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Channel: Il a osé !
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Rock'n Roll

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Je pourrais me lancer dans une longue critique à charge contre ce film merdeux, mais je n’en ai guère envie. A quoi bon revenir sur ce projet hyper mégalomane de Guillaume Canet, qui sous couvert d’autodérision n’arrête pas de parler de lui, de lui, et encore de lui (entre trois parenthèses où il parle de sa femme, de ses amis, de son métier, et compagnie) ? Sous prétexte de raconter la difficulté de vieillir chez les comédiens et comédiennes, Guillaume Canet, pour résumer, s’admire en se plaignant, ce qui fait toujours un peu beaucoup. Faut-il supporter ça ? Faut-il encaisser Marion Cotillard qui parle avec un accent québécois ignoble pendant la quasi-totalité du film juste parce qu’elle doit jouer un rôle dans le prochain Xavier Dolan ? Faut-il accepter d’entendre parler de Gilles Lellouche comme du Robert Redford français à tout bout de champ ? Faut-il tolérer ces acteurs ô combien antipathiques qui jouent horriblement mal à chaque seconde, Yvan Attal en tête ? Faut-il vraiment ?




Bon, il y a peut-être des choses à sauver dans ce cauchemar. Je préfère me rattacher à ça pour ne pas sombrer dans l’ultra-violence. Je pense en particulier à la séquence chez Johnny Hallyday, plus en forme que jamais. Johnny Smet surnage parmi une petite foule de caméos insipides (on finit par ne plus savoir qui est censé être « célèbre » ou pas, tant les célébrités convoquées sont sans saveur et chlinguent la mort). Johnny débarque en se ramassant la tronche dans son grand escalier. Déjà ça pose le rôle. Puis il passe toute sa scène à appeler Guillaume Canet « Jérôme ». Rien que ça, c’est énorme. C’est ce qu’on rêverait de faire si on croisait la Cane. Johnny met d’ailleurs un zèle particulier à interpeller l'autre enclume d'un petit « Jérôme » dans chaque phrase ! Il coupe ensuite un dialogue embarrassant pour aller « allumer le feu », et il chante ces trois mots mythiques en allumant la cheminée, d’une voix de castrat improbable. Magique. La scène se termine quand Canet quitte le château de Laetitia et Johnny, mais ce dernier nous offre un petit rappel inespéré en hélant « Jérôme » depuis les barreaux d’un soupirail, d'où il lui chante « Les Portes du pénitencier », presque en entier. Dieu sait que je me fous de Johnny Hallyday comme d’une guigne, mais il est un petit rayon de soleil dans ce film si terne.





La toute fin du film, et par toute fin j'entends l'ultime séquence avant générique de clôture, est vaguement sympa aussi. A ce moment-là Canet est totalement transfiguré après mille séances de chirurgie esthétique et d'injections de stéroïdes (effets spéciaux plutôt réussis pour le coup, big up aux gens qui en sont responsables, où qu'ils soient), et il part à Miami tourner dans une série qui se veut une sorte de réécriture de Rintintin avec un crocodile à la place du chien. Sa femme et leur fils, après une séparation, rejoignent finalement Canet, et mari et femme jouent ensemble dans le programme tv à deux dollars. Le générique nous présente ainsi quelques scènes de ladite série, où l'on voit Jérôme Canet marcher à côté de son crocodile, qui porte son sac à dos à sa place ; il lui indique aussi une route à suivre en le tirant par la queue pour le retenir, sans réaction de l'animal ; traverse un fleuve à dos de croco, et ainsi de suite. C'est ce film-là que Canet aurait dû réaliser. En cinq ou six plans il enterre lui-même tout le film, irritant, répétitif, trois fois trop long, sans intérêt et presque jamais drôle qu'on vient de subir. Ceci étant dit, j'essaie d'être positif, pour tenir le coup, mais c'est pas une raison pour endurer cette fange filmique. Non. Faites pas les cons.


Rock'n Roll de Guillaume Canet avec Guillaume Canet, Marion Cotillard, Yvan Attal, Gilles Lellouche et Johnny Hallyday (2016)

Le Jour d'après

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Curieusement, Le Jour d'après est un film qui semble entièrement dédié à la grâce de son actrice principale, Kim Min-hee. Curieusement parce que son personnage gravite à la périphérie du drame que déroule le cinéaste. À la limite, on pourrait presque résumer l'histoire que nous raconte le film en oubliant d'évoquer le personnage interprété par l'actrice. Il s'agit du récit, savamment déconstruit et remodelé par le montage, d'une journée de Bongwan (Kwon Hae-hyo, un acteur récurrent chez Sang-soo), petit éditeur que sa femme soupçonne à juste titre de tromperie. La première séquence donne le ton de ce qui s'avère être un film, une fois n'est pas coutume, particulièrement dur, sans pitié, jusqu'au malaise parfois : l'épouse de Bongwan le traque pendant son petit-déjeuner, le pousse dans ses derniers retranchements, preuve à l'appui (elle a trouvé une lettre écrite par l'assistante et maîtresse de son mari, qui a depuis démissionné), le force à avouer, et l'homme, lâche et terrassé sur place, de ne pas répondre, et d'alterner rire nerveux et silence coupable, le menton bas, entre deux bouchées bruyantes de son repas matinal.





Après quoi nous voyons (plusieurs fois) Bongwan faire le chemin qui sépare sa maison (sa femme) de son lieu de travail, dont une fois en courant à toute allure avant de s'arrêter et de pleurer longuement. Le titre du film n'est pas anodin. Nous assistons à la chute, largement amorcée avant notre arrivée, d'un type exténué. Une fois qu'il a rejoint sa maison d'édition, Bongwan rencontre sa nouvelle recrue, Aerum (la fameuse Kim Min-hee), bientôt confondue, gifles à l'appui, avec la maîtresse de l'éditeur par l'épouse de ce dernier, puis éclipsée par le retour de ladite maîtresse, qu'elle était censée remplacer mais qui désire finalement retrouver sa place. Remplaçante, prise pour une autre, remplacée, Aerum, extérieure aux enjeux du triangle amoureux conflictuel, ne joue qu'un rôle très secondaire dans cette affaire (si elle en joue seulement un), elle est le témoin gêné (très belle scène où elle tombe sur Bongwan et sa maîtresse à la sortie d'un restaurant et ne sait plus très bien où se mettre), la victime giflée d'un quiproquo, la pièce rapportée, la variable, quantité négligeable.





On pourrait tant et si bien l'oublier que c'est ce qui se passe effectivement, dans la dernière séquence, en forme d'écho et de boucle bouclée, qui reprend à l'identique une scène qui a déjà eu lieu assez tôt dans le film (on songe forcément au dispositif des scènes rejouées dans le magistral Un jour avec, un jour sans, déjà porté par la jeune et talentueuse Kim Min-hee), la scène de la rencontre entre Aerum et Bongwan, filmée selon les canons du maître, en coupe latérale. Quelques temps après cette journée pleine de rebondissements, Aerum revient chez l'éditeur, qui ne se souvient absolument plus d'elle, et les deux personnages entament une conversation qui se révèle être exactement la même que lors de leur première rencontre (à quelques détails, fascinants, près). Et l'on se demande comment cet homme a pu oublier Aerum. Car elle est le cœur de ce film. Elle est exactement ce que le spectateur n'oubliera pas.




Kim Min-hee traverse cette heure et demi comme en catimini, discrète, « je ne suis pas quelqu'un qui domine » dit-elle à Bongwan lors d'un repas, mais elle impacte le film de sa présence d'un bout à l'autre. Jusqu'à prendre le dessus, se décidant à réagir à tout ce qui lui tombe dessus et à confondre les manigances des deux amants pour les mettre face à leurs responsabilités (provoquant une crise de larmes pathétique chez son patron, en présence de sa maîtresse, embarrassée par ce spectacle). Sa posture est superbe, et à vrai dire émouvante, quand elle assiste aux explications entre Bongwan et sa femme, les cheveux encore défaits par les gifles de cette dernière, assise en arrière dans le canapé du bureau, à la fois affligée et fière, montrant son exaspération par des mouvements de tête récurrents dignes d'un enfant, captant notre attention sans dire un mot et pesant de toute sa frêle personne sur les déboires du couple.


 


Flottante, aérienne, gracieuse, littéralement "au-dessus de tout ça", elle déambule dans la maison d'édition, fine silhouette, noue et dénoue ses longs doigts devant elle quand elle a l'impression de déranger l'éditeur et son amante, d'être de trop, alors qu'elle est parfaitement, heureusement, là et qu'on ne voit, qu'on ne voudrait voir, qu'elle. Le plus beau moment du film lui est consacré, quand elle découvre qu'il neige, après avoir feuilleté les quelques livres que l'éditeur lui a permis d'emporter avant de la congédier, et après avoir fait une prière, assise à l'arrière d'un taxi. Elle ouvre la fenêtre et s'émerveille du spectacle. Cette scène relève peut-être du sacré, mais sûrement de sublime.


Le Jour d'après de Hong Sang-soo avec Kim Min-hee et Kwon Hae-hyo (2017)

Okja

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Après la déception Transperceneige (que je n'ai pas vu pour cause d'intempéries), Bong Joon-Ho était particulièrement attendu au tournant pour son nouveau film. Courageux, le cinéaste coréen a choisi de remettre le couvert à la tête d'une production à gros budget à moitié américaine. Suite à la mauvaise expérience vécue avec Harvey Weinstein (qui avait voulu amputer Le Transperceneige de 20 minutes, soit l'équivalent de deux wagons), Bong Joon-Ho était heureux de trouver en Netflix des producteurs qui lui ont garanti le contrôle complet de son oeuvre. C'est ainsi que celle-ci a fini par être disponible, en exclusivité, sur la chaîne américaine, provoquant un tollé sur la Croisette, où le film figurait en sélection officielle. Fort de ses pleins pouvoirs, Bong Joon-Ho en a profité pour nous livrer le premier film de monstre 100% vegan de l'Histoire du cinéma : Okja.





Okja nous dépeint une histoire d'amitié entre une jeune fille coréenne et sa truie géante, objet d'une lutte impitoyable entre une multinationale américaine et les membres du Front de Libération des Animaux. La multinationale, dirigée par Tilda Swinton, souhaite remettre la main sur sa création, la truie, afin de révolutionner la production alimentaire et se faire un maximum d'oseille tandis que le Front de Libération des Animaux, mené par Paul Dano, veut révéler au grand jour les pratiques inhumaines de la multinationale pour mieux mettre fin à ce type d'activités.




