés, frigo commun... voici le champ lexical de la Klap. Accessoirement, on parle de "lie de vin" pour qualifier une couleur verdâtre, celle des vignes, clin d’œil astucieux au métier des personnages principaux du film, tous viticulteurs.




La sortie d'un nouveau Klap est toujours un événement. Un événement auquel on ne répond pas toujours présent, parfois par lâcheté. Un rendez-vous que nous n'honorons pas systématiquement, faute de courage. Mais la sortie d'un Klap ne nous laisse jamais indifférent et cela arrive que nous la subissions de plein fouet. Ici, le cinéaste de 55 ans, arrivé à un tournant de sa vie et de sa filmographie, s'intéresse au monde viticole, à la terre, pour pondre un nouveau film de groupe, nous expliquant encore à quel point la vie est ouf mais vaut tout de même la peine d'être vécue. Que parfois on pleure, parfois on rit, mais que c'est toujours le panard, surtout quand on bosse dans le pinard et qu'une grosse zik trip hop, chère à un Klapisch coincé dans les 90s, accompagne et souligne tous ces moments.




Fâché avec Romain Duris, dont il a oublié de souhaiter le dernier anniversaire par sms, et désireux de trouver un plus jeune étendard à son cinéma, Cédric Klapisch a cette fois-ci embauché Pio Marmaï, un acteur détestable mais qui est parvenu à faire sa place, que l'on a fini par tolérer grâce à son bagout et à sa bonhomie. On a appris à faire avec. Il faut se le farcir, mais avouons-le, il n'est pas bien méchant et dispose d'un naturel à l'écran que peu d'acteurs français de sa génération réussissent à dégager. Il est entouré par Ana Girardot (nous avons apprécié ce plan fugace où, jambes nues, la jeune actrice tasse le raisin dans des fûts) et François Civil, un jeune comédien en plein boom que l'on avait déjà croisé dans Dix pour cent, l'assez triste série créée par la Klap sur le monde des agents d'acteurs. Nous devons à François Civil les meilleurs moments comiques du film. Il faut reconnaître qu'il s'en tire pas mal et réussit presque à être drôle quand il doit surmonter sa timidité et dire ses quatre vérités à son interlocuteur, sans jamais finir ses phrases. Petit coup de flip lors de ma séance ciné : un couple de vieux s'est même mis à applaudir vigoureusement après l'une de ses répliques, comme pour me rappeler qu'un Klapisch se vit au cinéma, avec un public réceptif, pour être pleinement apprécié. Mon acolyte et moi gardons un souvenir inoubliable de la fois où nous étions allés voir Paris, la fleur au fusil. 




On regrette toutefois que Klaspich soit toujours aussi mauvais, aussi lourdingue, pour croquer des moments de vie supposés poignants, touchants. Il est clairement plus doué dans le registre de la comédie pure, où sa mise en scène et sa lourdeur font moins de dégât. Les scènes de dégustation de vin sont aussi des passages difficiles à encaisser, qui nécessitent un self control à toute épreuve. Il faut voir les comédiens débiter leurs banalités et leurs phrases toutes faites après avoir enfin avalé leur gorgée et, surtout, il faut supporter d'entendre ces bruits de bouche abominables qui donnent véritablement envie de tuer, de passer à l'acte. Je reprocherai aussi à la Klap son goût trop prononcé pour la carte postale. On croirait que son film est fait pour être vendu à l'étranger et mettre en valeur, péniblement, les paysages de la Bourgogne. Cette mauvaise tendance klapischienne se ressent aussi quand nous admirons notre trio d'acteurs, toujours beaux, en pleine forme, jamais fatigués, tirés à quatre épingles, portant des vêtements bien assortis, lorsqu'ils travaillent la vigne, comme s'ils faisaient un défilé ridicule, tels des gravures de mode de la campagne. Ça n'est pas crédible pour un sou, à l'image de ces dialogues lamentablement sibyllins où les personnages débattent du moment le plus opportun pour démarrer les vendanges. Un viticulteur audois ne supporterait pas ce spectacle une seconde et irait dans la foulée faire exploser à la dynamite artisanale le domicile du cinéaste.




