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Channel: Il a osé !
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You're next

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Comment commencer ? C'est toujours le plus dur. La première phrase. Toujours délicat de cracher dans la soupe. Le pied droit en premier, toujours. Le pied droit dans la merde. On vous l'avoue tout net, on a envoyé un pigiste ciné voir ce truc en salle en avant-première. Il est revenu bredouille, ne jurant que par Cochon qui s'en dédit, qu'il avait vu la veille dans le cadre d'un ciné-club dont il est le seul adhérent. Il est aussi sorti de la séance avec un rhume qui a duré 15 jours, véridique. Deux jours après l'avant-première, la boîte de distribution l'a appelé pour lui demander ce qu'il en avait pensé. Ne sachant pas répondre, notre pigiste souhaite le faire aujourd'hui dans une lettre en recommandé, postée ici même. C'est comme quand on va bouffer chez quelqu'un et qu'on n'ose pas dire de vive voix que la bouffe était merdique, on règle ses comptes par courrier :

Cher Le Public Système Cinéma,

Merci. Grâce à toi je suis allé voir le "home invasion" horrifique tant attendu sur les écrans français. D'autant plus attendu qu'il date de 2011. Malheureusement, son titre, "You're next", a longtemps joué en sa défaveur. On est bien peu de choses... Je voulais d'abord te remercier avant de m'en prendre à toi comme un sagouin.

Objet : désinscription à la newsletter de Das Public Système Cinéma.

Corps du message : 
 Je, soussigné(e), m'interroge sur ce que c'est qu'un film d'horreur. J'ai passé la soirée devant une bonne scaloppina al limone à me poser cette question, assis entre deux blogueurs ciné docteurs ès cinéma, cinéphages et cinéphiles. Toujours pas de réponse. On en a conclu qu'il y avait autant d'écoles de pensée que de spectateurs de ciné. En tout cas je ne sais pas pourquoi You're Next, pourquoi ce titre ? Sachant que dès l'intro du film y'a une chanson en mode "repeat" : jamais la touche "next" n'est enfoncée. Toujours ce même morceau de pop indé bien comme il faut, comme on aime s'en imprégner. Métaphore ? Ce film est le "repeat" de tout le cinéma d'horreur-slasher/home-invasion. Il vient d'ailleurs après du lourd dans la catégorie du "home invasion", de Black Christmasà Straw Dogs en passant par Home Alone et Panic Room. Autant dire que le genre se cherche encore. Plus récemment, le fameux Doug Campbell a essayé de ruiner le genre en réalisant Home Invasion, le film éponyme (?).

Adam Wingard, le réalisateur du film, qui vient d'apprendre aujourd'hui qu'il a eu son BEPC (félicitations !), a un pur blaze, mais il faut aussi un physique, et s'il a bien des yeux de malade, ça ne suffit pas. Petite anecdote : il faisait partie d'une fine équipe de volley-ball féminine jusqu'à ce que, ayant atteint la puberté, on lui dise : "Arrête-toi !". Il est devenu cinéaste et est resté un pur usurpateur.

Nouveau paragraphe :
Mise en contexte. Qu'est-ce que You're Next ? Ce document est une vidéo. Cette vidéo est un film. Ce film est un film de cinéma. C'est un long métrage cinématographique. Plus communément appelé "film". Plus précisément un "ethumentaire", c'est-à-dire un documentaire animalier, puisqu'on y voit régulièrement un lapin et autres gallinacés. Ces animaux sont armés. Donc c'est un "éthumentaire" de fiction, puisqu'en réalité, vous l'aurez remarqué, ce sont des animaux assez paisibles. A partir de là, ce qui est montré à l'écran est faux et donc à la fois naïf et caduque. Réalisé en décembre 2010, plus ou moins dans le mid-west (Ohio), You're Next traite du survivalisme. Phénomène fort documenté par Capital sur M6, le survivalisme consiste à se préparer au pire, à ne pas laisser pisser, à pioncer dans un bunker, à mettre des clous sous les fenêtres, à s'acheter trois paquets de Weetos au lieu d'un à chaque fois qu'on va au supermarché et à trouver du charme aux boîtes de conserve. Le film nous apprend aussi que le survivalisme consiste également à apprendre à tuer des êtres humains en mexican stand-off et en loucedé, voire par erreur, ce qu'Emmanuel Chain, planqué sous ses gros sourcils, avait omis de nous apprendre.

Tous les personnages du film sont des salops, même si certains se sauvent en montrant une sensibilité artistique de par leur goût affirmé pour le land art. On les voit régulièrement bâtir des constructions artistiques éphémères réalisées pour être immortalisées sur film à partir de matériaux naturels (glaise, tripailles, sang coagulé, arbustes, sable, ongles arrachés, intestins déroulés et tapis de cheveux, bref, tout ce qui est autodégradable). "Greed" est le dernier mot du film et c'est aussi l'un des sept péchés capitaux, autre référence à Capital donc. Adam Wingard, avec une subtilité de bûcheron, exprime son mépris des riches et des arrivistes, des cons, des femmes, de la musique et des animaux. Cet homme souffre probablement d'un complexe thanato-érotique (référence à Thalassa).

Accompagné d'une bonne réputation et d'une bonne résolution d'image (1280x1024), remarqué dans différents festivals, You're next est-il la pelloche de pétoche annoncée ? On attendait mieux de la part de celui qui fait partie des rares auteurs de films d'horreur indépendants américains contemporains, aux côtés de Ti West, et qui finalement n'a strictement rien d'intéressant à dire ni à montrer. On ne sait sur quel pied danser devant ce film. En tout cas pas sur sa troisième jambe, car l'actrice principale n'amasse pas mousse. Là aussi on attendait mieux. C'est la base du slasher. En tout cas, c'est la première fois que je mets plus de temps à écrire la critique qu'à voir le film. Je vais donc m'arrêter ici cher Le Public Système Cinéma. Une fois de plus je te le dis : j'étais invité à cette avant-première, je n'ai pas aimé le film, j'ai profité quand même, j'ai pris froid mais je ne t'en veux pas. Sans rancune. C'est simplement la dernière fois que je home-envahis les cinémas dans lesquels tu m'invites. J'ai 89 ans et j'ai vraiment plus l'âge pour ces conneries.

Cordialement,
Veuillez agréer, Monsieur Le Public Système Cinéma, mes plus sincères.

René(e) "la canne" Durand

2 pièces jointes :

Le premier wallpaper Adam Wingard au monde. Ne nous remerciez pas. "Rotation à gauche" conseillée (en mode "mosaïque").

 Sharni Vinson fait du land art. Si vous ne pensez pas à mille films en regardant cette image, vous êtes un nouveau-né. Bienvenue sur le blog !

Voici donc la lettre de notre pigiste. Mea culpa auprès de Le Public Système Cinoche, on aurait peut-être dû envoyer un homme (invasion) plus jeune.


You're Next d'Adam Wingard avec Sharni Vinson, Nicholas Tucci, AJ Bowen (2013)

Le Beau Serge

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Le Beau Serge, premier film de Claude Chabrol et premier film officiel de la Nouvelle Vague en 1958, raconte l'histoire de François (Jean-Claude Brialy, égal à lui-même), jeune homme atteint de tuberculose qui, après de longues années d'exil à Paris, rentre dans son village natal, Sardent (le village des vacances du jeune Chabrol), dans la Creuse, pour s'y reposer. François trouve le petit village de province inchangé et y croise la plupart de ceux qu'il avait laissés (y compris La Truffe, incarné par un Chabrol maigrelet, et le dénommé Jacques Rivette, interprété par Philippe de Broca, assistant réalisateur sur le film). Il retrouve surtout Serge (Gérard Blain, acteur impressionnant et aussi "beau" que le titre le prétend), son ami d'enfance, marié à Yvonne (Michèle Méritz) puis devenu alcoolique suite à la perte d'un premier enfant trisomique mort-né. Ivre mort aux côtés de son beau-père (Edmond Beauchamp), Serge ne reconnaît même pas François la première fois qu'ils se revoient, et c'est son épouse Yvonne et sa belle-sœur Marie (Bernadette Lafont, maladroite mais séduisante dans le rôle d'une authentique Marie-couche-toi-là, et qui l'année précédente jouait la fiancée de Gérard Blain dans Les Mistons de Truffaut) qui doivent évacuer les deux poivrots à la sortie du bar. Accablé par ce spectacle et obsédé par le parcours injuste et tragique de son ancien ami, François va tout faire pour l'aider à sortir de la spirale d'échec et d'alcool dans laquelle il s'est enfoui.




A l'époque, Claude Chabrol, que l'on interrogeait sur son statut de soi-disant "fils à papa", et à qui l'on reprochait à demi-mot d'avoir réalisé son premier film avant ses camarades avec l'argent de ses parents, répondait, avec cet humour déjà incisif qu'on lui connaitrait plus tard : "C'est un fait, mais je ne me plaindrais pas de tourner avec l'argent des autres…" Cette anecdote sur le patrimoine et l'héritage du bon Chacha n'est pas inintéressante si l'on songe que le scénario du Beau Serge est très proche des préoccupations de l'écrivaine française Annie Ernaux, qui dans des récits comme La Place ou le très récent Retour à Yvetot interroge son statut de provinciale exilée, d'autodidacte intellectuelle parisienne en rupture de ban, et cherche sa place au sein d'une filiation qui la destinait au petit commerce de village plutôt qu'au professorat de lettres, questionnant son passage coupable dans un autre monde au prix d'une trahison morale vis-à-vis des siens. C'est un peu le parcours de François, qui ne retrouve pas sa famille mais ses amis d'autrefois, lui le potentiel futur enseignant, et qui se sent coupable d'être parti et d'avoir réussi quand Serge pourrit au pays, où il exerce un métier pénible et sombre dans la dépression.




Mais Le Beau Sergeévoque surtout une autre œuvre littéraire d'importance, et de Jean Giono : Un Roi sans divertissement. Le titre du roman de Giono donne une bonne définition du personnage de François. Convalescent, le jeune homme n'est pas dans une posture franchement enviable, mais comme le veut l'adage, au pays des aveugles les borgnes sont rois. Et comme Langlois, pas le directeur de la cinémathèque française limogé par Malraux et défendu par les jeunes turcs des Cahiers jaunes, le héros du roman de Giono, François, pas Truffaut, le héros de Chabrol, malade chronique indécis quant à son avenir, souffre d'une sorte d'ennui existentiel qui, dans l'univers gris et le silence blanc de l'hiver de la Creuse, et non du Vercors, se rend victime d'une fascination pour le Mal ambiant (cet alcoolique qui méprise sa femme, ce beau-père qui saute sur sa fille cadette pour la violer quand on lui confirme qu'elle n'est pas de lui, etc.). Cette fascination se tord en une tentation perverse de païen reconverti en saint martyr prêt au sacrifice pour réparer les vices de ceux qu'il considère avoir abandonnés, la tentation du suicide.