A partir de ce scénario co-écrit avec le journaliste engagé Jon Ronson, déjà auteur de quelques enquêtes controversées, Bong Joon-Ho cherche vraisemblablement à nous livrer un divertissement familial intelligent car porteur d'un message et n'épargnant personne. Ses objectifs sont tous plus ou moins atteints. Okja est effectivement un divertissement de qualité, comme Hollywood n'en produit quasiment plus, et sa partie coréenne est particulièrement réussie. Celle-ci contient même des scènes d'action assez fameuses, et je fais ici surtout allusion à la course poursuite en camion dans les rues de Séoul, où le cinéaste nous rappelle tout son talent de metteur en scène. La scène est trépidante, totalement lisible et d'une fluidité que l'on a plus l'habitude de voir sur (grand) écran. Un petit régal ! Au-delà de ça, la première partie du film dégage une certaine légèreté, une naïveté, plutôt rafraîchissante et vraiment pas désagréable. On passerait bien deux plombes à zoner dans la forêt en compagnie de la gamine et de la truie géante.




Les choses se gâtent un peu quand l'action se déplace aux Etats-Unis. Okja se met alors à peser son poids, à l'image de sa star américaine, Jake Gyllenhaal, véritable boulet du film dans la peau d'un scientifique-présentateur tv excentrique. Toutes les critiques, tous les commentateurs s'accordent à le dire, Jake Gyllenhaal est absolument minable là-dedans. C'est un fait assez rare pour être souligné, il fait l'unanimité. Ce n'est pas un ressenti personnel, c'est partagé. Toutes les personnes ayant vu Okja ont eu envie de se faire Gyllenhaal à la sortie. A côté de lui, Tilda Swinton passe presque pour un modèle de retenu, c'est dire ! Et Paul Dano, très bon dans le rôle du chef ambivalent de la FLA, brille encore plus. La polémique cannoise, c'est Gyllenhaal, pas Netflix. Tout le monde s'est révolté qu'un film parasité par une telle prestation puisse être présent en compétition officielle et c'est bien légitime. Jake Gyllenhaal n'avait rien à faire sur la Croisette. Sa performance outrancière, en roue libre, ridicule, horrible, restera à jamais comme un point noir dans la carrière de cette acteur d'ordinaire passable. Il fout mal à l'aise, on se sent mal pour lui. Qu'est-ce qui lui a pris ? Et comment Joon-Ho Bong a-t-il pu accepter ça ?!




En dehors du cas Gyllenhaal, qui mériterait une étude plus approfondie pour comprendre les raisons d'un tel comportement, une grande parade organisée par la multinationale dans les rues de New York donne lieu à une scène pénible, trop longue, mal négociée. En réalité, dès que Bong Joon-Ho perd de vue la jeune fille et son gros cochon, cette jolie amitié à laquelle on adhère sans souci, son film se délite un peu. Et quand Bong Joon-Ho s'aventure sur le terrain de la dénonciation pure et dure des méthodes douteuses du secteur agroalimentaire et, plus largement, de notre société de surconsommation, il ne fait pas toujours preuve d'une délicatesse infinie. Ainsi, quand, à la fin du film, il nous montre les cochons géants attendant l'abattage, parqués et prisonniers dans des sortes d'immenses fermes lugubres aux clôtures de barbelés dissuasives qui font immanquablement penser aux camps de concentration nazis, Bong Joon-Ho est à la limite du hors-jeu et l'on se dit qu'il aurait pu faire ça plus subtilement...




Chat échaudé craint l'eau froide, nous pouvions aussi craindre que le cochon vedette du film soit un amas disgracieux de pixels mal incrustés dans l'image, ce qui aurait été très gênant étant donné l'importance de l'animal dans l'intrigue... Or, force est de constater que les effets spéciaux sont très soignés et Okja (prononcer Okyaa-aaaah) paraît bel et bien vivant, c'en est presque bluffant. On peut regretter, toutefois, le manque d'expression de la bête. N'importe quel animal réel dégage plus de vie, mais aurait été bien plus difficile à contrôler sur un tournage de six mois... Et un animal de dessin animé encore plus, puisque toutes les expressions sont généralement surlignées. Ici, sans doute s'agit-il d'une volonté du cinéaste d'inventer un animal discret, "réaliste", mais sa création ne marquera guère les esprits, même des plus jeunes. Heureusement que la gamine (excellente Ahn Seo-Hyun) déborde d'énergie et a l'air de vraiment aimer son cochon pour que l'on marche dans la combine et que l'on suive, sans déplaisir, les péripéties de leur amitié. Malgré tous ces bémols, Okja est un film assez sympa.


Okja de Bong Joon-Ho avec Ahn Seo-Hyun, Paul Dano, Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal et Byun Hee-Bong (2017)

The Jane Doe Identity

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Certains amateurs de frissons ont reconnu en The Jane Doe Identity (titre "français" de The Autopsy of Jane Doe, allez comprendre...) un film d'horreur efficace remplissant parfaitement son office : faire peur. On ne peut pas vraiment les contredire mais nous pouvons toutefois regretter que le deuxième long métrage du norvégien André Øvredal ne soit que ça, une petite frayeur non déplaisante, car il aurait pu être bien mieux encore. En effet, la majeure partie du film installe une ambiance pesante et singulière dans laquelle on se fond avec délice. Les Tilden, père (Brian Cox) et fils (Emile Hirsch), médecins-légistes doués, doivent autopsier le cadavre d'une femme non-identifiée (et donc nommée, génériquement, Jane Doe) et trancher sur la nature de sa mort, son corps immaculé les laissant dans l'expectative la plus totale. Au cours de ladite autopsie (tout le film consiste en cela, comme quoi le titre original n'était pas si mal...), les Tilden vont de surprise en surprise tandis que des phénomènes étranges et angoissants se produisent autour d'eux. Un huis clos efficace se met alors en place dans le laboratoire très austère des médecins-légistes, bloqués dans leur vieux sous-sol par une tempête qui fait rage à l'extérieur. 




Avec une belle économie de moyens et sur un rythme bien calculé, le réalisateur, déjà auteur du relativement sympathique The Troll Hunter, parvient sans souci à nous immerger dans son ambiance lugubre et à nous rendre impatients d'assister aux découvertes successives des personnages principaux, campés avec sérieux par deux acteurs crédibles en père et fils, Brian Cox et Emile Hirsch. Ainsi, sur les 80 petites minutes que dure le film, les 50 premières sont donc très bonnes. Hélas, elles aboutissent à un dernier tiers très décevant, où la tension minutieusement développée auparavant s'effondre petit à petit. Le voile se lève sur la dénommée Jane Doe, sur son origine et les raisons de son étrangeté, des actes de plus en plus irréversibles se déroulent en sous-sol, d'autres cadavres se pointent, du sang se met à couler, des visions, des fantômes et d'autres événements chelous s'enchaînent mais, avec ça, toute notre curiosité s'estompe. En même temps que celle du cadavre vedette, l'identité du film apparaît enfin dans son entièreté et il ne s'agit pas, malheureusement, de la franche et modeste réussite que l'on aurait pu espérer, mais bien d'un petit coup de flip pas désagréable, qui assurera une soirée de frayeurs inoffensives, sans réellement laisser de trace ni titiller notre imaginaire. Vite vu, et avec plaisir, mais vite oublié aussi. Dommage...


The Jane Doe Identity d'André Øvredal avec Emile Hirsch, Brian Cox et Olwen Catherine Kelly (2017)

Haunter

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J'aurais aimé défendre ce film. J'avais envie de croire qu'une alternative de qualité à l'incontournable Conjuringétait sortie en catimini la même année dans le domaine du film de maison hantée. Et Splice, du même Vincenzo Natali, nous avait plutôt emballés. Hélas, même avec toute la bonne volonté du monde, force est de reconnaître que ce Haunter est un vrai ratage. Le postulat de départ est pourtant un peu original, même s'il s'agit d'une sorte de croisement incongru entre Un Jour sans fin et Les Autres. On y suit les déboires de Lisa (Abigail Breslin), une adolescente enfermée dans une grande maison et condamnée à revivre indéfiniment le même jour. Très vite, nous apprenons que cette Lisa est une fantôme, bloquée au jour de la mort de sa famille dans des circonstances tragiques, il y a près de 30 ans. Elle est elle-même hantée par les individus qui vivent à présent dans la bâtisse, mais va progressivement tenter de leur venir en aide quand elle comprendra qu'ils semblent destinés au même triste sort qu'elle.




Les films de maison hantée nous proposent généralement de suivre les mésaventures d'une famille hantée par un esprit qu'il faut aider, venger ou libérer d'une façon ou d'une autre. Ici, l'histoire est donc inversée, mais cela s'arrête là. Le parti pris initial est loin d'être une mauvaise idée, mais Vincenzo Natali n'en fait rien d'intéressant et son film tourne très vite à vide. On se rend d'autant mieux compte que le film est raté quand on a cette désagréable mais bien réelle impression d'avoir strictement révélé toutes ses surprises en écrivant quelques lignes supposées seulement présenter le pitch. La première partie, trop longue, nous montre Abigail Breslin mener son enquête dans cette journée interminable, et c'est déjà très laborieux. Il ne se passe rien. Quand le personnage investit le présent pour agir en esprit bienfaiteur, certaines situations rappellent l'infect Lovely Bones, et cela suscite toujours aussi peu l'intérêt. Quelques effets spécieux grotesques et particulièrement hideux rappellent d'ailleurs aussi le film de Peter Jackson. Il est presque difficile de croire que le même réalisateur a accouché de Splice, film de science-fiction qui, malgré son maigre budget, parvenait à avoir une très bonne allure. Quant à la petite Abigail Breslin, supposée porter le projet sur ses frêles épaules, elle n'a pas franchement étendu son registre depuis Little Miss Sunshine, où elle avait tout juste 9 piges, et c'est assez problématique... Elle contribue également à donner à Haunter le cachet d'un épisode pilote très brouillon d'une série-télé avortée. Un épisode qu'on aurait ici péniblement rallongé pour qu'il atteigne la durée d'un long métrage. Bref, à oublier !