Le moment tant redouté des vendanges est aussi une sacrée épreuve. Klapisch en profite évidemment pour nous montrer combien le travail des vignes est merveilleux, fait en groupe, dans la bonne humeur. Tout le monde vit et dort ensemble, comme une grande famille, se couche et se lève avec le sourire et, là encore, le cinéaste parvient à titiller nos plus bas instincts, nos envies pyromanes et sociopathes. Autre constat assez dingue à la sortie du film, qui en dit sans doute long : le Klap ne m'a pas du tout filé envie de boire du vin. J'ai un bon rosé tout frais dans le frigo, je n'ai même pas envie de m'en glisser un verre. C'est assez fou, c'est encore une belle performance de la Klap. Après Super Size Me, on s'est tous tapé illico presto un bon gros McDo. Un film sur l'élevage de poulets, je suis sûr qu'à la sortie je m'en tape un ou deux. Là, rien du tout. Malgré cela, mon honnêteté de blogueur ciné m'amène à vous avouer qu'il ne s'agit pas, loin de là, de l'un des pires Klapisch puisqu'il évite certains écueils attendus et éloigne de justesse ses personnages de la caricature. Cependant, je ne peux m'empêcher de penser qu'une telle histoire, sur ces frères et sœur qui se réunissent après le décès du père pour gérer son héritage et son domaine, de tels thèmes, avec l'enchaînement des saisons et le travail de la terre, abordés par un cinéaste français plus fin, comme Assayas ou Kechiche, cela aurait pu donner un bien beau film... 

Bon, je me glisse quand même un verre sous le colbac... mais Klap, tu n'y es pour rien ! J'ai juste soif.


Ce qui nous lie de Cédric Klapisch avec Pio Marmaï, Ana Girardot et François Civil (2017) 

L'Homme des vallées perdues

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Un cavalier seul apparaît à l'horizon, se détachant sur les montagnes du Wyoming, comme né des fantasmes du petit garçon qui l'aperçoit de loin et n'attendait que lui. L'homme, qui répond au nom de Shane (Alan Ladd), se présente à l'enfant, Joey, puis à ses parents, Joe et Marian (Van Heflin et Jean Arthur). Silencieux sur son passé, il ne faut que quelques minutes à Shane pour se lier d'amitié avec les Starret, cette famille de fermiers sans histoires, quitte à devenir l'associé improvisé de Joe, le propriétaire pourtant farouche des lieux, contre les éleveurs, et en particulier leur meneur Rufus Ryker (Emile Meyer), qui tentent d'intimider et d'expulser l'ensemble des cultivateurs du coin pour permettre à leur bétail de s'étendre au plus loin.




L'amitié et l'entraide entre Shane et Joe Starret est un des atouts majeurs du film, même si le ridicule est frôlé quand on les voit taper en canon sur une souche d'arbre à coups de haches avec une banane de tous les diables. Leur relation devient plus intéressante quand il s'agit plutôt de taper à l'unisson sur les éleveurs dans le saloon local, lui aussi contrôlé par Ryker, ou de se taper l'un sur l'autre à la fin du film, quand Shane tabasse son collègue pour l'écarter du duel final contre l'ennemi et lui sauver la vie. Cette échauffourée amicale sans pitié rappelle avec plaisir quelques modèles du genre, comme la mythique empoignade des acolytes de They Live.





Mais ce qui touche particulièrement dans ce film, c'est sa grande simplicité, qui va de l'évidence de cette amitié qu'il dépeint (comme est évidente l'attirance réprimée que Marian éprouve pour Shane et réciproquement), à la physionomie des acteurs choisis, à commencer par ceux qui composent le triangle amical et amoureux central, tous trois sobrement émouvants, mais aussi les seconds rôles, comme Elisha Cook Jr., dans la peau d'un petit cultivateur sympathique nommé Frank « Stonewall » Torrey, en hommage au général sudiste qu'il admire et à sa ténacité face aux menaces de Ryker.




La séquence où le brave Torrey est envoyé ad patres par Jack Wilson (sublime Jack Palance), tueur à gages embauché par Ryker pour en finir des fermiers, dénote d'ailleurs terriblement dans la partition que nous joue Georges Stevens, étant une des rares manifestations brute de violence du film (entre deux bagarres de bar plus amusantes qu'autre chose), d'une puissance étonnante. George Stevens fait de cet assassinat un exemple (bien au-delà de celui que Ryker entend donner à ses opposants pour les terrifier et leur intimer de fuir) jugeant manifestement inutile de se répandre en tueries et en scènes d'injustices : un homme bon et innocent tué de sang froid, pour rien, et s'écroulant dans une flaque de boue suffit à dire l'impitoyable violence du grand ouest. 