Chabrol tourne deux plans magnifiques. Le premier quand François vient de se faire casser la gueule par Serge et, le visage en sang, appuyé contre la porte de sa chambre, décide de rester et de l'aider coûte que coûte, tandis qu'un très long et très beau fondu enchaîné recouvre son visage de flocons de neige en bourrasque, tel Langlois qui, à la fin du roman de Giono, fume un bâton de dynamite et se fait exploser la tête : "Et il y eut, au fond du jardin, l'énorme éclaboussement d'or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C'était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l'univers". L'autre plan survient un peu plus tard, quand le même François court d'une maison à l'autre pour sauver Serge, Yvonne et leur futur enfant, et, crapahutant dans le froid glacial de l'hiver et de la nuit, s'efface dans le flou du second plan pour ne devenir qu'une ombre noire au milieu des taches blanches de la neige tombante. "Qui a dit : Un roi sans divertissements est un homme plein de misères ?" Pascal, puis Giono, puis Chabrol, et Godard, qui s'en souviendra au moment de tourner le final de Pierrot le Fou.


Le Beau Serge de Claude Chabrol avec Jean-Claude Brialy, Gérard Blain, Bernadette Lafont, Michèle Méritz et Edmond Beauchamp (1958)

Pain & Gain

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Avec seulement 20 millions de dollars en poche, Michael Bay s'essaie au film d'auteur indépendant d'art et essai underground. Ses acteurs, très impliqués dans le projet, ont accepté un paycheck anormalement maigre, à commencer par Marky Mark Wahlberg, dont l'amitié avec Michael Bay est telle qu'il est déjà annoncé dans les prochains Transformers. L'acteur semble se faire un malin plaisir à malmener le cinéphile qui a reconnu quelque chose en lui et qui cherche à le cerner depuis maintenant près de vingt ans, ce cinéphile qui l'a croisé dans quelques bons films, notamment chez James Gray, James Gray qui a dit un jour que l'acteur était d'une intelligence supérieure et que l'on n'avait pas fini de découvrir toutes les facettes de son talent. Ce même cinéphile qui pleure en suivant le fil RSS consacré à la star bodybuildée, jamais lassée d'enchaîner les projets testostéronés avares en propositions de cinéma tels que le Pain & Gain dont il est ici question. Wahlberg et The Rock y incarnent deux abrutis obnubilés par le sempiternel "rêve américain" et bien décidés à le vivre de toutes les façons possibles. Et Michael Bay, pas plus malin que ses personnages, se plaît à nous rappeler, à chaque nouvel épisode plus débile que le précédent des aventures de Tête de nœud et Tronche de con, que tout cela est tiré d'une histoire vraie. Rappelez-vous que le cinéaste avait voulu utiliser la même technique de persuasion dans Bad Boys 2 et dans Transformers 3, jusqu'à ce que son ami et tuteur Jerry Bruckheimer lui dise : "Là ça ne passera pas, y'a que toi qui y crois".




Le film durant 2h20 (rassurez-vous il y a 20 minutes de générique de fin, nouvelle tendance du cinéma de merde hollywoodien, Star Trek Into Darkness est un autre exemple), on pense d'abord avoir affaire à ce qu'on peut typiquement appeler un "plaisir coupable", volontairement régressif et bête, où les acteurs s'en donnent à cœur joie. En ce sens, Mark Wahlberg confirme son aisance dans le registre comique après Very Bad Cops, et montre qu'il est capable d'asséner avec le plus grand sérieux du monde des répliques d'une débilité achevée. Il faut aussi reconnaître quelques lueurs de génie à The Rock (qui avait justement côtoyé Wahlberg sur le tournage de Very Bad Cops, où il n'était pas le dernier à donner dans l'autodérision de bon aloi), permettant de pouffer une fois ou deux. On aimerait voir ces acteurs dans une vraie comédie (sauf si c'est pour subir Ted 2, le premier, à pleurer, étant bien loin de la folie comique de Will Ferrell), car le film de Bay se révèle vite tourner en rond (à l'image de ces travellings circulaires, seul outil de la grammaire cinématographique maîtrisé par Bay, qui en use et en abuse), et se contente de montrer des débiles de façon débile, avec à la clé quelques effets de manche bien pitoyables baignés par des voix-off incessantes. On s'ennuie ferme devant ce chapelet de connards imbuvables, pourtant presque attachants au départ, et on mate sa montre en attendant que ça passe, tristes de croiser Ed Harris dans un tel taudis, un merdier de film dont on n'a aucune envie de gratter le fond d'idéologie rance et gerbante (car étant donné la manière qu'a Michael Bay de dépeindre les femmes, les juifs et les homosexuels, on se dit qu'on ne l'inviterait pas à dîner tous les dimanches, parce qu'il ferait sacrément la paire avec tonton Scefo le gros facho). On imagine très bien ce film trôner fièrement au sein du top 2013 de Quentin Tarantino aux côtés de Pacific Rim,Young Adult, Django UnchainedThe Bling Ring, Hobbo with a Shotgun et quelques autres merdes.


Pain & Gain de Michael Bay avec Marc Wahlberg et The Rock (2013)

Sous surveillance

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Quand tu t'appelles Bobby Redford, tu peux avoir un casting en or malgré un scénar' en contreplaqué, il suffit de claquer des doigts. C'est ce que prouve son dernier film en tant que réalisateur, acteur et producteur exécutif : Sous surveillance (The Company we keep en VO, soit "La société que nous gardons"). Visez un peu l'affiche. Treize noms qui ont bien du mal à tous y contenir. De vieilles gloires du passé y côtoient de jeunes acteurs qui montent qui montent. Si le film, qui paraît déjà bien long, avait duré deux heures de plus, on imagine que le défilé de vieilles gueules cassées et de jeunes loups aux dents qui rayent le parquet aurait duré encore plus longtemps. Heureusement, la mégalomanie de Bob Redford a des limites !


Moment de malaise sur le tournage quand Susan Sarandon décide de mimer la position sexuelle préférée qu'elle réalisait naguère avec Tim Robbins, surnommé The Black Donkey dans la profession.

On suit donc ici le pâle Shia LaBoeuf, jeune journaliste désireux de faire ses preuves, en pleine enquête sur un vieil avocat (Robert Redford) dont le trouble passé ressurgit suite à l'arrestation d'une membre du Weather Underground (joué par Susan Sarandon), groupe d'activistes de gauche radicale ayant marqué les années 70 et considéré comme une organisation terroriste par le FBI. En deux temps trois mouvements, Shia (prononcez comme ça vous chante, "Who really cares ?!" répète-t-il à longueurs d'interviews, blasé) parvient à dépasser plus de 30 années de recherches acharnées menées par le FBI et expose au grand jour la véritable identité de Bob Redford. Ce dernier prend alors la fuite, Shia et le FBI se lancent donc immédiatement sur ses traces ; mais attention, n'allez pas imaginer une course-poursuite haletante au sein d'un thriller parano comme on n'en fait plus, non, pensez plutôt à un escargot fatigué et tout ridé (Redford) inspecté à la loupe par un enfant laid à moitié aveugle (LaBoeuf) entouré d'une bande d'incapables qui regardent du mauvais côté, dirigée par le toujours désagréable Terrence Howard.


Malaise encore sur le tournage lorsque Shia LaBoeuf décide d'aller sur généalogie.net pour retrouver ses ancêtre aveyronnais alors qu'il a une ligne de dialogue de la plus haute importance à placer face à Bob Redford (qui regrette à ce moment là de ne pas avoir choisi Mouloud Achour pour le rôle).

Comme il a du temps à paumer et que les énergumènes à ses trousses sont tous des purs zonards, Bob Redford profite de cette petite virée pour renouer les liens avec de vieux amis qui ne l'accueillent pas toujours avec le sourire. Le film prend alors des allures d'anti-Expendables, ces réunions musclées d'anciens collabos toujours fachos organisées par Sly, puisqu'il nous propose une morne galerie de portraits de gauchos ancestraux mal dans leurs peaux ayant tiré un trait sur leur passé un brin trop engagé. Ce film-là, c'est donc un peu le Expendables des soixante-huitards grabataires, sauf qu'ici les acteurs sont tous en déambulateurs et, à la place de mitraillettes et autres kalachnikovs, ce sont leurs idéaux en berne qu'ils traînent partout avec eux. Bien sûr, le rapprochement avec le film de Stallone n'est pas à prendre comme un compliment.


Malaise toujours sur le tournage de ce film en bois entouré de moquette sans âge lorsque Bob Redford lâche un pet cinglant sur le coin de la veste en velours côtelé de Dick Jenkins qui ne peut retenir un rictus de dégoût et un regard furtif et interloqué en direction de son interlocuteur censé être un gentleman.

On croise donc avec plus ou moins de plaisir des vieux gars comme Nick Nolte, dans l'un de ses fort probables derniers rôles (cela me fait de la peine de l'écrire aussi), Brendan Gleeson, un pack de bière à la main, et le plus grand d'entre tous, toujours au top, toujours la même tronche depuis 20 ans, j'ai nommé Dick Jenkins, le seul de la bande à ne pas être sur le déclin, artistiquement parlant. J'aurais aimé y voir aussi le grand Robert Duvall, mais c'était oublier ses véritables opinions politiques... Côté vieillardes, on retrouve Susan Sarandon, fidèle à elle-même, et Julie Christie, que l'on pourra mettre un petit moment avant de reconnaître. Ce medical check-up platement filmé est souvent déprimant quand on découvre le gros coup de vieux pris par l'un ou la mauvaise mine affichée par l'autre, et parfois étonnant, comme lorsque l'on constate que Julie Christie et Robert Redford se ressemblent désormais étrangement. Ils doivent avoir le même chirurgien, un type qui fait du bon taff, ceci dit, bien que leur beauté de jadis ait bien du mal à percer derrière l'écran juvénile superficiel qu'il leur colle aux tronches.


Malaise bis repetita lorsque Bob Redford décide de jouer toutes les scènes avec Julie Christie en lui tournant le dos comme pour se venger d'une relation amoureuse terminée sur un point d'exclamation, le sang et les larmes. Une balle dans son propre pied !

Au milieu de tout ça, les jeunes pousses ont bien du mal à s'affirmer, y compris la sympathique Brit Marling, que son amour pour les thrillers américains des 70's doit amener à faire des choix de carrière pas toujours judicieux (on l'avait également vue dans Arbitrage, aux côtés d'un Dick Gere aux abois, un film du même tonneau, mais plus sobre et réussi). Le tristounet Shia LaBoeuf démontre quant à lui qu'il n'a toujours pas les épaules pour porter un film tel que celui-ci. Notons que pour faire taire les critiques français qui pointent systématiquement du doigt sa ressemblance frappante avec Karim Benzema, la star porte ici une moumoute ridicule et des lunettes triple foyer qui ne suffisent pas à le rendre crédible en journaliste.


Malaise final très palpable et ressenti douloureusement par tout le cast & crew au moment où Shia LaBoeuf demande effrontément à Brit Marling de tirer sur son doigt afin de pouvoir lâcher un pet issu de l'ingestion et la digestion malheureuse d'une fricassée de Limoux avariée.