Haunter de Vincenzo Natali avec Abigail Breslin, Samantha Weinstein et Stephen McHattie (2013)

Les Vertes années

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Tourné en 1963, Les Vertes années est le premier jalon de la filmographie de Paulo Rocha, cinéaste portugais qui fut, avant de réaliser ses propres films, l'assistant réalisateur de Jean Renoir ou Manoel de Oliveira (auquel il consacra un épisode de la série Cinéastes de notre temps, ainsi qu'à Shohei Imamura). Assez oublié aujourd'hui, ce premier film est pourtant très beau. Lointainement inspiré du cinéma de la Nouvelle Vague, Os Verdes Anos raconte les débuts pas simples d'une relation amoureuse unissant Julio (Rui Gomes), un garçon venu s'installer à Lisbonne, près de son oncle, pour y apprendre à devenir cordonnier, et Ilda (Isabel Ruth), domestique d'une famille bourgeoise amenée à rendre visite à Julio régulièrement pour lui faire réparer les dizaines de paires de chaussures de sa riche maîtresse.





Le film est aussi, à travers cette idylle, l'histoire d'une ville, Lisbonne, comme le pose d'emblée la voix off dite par l'oncle de Julio. Paulo Rocha filme la ville et sa banlieue, faite de masures perdues à flancs de collines. Qu'ils se trouvent dans cet entre-deux, cette frontière indéfinissable entre ville et campagne, déambulant parmi les oliviers, ou au de cœur de la cité, Rocha filme les amants dans ces espaces et noue un lien très fort entre eux et le paysage qui les accueille. Ilda réagit par exemple à la demande en mariage de Julio en sortant du cadre dessiné par les branchages d'un arbre pour s'insérer dans un autre, juste à côté, forçant la caméra au décadrage. En ville, quand ils se racontent l'un l'autre les mésaventures et les projets avortés qui sont ceux de leur âge (Julio ne pouvant plus supporter son oncle, Ilda regrettant de ne pas avoir les talents de sa mère disparue, tous deux évoquant un futur encore à construire), nous les voyons tour à tour, au moment où ils devraient écouter et réagir aux propos de l'autre, déchiffrer une affiche ou essayer de voir à travers une vitre, ne pensant chacun qu'à soi dans un décor urbain qui fait obstacle, les cloisonne, les renvoie constamment à eux-mêmes et à leurs inquiétudes.





Deux séquences sont particulièrement touchantes. Celle, dans le maquis bordant la ville, où Ilda et Julio, se promenant pour la première fois, déambulent parmi les taillis et les oliviers et sont interpellés par des gens du coin qui traquent des oiseaux de la race des inséparables. Et celle où Ilda emmène Julio chez ses patrons, absents, puis essaye pour lui les robes et les chaussures de sa maîtresse dans un défilé improvisé, transgressif, chastement érotique.




Quand il se veut symboliste, Rocha échappe encore à toute lourdeur, par exemple dans la séquence où un chandail offert par l'oncle de Julio à Ilda devient l'objet des tiraillements entre les deux jeunes gens, finissant jeté du haut d'une crête pour ensuite être récupéré, à quatre mains, dans une vaste flaque du quasi-bidonville jouxtant Lisbonne. Tout en subtilité, avec quelques touches d'humour bienvenues, Rocha montre le poids que la transition entre deux époques peut avoir sur les jeunes, et sur les jeunes femmes en particulier, quand Ilda est méprisée pour une simple danse accordée à un inconnu, sans parler du dernier acte du film, aussi surprenant que terrible. Porté par une belle musique de Carlos Paredes (qui a la bonne idée d'être belle, car elle est très présente !), Les Vertes années est un récit d'apprentissage finement ciselé et émouvant qui mériterait amplement d'être redécouvert.


Les Vertes années de Paulo Rocha avec Rui Gomes et Isabel Ruth (1963)

Si j'étais un homme

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L'autre soir je rejouais tout seul à un jeu de société de David Gentle, un party game intitulé "La boîte à quizz", et je m'estramassais en particulier tous les quizz de la section "Cinéma et télévision", étant à peu près sûr de cartonner, en ma qualité de blogueur ciné. L'un des quizz portait sur les accroches de films : "Identifiez les films à partir de ces accroches". L'énoncé est clair. Objectif à atteindre : en reconnaître 7 sur 12. J'en ai trouvé 4, dont l'efficace "Ne rien oublier, ne rien pardonner, ne rien oublier", issue de La Mémoire dans la peau, "Sept péchés capitals, sept façons de crever", tirée de l'affiche de Se7en, la fameuse "Houston, on a un souci" d'Apollo 13 (toujours pas vu les 12 premiers) et la géniale "Ils étaient sept et se sont battus comme sept cents", l'accroche mythique des 12 salopards. Il y en a encore sur lesquelles je bute comme un fou, notamment "Dans l'espace, personne ne vous entend crier", que j'aurais tendance à attribuer au film Papa de Maurice Barthélémy, aka Pue-le-pipi, car je crois me souvenir que le film se déroule presque entièrement dans un Renault Espace, mais il me faudra vérifier.


Une symbolique très fine.

Bref, tout ça pour dire que je me suis retrouvé devant Si j'étais un homme, le dernier film en date d'Audrey Dana, qui avait déjà commis l'irréparable avec Sous les jupes des filles, et qu'avant même de le regarder, j'ai contracté une rage énorme devant l'affiche et sa tagline, son accroche : "Un matin, elle s'est réveillée avec un truc en plus", qui suppose que les hommes auraient quelque chose de plus que les femmes, pas autre chose, pas un autre organe génital, différent de celui des femmes qui en ont un aussi, non, un truc en plus, parce qu'avant l'héroïne, en tant que femme, avait donc un truc en moins. Si le personnage interprété par Audrey Dana (pour ne pas dire Audrey Dana elle-même, car je ne veux pas tomber dans ce petit jeu) a quelque chose en moins, c'est une case, ou deux maximum, mais pas un zgeg. Donc déjà, rien qu'avec l'affiche et l'accroche, j'avais envie de tout faire flamber chez moi et de lancer le film dans mon salon en brûlant avec.


Hommage à Robert Aldrich, un modèle assumé pour Audrey Dana.

Mais j'ai vu le film sans tout faire cramer, même si j'avais le briquet allumé en permanence, tendu à un centimètre du rideau de ma baie vitrée, du début à la fin. Et le film est à l'image de l'annonce. Ignoble. Voulant évoquer la question des différences entre l'homme et la femme et la théorie du genre à travers une comédie, noble projet s'il en est, Audrey Dana se vautre et inspire la pitié. Ne portant aucun véritable discours, le scénario se perd dans des clichés exaspérants, par exemple quand l'héroïne, parce qu'elle est désormais dotée d'un pénis, éprouve une sorte de désir insatiable, permanent et incontrôlable pour toutes les femmes qu'elle croise, y compris sa meilleure amie, quand bien même elle est encore, pour tout le reste, une femme hétérosexuelle ; ou encore quand elle se révèle soudain une "femme"à poigne, disons qui a des couilles, au boulot, comme par magie, par la grâce de sa verge. Sérieusement ? Audrey Dana veut peut-être (on l'espère) critiquer notre société patriarcale et phallocratique en montrant qu'il lui suffit d'être tout à trac équipée d'un zizi pour que cela impacte l'image que l'héroïne se fait d'elle-même, mais elle dit tout l'inverse. Sa révolution personnelle semble entièrement physique, naturelle : un homme, c'est comme ça. Et tout ce binz de se boucler comme il se doit : retour à la "normale" grâce à une intervention du ciel, et la dame de finir heureuse en couple avec un homme, entourée de mille enfants.


Christian montre à Audrey comment marche l'asperge en ressortant le vieux grimoire du mage Eusæbius. Per Horus et per Rha et per solem invictus, duceres ! Entre parenthèses, l'héroïne se plaint d'avoir une "bite" (mot qui rend Clavier complètement taré à plusieurs reprises), mais à sa place je m'inquièterais plutôt d'avoir la jambe à moitié blanche à moitié black.

Mais plus globalement, Audrey Dana a le tort de prendre pour pivot un personnage complètement débile sans, et c'est là que le bât blesse, car c'est souvent quitte ou double, sans qu'il soit jamais drôle. Son héroïne est donc profondément inintéressante quand elle n'est pas embarrassante. Ses questions autour de son nouveau jouet (par exemple quand son gynécologue, interprété par Christian Clavier, lui conseille de se masturber aussi souvent que possible (!) et qu'essayant elle demande "C'est normal que ça ne se relève pas ?") sont dignes d'un enfant de moins de deux ans, alors qu'elle est censée avoir eu deux gosses. Et tout est à l'avenant, rien n'étant crédible, jusqu'au prénom de la voisine et meilleure amie du personnage principal, interprétée par Alice Belaïdi, qui se prénomme Marcelle... Marcelle !... On est quand même content pour Audrey Dana à la fin du film, car elle semble s'être fait un petit plaisir perso dans la scène où elle s'adonne à un strip-tease intégral sous l'orage. Et puis, si l'on veut essayer de sauver les meubles, on peut saluer la performance de Christian Clavier en gynéco surexcité. L'éternelle Fripouille parvient à nous faire décrocher quelques rires dans les scènes où il intervient comme souvent en électron libre, y allant à l'instinct, tout à l'impro, bien conscient d'être seul capable (car il ne fallait pas compter sur Elmosniño...) de dérider le spectateur devant un tel naufrage.


Si j'étais un homme d'Audrey Dana avec Audrey Dana, Christian Clavier, Eric Elmosnino et Alice Belaïdi (2017)

La Rue de la mort

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On pourrait être un tantinet déçu en découvrant La Rue de la mort motivé par la joie de retrouver le couple formé par Farley Granger et Cathy O'Donnell dans Les Amants de la nuit de Nicholas Ray, l'un des plus beaux couples de cinéma dans l'un des plus beaux films. Déçu parce que Cathy O'Donnell, qui incarnait un personnage particulièrement fort et émouvant dans le film noir de Nick Ray, tient un rôle assez secondaire dans celui d'Anthony Mann. Elle n'est que la jeune épouse enceinte, douce et amoureuse, de Joe, ce jeune coursier ambitieux et naïf qui cède à la tentation de dérober 30 000 $ à un avocat auquel il livrait le journal pour assurer un meilleur avenir à son fils sur le point de naître et satisfaire son égo de futur père de famille. Le film se focalise donc largement sur l'homme du couple, qui décide rapidement d'aller se dénoncer auprès de celui qu'il a volé (sans savoir que cet argent est lié à un crime sordide), mais qui se retrouve comme deux ronds de flan quand il découvre, après coup, soit après avoir promis de rendre le pognon, que le barman à qui il avait confié le paquet contenant le pactole a mis les voiles.