Cette image marque l'esprit, au même titre que celle, d’Épinal, qui conclut le film, du lonesome cowboy héroïque, blessé, peut-être à mort, s'en allant vers d'autres horizons, condamné à errer de ville en ville jusqu'à sa disparition complète. Mais ce n'est pas le cliché qui bouleverse, en tout cas pas tout seul, ce qui serre le cœur et que donc nous retiendrons, c'est bien le cri de l'enfant qui retentit dans la vallée, ce Goodbye Shane (le titre d'origine, ce limpide Shane, est encore plus beau que le nôtre), jeté dans le désert sur une silhouette déjà lointaine.


L'Homme des vallées perdues de George Stevens avec Alan Ladd, Van Heflin, Jean Arthur, Elisha Cook Jr., Jack Palance et Emile Meyer (1953)

Free Fire

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Ben Wheatley, cinéaste anglais jadis très prometteur, continue hélas de filer du mauvais coton. Après son adaptation ratée mais risquée de J. G. Ballard, High Rise, il se fourvoie cette fois-ci dans un exercice a priori beaucoup plus facile : un film de gangsters en huis clos à la Tarantino. Sous ce prétexte, Ben Wheatley démontre qu'il est encore une fois obnubilé par le fétichisme des années 70 et son film de 90 petites minutes paraît en durer le double puisqu'il consiste en une longue et fatigante fusillade dont on se contrefiche des tenants et aboutissants ainsi que de strictement tous les personnages qui y sont mêlés. Que s'imagine Ben Wheatley ? Croit-il vraiment que quelques "fuck" judicieusement placés transforment forcément des dialogues anodins en répliques inoubliables ? En panne d'imagination, il réussit seulement à nous rappeler la pauvreté de la langue anglaise quand elle est utilisée ainsi. Et pense-t-il qu'il suffit de grimer une dizaine d'acteurs en gravure de mode des années 70 pour leur donner du charisme, de l'allure, de la classe ? Nous ne voyons que des costumes, des mannequins, des pantins, faits pour prendre des balles ou en envoyer, et nous imaginons les maquilleurs, costumiers et coiffeurs fonçant sur eux entre chaque prise pour leur refaire une beauté.




Pourtant, les beaux noms, les grosses gueules et les accents en tout genre sont bien de sortie : Cillian Murphy, d'une fadeur exceptionnelle, Armie Hammer, difficilement supportable à rouler des mécaniques dans son costard ridicule, Sharlto Copley, particulièrement nocif avec son accent d'outre-tombe, Sam Riley, qui a décidément bien mal géré sa carrière après avoir incarné Ian Curtis dans Control, Noah Taylor, que l'on a jamais beaucoup vu au premier plan mais que l'on a tout de même bien assez vu, et bien sûr, l'acteur fétiche de Wheatley, Michael Smiley, trimbalant comme toujours son gros nez tordu et sa mauvaise humeur habituelle, condamné à l'ironie patronymique. Au milieu de tous ces hommes, on a de la peine pour l'oscarisée Brie Larson qui, malgré une chemise parfaitement assortie à ses jolies bouclettes, ne devient guère l'icône que son réalisateur aurait tant aimé faire d'elle en lui attribuant le beau rôle. Tous ces acteurs essaient lamentablement de cultiver la diversité de leurs filmographies, continuellement à la recherche du film culte instantané et de l'apparition remarquée chez un cinéaste clivant aux fans véhéments. Hélas, plus Ben Wheatley filme, plus il s'éloigne de ce rang et nous fait même douter de ses premières réussites. Il confirme ici son plus mauvais penchant, pour la pose, pour un cinéma de petit malin empli de références mais incapables de créer quoi que ce soit de marquant et de personnel. C'est dommage, car on avait connu le duo qu'il forme avec sa femme, Amy Jump, bien plus inspiré que ça à l'écriture comme à la réalisation. Kill List et A Field in England restent deux films intéressants, originaux, osés, qui laissaient effectivement croire en une vraie personnalité chez leurs auteurs. Il faudra désormais un sacré revirement pour que nous puissions de nouveau y croire.


Free Fire de Ben Wheatley avec Brie Larson, Cillian Murphy, Armie Hammer, Sam Riley et Sharlto Copley (2017)
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