Beaucoup ont parlé de nostalgie ou de mélancolie pour qualifier ce thriller mou du genou réalisé par un Robert Redford vraisemblablement soucieux de redorer son mythe et celui de quelques collègues en évoquant un glorieux passé d'activisme de gauche. Pour ma part, j'y vois plutôt un narcissisme déplacé de la part du Sundance Kid. Même si cette scène douloureuse, où la vieille star se montre faisant son jogging, laborieusement, en nage, courant comme une vieille gonzesse, vient quelque peu contredire mon hypothèse. Force est de constater que l'on s'ennuie ferme devant ce film qui paraît déjà très daté. Le climax, c'est tout de même une course à deux à l'heure de Robert Redford et Julie Christie dans les bois, poursuivis par les bergers allemands obèses du FBI. Ils trainent la patte et sont filmés ridiculement, de dos, en tenue de jogging, et presque invisibles derrière les gros sacs Quechua qu'ils trimballent avec eux. Quand elle ne fait pas mal aux yeux, la mise en scène est en mode pilote automatique. Redford aurait sans doute mieux fait de confier la tâche à quelqu'un d'autre, même si je ne vois personne, dans le cinéma américain du moment, capable de torcher un thriller correct à partir d'un tel script. Au bout du compte, Sous surveillance pourrait aisément être rattaché à cette petite vague de films commémoratifs rances qui sont produits depuis quelques années et nous foutent à chaque fois un petit peu mal à l'aise...


Sous surveillance de Robert Redford avec Robert Redford, Shia LaBeouf, Richard Jenkins, Susan Sarandon, Chris Cooper, Brendan Gleeson, Stanley Tucci, Terrence Howard, Brit Marling, Anna Kendrick, Nick Nolte, et Julie Christie (2013)

La Cabane dans les bois / Chronicle

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Excusez-moi, je ne vais pas prendre de gants et je vais immédiatement vider mon sac, mais j'en ai besoin. Ça me rend malade de mater, toujours avec un très mince mais bien réel espoir, des films aussi cons que La Cabane dans les bois ou Chronicle. Des films souvent salués par la critique et qui ne manquent jamais de faire le buzz sur la blogosphère et Twitter. Des trucs qui se croient malins, originaux et innovants, qui prétendent s'amuser des codes bien connus de genres usés jusqu'à la corde (dans ces deux cas précis : le survival et le film de super-héros) pour n'être en réalité que le symbole ultime de leur profonde débilité et du cynisme glaçant de leurs auteurs. D'ailleurs, ça me fait encore plus froid dans le dos de savoir que ces derniers sont souvent jeunes et ambitieux, et que l'on a donc peut-être pas fini d'en entendre causer. Pas pour leur talent, bien entendu, mais leurs films ont aussi le défaut de rapporter gros...




Drew Goddard, le réalisateur de La Cabane dans les bois, était scénariste de Lost et Cloverfield, et ça ne m'étonne vraiment pas tant toutes ces merdes se ressemblent. D'ailleurs, le scénario de Prometheus, signé Damon Lindelof, autre scénariste de Lost, est exactement de la même trempe. Ah ça, ils sont très doués et n'ont pas d'égal pour pondre des scénarios fumeux, faits de voiles de mystères ridicules censés les faire passer pour ultra malins mais qui sont en réalité remplis de trous béants cachant mal leur nullité et rendant criant leur manque réel d'idée. Encore heureux qu'ils soient doués pour ça puisqu'ils se sont entraînés pendant 6 ans sur leur interminable série... Elle a fait du mal cette série, elle a fait du mal !




Tous ces petits businessmen au savoir-faire attristant me font aussi un peu penser à Christopher Nolan qui, lui, choisit plutôt de nous noyer d'informations ineptes, comme dans Inception, dans le même but : duper les spectateurs en passant pour un génie, alors que derrière tout ça, c'est à chaque fois le vide intersidéral. Et surtout, c'est toujours d'une laideur folle... Mais évidemment, le plus triste là-dedans, c'est que ça marche encore... Ces films, semble-t-il conçus pour les ados attardés, rendent gagas la plupart des amateurs de cinéma de genre, se contentant d'un rien, voyant dans ces œuvres un renouveau, une intelligence dont sont dépourvues les grosses machines habituelles... Tu parles ! Il faut cependant avouer qu'il y a effectivement quelques esquisses d'idées ici ou là, quelques pistes que l'on aimerait voir être approfondies par le cinéaste concerné. C'est sans doute suffisant pour contenter le spectateur lambda. Personnellement, ces promesses non-tenues, à peine formulées, et cette fausse intelligence ostentatoire me rendent ces films encore plus insupportables.




Premier long métrage de Josh Tank (un salopard dont le patronyme idiot a la particularité de salir les surnoms de deux de mes proches), Chronicle fait partie de ces films où super-pouvoirs riment avec passage à la vie adulte pour des personnages d'adolescents mal dans leurs peaux. C'est frais, c'est nouveau, bravo. Le personnage principal use de ses pouvoirs pour manipuler par télékinésie la caméra qui le filme constamment. Ce film, en prétendant qu'il se veuille avant tout divertissant, pourrait être également accompagné d'un propos formel intéressant. Il n'en est rien. C'est d'une bêtise crasse, qui égale sans souci celle des grosses productions super-héroïques du moment. Sa dernière demi-heure consiste en une baston façon Dragon Ball Z où les jeunes protagonistes s'affrontent dans les airs à coups de savates. Le comble du ridicule est alors atteint. Moi, j'avais déjà la tronche enfoncée dans les coussins de mon canapé depuis un moment...

Je vous dis tout ça, mais j'ai les glandes !




La Cabane dans les bois se veut quant à lui méta-discursif et a été vivement salué pour cela. Nous pensons pendant un moment que l'intrigue concerne une émission de télé réalité qui enverrait à la mort ses jeunes participants, en faisant d'eux les personnages impuissants d'un véritable film d'horreur privé de happy end dont chaque péripétie serait provoquée par des techniciens confortablement installés dans leurs studios. On pourrait y voir une petite pique adressée au public et aux auteurs de ces films-là puisque l'on se moque ouvertement des deux types (Richard Jenkins et Bradley Withford) qui sont aux manettes et doivent gérer ce petit jeu de massacre en coulisses depuis leurs écrans de contrôle. Mais c'est mal connaître le réalisateur Drew Goddard et son producteur Joss Whedon. Ils n'osent froisser personne, sans doute de peur de perdre quelques spectateurs. On ne devrait pas avoir le droit de s'appeler Goddar et de réaliser des films aussi bêtes.




Une autre petite scène tourne explicitement en dérision l'attente suscitée chez les spectateurs par l'une des jeunes actrices sur le point de retirer son haut mais. A l'image de ce passage-là, tout n'est en réalité que le prétexte pour quelques scènes bidons dénuées de drôlerie. On nage quelque part entre une parodie sans saveur et un survival ultra référentiel de plus, au beau milieu d'une sacrée daube. On pourrait avoir affaire à un film proposant de réfléchir sur lui-même, mais aucune réflexion n'est réellement menée. L'aspect méta du film n'est qu'un outil pour pousser à la mort une bande de jeunes insupportable qui n'existe jamais à l'écran, étant donné qu'ils sont tous plus bêtes et transparents les uns que les autres. Pour ne rien gâcher à l'affaire, ils sont tous incarnés par des acteurs médiocres. On retrouve par exemple l'affreux Chris Hermsworth, seul acteur mongol à faire carrière à Hollywood, dont la mort grotesque m'a toutefois fait rire (jaune). Comment donc peut-on se passionner pour les mésaventures de ces crétins finis ?




Le final du film aussi atteint un haut niveau de ridicule. Tout le bestiaire du cinéma d'épouvante se retrouve réuni, dans un déluge de CGI hideux, pour un carnage fabriqué qui ferait pleurer les maîtres du genre. On retrouve même le fantôme de Sigourney Weaver, qui fait bien de la peine là-dedans. Malgré cela, il faut reconnaître que ce n'est que lors de ce final aussi débile que délirant que le film surprend enfin un chouïa. Par contre, c'est aussi à ce moment-là que le scénario sombre définitivement dans un grand n'importe quoi des plus insupportables.




Richard Jenkins joue donc un rôle important dans La Cabane dans les bois. Dick Jenkins, le papa dans Step Bro'... Dick Jenkins ! J'étais dégoûté de le voir là-dedans... Ce qui me bloque dans la poursuite de cette ambitieuse double-critique c'est que j'ai envie de tout casser, d'insulter à tout va, de me lamenter... Rien de très constructif, donc je vais m'arrêter là. Je suis bénévole.


La Cabane dans les bois de Drew Goddard avec Chris Hermsworth et d'autres abrutis (2011)

Chronicle de Josh Tank avec  Dane DeHaan, Alex Russell et Ashley Hinshaw (2012)

Entretien avec Justin Benson et Aaron Moorhead

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Ayant particulièrement apprécié Resolution (accédez à la critique en cliquant sur le lien), film fantastique original et bien pensé signé Justin Benson et Aaron Moorhead, nous avons proposé à ces jeunes cinéastes américains de nous accorder un entretien. Nos hôtes se sont pliés à l'exercice avec un tel enthousiasme et une telle générosité que nous sommes ravis d'inaugurer une nouvelle rubrique du blog consacrée aux interviews par celle de ce joyeux et ambitieux duo d'auteurs de films de genre plein de promesses. Mais laissons-leur plutôt la parole :


-    Que diriez-vous pour vous présenter au public français ?  

A : [en français] Bonjour, je suis Aaron. Nous avons fait un film qui est tout aussi effrayant, drôle et dramatique. C'est le film parfait qui vous aidera à avoir des relations sexuelles. Aussi, je suis seul.

J : [en français]  Bonjour, je suis Justin et je voudrais être un citoyen de l'Union européenne. 
  

Justin Benson / Aaron Moorhead

-    Quel a été votre parcours avant la réalisation de ce film ?  

A : J’ai commencé à faire des films quand j’avais environ 14 ans. Je suis allé à la Florida State University pour étudier le cinéma, puis j’ai immédiatement déménagé à Los Angeles où j’ai rencontré Justin après seulement quelques jours. J’ai été chef opérateur et créateur d’effets spéciaux pendant un moment, mais je continuais à réaliser à côté de ça, aussi souvent que possible. Pas aussi souvent que j’aurais dû ceci dit. Dieu merci pour ce film, maintenant je ne suis plus que réalisateur. 

J : J’ai grandi à San Diego, je suis allé à UCLA, puis j’ai fait tout un tas de petits boulots qui payaient pour mettre de l’argent de côté afin d’écrire/réaliser/monter/etc.  

-    Quels sont vos modèles, vos réalisateurs favoris ?  

A : Alfonso Cuaron, George Clooney, Ben Affleck, Steven Spielberg, Ciaran Foy, Nicolas Winding Refn. 

J : Richard Linklater, Peter Jackson, Guy Ritchie, Christopher Nolan, Park Chan-Wook.  

-    Le film n'est pas distribué dans les salles en France. Comment l'expliquez-vous ? Qu'en est-il dans les autres pays ? Comment est-il reçu ?  