Toutefois, la déception est de courte durée face au plaisir de suivre les mésaventures de ce cher Farley, aussi fragile et enclin à une dévorante culpabilité ici que dans La Corde d'Albert Hitchcock. Joe est finalement trop honnête et innocent, au point de se jeter dans la gueule du loup sans qu'on lui ait rien demandé, pour s'en tirer sans mal face à plus gros et plus malin que lui. Le film met en scène, d'un bout à l'autre, un homme seul, et traqué, dans la ville. L'introduction et la voix-off (surprenante, dite par un flic) nous présentent d'ailleurs en premier lieu l'immense New-York en vue aérienne, celle qui écrase les hommes, les travailleurs, les couples modestes. Mais ça ne se limite pas à un discours social, cependant très présent, c'est aussi et comme toujours chez Mann l'occasion de s'amuser dans un formidable décor de cinéma, un espace à explorer, un lieu dans lequel évoluer, et cela donne en particulier la très belle course poursuite finale, à l'aube, dans une New-York désertique, où le cinéaste réalise des vues en plongée prenant les artères de la ville en enfilade pour suivre les déplacements des véhicules. Anthony Mann semble prendre un même plaisir à filmer les avenues new-yorkaises que les montagnes et forêts de ses westerns, pour en faire un terrain de jeu cinématographique géant.


La Rue de la mort d'Anthony Mann avec Farley Granger et Cathy O'Donnell (1950)

Alien : Covenant

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Après le naufrage Prometheus, il faut bien avouer que nous n'espérions plus grand chose d'un nouvel épisode d'Alien. D'autant plus que le vieux Ridley Scott, vraisemblablement désireux de se réapproprier avec autorité la saga pour mieux la saccager de fond en comble, est une nouvelle fois aux commandes. Mais commande-t-il vraiment quoi que ce soit ? Sait-il ce qu'il fait ? Peut-il être encore considéré responsable juridiquement ? A-t-il tout simplement conscience de ses actes ? C'est toutes les questions que l'on se pose à la fin d'Alien : Covenant, un film qui devrait faire jurisprudence : à 80 ans, on ne devrait plus avoir le droit d'être à la tête d'une production de près de 100 millions de dollars, ni d'envisager une suite ou une préquelle à un classique réalisé à cette époque révolue où le cerveau de l'auteur fonctionnait alors en sur-régime.




Mais Alien : Covenant est un Alien et, en tant que fan de la saga originale, nous avions toujours un très mince espoir ou, au moins, une espèce de curiosité malsaine pour le devenir de la série. Hélas, il n'y a pas grand chose à dire sur ce nouvel opus tant il est prévisible dans sa nullité et profondément désolant. Refroidi par l'accueil glacial réservé à Prometheus par les véritables aficionados de la saga, Ridley Scott et son équipe de scénaristes (une telle bouillabaisse requiert la réunion d'une bonne demi-douzaine d'esprits torturés) ont plusieurs fois revu leur copie et ils ont même abandonné leurs désirs initiaux de nous en dire davantage sur les ingénieurs quitte à perdre encore plus de vue nos chers aliens. Ils nous ont donc finalement livrer une sorte d'infâme remake déguisé du premier film, allant même jusqu'à inventer un avatar ridicule de Ripley en la personne de l'officier Daniels, un personnage sans intérêt incarné par la pâlichonne Katherine Waterston, une grande brune un peu garçonne, déjà croisée dans Inherent Vice.




Nous suivons ici l'équipage du Covenant, un vaisseau dont la mission est d'aller établir une colonie de pionniers sur une planète bien précise, propice au développement des milliers de colons en hibernation et autres embryons humains qu'il transporte. En cours de route, une éruption stellaire provoque de sévères avaries et la mort du capitaine de bord, incarné par James Franco, dans son plus grand rôle au cinéma. Suite à cela, un étrange message est intercepté provenant d'une planète inconnue. Ni une, ni deux, le nouveau chef du vaisseau, Billy Crudup, décide de changer tous les plans préalablement établis pour se diriger à l'aveugle vers le lieu de provenance du signal. Une fois là-bas, ils retrouveront l'épave du Prometheus ainsi que son seul survivant, l'androïde David (Michael Fassbender), et les choses vont vite se gâter...




Face aux révélations de ce nouvel épisode, on regretterait presque le flou complet et les nombreux points d'interrogations en forme de majeurs dressés de Prometheus. Alien : Covenant paraît se consacrer à anéantir méthodiquement tout le mystère qui enveloppait l'univers alien, à commencer par l'origine de ses fameuses bestioles. Toute la fascination qu'elles exerçaient est ici totalement dévastée par un scénario lourdingue porteur de réflexions soi-disant philosophiques sur la création et par des explications minables qui donnent lieu à des flashbacks honteux ou des scènes sacrément gênantes (je repense à cet alien qui surgit fièrement du torse de son hôte et salue son "créateur" dans une posture risible). Si l'objectif était de gâcher tout le charme du premier film et de son habile prolongement signé James Cameron, alors il est atteint haut la main. Il faut désormais réussir à se convaincre que ces films n'existent pas.




Alien : Covenant amène encore de nouveaux invités hideux au bestiaire déjà tristement enrichi par le précédent opus. Cette fois-ci nous avons droit à des avortons bondissants d'aliens blanchâtres aux crânes déformés qui semblent provenir des premiers brouillons ratés d'HR Giger, ceux qui avaient sans doute finis rageusement froissés puis jetés en boule dans la corbeille de l'artiste et qu'il aurait été préférable de laisser définitivement aux oubliettes. L'hommage au dessinateur récemment disparu, dont le nom est particulièrement mis en avant aux génériques, sonne ici comme une cruelle injure. Ces créatures sont laides, disgracieuses et agissent comme de vulgaires chiens enragés, on est bien loin de la crainte attirante qu'inspiraient les premières apparitions de l'alien original. Quand un xénomorphe plus classique apparaît enfin à l'écran, il n'est guère filmé avec cœur et il finit rapidement expulsé dans l'espace. Du jamais vu.




"Rien ne fait sens ici" dit l'héroïne, touchée par un brin de lucidité, après sa rencontre avec David sur la planète mystérieuse. On ne s'attardera pas de nouveau sur les couacs et les incohérences du scénario, sur ces personnages inintéressants au possible et encore une fois appelés à effectuer connerie sur connerie pour le bien d'un récit aussi prévisible que ridicule. On en a tellement marre de voir ça, ces trépanés qui s'en vont prendre une douche au meilleur moment, qui choisissent de copuler quand le danger rôde et qui débitent des dialogues de gros lourdauds de l'espace déjà entendus mille fois. Michael Fassbender, qui devient avec ce film le personnage le plus important de la saga auprès de Ripley et, accessoirement, son fossoyeur, est une nouvelle fois très agaçant dans un double rôle pathétique. Nous avons même droit à une scène où les deux androïdes s'affrontent à coups de pieds, c'est passionnant. D'autant plus que Ridley Scott torche ça comme un sagouin, les séquences d'action sont pénibles et le montage a été fait à coups de hache. Il y a bien quelques moments un peu gores pour satisfaire les attentes primaires du spectateur, mais aucune scène ne sort du lot. Dans Prometheus, la césarienne que s'auto-administrait l'héroïne nous offrait au moins un petit pic d'intensité. Rien de tel ici et la dernière partie, reprise encore plus évidente du film de 1979, est d'une platitude absolue.




N'ayant pas vu les Alien vs Predator, je ne peux guère affirmer qu'il s'agit du pire film de l'univers alien élargi, mais on tient forcément là un très solide candidat à cette bien triste médaille. Il faudra un jour faire le point sur la filmographie de Ridley Scott, sans doute l'un des plus grands guignols d'Hollywood, totalement out depuis des années. Rémi et moi devons nous réunir prochainement pour vous dire tout le mal que l'on pense de son plus grand succès, Seul sur Mars. A la mort du cinéaste britannique, je respecterai le deuil de ses quelques fans irréductibles et il faudra bel et bien saluer sa carrière, débutée par deux titres majeurs du cinéma de science-fiction puis ponctuée, à un rythme qui lui a toujours permis de se maintenir à flot, par des triomphes populaires à la qualité bien plus relative. N'empêche qu'à la vue de ses derniers méfaits, on pourra également se demander si le trépas n'est pas la délivrance nécessaire pour un vieillard au bout du rouleau qui n'a décidément plus toute sa tête.


Alien : Covenant de Ridley Scott avec Katherine Waterston, Michael Fassbender et Danny McBride (2017)

Que Dios Nos Perdone

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Madrid, été 2011. Sous une chaleur écrasante et dans une ville en pleine effervescence, deux flics que presque tout oppose enquêtent sur une série de viols et de meurtres de vieilles femmes isolées. Ils comprendront rapidement qu'ils ont affaire à un serial killer au profil bien particulier. Une véritable traque s'engage alors dans des rues agitées, théâtre de manifestations contre la crise et de la visite du pape : un contexte qui permet au tueur d'agir dans l'anonymat, loin du regard des médias. Le jeune cinéaste espagnol Rodrigo Sorogoyen plante rapidement le décor et suit au plus près, souvent caméra à l'épaule, l'enquête des deux flics, réussissant en quelques minutes à mettre en place une atmosphère singulière et à nous tenir en haleine. Les deux personnages principaux sont eux aussi très vite caractérisés et bien campés par un duo d'acteurs irréprochables, à commencer par Antonio de la Torre, dans la peau d'un flic bègue solitaire, très doué mais manquant cruellement d'assurance. A ses côtés, le charismatique Roberto Alamo, récompensé d'un Goya pour sa prestation et déjà croisé chez Pedro Almodovar dans La Piel que Habito, incarne une brute épaisse capable de coups de sang imprévisibles, à la vie familiale tendue.





Les deux hommes sont très différents mais doivent collaborer, ils n'ont en commun que leur détermination à arrêter coûte que coûte le tueur avant qu'il ne commette un nouveau crime. Nous espérons longtemps que les deux personnages se rapprochent et finissent par tisser des liens d'amitié, en vain. Seule une estime mutuelle parviendra tout juste à poindre progressivement au cours de l'enquête. Le quotidien des deux hommes, leurs vies non-professionnelles, leurs déboires amoureux et leurs failles personnelles, qui les rapprochent de celui qu'ils pourchassent, nous sont dépeints en détails. Rodrigo Sorogoyen a peut-être le tort d'avoir un peu trop chargé la barque, avec ces portraits ambigus et terriblement noirs de ces deux hommes malheureux, sur la corde raide, sacrifiant leurs vies pour leur boulot. Mais, malgré un léger manque de finesse dans ces traits, il faut reconnaître une réelle efficacité dans la mise en place de ces personnages et dans la conduite du récit.