A : D’après la rumeur la France devrait voir Resolution bientôt, c’est juste très long pour que tous les pays reçoivent le film et montent un plan de distribution. Resolution est montré dans presque tous les pays d’Europe, dans tout un tas de festivals de cinéma, et nous sommes humblement surpris de découvrir que pratiquement tout le monde semble vraiment l’apprécier, malgré les différences de langue et de culture. C’est un immense soulagement pour un film d’horreur plutôt bavard.  

-    Votre film a fait le tour des festivals, notamment américains, quel rôle les festivals jouent-ils dans la mise en lumière d’un film tel que le vôtre ?  

A : En fait, le film est beaucoup plus montré à l’international qu’aux USA ! C’est pas un hasard si on a proposé le film aux festivals européens de cinéma de genre international : la Fondation Melies, réseau gigantesque qui regroupe tous ces festivals, est très prestigieuse et touche énormément de publics. On n’a pas pu concourir pour la Fondation Melies (n’étant pas européens), mais on a finalement passé près de la moitié de l’année dernière en Europe. C’est la belle vie ! Quant au rôle que jouent les festivals, notez bien ça : les festivals sont TOUT. Nous n’aurions aucun buzz et pas de carrière si ce film n’était sorti qu’en VOD. Les programmateurs des festivals et le public, autant que la presse, sont absolument essentiels pour que des films comme le notre aient une chance de rencontrer le succès. C’est la meilleure forme de publicité, parce que sans ça il n’y a aucun moyen de se faire connaître. Il s’agit juste d’essayer d’apporter du bon cinéma aux gens qui aiment le bon cinéma.  

-    Comment s'organise le travail de mise en scène pour un binôme ? Allez-vous continuer à travailler ainsi ou vos chemins vont-ils désormais se séparer ?  

A : On se considère à vrai dire comme co-cinéastes plutôt que comme co-réalisateurs. On se salit les mains tous les deux dans chaque aspect de la production. Justin est plutôt au stylo, je suis plutôt à la caméra, mais l’un n’existe pas vraiment sans l’autre. Nous sommes bien plus que la somme de nous deux en tant que simples co-réalisateurs. Depuis l’avant-première de Resolutionà Tribeca on a travaillé presque exclusivement en équipe, et on envisage de continuer ainsi dans un futur proche. 

J : Nous sommes une sorte de gros monstre tentaculaire qui écrit/réalise/produit/monte/mixe/crée des effets spéciaux et sort des profondeurs avec une troupe de collaborateurs grandissante et tout aussi dangereuse. Y compris, entre autres, notre producteur David Lawson et notre ingénieur du son Yahel Dooley.  

-    Qualifieriez-vous Resolution de film d'horreur ?  

A : Oui. Mais d’un autre côté on se moque pas mal des définitions génériques. Le genre dans lequel le film s’inscrit, honnêtement, c’est bon pour les équipes marketing. Notre seul boulot c’est de faire un bon film, et on ne pense pas au genre en le faisant. Mais nous sommes fiers de qualifier Resolution de film d’horreur, tout comme nous le qualifions de drame psychologique, ou de buddy-movie détendu. 

J : On n’y a jamais pensé en ces termes avant que les gens ne commencent à poser la question, mais c’est marrant d’être des sortes de punks marginaux sous une étiquette marketing, donc oui, appelez ça un film d’horreur. C’est sans nul doute un film qui fait peur. 


Vinny Curran / Peter Cilella

-    Dans notre critique, nous avons souligné la qualité et la finesse de votre film en le comparant notamment à La Cabane dans les bois, autre film de genre métadiscursif récent. Que pensez-vous de ce film ? Resolution est-il d’une manière ou d’une autre pensé comme une réponse à celui de Drew Goddard ?   

A : On adore La Cabane dans les bois. Quand il est sorti – c’était une semaine avant la première de Resolutionà Tribeca – on a réalisé toutes les comparaisons qui pouvaient être faites. Les deux films ont à peu près le même point de départ, et tous les deux ont un aspect « méta », mais en dehors de ça on ne peut pas faire plus différent. Nous sommes fiers d’être comparés à un film aussi cool, même si je suis certain que personne ne regarderait les deux films en pensant que l’un a pompé sur l’autre. Ils sont très différents dans l’approche. On pense qu’ils pourraient faire un formidable double-programme. 

J : La Cabane dans les bois est l’une de mes meilleures expériences de spectateur de ces dernières années. Les mecs derrière ce film assurent.  




-    Par un drôle de hasard, votre film et le nouvel Evil Dead ont le même point de départ (des jeunes gens coincés dans une cabane isolée pour sauver l’un d’entre eux d’une addiction à la drogue). Que pensez-vous de la vague de remakes actuelle et, plus largement, de l'état du cinéma de genre US ? La fracture semble de plus en plus grande entre des films invisibles mais dignes d'intérêt comme le vôtre et des films à budgets plus conséquents qui ne prennent aucun risque (remakes, reboots, prequels, etc.), avec à la clé des résultats souvent médiocres. Partagez-vous ce constat ?  

A : Les remakes et les reboots peuvent être bons et même très bons (voyez Batman), mais globalement, ils sont horribles. Nous vivons une époque dangereuse où ceux qui possèdent l’argent sont obligés de limiter les risques financiers dus aux difficultés économiques du moment – ce qui se comprend parfaitement –, mais vu que les gens continuent de retourner dans les salles pour voir les films issus des franchises qu’ils adorent et qui sont dénués de toute imagination, nous ne quitterons jamais le sillon créatif qui est le nôtre. Je pense qu’il appartient aux cinéastes indépendants sans le sou, qui ont tout à gagner et pas grand chose à perdre, d’innover, et au public qui les suit de voter pour eux avec leur porte-monnaie.  

J : D’un point de vue général ce serait vraiment cool que les investisseurs et surtout les cinéastes prennent plus de risques. Il y a cette idée qui veut que tous les films doivent obligatoirement rendre un hommage…  

-    Nous avons l’impression que le système empêche des auteurs de films de genre de se faire connaître, de travailler avec plus de moyens et de s’installer durablement afin d’élever le genre et de lui rendre ses lettres de noblesse, comme ont pu le faire John Carpenter ou Dario Argento par le passé. Qu’en pensez-vous ?  

A : Nous en faisons encore l’expérience. Même après le succès de Resolution, accoucher de notre second film est plus qu’un travail à plein temps. On y travaille en permanence et on est deux à ne pas dormir. J’ignore à quel point il était difficile il y a quelques temps de passer de petits films de genre à de plus gros. Je pense que c’est probablement plus facile de faire des films de nos jours, honnêtement, parce qu’il y a plus de réalisateurs que jamais depuis qu’on est allés vers des productions abordables et une certaine technologie facile de post-production. Et les films de genre sont toujours appréciés au box office. On a récemment observé pas mal de gros succès pour des films d’horreur à petits budgets comme The Conjuring, American Nightmare et You’re Next, donc je pense qu’il n’est pas tout à fait juste de dire que le système essaie de nous tuer.  

J : Le cinéma de genre se porte mieux que jamais. Certains cinéastes actuellement en activité sont capables d’aller même plus loin que ce que des gars comme Argento ou Carpenter ont fait. Et quand vous regardez le box office, pour des titres comme ceux cités par Aaron, nous vivons une époque FORMIDABLE. Il y a des trucs vraiment cool, rafraichissants et excitants qui vont venir d’ici peu.  

-    Nous sommes un blog français, vous êtes américains, quel est votre regard sur le cinéma d’horreur actuel français ?  

A : J’aimerais pouvoir me prononcer si j’en avais une meilleure connaissance. Mais malheureusement tout ce que je connais c’est le cinéma de genre français très populaire, donc mon opinion est sûrement un peu biaisée par la comparaison. J’ai vu Enter the Void récemment, qui n’est pas vraiment un film d’horreur, mais c’est clairement l’un des films les plus singuliers et innovants que j’aie vus. Ca bosse de l’autre côté de l’Atlantique ! 

J : J’ai pas mal d’estime pour Frontière(s) de Xavier Gens, et sa participation dans ABC’s of Death est la meilleure avec D for Dog Fight de Marcel Sarmiento. Et Insensibles de Juan Carlos Medina est un film MERVEILLEUX réalisé par un grand réalisateur. Je sais qu’il est d’origine espagnole mais il a vécu à Paris pendant longtemps donc disons qu’il est français.  

-    Justement, il est question dans le film de chercheurs français. Pourquoi français ?

A : (Justin, je te laisse répondre) 

J : Nous voulions faire comprendre que notre créature invisible a été détectée en dehors de cette zone de la Californie du Sud. Que c’est un monstre dont la menace est internationale, universelle. L’idée d’un parisien qui habite dans une caravane au milieu des campagnards white trash du fin fond de l’Amérique a quelque chose de fascinant. De plus, le scénario de Resolution est en partie inspiré de films d’horreur européens tels que La Maison aux fenêtres qui rient ou L’Echine du diable. Et l’une des mes scènes favorites dans Apocalypse Now Redux est celle dans la plantation française. C’est comme une sorte d’histoire bizarre et flippante de fantômes en plein milieu d’un film de guerre !  

-    On sent un intérêt pour les « histoires extraordinaires » dans votre film, aviez-vous des références littéraires en vous lançant dans l’écriture du script ?  

A : (Justin, encore à toi) 

J : Pas vraiment. Tout ce qui dans l’histoire concerne les bouquins, les diapositives, les peintures rupestres, la plaque sensible photographique et ainsi de suite, était là pour montrer que notre monstre a évolué avec la technologie des supports narratifs pendant des dizaines de milliers d’années. Quant à la bizarrerie de ces épisodes, Aaron et moi sommes morts de trouille à l’idée de faire un truc que quelqu’un a déjà fait. Le plus grand des crimes cinématographiques à notre avis c’est de ne pas être original. Donc, oui, on débarque avec des trucs bizarres. 





-    L’aspect métadiscursif est crucial dans Resolution, quels sont les films de ce genre que vous appréciez le plus ? Et au fait, pourquoi ce titre, "Résolution" ?  

A : "Résolution" a un triple sens. "Résolution" peut faire référence à la qualité de la définition d’une image, comme celle de toutes les vidéos que trouve Michael. Cela fait également référence à la force mentale que l’on a quand on est décidé à faire quelque chose, comme Michael quand il se résout à enchaîner Chris. Et enfin, la résolution de l’histoire, dans le sens de conclusion, et c’est toute la question du film. 

J : En fait je ne savais même pas ce que signifiait « méta » jusqu’à ce que je lise des critiques du film. Nous avons juste essayé d’embrouiller le spectateur et de lui foutre une bonne trouille.     

- On assiste ces temps-ci à l’émergence discrète d’une jeune génération de cinéastes portés sur le genre horrifique, tels que Ti West, Adam Wingard, Simon Barrett, etc. Avez-vous l’impression de faire partie de ce mouvement d’une manière ou d’une autre ? 

A : Absolument. Nous sommes très honorés que des gens nous mettent dans ce lot. Ce sont des artistes qui tentent enfin d’innover dans le genre. 

J : Je suis d’accord. De grands cinéastes. Cependant il faut aussi préciser que Aaron et moi n’avions rencontré aucun d’entre eux jusqu’à très récemment. C’est assez fascinant d’ailleurs comme nous avons pratiquement tous germé de notre côté, indépendamment les uns des autres, avant que le public ne trouve des similitudes dans nos travaux.  


Aaron Moorhead

-    Comment envisagez-vous de vous inscrire dans l’histoire du genre ? Ou plutôt, comptez-vous poursuivre dans le fantastique ou bien êtes-vous attirés par d’autres genres cinématographiques ?  

A : On va tout simplement faire le film qui nous semblera bon. Que cela s’avère être un film de genre ou non nous importe peu, même si je pense que Justin et moi sommes naturellement attirés vers le fantastique, et qu’il est donc plus que probable que des éléments de films de genre se glissent dans notre travail. On espère que Resolution deviendra un film culte quand il se sera mieux répandu dans le monde de la distribution. 

J : Nous ne tournerons sans doute jamais un hommage aux slashers, ou rien de ce genre, mais nous repousserons les limites de l’innovation dans l’art de raconter et dans le domaine de la technologie cinématographique aussi loin que nous le pourrons. Nous tâcherons de vous rendre curieux du sort de chaque personnage pour que l’aspect fantastique fonctionne le mieux possible.  

-    Quand on regarde votre film, on est constamment surpris par les tournures que prend le scénario. Etait-ce un désir de votre part de vous éloigner des canons du genre et de surprendre le spectateur à chaque instant, ou bien était-ce plus inconscient ?  

A : Ce n’était pas vraiment conscient ni inconscient. C’est juste notre façon de faire des films, elle nous plaît et ça fait sens pour nous. Par exemple, s’il y a un moment drôle, même s’il se trouve au milieu de ce qui s’appelle une « scène de peur », on le garde et ça fonctionne pour nous. La vie ressemble à ça. 

J : Nous voulons juste faire en sorte que les moments drôles soient drôles, les moments flippants carrément effrayants, et l’histoire efficace. Ignorer les règles des « jump scares » et compagnie, et rester intéressant par-dessus tout.  

-    Est-ce que c’était une règle de tourner le film de genre que vous aviez envie de voir en tant que spectateurs ?  

A : Oui. Nous ne voulons faire que les films que nous aimons nous-mêmes. Sinon pourquoi les faire ?   

-    La scène de dialogue dans la caravane nous a particulièrement séduits, et l’acteur qui fait face à Peter Cilella, Bill Oberst Jr., n’y est pas pour rien. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cet acteur, qui dans le film ressemble vaguement à Roger Waters des Pink Floyd ?  

A : Vous êtes les premiers à mettre le doigt là-dessus, mais c’est VRAI qu’il ressemble à Roger Waters ! Nous ne savions pas du tout qu’il était un peu une sorte d’icône du film d’horreur quand nous l’avons engagé, mais quand il est venu à l’audition en connaissant par cœur les six pages de son monologue, et quand on a réalisé qu’on avait tous les deux et par pure coïncidence un rapport lointain avec lui, le rôle lui était réservé à coup sûr. Sa gravité et son intensité sont incroyables. 


 Bill Oberst Jr.

-    Il y a une vraie alchimie entre vos deux acteurs principaux. Pourriez-vous les présenter rapidement ?  

A : On avait tourné une pub pas chère pour de la bière avec ces deux-là et une amitié fusionnelle en est ressortie. Justin a écrit le scénario en pensant à eux – ça ne pouvait être personne d’autre. Peter Cilella (Michael) est un acteur de Los Angeles qui a fait beaucoup de publicité, des courts métrages et du théâtre. Vinny Curran est un acteur de San Diego qui est peut-être le type le plus drôle et le plus gentil de la planète. 

J : Ces gars-là sont des génies. Nous avons une sacrée veine d’avoir ni plus ni moins engagé les meilleurs acteurs pour ces rôles. C’est une chance unique. Et nous les apprécions infiniment.  

-    Les dialogues du film étaient-ils très écrits ou avez-vous laissé vos comédiens improviser, notamment dans ces séquences plus apaisées du film où on les voit se remémorer quelques anecdotes ?  

A : Nous devons ça à la fois au talent d’écriture de Justin et au talent des acteurs. La majorité du scénario a été écrit plus ou moins tel qu’il est dit dans le film, et les deux bonshommes à l’écran lui ont donné vie. On y croit quand ils le disent. Mais nous avons aussi piqué pas mal de choses, pendant les répétitions et sur le plateau, à Pete et Vinny, des choses trop bonnes pour ne pas les inclure dans le film. 

J : Ouais. Le problème avec les très bons comédiens qui offrent des performances brillantes c’est qu’après personne ne vous croit quand vous dites que c’est vous qui avez écrit. Tout ce temps passé seul dans mon appartement dégueulasse, aux oubliettes…  

-    Il y a un humour très appréciable qui parcourt votre film, notamment dans les répliques du personnage incarné par l’excellent Vinny Curran. Quels sont les comiques qui vous font rire ?   

A : J’aime juste regarder mes amis qui sont drôles. J’ai cette terrible habitude de me mettre à parler comme mes amis quand je suis avec eux trop longtemps. Je préfère regarder Justin, Pete et Vinny que n’importe quel spectacle de stand-up au UCB [café-théâtres à New-York et Los Angeles, ndlr].  

-    Avez-vous des recommandations de films de genre méconnus qui valent le détour ?  

A : Avez-vous entendu parler de Kill List ? Merde, j’adore ce film ! Ben Wheatley est brillant. 

J : KILL LIST, American Mary, Citadel, The Battery… Il y en a pas mal pour être honnête. Encore une fois, nous vivons une belle époque.  

-    Quels sont vos projets pour l’avenir ?  

A : Hier nous avons finalisé la production d’un court métrage qui devrait faire partie d’un plus vaste projet, et dans quelques mois nous partons pour l’Italie tourner notre prochain film, Spring. Cette fois-ci c’est un genre de drame comique romantique d’horreur et de science-fiction. Comme Resolution, mais avec de l’amour et des vrais monstres. 

J : Nous n’arrêtons pas de travailler. On est TRÈS chanceux. 



Entretien réalisé par mails le 9 août 2013.
Merci à P-E Geoffroy pour son aide à la traduction.




Et pour les anglophones, voici la version originale de l'entretien :

- How would you introduce yourselves to the french audience ? 

A : Bonjour, je suis Aaron. Nous avons fait un film qui est tout aussi effrayant, drôle et dramatique. C'est le film parfait qui vous aidera à avoir des relations sexuelles. Aussi, je suis seul. 

J : Bonjour, je suis Justin et je voudrais être un citoyen de l'Union européenne. 
  

Justin Benson / Aaron Moorhead

- What experience did you have prior to your making movies ? 

A : I started making movies when I was about 14, went to Florida State University to study film, immediately moved out to Los Angeles and met Justin on one of my first days out here. I was a cinematographer and visual effects artist for a while, but always directed on the side as often as I could. But not nearly as often as I should have. Thank god for this movie, now all I do is direct. 

J : I grew up in San Diego, went to UCLA, and then just worked any job that paid to save money to write/direct/edit/etc. films. 

- Who are your favourite directors ? 

A : Alfonso Cuaron, George Clooney, Ben Affleck, Spielberg, Ciaran Foy, Wendig Refn. 

J : Richard Linklater, Peter Jackson, Guy Ritchie, Christopher Nolan, Chan-wook Park 

- What do you think are the reasons why Resolution is not distributed in France ? Has it been shown in other countries and if so how has it been received ? 

A : Rumor has it France will be seeing Resolution quite soon, it just takes a long time for all of the territories to receive each film and set up a distribution plan. It's shown in almost every country in Europe at a bunch of film festivals, and we're humbly surprised to find that pretty much everybody seems to really love it, despite the language/cultural differences. A huge sigh of relief for a pretty chatty horror film. 

- Your movie has been shown in a number of film festivals, especially in the US : what role do festivals play in the process of bringing light to a movie such as yours ? 

A : Actually, it's shown much more internationally than in the USA! It's no coincidence we submitted the film to European international genre film festivals, because the Melies Federation, a gigantic network of those festivals, is very prestigious and has incredible built-in audiences. Although we couldn't compete for Melies competitions (being non-European) we still ended up spending about half of last year in Europe. Not a bad life. As for the role they play, mark my words: festivals are EVERYTHING. We would have no buzz and no careers had this film just snuck out on VOD. Festival programmers and audiences, as well as the press, are absolutely essential to being able to succeed with films like ours. They're the best form of advertising, because there's no angle to it at all. It's just about trying to bring good cinema to people that like good cinema. 

- How do you direct a movie as a duet ? Do you plan on working together again or will you go different ways ? 

A : We truly consider ourselves more just co-filmmakers than co-directors. We both get our hands very dirty in every aspect of production. Whereas Justin is more of the writer, I am more the cinematographer, but one of us doesn't really exist properly without the other. We are much more than the sum of our parts as a co-directing team. Ever since Resolution's premiere at Tribeca we've worked pretty much exclusively as a team, and plan to do so for the foreseeable future. 

J : We're like a writing, directing, producing, editing, sound designing, vfx'ing multi-tentacled massive monster rising from the deep with an increasingly equally dangerous group of collaborators. Including but not limited to our producer David Lawson and our sound mixer Yahel Dooley. 

- Would you call Resolution a horror movie ? 

A : Yes. But we also don't really give much of a damn about genre definitions. What genre it fits into, honestly, is for the marketing team. Our only job is to make a good movie, and we don't think about genre while we make them. But we proudly call Resolution a horror movie, as well as a character drama, as well as a light-hearted buddy movie. 

J : Never thought about until people started asking, but it's fun being the punk outcasts of film marketing terms, so sure, call it a horror film. It is without a doubt a scary film. 




- In our review, we underlined the quality and subtlety of Resolution by comparing it to other films and in particular The Cabin in the Woods, another recent metadiscursive film de genre. What do you think of this other film ? Has Resolution been thought of as a response to Drew Goddard's movie ? 

A : We absolutely love The Cabin in the Woods. When it came out, it was a week before Resolution's premiere at Tribeca, and we realized how many comparisons that would be. Both films take roughly the same starting point, and both have a meta-aspect, but otherwise couldn't be more different. We are proud to be compared to such a fine film, although I'm sure that nobody would watch both and think that one ripped off the other. They're just very different in execution. We think they would make an incredible double feature someday. 

J : The Cabin in the Woods is one of my favorite movie going experiences of the last few years. Those guys killed it. 

- Strangely enough, your film and the new Evil Dead share the same starting point (young people stuck in an isolated cabin in order to save one of them from a drug addiction). What do you think of the current remake "wave", and in a larger sense, what do you make of the state in which lies the US genre film cinema ? There seems to be a wider and wider gap between invisible-but-worthy movies such as yours and budgeted-and-unrisky ones (remakes, reboots, prequels, etc) which often end up being mediocre at best. Do you share this appreciation ? 