On prend un vrai plaisir à suivre leur enquête, un plaisir familier, que l'on reconnaît assez tôt, mais auquel nous goûtons trop rarement ces temps-ci. Ce plaisir tout simple que l'on peut prendre devant un polar très efficace, haletant et ma foi plutôt habile. Rodrigo Sorogoyen tire ici judicieusement partie du contexte politique et social dans lequel il choisit de situer son scénario. Il n'épargne guère l'église catholique, peu coopérante avec la police pour retrouver le taré et plus soucieuse d'apaiser le climat pour la venue du pape. En outre, plutôt que de faire inutilement monter le suspense et de gonfler superficiellement le mystère quant à l'identité du tueur, celui-ci est très intelligemment introduit dans le récit avant le dernier acte. Et si Rodrigo Sorogoyen reprend des schémas connus et n'invente certes pas l'eau tiède, il nous propose deux heures de thriller de très bonne facture, surpassant facilement le récent La Isla Minima, dernière référence ibérique du genre. Les amateurs seront amplement satisfaits !


Que Dios Nos Perdone de Rodrigo Sorogoyen avec Antonio de la Torre, Roberto Alamo et Javier Pereira (2017)

John Wick 2

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La suite des aventures de John Wick ravira ceux qui avaient déjà été séduits par le premier chapitre et donnera peut-être envie aux autres de programmer une séance de rattrapage. Ce nouveau volet répond à la règle simple de certaines séquelles : bigger, louder, faster, stronger. Dès l'introduction, nous avons ainsi droit à une poursuite en voiture puis à quelques bagarres provoquées par l'inarrêttable John Wick, désireux de récupérer sa bagnole chez un malfrat, quitte à la ramener à la maison complètement défigurée. D'emblée, on entre dans le bain. Mais cette introduction un peu forcée n'est guère un aperçu fidèle de ce que nous réserve la suite, bien plus amusante. John Wick se retrouve de nouveau contraint à reprendre du service, il doit honorer un ultime contrat et se rendre à Rome pour éliminer une ponte du crime qui n'est autre que la sœur de son commanditaire, ce dernier veut ainsi se garantir une place de choix parmi la confrérie d'assassins internationaux sur laquelle cette suite lève encore un peu plus le voile.




John Wick 2 est peut-être le film qui s'apparente le plus à un de ces jeux vidéo dont le héros doit flinguer tous les ennemis qui se présentent massivement à lui. Keanu Reeves doit avoir 20 lignes de dialogue grand maximum mais un "body count" affolant. Son travail consiste uniquement à avoir l'air classe, à manier ses armes comme un pro et à enchaîner les acrobaties dans des chorégraphies toujours très lisibles et proposant parfois des idées sympathiques (il faut voir l'usage que peut faire John Wick d'un simple crayon à papier ou sa façon très pro de maintenir un rival au sol pour mieux appréhender les suivants...). On suit l'évolution de notre personnage à travers différents niveaux, des catacombes de Rome jusqu'à un musée d'art contemporain new-yorkais et, à chaque fois, ces lieux sont plus ou moins propices à des idées visuelles qui font plaisir à voir. J'ai particulièrement apprécié le final au musée où Keanu Reeves progresse dans un palais des glaces aux couleurs flashy du plus bel effet et doit anticiper les mouvements de ses ennemis, malgré les trompes l’œil et autres pièges. Chad Stahelski, désormais seul derrière la caméra puisque son acolyte David Leitch était occupé à filmer Atomic Blonde, n'a rien perdu de son savoir-faire.




En dehors de ça, cette suite continue à merveille le développement patient de cet univers fait d'assassins, de contrats, de hiérarchies et de règles que l'on découvre progressivement, ce qui était déjà l'un des points fors du premier film. Chad Stahelski offre aussi quelques cadeaux à ses spectateurs, comme mettre en scène les retrouvailles de Keanu Reeves et Laurence Fishburne. Ce dernier est particulièrement décontracté dans la peau d'un seigneur du crime du monde souterrain, grimé en quasi clodo, murmurant aux oreilles des pigeons sur les toits new-yorkais. Cela faisait un bail qu'on ne l'avait pas vu aussi cool à l'écran. Les deux acteurs, réunis pour la première fois depuis les Matrix, semblent diffuser une joie communicative de se retrouver, ce qui tombe à pic dans ce film éminemment ludique. Il y a d'autres tronches que l'on est heureux de retrouver, à commencer par Ian McShane, parfait dans le rôle du patron, aussi flegmatique que charismatique, du Continental, l'hôtel des assassins, ou John Leguizamo, le garagiste attitré de John Wick, habitué à retaper les épaves que son client lui ramène, mais aussi Lance Reddick, concierge impassible de l'hôtel, et Franco Nero, tenant des lieux à Rome.




Bien entendu, il faut vraiment avoir envie de s'envoyer un film comme ça pour ne pas abandonner d'entrée de jeu et jurer que l'on a affaire à une débilité totale. Or non, John Wick 2 est, dans son genre, une franche réussite, rythmée par quelques trouvailles réellement louables. Et, à condition d'avoir envie de ça, c'est un très bon moment garanti. En ce qui me concerne, j'avais choisi le soir idéal : Fête de la Musique, gros ramdam autour de chez moi, aucune envie de mettre un pied dehors, mais plutôt de m'enfermer avec un John Wick à cran pour un film qui pétarade comme il faut. C'était parfait. Cette suite est même clairement au-dessus du premier, ce qui est assez rare pour être relevé. On pourra seulement regretter que le mignon petit beagle du 1 ait été remplacé par un sage bulldog noir, assorti aux costards de son maître. Mais ce n'est qu'une question de goûts car, en fin de compte, j'aime tous les chiens. Et je n'aime pas tous les films d'action, loin de là, celui-ci est simplement dans le haut du panier.


John Wick 2 de Chad Stahelski avec Keanu Reeves, Ian McShane, Riccardo Scamarcio, Common et Laurence Fishburne (2017)

My Cousin Rachel

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Bien triste film que ceci. Tiré d'un roman de Daphné du Maurier déjà adapté, mais forcément mieux, en 1952, par Henry Koster, avec Olivia de Havilland et Richard Burton, My Cousin Rachel nouvelle mouture ne fera pas date. En même temps, Roger Michell n'est pas vraiment Alfred Hitchcock, ni Nicolas Roeg (qui portèrent à l'écran Rebecca et Don't Look Now, de la même écrivaine). Non Roger Michell est principalement connu pour avoir tourné Coup de foudre à Nothing Hill, et plus récemment Morning Glory. Et ce n'est pas son dernier fait d'arme qui bouleversera l'histoire du cinéma. L'intrigue tourne autour de la fameuse cousine Rachel (Weisz). Le personnage masculin de cette histoire, Philip, interprété par le médiocre Sam Claflin, en veut à cette Rachel qui a tourné la tête de son parrain lors d'un voyage en Italie et qu'il soupçonne d'avoir rincé le pauvre homme avant de causer sa perte. Il se trouve justement que la Rachel entend débarquer chez lui sous peu, et Philip lui garde un chien de sa chienne. Mais une tasse de thé plus tard, le crétin est sous le charme de l'italienne et suit le parcours de son parrain, assurant ainsi au spectateur de n'être jamais surpris jusqu'au bout du film.




Quand Philip monte dans la chambre de Rachel pour la première fois, au bout d'une grosse demi-heure de film, nous nous apprêtons à la voir apparaître enfin à l'écran. On s'attend à un truc. Peut-être pas à la première séquence consacrée à Kim Novak dans Vertigo, mais un truc du genre. Or, je me suis d'abord dit : "Tiens, j'ai raté le premier plan sur elle ?". Alors je suis monté dans la cabine du projectionniste, qui utilise une Kinoton (première fois que j'en vois une), et je lui ai demandé de rembobiner. Or non, je ne l'avais pas raté ce plan, il était tout simplement anodin, invisible. La messe était dite. Quand tout le film repose sur le charme ambivalent d'une femme, sur un mystère éternel et sans réponse autour de sa véritable nature, sorcière manipulatrice et cupide ou victime passionnée de l'intérêt des hommes, et que le premier plan sur elle, survenant au bout d'une certaine attente, est un plan aussi parfaitement plat et inintéressant que tous ceux qui ont précédé, il n'y a plus rien à espérer. Et de fait.


My Cousin Rachel de Roger Michell avec Rachel Weisz et Sam Claflin (2017)

La Momie

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Sorti cet été sur les écrans parmi un flot hallucinant de déchets du même acabit, The Mummy est... comment dire ? Cela pue. Encore un film qui se veut tabasse-l'oeil mais qui n'accroche pas une seconde nos mirettes, épuisées de voir pour la millième fois Tom Cruise courant entre les balles, sauvant une blonde insipide de la mort dans un avion en chute libre, échappant à une tempête de sable prenant les traits d'une momie débile, etc. Oui, vous me direz qu'on a déjà vu ce truc-là dans La Momie de Stephen Sommier avec Brendan Frasier (qui était un remake en acajou du film de Karl Freund de 1932, mais qui est un grand film comparé à celui de cette année). Le film d'Alex Kurtzman fait également allusion à la saga Indiana Jones et à plein d'autres trucs. Je ne sais pas quels sont les taux d'emprunts ces temps-ci mais ça risque de coûter pas mal aux manchots derrière cette ânerie. En parlant du premier épisode de la précédente saga La Momie, elle date d'il y a dix-huit ans. Normalement c'est le temps requis pour devenir adulte. Mais Tom Cruise et ses potes sont plus trépanés que jamais.





Le bellâtre incarne ici un pilleur de tombes absolument idiot affublé d'un acolyte non moins con, qui tombe par chance sur une tombe égyptienne au nord de l'ancienne Mésopotamie, et aussi par chance sur une jeune archéologue qui a trouvé le temps, en pleine guerre d'Irak, de se faire une couleur et des ondulations (probablement chez Abdella'tifs, si les coiffeurs irakiens ont le même sens de l'humour que les nôtres). Et naturellement, comme ces gens sont tous bêtes à en crever, ils réveillent un mal millénaire (une femme égyptienne qui voulait le pouvoir fit un pacte avec Seth, le dieu des morts, tua son père et son frère, et fut maudite, momifiée vivante, blablabla...). Et, bien entendu, Tom Cruise sera choisi par la momie pour être l'élu, ce qui n'est guère étonnant puisque le film est tout à sa gloire (il semble notamment très fier d'apparaître tout nu dans une morgue), sous couvert de second degré jamais drôle.