A : Remakes and reboots can be good or even great (see Batman), but by and large, they are awful. We're in a very dangerous time where the people with the money are obligated to mitigate financial risk due to such a bad economy, which is completely understandable, but because everyone keeps on going back to the theaters for the franchises they love with unimaginative execution, we are never going to get out of the creative slump that we are in. I think it's up to low-budget indie filmmakers with a lot to gain and little to lose to innovate, and the audiences that want that to vote with their wallets. 

J : In general it would be really cool if investors and especially filmmakers took more risks. Seems like there's this assumption that everything must be an homage. 

- We're under the impression that the system prevents genre films authors to get known, work with larger budgets and find their place in order to bring the genre up and give it back its nobility, like John Carpenter or Dario Argento could, a few decades ago. What do you think of this ? 

A : We are still finding out. Even with the success of Resolution, getting our second film off the ground is more than a full-time job, working at it all the time even with two of us that never sleep. I don't know how hard it was a while ago to make the jump from small genre films to large ones. I do think it is probably easier to make films nowadays, honestly, because there are more people making films than ever with the advent of affordable production and postproduction technology. And genre films are always appreciated in the box office. We've recently seen some incredible successes in low budget horror with The Conjuring, The Purge, and You're Next, so I think it's not really true that the system is out to get us. 

J : Genre filmmaking is better than it has ever been. There are filmmakers working now who are capable of progressing even further what guys like Argento and Carpenter did. And when you look at the box office recently with the movies Aaron said, this is a VERY exciting time. There is some really cool, fresh, thrilling shit coming very soon. 

- We're french bloggers, you're american : do you have an opinion on french horror cinema, as it is today? 

A : I wish I could weigh in if I had more of a scope of it. But unfortunately all I know is the very popular French genre cinema, so my opinion is probably a bit misguided by comparison. I saw Enter the Void recently, which isn't exactly horror, but it was definitely one of the most unique and innovative films I've ever seen. They're doing something right across the Atlantic! 

J : Really respected Frontier(s) by Xavier Gens, and his segment in ABC's of Death was the best one next to Marcel Sarmiento's D for Dog Fight. And Juan Carlos Medina's Insensibles is a WONDERFUL film by a great director. We know he's originally Spanish but he's been in living in Paris for a very long time so let's call him French. 

- French scientists are mentioned in your film : why french ? 

A : (Justin, answer this one) 

J : We wanted to reveal that our unseen antagonist has been detected outside this one area in Southern California. That it is a monster with a international, universal threat. The idea of a Parisian living in a trailer in the white trash boonies of America is fascinating. Also, the Resolution script is slightly inspired by European horror such as The House with the Laughing Windows and The Devil's Backbone. And one of my favorite scenes in Apocalypse Now Redux is the French plantation seen. It's like this odd, creepy ghost story in the middle of a war movie. 
 
- There seems to be an interest for weird fictions in your film. Did you have any literary references when you started writing the script ? 

A : (Justin, you again) 

J : Not really. All of the story stuff from the books, to the slides, to the cave paintings, to the wet plate photography, and so forth, was just to show that our monster has been evolving with the technology of storytelling mediums for tens of thousands of years. As for how weird those fictions are, Aaron and I are deathly afraid of doing something someone has already done. The biggest filmmaking crime to us is failing to be unique. So, yeah, we come up with some weird shit.

- Resolution is crucially centered on metadiscourse : what metadiscursive films do you like the most ? By the way, why did you choose "Resolution" as the title ? 

A : Resolution is a triple entendre. Resolution can refer to the quality or definition of an image, like all of the footage that Michael finds. It also means the mental strength you have when you decide to do something, like what Michael has when he resolves to chain up Chris. Thirdly, the resolution of the story is another word for its ending, which is what the movie is all about. 

J : I actually didn't know what "Meta" was until I started reading the reviews. We were just trying to mind-fuck people and really scare them. 

- These days, a young generation of american filmmakers digging the horror genre has discreetly emerged. People like Ti West, Adam Wingard, Simon Barrett, etc. Do you feel like you belong to this movement ? 

A : Absolutely. We are honored when people consider us among them. They are artists that are finally making an attempt to innovate in genre. 

J : Second that. Great filmmakers. It should also be noted though, Aaron and I didn't meet any of those dudes until very recently. It's pretty fascinating though how we all for the most part sprouted up independently and then audiences found similarities in the work. 

- How do you envision your contribution to the history of genre ? Do you plan on keeping on with fantastic aspects or do you feel attracted by other cinematographic genres ? 

A : We'll just make any movie that we think is good. Whether or not it ends up being a genre film is unimportant, although I think Justin and I both are inherently attracted to things that are fantastic, so more than likely we will always have some genre element weaved into what we're making. We are hoping that Resolution becomes a cult hit after it sinks into the distribution world a little more. 

J : We'll probably never make an homage to slasher movies or anything like that, but we will push the boundaries of innovation in storytelling and film technology as far as we possibly can. We'll make you care about every character so the fantastic aspects work that much better. 

- When watching your movie, one feels constantly surprised by the turns of the story. Was it intentional on your part to move away from standards and confuse the spectator, or was it an unconscious process ? 

A : It wasn't exactly conscious or unconscious. We just kind of have a way that we like to make movies, and it makes sense to us. For example, if a moment is funny even if it's in the middle of what is typically called a "scary" scene, we just do it and it works for us. Life's like that. 

J : We just want to make the funny parts funny, the scary parts actually frightening, and the drama effective. Ignore rules about having jump scares or whatever and remain interesting above all else. 

- Did you make it a rule to film what you wanted to watch ? 

A : Yes. We only want to make movies that we like ourselves. Otherwise, why do it? 

- We particularly enjoyed the dialogue scene in the trailer which relies on Bill Oberst Jr. Can you tell us a few words about this actor ? We think he looks a bit like Roger Waters, from the Pink Floyd. 

A : You're the first person to point that out, but he DOES look like Waters! We had no idea that he was a bit of a horror icon when we cast him, but when he came into the audition with all six pages of his monologue memorized and we realized that we each individually had a previous connection to him by coincidence, he was a shoo-in for the role. His gravitas and intensity is incredible. 

- There is a real alchemy between your two leading actors. Could you introduce them briefly ? 

A : We did a low-budget beer commercial with those two and their lived-in-friendship thing emerged from that. Justin wrote the script with them in mind -- it never was going to be anyone but them. Peter Cilella (Michael) is an actor in LA who has been doing a lot of commercials, shorts, and stage shows. Vinny Curran is an actor in San Diego who might be the funniest and nicest dude on the planet. 

J : Those guys are geniuses. We were lucky enough to get to simply cast the best actors for these rules. It's a rare opportunity and we appreciate them to no end. 

- Were the dialogues entirely (pre-)written or did the actors improvise ? Especially in these more quiet sequences where we see them remember a few anecdotes. 

A : This is a testament to both Justin's writing skill and the actors' talents. The majority of the script was written roughly as it was said, and those two guys onscreen gave it real life. You just believe them when they talk. But we also found a lot in rehearsal and on set from Pete and Vinny that was too good not to include or change. 

J : Yeah. The problem with really good actors giving brilliant performances is that then people don't believe you wrote it. All that time by myself in my crappy apartment right down the drain. 

- There's a very appreciated touch of humour all throughout the movie, especially in the lines of Vinny Curran's character. Are there any particular comics or stand-up comedians that make you laugh ? 

A : I just like watching my funny friends. I have that terrible habit of starting to talk like my friends when I'm around them for too long. Justin, Pete, and Vinny are the guys I'd rather watch than a stand-up special at UCB. 

- Would you have any recommandation of some unknown or underground genre film which we should know about ? 

A : Have you heard of Kill List? Damn, I love me some Kill List. Ben Wheatley is brilliant. 

J : KILL LIST, American Mary, Citadel, The Battery... There' s a lot right now to be honest. Again, an exciting time. 

- What are your future plans ? 

A : Yesterday we wrapped production on a short film that should be part of a larger project, and in a couple months we head to Italy to shoot our next feature, Spring. This time it's a romance-horror-scifi-drama-comedy thing. Like Resolution, but with love and real monsters. 

J : We never stop working. We are VERY lucky.



August 9th 2013.


Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines)

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On sentait, avec le néanmoins brillant Conte de Noël, que le cinéma d'Arnaud Desplechin arrivait à une forme de saturation, de ressassement, qui se traduisait entre autres par une certaine surenchère dans le portrait de l'habituelle famille ultra-conflictuelle et par un soupçon de distance à l'égard d'une galerie de personnages plus gratinés que de coutume et, dans l'ensemble, assez peu aimables. Il fallait sans doute du renouveau. C'est chose faite avec ce film tourné aux États-Unis et en langue anglaise, sans - et c'est une première - la participation d'Emmanuelle Devos. Desplechin ne rompt pas pour autant avec tout ce qui fait son cinéma. On retrouve d'abord Mathieu Amalric au casting, dans le rôle pas si étonnant d'un chercheur en sciences humaines excentrique, génial mais déclassé. Le script a par ailleurs directement à voir avec la psychanalyse - sujet récurrent pour ne pas dire central dans l’œuvre de Desplechin - puisque Jimmy P. souffre de maux de crâne foudroyants et de cécité ponctuelle alors qu'il ne présente aucun dérèglement physiologique ou cérébral, d'où le recours à un psycho-anthropologue, le docteur Devereux, pour mettre un terme sur son mal, "trauma psychique", et tenter de l'aider. Sur cette base se greffent une série de liens que l'on peut tisser entre le scénario de ce film et les précédents : le corps meurtri et le psycho-somatisme, la chirurgie, la sexualité destructrice ou réparatrice, les névroses familiales, l'individu en quête d'une place dans la société, la trace des origines, le rapport difficile à la mère, l'amitié, l'adoption, etc. Autant de thèmes chers au cinéaste, accompagnés de motifs tout aussi ancrés dans son cinéma, de la scène où Benicio del Toro se rêve englué dans le sol, écho aux chutes vertigineuses d'Amalric dans Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) ou Un Conte de Noël, à la lettre lue par Gina McKee face caméra, devant un mur et centrée dans l'image, comme Emmanuelle Devos dans Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) ou Maurice Garrel dans Rois et reine.




Malgré tout, la rupture est franche, et passe peut-être avant tout par un récit beaucoup plus simple, plus calme, plus centré, moins éclaté, moins foisonnant, moins dense que dans les films précédents de Desplechin. C'est peut-être le défaut de Jimmy P.. A la richesse des scénarios précédents se substitue la banale psychothérapie d'un Indien des plaines, comme le sous-titre du film l'indique, et il faut reconnaître que Desplechin annonce la couleur. Le film s'en tient pratiquement à ce programme. Chaque scène marque une étape vers plus de confessions et de compréhension. Petit à petit Jimmy libère sa parole, raconte ses rêves, puis ses souvenirs, et le docteur Devereux décrypte ses récits ou met le doigt sur les éléments clés qui aident son patient à se comprendre, à s'accepter et, in fine, à s'aimer, pour que d'autres le lui rendent. Le problème, commun me semble-t-il à beaucoup de films sur la psychanalyse, c'est que les troubles psychiques de notre indien Blackfoot, ancien soldat blessé à la tête en France à la fin de la seconde guerre mondiale, n'ont rien de bien fascinant. Certes le bonhomme trimballe son lot bien garni de scènes traumatiques (toutes liées à la culpabilité, à la mort, au sexe et à la mère), mais ce que le docteur Devereux en tire, en gros un complexe d’œdipe muté en peur de faire souffrir les femmes et de souffrir par leur faute, n'a, a priori, rien de bien extraordinaire. Probablement qu'en 1954 de telles conclusions sont novatrices et courageuses (je parle en non-initié), mais en 2013, sur la base des paroles du patient, elles viendraient à l'esprit du premier quidam venu ou presque. Aussi ne sommes-nous pas à proprement parler effarés lorsque Devereux interprète un rêve de Jimmy, où un animal abattu à la chasse se transforme soudain en petite fille, en parlant de culpabilité et de paternité mêlées (je vulgarise un peu). Difficile par conséquent de se passionner pour toutes ces scènes de dialogue qui ne présentent qu'un mince intérêt dramatique, mise de côté la possible admiration du jeu des acteurs, assez efficaces malgré des accents un rien pesants.




On attendrait donc, pour soulever tout ça, pour dépasser ce scénario relativement plat (adapté du bouquin de Devereux, Psychothérapie d'un Indien des Plaines : Réalité et rêve) que Desplechin sublime son propos par la mise en scène, comme on lui en sait l'habitude. Et c'est là que le film déçoit véritablement. Car non seulement le récit est plus étroit, moins vivant, moins surprenant et moins enthousiasmant qu'à l'accoutumée, mais on peut en dire autant de la mise en scène, du montage et du reste. J'évoquais la scène onirique où Del Toro est prisonnier du sol, pétrifié, et la comparais aux chutes phénoménales d'Amalric dans les escaliers d'une fac et sur le bitume d'une route, mais tout est là : à des chutes inattendues, violentes, où le corps rappelle son existence à l'esprit tandis que la pesanteur donne la mesure de son incarnation, chutes toujours conclues par le redressement improbable du personnage, indemne, fantôme invisible promu à une forme de renaissance providentielle, et toujours désamorcées par sa remise en activité comique, s'oppose ici un corps immobile, bloqué, sans réelle marge de progrès dans l'espace, métaphore, si l'on veut, d'un film tenu, empêché. Au début de Jimmy P., une musique très surlignée et omniprésente recouvre les plans (y compris un beau plan de dos sur Del Toro qui se dirige vers son bétail et manie des outils, comme une promesse, celle d'un corps américain filmé dans toute sa prestance, que le film ne tiendra pas). Fort heureusement, elle se tait, ou se veut plus discrète, avec l'arrivée de Mathieu Amalric. Mais le mal est fait. En ce sens que la bande originale d'Howard Shore semble annoncer, par son aspect très hollywoodien, très sage et très commun, un film de facture plutôt classique. Et il faut bien dire que l'on cherche encore les précieuses fulgurances formelles de Desplechin. Hormis quelques scènes de rêve (le fameux plan sur Jimmy Picard qui se bat contre un cowboy sans visage puis s'enfonce dans le sol, cet autre plan, digne du Rêves de Kurosawa, où il est perdu au milieu d'un champ de fleurs multicolores et regarde au loin la main tendue à l'horizontale au-dessus des yeux), de belles scènes qui peinent à marquer la mémoire tant elles sont rares et fugaces, et malgré la maîtrise au beau fixe des cadrages et du montage dont sait faire preuve le cinéaste, on s'enlise dans les plates conversations du sympathique duo formé par Del Toro et Amalric, et on finit même par s'ennuyer devant leur parcours somme toute sans force, sans éclat. Certes, le film ne cherche manifestement pas l'éclat, comme achève d'en attester la conclusion, toute en sobriété, et non dépourvue d'émotion, mais reste tout de même qu'on ressort du film sans trop y penser, et c'est peut-être bien la première fois qu'on quitte la projection d'un film d'Arnaud Desplechin avec le sentiment de n'avoir pratiquement rien vu.


Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines) d'Arnaud Desplechin avec Benicio del Toro, Mathieu Amalric, Gina McKee, Larry Pine et Joseph Cross (2013)

Margot va au mariage

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Noah Baumbach, dit Noah Baumbastic (pour son aisance sur le dancefloor malgré ses grandes mèches brunes qui ne sont jamais dans le rythme), est depuis quelques temps sur un piédestal, aussi est-il de bon ton de rappeler que c'est un poison neurotoxique. Quand est sorti Frances Ha, la critique a tout oublié, victime d'un blackout complet qui nous a rappelé ce qui s'est produit chez nous le jour où on a lancé Margot at the Wedding, aka, en français, "Gomart va au mariage". C'était le cinquième film de Baumbastic, simply fantastic. Normalement quand on en a déjà signé quatre, on est dans ce qu'on appelle la "plénitude artistique", en pleine possession de ses moyens, high in the sky, on ne bouge même plus son fiac de sa chaise de réalisateur floquée à son nom, on fait juste des grands gestes de loin, et les acteurs se bousculent au portillon pour se retrouver devant la caméra d'un cinéaste confirmé. Nicole Kidman, alors en pleine phase descendante, tant au niveau professionnel qu'esthétique, hésitant entre le brun et le blond pour finir dans un entre-deux bien inconfortable pour ses cheveux, venait donc de signer pour incarner la fameuse Gomart.




Or, ce cinquième film de Noah Baumbastic (ou doit-on le considérer comme son quatrième long métrage seulement ? Baumbach a en effet signé l'un de ses opus précédents, Highball, sous un autre nom : Tonton Scefo) est l'équivalent d'un thé au Sahara, dans les deux sens du terme, c'est-à-dire que c'est une œuvre qui rivalise de puanteur avec le film de Bernardo Brecht Bertolucci, et que c'est typiquement aussi plombant qu'une boisson chaude et drainante avalée sous un cagnard de plomb entouré de touaregs morts de aimf et morts de rire. On a d'ailleurs lancé ce film ignoble par un après-midi printanier de toute beauté, de ceux qui vous donnent envie d'aller tirer des coups dans tous les lacs publics du coin incognito, il faut bien l'avouer. Aussitôt le film débuté, le soleil s'est éteint. Des trombes d'eau ont déferlé sur nos têtes (alors qu'on évolue à domicile et sous bâche). L'un d'entre nous, celui qui est le plus sensible aux intempéries et aux phénomènes paranormaux (le même qui jure d'avoir vu le film Jumper en compagnie de tous les morts de sa famille venus l'épauler dans cette épreuve from outer space), s'est levé d'un bond en faisant valser la table (heureusement c'était une table ikéa Jesper Blomkvist) et en s'écriant : "There is a storm coming ! I wish I wuz not here !".

Comme son titre l'indique, le cinquième film de Noah Baumbastic est un film de mariage. On a tous signé un film de mariage au moins dans notre vie. On a tous un grand frère qui nous a fait acheter une caméra DV (avec cassette HI8 désormais introuvable) pour immortaliser son mariage avec un cas avéré de possession démoniaque. Ce même grand frère, depuis, à chaque réunion familiale, nous demande : "Alors t'as fini de le monter ? Bientôt 15 ans que j'attends". Et nous de lui répondre : "Non je vais te rendre un found footage pour tes noces de cristal l'année prochaine". Ces films-là sont insupportables, filmés caméra au poing avec en amorce, dans tous les plans, le gobelet de champagne sans gaz à 30°C de mise, ponctués par des discussions en off qui nous apprennent qu'on n'a peut-être qu'un véritable frère sur une fratrie qui en compte une tétrachiée plus dix, rythmés aussi par quelques zooms avant et autres panoramiques descendants où le gobelet cède la place à une paire de cuisseaux de choix qui le lendemain paraissent surcôtés mais qui le soir même étaient des putain d'idées fixes, à coups de "j'vais me la faire ! j'vais me la faire !" crachés dans le micro avec ce grésillement typique du caméraman en surchauffe cérébrale. Bref, ces films amateurs sont autant de plaies et d'étrons déposés sur la tombe profanée des frères Lumière, qui du fond de leur trou se dédouanent en hurlant tant bien que mal : "C'était pas fait pour aç au départ !". Mais dites-vous bien que ces films amateurs, aussi détestables soient-ils pour le genre humain, sont plus dignes d'une sortie ciné que Margot at the Wedding (dont la date de sortie est du reste encore inconnue, et le film date d'il y a une bonne décade). Probable que Baumbach retarde lui-même la distribution internationale de ce microbe filmique pour éviter de remuer la merde auprès d'une ex-femme bafouée et blessée à vie.  




Car rappelons que Baumbastic, du haut de ses 1m75 seulement (nous sommes plus grands que ce type, dans tous les sens du terme), était l'époux de Jennifer Jason Leigh avant de devenir celui de Greta Gerwig. C'est Jennifer Jason Leigh qui a co-écrit le scénario du sac à merde filmique qu'est Greenberg et qui, jouant également dans le film, où elle tient un rôle secondaire mais décisif (comme dans la vie de Baumbastic à cette époque-là diront certains...), y répète à treize reprises (toutes les 8'52 env.) : "hurted people hurt people" (ce qui est vrai). Toutes ces données en tronche, rappelez-vous que la sémillante Greta Gerwig faisait ses premiers pas sous le gros objectif violacé de Baumbastic dans ce même film ! Est-il besoin de vous faire un dessin ?




Margot va au mariage de Noah Baumbach avec Nicole Kidman et Jennifer Jason Leigh (2007)

L'Inconnu du lac

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Pour peu que l'on se soit laissé dire quelque bien de ce film avant de le voir, un bien tout justifié du reste, on peut se trouver vaguement déçu au moment de la découverte, et juste après, sauf que très vite les grandes qualités du film nous rattrapent. Cette déception initiale vient en partie de la non-virtuosité du film, qui n'aligne pas les effets de manche et n'a rien d'ostensiblement prodigieux dans la forme. Mais quelle élégance, quelle justesse et surtout quelle maîtrise il y a dans cet envoûtant objet filmique. Guiraudie ne fait pas l’œuvre ouvertement plastique qu'on pouvait attendre, et s'il réalise bien un plan particulièrement saillant et envoûtant, où l'image prend une texture nouvelle, quand le cinéaste intègre les images des ondulations huileuses et hypnotiques des vagues du lac filmées sous un soleil tardif au montage de la première étreinte de Franck (Pierre Deladonchamps) et Michel (Christophe Paou), c'est bien sous la surface plus lisse des autres images du film qu'il faut aller chercher sa force. Le film paraît d'abord simple, à plat, minimal, alors que tout se joue et se déploie en profondeur, dans l'invisible. On croit d'abord avoir affaire au portrait naturaliste particulièrement cru d'une certaine marge de la population, quand Franck se rend quotidiennement au bord d'un petit lac, sur une plage tacitement réservée aux homosexuels naturistes, qui viennent là, s'installent sur les galets, se toisent, se draguent, puis se partagent les lieux à qui restera sur la plage, choisira la baignade, en face, ou de multiples étreintes sexuelles spontanées, dans le bois, derrière. Et puis le ton plutôt insouciant du film, léger même, grâce à de très appréciables touches d'humour, se mêle d'un soudain goût de drame et prend les atours du polar, lorsque Franck est témoin d'un meurtre. Mais ce qui se trame là-dessous, de façon plus dissimulée, tient peut-être davantage du film fantastique, voire du film d'horreur.