Il y a pourtant une autre star à l'affiche, Russell Crowe, qui fait vraiment de la peine. Son personnage est malade, victime d'une vieille malédiction, mais c'est le comédien qui a l'air mal en point, victime de quelques kilos en trop, d'un œil las et d'un poil terne. Un check-up complet ne serait pas de trop ! Au point qu'il dit à Tom Cruise : "Tu es certes beaucoup plus jeune mais ne me sous-estimes pas", alors que les deux acteurs ont le même âge (même s'il est vrai que Crowe a sans doute plus dépensé chez Jack Daniels que l'autre chez son chirurgien esthétique scientologue... quoique). Russell a droit à l'une des pires séquences, où il se bat contre Tom Cruise à coups de poings avec les yeux révulsés et la voix encore plus rauque que d'habitude. C'est un des nombreux moments du film où l'on se dit qu'on a touché le fond. Mais ces gens-là creusent toujours et préparent sans doute déjà le deuxième volet, où Tom Cruise, désormais maudit lui aussi, habité par le mal, chevauchant sa bécane dans le désert, cherche de nouveaux décors où traîner sa tronche en biais et ses gros biscotos.


The Mummy d'Alex Kurtzman avec Tom Cruise, Annabelle Wallis, Sofia Boutella et Russell Crowe (2017)

Seven Sisters

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C'est avec une certaine frilosité que je me suis laissé tenter par ce Seven Sisters, qui a tout, au départ, pour inquiéter, de l'affiche au pedigree de son réalisateur norvégien Tommy Wirkola (réalisateur de Dead Snow et de Hansel et Gretel : Witch Hunters, deux trucs que je n'ai pas vus). Mais je dois bien dire qu'au final ce petit film de science-fiction, qui relève d'ailleurs plus directement du thriller, n'est pas inintéressant, et se révèle même très réussi dans sa première partie. L'histoire se déroule dans un futur relativement proche où la planète est plus que jamais victime de surpopulation. Pour y remédier, le Bureau d'Allocation des Naissances, dirigé par Nicolette Cayman (la flippante Glenn Close), met en place une politique d'enfant unique à la chinoise. Tous les enfants surnuméraires sont traqués puis confinés et enfin cryogénisés en vue d'être réveillés un beau jour, quand la Terre se portera mieux. Un type, Terrence Settman (Willem Dafoe, également à l'affiche de Death Note, un autre film Netflix actuellement sur les écrans, quant à lui totalement merdique : votre dernier pet a plus de qualités), refuse de se soumettre à cette loi quand naissent les sept filles jumelles de sa propre fille morte en couches.




Terrence nomme ses petites-filles d'après les sept jours de la semaine, leur construit un appartement-cachette et leur impose un certain nombre de règles vouées à les préserver : elles se partagent une seule identité, nommée Karen Settman, en hommage au patronyme de leur mère, et ne peuvent sortir de l'appartement qu'à tour de rôle, le jour de la semaine correspondant à leur prénom, pour ne pas être repérées par les innombrables flics et autres bornes de contrôles qui quadrillent la ville. Mais partager une identité à sept n'est pas évident, pas plus que rester calfeutrée six jours par semaine ou subir les conséquences logiques du plan de pépé Dafoe, qui veut que ce qui arrive à l'une des sœurs doit arriver aux autres (la perte d'un doigt par exemple). Or il se trouve justement qu'un lundi, Monday ne rentre pas à l'appartement. D'où le titre original, plus intriguant que le nôtre : What Happened to Monday ?




La mise en place du récit, claire et efficace, n'est pas avare en tension, et surtout parvient en un rien de temps à nous faire croire aux sept sœurs parfaitement identiques, à ce personnage officiel unique divisé en sept identités différentes, toutes incarnées par une Noomi Rapace démultipliée à l'écran, qui n'est sans doute pas pour rien non plus dans la faculté du film à nous faire très rapidement marcher dans sa combine (là où l'on passait tout Okja, par exemple et uniquement pour citer un autre film Netflix récent, à zieuter le gros tas de viande hideux sans mordre dedans une seule fois). L'actrice, qui a eu le bon goût de refuser d'apparaître dans Alien : Covenant pour jouer ici, parvient sans trop forcer à exister dans la peau de chacune des sept sœurs tout en dépassant les stéréotypes dont le scénario les affuble pour mieux les distinguer. Il est au bout du compte assez étonnant d'être confronté dans le même temps à des héroïnes fragiles (les sœurs sont intelligentes, vaillantes, voire combattantes, mais n'ont rien de wonder women indestructibles, et heureusement) et à une entité, Karen Settman, quasiment inépuisable, increvable (ou presque...), puisque dotée de sept vies, comme les chats. Dommage que Karen Settman ne soit pas un chien, car  si c'était un chien doté de sept vies comme un chat, ces sept vies seraient multipliées par sept comme chez les chiens, ce qui lui ferait quarante neuf vies...




La deuxième partie est moins convaincante, du fait de quelques incohérences, de scènes agaçantes où les personnages agissent soudain comme des abruties (cette discussion sur les exploits sexuels présumés d'une des sœurs à la tignasse peroxydée tandis qu'une autre est en danger de mort et a besoin d'aide... ou, juste après, quand ladite sœur s'en va perdre son pucelage avec un gardien de la paix et communique des codes secrets aux autres jours de la semaine tout en profitant au max d'un cunnilingus de tous les diables...), d'un certain trop-plein d'action, et d'une révélation finale attendue mais un brin énorme, qui tartine les méchants de plus de méchanceté qu'il n'en fallait et rend le propos du film plus grossier. Mais, sans crier du tout au chef-d’œuvre, on peut se satisfaire d'un film plutôt original (sur un seul aspect, mais central, celui d'une seule actrice pour incarner sept sœurs jouant toutes le même rôle, hors les murs de leur tanière), correctement ficelé et entraînant, nettement supérieur à ce qui sort en ce moment dans le genre, qui aurait pu être davantage mais qui est déjà bien agréable.


Seven Sisters de Tommy Wirkola avec Noomi Rapace, Willem Dafoe et Glenn Close (2017)

Jeepers Creepers

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Produit par Francis Ford Coppola, écrit et réalisé par Victor Salva, Jeepers Creepers premier du nom a connu un succès surprenant lors de sa sortie en salles, il y a 16 ans, rapportant plus de 60 millions de dollars alors qu’il n’en avait coûté même pas le quart. En plus de cet argument commercial, le film se terminait par une fin très ouverte, il était donc inévitable qu’une suite soit rapidement mise en route. Deux ans plus tard, en 2003, Jeepers Creepers 2 a également connu un certain succès en se remboursant sans difficulté. Les rumeurs les plus folles ont depuis circulé autour d'un troisième épisode, les plus alléchantes l'annonçant comme un western apocalyptique futuriste mettant en scène une horde de creepers. Ce n'est finalement qu'en 2017 que Victor Salva a donné une suite aux aventures de son monstre, pour un épisode dont l'action se déroulera en réalité entre les deux premiers films. Le cinéaste parviendra-t-il à trouver un nouveau souffle après un deuxième volet pas vraiment glorieux ? Nous en aurons donc bientôt la réponse, mais en attendant, revenons plutôt aux origines...




Jeepers Creepersétait effectivement une assez bonne surprise pour l'amateur de cinéma d'horreur, un film qui apparaissait comme très rafraîchissant à une époque où sortait principalement des slashers post-Scream tous aussi minables les uns que les autres. La bobine horrifique de Victor Salva a l'inestimable mérite de commencer sur les chapeaux de roue. Deux jeunes, frère et sœur, traversent en bagnole un coin paumé du sud des États-Unis en direction de leur foyer parental quand un camion à l’aspect peu rassurant se met à leur poursuite. Après les avoir gentiment bousculés à coup de pare-chocs, l'étrange chauffeur continue sa route. Mais, quelques kilomètres plus loin, les deux jeunes retrouvent le véhicule garé près d’une église abandonnée, son mystérieux conducteur, simple silhouette menaçante, en déchargeant le sordide contenu...




Comme vous pouvez le constater, Jeepers Creepers s'appuie sur un pitch très basique mais efficace. La poursuite camion-voiture introductive fait immanquablement penser au génial Duel de Steven Spielberg, on peut même parler d'un hommage bref mais appuyé. Cette entame installe parfaitement l’ambiance, le film démarre fort, sur un rythme et une intensité qui nous accrochent immédiatement. Victor Salva s'y avère assez inspiré. Certains plans sont très réussis, celui où l’on voit pour la première fois la silhouette inquiétante du Creeper (le monstre, donc), près de l’église, est même assez marquant. Les acteurs ne sont pas vraiment irritants comme peuvent souvent l'être les jeunes zonards qui se retrouvent dans ce genre de rôles. Justin Long, dont la grande tronche a depuis fini par lasser (il était particulièrement pénible dans Die Hard 4 et Drag me to hell), est tout à fait supportable. Face à cette première demi-heure, nous comprenons tout à fait l’excellente réputation du film et nous nous imaginons tenir une petite perle.




Hélas, le film ne poursuit pas tout à fait sur le même ton et on peut véritablement le découper en deux parties, la première s’arrêtent aux alentours de l’heure de film lorsque l’identité réelle du méchant nous est pleinement dévoilée. Le reste est bien plus banale mais réserve toutefois quelques bons moments. Ainsi, on découvrira que l’apparence du monstre est particulièrement soignée : le "creeper" se distingue aisément des autres bestioles du cinéma fantastique, il a même une certaine classe grâce à ses deux ailes de chauves souris et son chapeau de cow-boy. Mais Victor Salva aurait mieux fait de nimber sa créature d'un voile plus épais de mystère. Un personnage exaspérant, celui d'une voyante ancestrale, finit par faire son apparition pour nous donner plus de détails sur la créature. On apprend alors que le creeper est une très ancienne saloperie qui, tous les 23 ans (pourquoi pas 25 ? allez lui demander) doit refaire surface au printemps et pendant 23 jours pour perpétuer des crimes affreux afin de se régénérer.




Bien que présent dans les entrailles de la Terre depuis la nuit des temps, le creeper a pour chanson préférée "Jeepers Creepers" de Johnny Mercer, sortie en 1938. On en déduit donc que, cette année-là, le monstre a dû sortir spécialement de sa planque pour aller se procurer ce vinyle et un tourne-disque. Cette chanson agréable ne sert en réalité qu'à donner parfois une petite touche ironique au film puisque son air entraînant et joyeux contraste toujours avec le contexte dans lequel il se fait entendre. Une scène coupée, issue de mon imagination, nous montre également le creeper s'envoyer le morceau et tortiller du cul dans sa cave... Bien que tout cet attirail légendaire soit somme toute très accessoire, le creeper est un monstre tout de même assez réussi de par sa dimension sexuelle assez malsaine. Ce n'est certes pas la première fois que l'on insiste autant là-dessus dans un film d'horreur de ce genre, mais je précise ici que le creeper, finalement peu intéressé par les nénettes, s'en prend exclusivement à des jeunes garçons, dont il hume les vêtements avec frénésie pour mieux retrouver leur trace...




On pardonne aisément les explications balourdes sur l'origine de la bête, et on salue plutôt la volonté de Victor Salva d'inventer un nouveau croque-mitaine. On lui en veut davantage d'avoir saloper la fin de son film. Dans son final laborieux, celui-ci perd en crédibilité et se transforme en un classique affrontement entre un monstre belliqueux et de jeunes gens pris pour cibles. Tout cela reste très regardable mais très pauvre en originalité et, plus grave encore, en frisson. Le film a cependant l’immense avantage de se conclure sur une bonne note. Le dernier plan, très gore et osé, vient rappeler au spectateur qu’il a tout de même passé un bon moment, malgré une deuxième partie qui ne peut que décevoir après l’excellent début. Si on fait le bilan, Jeepers Creepers demeure donc un film d’horreur honnête, que l'on redécouvre encore avec un certain plaisir.


Jeepers Creepers de Victor Salva avec Justin Long, Gina Philips et Jonathan Breck (2001)

Jeepers Creepers 2

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Jeepers Creepers 2 est l'exemple typique d'une suite qui pue du bec. On pourrait croire qu'un tâcheron s'est chargé de l'affaire, mais c'est bel et bien Victor Salva himself qui a remis le couvert. Quelle déception ! Si les moyens et le budget semblent supérieurs, cette suite se révèle d'une tristesse inouïe et incomparable à l'original. On peut tout de même saluer Victor Salva, sans doute conscient que l’effet de surprise n’agirait plus, pour ne pas avoir essayé de refaire exactement la même chose. Ainsi, le creeper apparaît à l’écran dès la première scène du film, de loin la meilleure. Une scène d’introduction bien emballée où le creeper se déguise en épouvantail pour surprendre un enfant dans un champ de maïs et s’envoler avec lui. Tout cela devant les yeux du papa (Ray Wise, à cran), impuissant, qui aura par la suite très envie de se venger. On nous apprend ensuite, par quelques lignes, que le creeper est alors en activité depuis 22 jours (si vous avez bien suivi le premier épisode, vous savez que le monstre ne bosse que 23 jours tous les 23 ans... peinard). Pour fêter la quille, il décide donc de s’offrir un bus rempli de jeunes basketteurs comme casse-croûte.




Si mes souvenirs sont bons, cette suite pénible s'inscrit dans la continuité du premier épisode, l'action se déroule seulement quelques jours plus tard. Apparemment, Victor Salva a dû commettre un petit oubli car, étant donné l'état de la végétation, on n'a pas du tout l’air d’être au printemps. Bref. Le film est extrêmement prévisible, les personnages sont tous très énervants et l'ensemble est donc très ennuyeux. Dans la troupe de jeunes connards pris d'assaut par le creeper, on retrouvera encore une imbuvable medium : une jeune fille qui aura régulièrement des visions de la bête. Bien pratique, parce que cela lui permettra de tout raconter aux spectateurs qui, manque de bol, ont loupé le premier film, et surtout, aux autres ados qui, évidemment, la croiront sur parole. Dans le bus, l'atmosphère va vite se vicier : les ados débiles finiront par s’opposer et s’engueuler sans arrêt. Tout cela abouti à quelques moments purement insupportables.




Le padre revanchard du gamin tué en guise d'amuse-gueule viendra finalement en aide aux joueurs de baskets et finira bien sûr par prendre le dessus sur cette enflure de creeper, je ne me souviens plus trop comment. Ce dont je me souviens très bien, en revanche, c'est de cette scène finale d'un ridicule à toute épreuve, où l'on découvre que le papa, devenu vieux, attend le réveil de la bestiole, qu'il a gardée bien au chaud chez lui, clouée au mur, les ailes dépliées, en train d'hiberner. Une bande d’ados vient alors rendre visite au vieillard qui, malin, a transformé sa baraque en un musée dédié au creeper à l'entrée payante. Les ados demandent alors au père "Depuis quand il est là, tout cloué ?", et celui-ci leur répond tranquillement, en zieutant sa montre gousset, "Oh, ça fait bientôt 23 piges..." ; un autre ado au physique disgracieux s’interroge "Vous avez l'air de le chécker de près, comme si vous le surveilliez ?", et au vieux de dire, avec un air de défi risible "Je me prépare à l’affronter, dans 3-4 jours, je vais lui foutre une rouste terrible dès qu'il ouvrira l’œil". Bref, une suite à oublier, mais dont on retient tout de même quelques bonnes répliques (dans le doublage québécois) et un moment assez crado : celui où le creeper, quasiment décapité par son ennemi, remplace sa tronche par celle d'un ado fraîchement digéré : la tête atroce du gosse remonte de l'estomac de la bête pour lui former une nouvelle ganache. Ça, c'est une chic idée !




Aujourd'hui, nous n'attendons plus grand chose d'un troisième opus, mais nous y jetterons à coup sûr un œil curieux avec l'espoir, tout de même bien présent, que Victor Salva parvienne à renouer avec la qualité d'un premier film qui, mine de rien, a su marquer une certaine génération de spectateurs, oubliant rarement de le citer quand il s'agit d'énoncer leurs films d'horreur préférés.


Jeepers Creepers 2 de Victor Salva avec Ray Wise, Jonathan Breck, Garikayi Mutambirwa et Eric Nenninger (2003)

Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc

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Possiblement très rude à encaisser, le dernier film de Bruno Dumont m'a finalement emporté. C'est peut-être mon goût pour la légende de Jeanne d'Arc (étant d'extrême droite), pour les enfants (étant poursuivi par les autorités), et pour le heavy metal (étant un fan de Radiohead de la 1ère heure) qui aident, mais je dois bien dire que Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc, film musical osé s'il en est, et variation pour le moins originale sur un mythe toujours fascinant, malgré ses récupérations tous azimuts, est en fin de compte un film très fort. Il y a des moments, des éléments, qui peuvent faire grincer des dents ou scier les nerfs, disons-le, comme quand Sainte Marguerite, Sainte Catherine et Saint-Michel dansent suspendus dans les airs sur une chorégraphie twist, ou quand l'oncle de Jeanne fait de la tectonic au fond de la chaumière. Mais combien de plans sublimes par ailleurs ? Et quelle beauté se dégage de ce paysage unique (dunes, moutons, ruisseau), de ce ciel bleu, et au milieu le beau visage de la petite Jeannette, ses yeux en amandes qui nous fixent en disant Péguy, ses grandes dents de devant quand elle chante avec emphase et maladresse, ses pieds qui battent le sable ou sont jetés en arrière, ses cheveux secoués de haut en bas.




Dumont peut irriter mais il vise juste la plupart du temps, par exemple dans sa façon d'annuler constamment le décalage initial. La fillette dit la poésie de Péguy, soit des répliques qu'aucun enfant ne pourrait déballer, mais elle le fait comme une enfant joue réellement, en classe par exemple, du théâtre, avec, entre deux hésitations, une sincérité décuplée. Ce que l'on voit à l'image, c'est à la fois la conviction, la force de caractère, la trempe de la future Jeanne d'Arc, et le doute, la fragilité, la maladresse d'une enfant qui n'est pas encore une légende, qui est humaine. Les autres comédiens aussi jouent comme ils peuvent, dansent parfois mal, chantent souvent faux, charriant dans le film, avec la bénédiction de Dumont, tout ce qu'ils sont dans la vie, mais cela contribue à l'impression de voir un monde, avec ses ruptures, ses contradictions, son mélange brusque de ridicule et de sublime, à travers toutes ces formes ambiguës (la transe des deux fillettes qui marchent sur le sable comme Linda Blair dans les escaliers de L'Exorciste, le headbanging de Jeanne et des sœurs Gervaise, qui tend la prière vers l'incantation démoniaque), et ces échos entre le monde récent et celui du Moyen Âge (les doigts en V penchés devant les yeux à la Thurman et Travolta comme les mouvements tectonic prennent une autre dimension déplacés dans un sous-bois ou dans une chaumière de paysans du XVème siècle et rapportés à la fable mystique fondatrice).




La première partie est clairement, à mon sens, la plus réussie, parce que Jeanne y est une enfant de huit ans (Lise Leplat Prudhomme, avant d'apparaître adolescente sous les traits de Jeanne Voisin), et que Dumont parvient à faire un film d'enfance, c'est-à-dire un huis-clos où les personnages tournent en rond, semblent sortir de nulle part, où la fillette est chez elle dans l'écrin minuscule que forment les dunes, parmi les moutons qui bêlent entre deux adresses au ciel, perdant la notion du temps, parlant, chantant (de manière affectée, comme une petite fille imite mal sa chanteuse préférée devant son miroir ; et ce chant-là est plus acceptable de la petite Lise que de la plus adulte Jeanne Voisin), et dansant seule, répétant la même litanie, celle de Péguy, en boucle dans une sorte d'éternelle journée dilatée. Et pourtant on ne s'ennuie pas (c'est parfois le cas dans la deuxième partie), parce que l'enfant est extrêmement présente et sincère, dès sa première apparition, parce que Dumont filme chaque geste avec la même intensité et parce que les plus infimes décrochages sont violents (ne serait-ce que le changement de coiffure de Jeannette après l'apparition des anges). Ainsi, de la même façon qu'un ruisseau vaut pour la Meuse, une chose toute petite, une pièce de village, un spectacle de fin d'année, est en même temps immense (Péguy, l'éveil d'une héroïne, Dieu). La chute de cheval, à la fin, ne gâche rien.


Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc de Bruno Dumont avec Lise Leplat Prudhomme, Jeanne Voisin, Lucile Gauthier (2018)

Good Time

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Les frères Safdie, dont je ne connaissais que les deux premiers longs métrages, reviennent en très grande forme avec Good Time qui, à coup sûr, leur permettra d'éclater enfin aux yeux d'un bien plus large public. "Bad trip survolté et jouissif", "expérience sensorielle", "hypnotique", tous ces qualificatifs grandiloquents ornent les affiches de leur nouveau film déjà remarqué au dernier Festival de Cannes. Pour une fois, tous ces termes sont complètement justifiés et décrivent avec justesse cette petite bombe qu'est Good Time. Le scénario génial de Joshua et Ben Safdie ne nous laisse pas une minute de répit, aucun temps mort. Si les deux frères n'inventent pas la poudre et proposent des situations que l'on a parfois déjà vues ailleurs, ils parviennent à les condenser en 1h40 qui passe à toute vitesse et conservent un ton unique, avec ce regard toujours très doux porté sur ces personnages de losers qu'ils mettent en scène. On passe tout le film collé aux basques de Connie (remarquable Robert Pattinson) qui, après un braquage foireux, s'embarque dans une folle nuit new-yorkaise à la recherche de son frère retardé (Ben Safdie, bluffant). Après un léger temps d'adaptation nécessaire pour s'acclimater à un rythme très rapide qui pourra d'abord passer pour hystérique tant ses personnages sont sans cesse en train de se gueuler dessus (Jennifer Jason Leigh surtout), c'est avec un rare plaisir que nous suivons les mésaventures de Connie, dont l'amour pour son frère l'amène à prendre tous les risques et à commettre l'impensable.





On aimerait presque que le film s'apaise parfois, qu'il nous laisse souffler et qu'il prenne le temps de tirer pleinement partie du potentiel cinégénique des décors étonnants dans lesquels son personnage principal finit par se retrouver. Je repense tout particulièrement à ce passage terrible dans un parc d'attraction aux lumières chatoyantes, dont Connie et un abruti ramassé par erreur fouillent les recoins dans l'espoir d'y retrouver une sacro-sainte bouteille d'acide ou un sac rempli de dollars. Pratiquement toujours filmé au plus près de son acteur vedette, Good Time semble alors passer à côté de belles images, au profit d'une énergie constante, systématiquement relancée par des rebondissements et des bifurcations imprévisibles. Plutôt que de nous impressionner le temps d'une scène mémorable ou de nous ébahir face à leurs trouvailles visuelles, les frères Safdie s'affairent à nous laisser une sensation globale, à nous noyer dans une atmosphère unique, à nous faire vivre au plus près la fiévreuse épopée de leur personnage. Cette nuit sous acide est également accompagnée d'une bande-son au diapason signée Oneohtrix Point Never, aka Daniel Lopatin, un autre artiste new-yorkais bien décidé à capturer, lui aussi, une ambiance propre à la Grosse Pomme. Sa musique électronique anxiogène et la réalisation caméra portée des Safdie nous placent en immersion totale, en apnée.





Alors que leur idée de départ présentait ce risque, le scénario haletant des Safdie parvient rapidement à s'éloigner de la mode fatigante des films à pitchs forts se déroulant sur un temps très court mais retombant comme un soufflé. Nous sommes scotchés du début à la fin, parfois même abasourdis par la puissance formidable de ce récit qui paraît nous surprendre continuellement sans faire d'effort, en se déroulant naturellement sous nos yeux médusés. En outre, les Safdie n'oublient pas d'être drôles et on a particulièrement apprécié cette petite parenthèse sous forme de flashback qui nous raconte comment l'un des personnages de paumés a atterri dans cette galère. On sort de cette folle course en avant pratiquement essoufflé, avec la certitude de n'avoir rien vu de tel depuis un fameux bail. Nous saurons dans quelques temps ce qu'il restera de Good Time, si le film parvient à marquer durablement les esprits et à dépasser la simple expérience cinématographique pure mais, en attendant, on aurait presque envie d'y retourner ! A l'évidence, on tient là l'un des meilleurs films américains de l'année, et l'on vous recommande chaudement d'aller le vivre sur grand écran.


Good Time de Joshua et Ben Safdie avec Robert Pattinson, Ben Safdie et Barkhad Abdi (2017)

Terminator Genisys

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Tout le monde est tombé à bras raccourcis sur ce film à sa sortie et je trouve ça un brin exagéré. Il est très mauvais, certes, mais beaucoup plus soutenable que le précédent opus de la saga, l'abject Terminator Renaissance. C'est nul à chier, il faut l'avouer, mais Terminator Genisys a quelque chose de léger et d'imbécile qui le rend plus sympathique que beaucoup d'autres blockbusters abominables actuels. On dirait presque qu'il ne se prend pas tout à fait au sérieux, qu'il a conscience de son triste état. En cela, il a un très léger parfum des années 90, cette époque révolue où les films à grand spectacle hollywoodiens n'étaient pas encore assommants de sérieux et n'oubliaient pas d'être cons. La prestation d'Arnold Schwarzenegger y est pour beaucoup, tant l'acteur est constamment dans l'autodérision, à côté de la plaque comme jamais. Dommage qu'il soit si mal entouré. Jai Courtney est peut-être le pire acteur de sa génération. Sa tête est mise à prix sur Il a osé. On ne compte plus les franchises qu'il a participé à fusiller à bout portant de par sa seule présence à l'écran. Après Die Hard 5, où il incarnait le détestable fils de John McClane, le voici donc en Kyle Reese, personnage-clé de la saga initiée par James Cameron. Quel carnage... Cet homme est si laid, si mauvais. On est à des années lumières du charisme de l'inoubliable Michael Biehn.




Jai Courtney est l'une des plaies les plus purulentes du cinéma d'action américain de ces dernières années. Sa vacuité totale laisse songeur. Il n'est tout simplement rien. Qu'il est difficile de s'intéresser à ses aventures, de l'écouter débiter platement des répliques minables, de le regarder déplacer son corps sans âme... Face à lui, Emilia Clarke, en Sarah Connor, ne s'en sort pas beaucoup mieux. La scène où elle se désape, le cinéaste préférant alors filmer son ombre chinoise sur un mur de briques, est d'un ridicule rarement atteint. Linda Hamilton avait du chien. Emilia Clarke pourrait servir de débouche chiotte. A part ça... Mais il y a bien pire en la personne de Jason Clarke (son propre frère !), qui incarne ici John Connor (son fils !) avant de dégénérer en une sorte de terminator ultime. Ce triste mec est censé prêté ses traits disgracieux au grand chef de la résistance ! Lui aussi, on ne compte plus les films qu'il gâche en étant là, avec sa sale tronche en biais et son air désagréable. Qu'il est pénible ! Terminator Genisys souffre donc d'un casting complètement raté, à quelques exceptions près : Lee Byung-Hun est plutôt crédible en T-1000, il reprend assez bien le flambeau de Robert Patrick, mais il ne fait vraiment que passer.




Ce cinquième épisode souffre aussi d'un scénario qui part totalement en couille une fois que notre petit trio constitué de Kyle Reese, Sarah Connor et Pop's (aka Schwarzy, le pauvre...) décide de retourner dans le futur. Après ça, c'est un grand n'importe quoi à faire chialer les plus naïfs qui espéraient encore retrouver quelque chose des deux premiers films. Plus grave encore, Terminator Genisys se distingue par une absence totale de scène d'action bien emballée. Les combats entre robots font franchement pitié, à commencer par le premier, celui opposant le vieux Schwarzy à sa version originale. Pour le reste, c'est un défilé d'explosions et d'accidents de la route en hideux CGI. Ce moment où une bagnole percute de plein fouet Kyle Reese et Sarah Connor, fraîchement débarqués à poil sur une autoroute et qui s'en sortent indemnes après un petit roulé-boulé sur le bitume, est peut-être le pire de l'ensemble. Malgré sa nullité absolue, l'oeuvre d'Alan Taylor (mais qui est ce type ?) a pourtant été adoubée par James Cameron himself, mais on ne sait pas si c'était par obligation contractuelle ou si le réalisateur de Titanic avait un flingue sur la tempe quand il a prononcé ses mots doux, immortalisés en gros caractères sur l'affiche.


Terminator Genisys d'Alan Taylor avec Emilia Clarke, Jason Clarke, Jai Courtney et Arnold Schwarzenegger (2015)

Visite ou Mémoires et confessions

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Une fois encore, Manoel de Oliveira défia le temps. Bam. Phrase. En 2016, un an après la mort du cinéaste portugais, à l'âge de 106 ans, sort sur les écrans un film inédit, gardé secret, un testament filmé en 1982, par un vieil homme déjà, de 74 ans, à qui il ne restait que la bagatelle de 35 ans à vivre et 25 films à faire (il évoque à un moment le scénario de L'étrange affaire Angelica, qui ne sera tourné qu'en 2010, et que l'on retrouve par anticipation dans l'image choisie comme affiche pour Visite ou Mémoires et confessions). A cette époque, Oliveira doit vendre la maison familiale pour payer ses dettes, mais il décide de la filmer avant de la quitter, histoire de se raconter, à travers des récits de souvenirs qu'il nous fait lui-même, face caméra, entre deux projections de films d'archives familiales (sa femme, Maria Isabel, coupant des fleurs, par exemple) mais surtout au fil des déambulations de la caméra, rythmées par deux voix off, l'une masculine, l'autre féminine, dans les pièces désertes de la grande demeure, désertes mais non vides, chargées encore de meubles, de bibelots, de photographies, de toute une vie.





Ce sont ces lentes traversées de la maison de famille qui fascinent le plus. La caméra donne l'impression de nous révéler en vision subjective ce que découvrent les deux voix, qui progressent de pièce en pièce et commentent la visite. Parfois, l'une ou l'autre de ces voix s'interrompt, croyant avoir entendu quelqu'un au rez-de-chaussée ou dans une pièce voisine. Cette troisième voix n'est autre que celle de Manoel de Oliveira lui-même, que nous retrouvons alors dans son bureau, entouré d'un projecteur, de livres et d'un portrait de la Joconde (figure clé, une dizaine d'années plus tard, de Val Abraham), et nous parlant aussi bien de ses enfants et de son épouse, à travers quelques anecdotes, que de ses rencontres et de ses goûts (il confesse sa préférence, au sein des cinéastes portugais, pour Paulo Rocha). De sorte que De Oliveira, dans ce drôle d'objet filmique à la 1ère personne, autobiographie par le prisme très parlant du lieu et des objets, hante sa propre maison et son propre film, comme s'il était déjà mort. Et nous de le retrouver vivant, avec 35 ans de retard, ou avec 35 ans d'avance sur lui, un ou deux ans déjà après sa disparition.


Visite ou Mémoires et confessions de Manoel de Oliveira avec lui-même (1982 - 2016)
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