Si la part émergée - le scénario (cette symbiose parfaite entre le film d'amour, la comédie de plage, le drame existentiel et le polar), les personnages (tous finement dessinés et respectés par leur auteur), les dialogues (tantôt savoureux, tantôt d'une très simple beauté), le jeu des comédiens ou la splendeur plastique et la sophistication de chaque plan d'apparence banale - se montre immédiatement de haute volée, la partie immergée du film l'élève encore davantage, cette zone quasi-théorique, ce traitement épuré d'idées complexes, ce dispositif brillant qui se tisse tout au long de l’œuvre et prend de l'ampleur à chaque franchissement d'un étage de signification supplémentaire. Le film parle de l'amour, de son absence de limite et de ses dangers. C'est, pour résumer, l'histoire d'un homme qui en aime un autre qu'il sait coupable de meurtre et potentiellement dangereux pour lui-même. Mais il l'aime coûte que coûte et, peut-être, jusque dans la mort. Franck a vu, trop vu, et se rend aveugle. Il refuse de voir, enfouit ce qu'il sait et le nie. Son amour pour Michel, son désir pour lui et pour son corps irrésistible, sa parfaite inconscience aussi, sont matérialisés dans ce silure géant bien qu'invisible, car tapi dans le lac, sous les profondeurs d'une surface placide et paisible. Les personnages, spectateurs aveugles, n'ont de cesse d'observer la ligne d'horizon de cette eau sans remous où croupit un cadavre et où se terre un monstre. Et le spectateur, qui a vu le meurtre comme Franck, passe l'ensemble du film à scruter les plans à la recherche de ce qui ne s'y voit pas, tel James Stewart dans Fenêtre sur cour, autre huis-clos paradoxal, qui observe sans relâche le même décor en quête d'un infime détail révélateur. De minuscules variations font événement dans ces espaces (topographie limpide digne des grands maîtres du genre) si minutieusement organisés par Guiraudie (le parking, la frontière d'arbres qui mène du parking à la plage, la butte où Henri (Patrick D'Assumçao) se tient à l'écart, l'étendue d'eau, le labyrinthique bois des ébats, derrière), qu'il s'agisse d'une voiture rouge qui disparaît ou d'un personnage absent de son cadre habituel. On scrute de la même façon le visage de Michel, espérant un signe susceptible de tout expliquer, un rictus qui casserait l'enveloppe du bel éphèbe, de cette statue grecque d'Apollon bien vivant, ce Dieu qui tue mais que l'on adore et sans qui l'on est perdu, selon le modèle de la tragédie antique. Mais les personnages, eux, et Franck le premier, refusent de voir. Ils admirent une tombe liquide sans broncher, ne voient pas la voiture rouge et la serviette abandonnées de la victime, ne viennent pas au lac le jour où le mort est repêché.




On peut lire ce comportement comme la critique métaphorique d'une certaine frange de la communauté gay qui refuserait de voir les dangers ou les dérives de certains milieux (l'inspecteur reproche à Franck et aux autres de ne pas s'émouvoir de l'assassinat d'un des leurs), ou comme une plus vaste représentation de la société française dans son ensemble, qui nie ses malaises et ferme les yeux sur ses individus marginaux en détresse. C'est en tout cas une réflexion sur les puissances de la passion et l'aveuglement au danger. Cette créature mythique qu'est le silure est la projection d'un mal bien humain dans un récit où le fantasme tient une part primordiale et où la fantasmagorie n'est jamais très loin. La question de la frontière (le passage du parking à la plage, de la plage au bois, la barrière imaginaire soi-disant symbolisé par un arbre entre le coin de plage des dragueurs et celui des vieux couples), la question du passage d'un monde à l'autre, du réel au fantasme, du concret à l'illusion, donne au film, complètement détaché du monde (on ne quitte jamais la plage et rien ne transparaît de la vie des personnages en-dehors de ce lieu) une dimension fantastique que ne font que renforcer ces parades amoureuses silencieuses sur la plage, ces étranges scènes d'errance fantomatique dans les bois à la recherche d'un partenaire sexuel, ou le final, en pleine nuit, dans les bosquets, digne de Predator (d'autant que Michel, lorsqu'il s'en prend à l'inspecteur, semble avoir la faculté d'apparaître sans prévenir et de se matérialiser où il veut) ou, pour être plus juste, de Tropical Malady. Sans parler du surgissement du sang dans une séquence magistrale, où Guiraudie laisse planer le doute : venons-nous d'assister à une étreinte ou à un meurtre ? C'est toute la question du film, en droite lignée des théories de Georges Bataille, développées dans L’érotisme, qui posent l'amour sexuel comme une forme de mise à mort. Et le film de Guiraudie est au final une sublime mise en récit de la thèse de Bataille, d'où la pertinence et la force, qui se révèlent après-coup, de ces scènes très directes de relations sexuelles où c'est, sous les dehors de l'amour, un violent et irrémissible désir de mort qui se profile. Le talent du cinéaste est alors de conjuguer cette approche théorique à une pure narration dotée d'une grande dimension charnelle, physique, car ce sont des corps bien réels et de vrais personnages qui incarnent des idées. Michel par exemple, personnage à part entière, assez fascinant par-dessus le marché, est aussi le spectre de la mort, qui disparaît dans la nuit à la fin du film, comme il était apparu sous le plein soleil. A-t-il jamais existé, est-il un fantasme incarné ? Henri dit : "Ce n'est pas parce que les choses n'arrivent pas qu'elles n'existent pas" et, comme les personnages du film, qui regardent tout du long une surface plane mutée en scène de drame, la ligne claire du lac, résolument vide mais où sommeille en puissance tout le récit du film, nous ressortons de ce spectacle, de cette fiction, pleins de ces choses, idées, doutes, terreurs, qui y existent avec un relief particulier, soucieux de retourner en sonder les abîmes.


L'Inconnu du lac d'Alain Guiraudie avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou et Patrick D'Assumçao (2013)

Diana

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C'est le grand come-back d'Oliver Hirschbiegel. Il est de retour avec un biopic de Lady Diana, son Altesse royale la princesse de Galles et comtesse de Chester, duchesse de Cornouailles, duchesse de Rothesay, comtesse de Carrick, baronne de Renfrew, Dame des Îles, princesse d'Écosse. Contrairement à bien des journaleux peu scrupuleux, nous nous sommes fixés comme règle de toujours citer son nom complet, tel qu'il apparaissait sur sa carte d'identité longue comme un parchemin. C'est surtout l'occasion pour nous de pointer une étrange tendance actuelle d'Hollywood, celle qui consiste à faire jouer les beautés par des tromblons et les tromblons par des beautés. C'est par exemple Michelle Williams qui incarne Marilyn Monroe et Scarlett Johansson qui prête ses gros traits à la délicate Janet Leigh. Et c'est donc l’incandescente Naomi Watts, avec un truc de dingue collé sur le haut de la tronche, qui donne son joli minois à Lady Di.




On peut le dire, maintenant que le deuil est fait, que la part de sacré commence à s'estomper : Lady Diana n'était pas non plus le phénomène de beauté que Paris Match Voici Gala nous ont vendu pendant des années... On s'en rend d'autant mieux compte aujourd'hui grâce à Google Images d'une part, grâce à Kate Middleton d'autre part, qui dans le genre Altesse royale la princesse William, duchesse de Cambridge, comtesse de Strathearn et baronne de Cunnilingus, se place là. Disons-le : Lady Di était une pure guenon, et là si on était en train de pisser sous le pont de l'Alma ce serait peut-être plus apprécié. Si elle avait ressemblé à Naomi Watts, j'aurais été paparrazzo et j'aurais eu la dernière photo !


Diana d'Oliver Hirschbiegel avec Naomi Watts (2013)

The Informant !

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Un soir, je suis allé voir The Informant ! de Steven Soderbergh, avec Matt Damon. Je ne vous en ferai pas une critique succincte, je préfère vous retranscrire le mail envoyé à la personne qui m'avait recommandé ce film, à savoir mon ainé Alexandre (Ralex pour les intimes) :

Mon beau R'alex,
Je pense qu'avec The Informant j'ai vécu une véritable expérience d'indifférence cinématographique, tant je ne me suis jamais senti un tant soit peu concerné par l'histoire, les enjeux du film et le destin du personnage. J'ai attendu que le temps passe sans apprécier la moindre minute de ce film, ce qui est un exploit. J'ai cherché l'humour des situations, j'ai essayé de comprendre pourquoi le gros(tesque) Matt Damon était soi-disant au sommet de son art (au sommet de son poids oui !). Pourtant je savais que Steven Soderbergh = traquenard, je le savais ! J'y suis allé pourtant, malgré le fait que je sais que tes goûts cinématographiques sont souvent atypiques (She's the One, et toute la filmographie d'Edward Burns en tant que director, parce que quand même il joue dans Il faut sauver le soldat Ryan, ne l'oublions pas, je ne l'oublie pas et personne ne l'oublie ici, c'est un peu son seul fait d'armes si on peut s'exprimer ainsi). Donc voilà, il est d'ailleurs évident que ta mauvaise recommandation m'a empêché de "conclure", ou tout du moins de "passer à l'étape supérieure" avec la personne qui m'accompagnait. J'espère que tu es conscient que tu es en partie responsable du prolongement de mon célibat, voire de sa perpétuation, et par là même de mon marasme. Une responsabilité partagée avec M. Soderbergh.
Ton jeune frère dorénavant dépourvu d'avenir sentimental. :(




Triste film.

P.S. : Malgré ce faux-pas presque rédhibitoire, j'ai conclu !


The Informant ! de Steven Soderbergh avec Matt Damon (2009)

La Forêt interdite

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L'année 1959, dans les salles de cinéma françaises, c'est, en vrac, La Mort aux trousses et Vertigo d'Hitchcock, Les Contes de la lune vague après la pluie et L'Impératrice Yang Kwei-Fei de Mizoguchi, Mirage de la vie et Le temps d'aimer et le temps de mourir de Sirk, Rio Bravo de Hawks, Certains l'aiment chaud de Wilder, Le Déjeuner sur l'herbe de Renoir, Pickpocket de Bresson, Bonjour de Ozu, ou encore la naissance de la Nouvelle Vague avec Hiroshima mon amour et Les 400 coups. Une quinzaine de chefs-d’œuvre absolus, pour résumer. Et c'est au milieu de ce flot ininterrompu de prodiges cinématographiques que sort La Forêt interdite (Wind across the Everglades), dont la distribution est sabotée à la source et qui rencontre un échec immédiat. Ne vous y trompez pas : il s'agit bien d'un film de Nicholas Ray, relégué dans un coin de l'affiche comme un simple technicien engagé à la mise en scène, au profit de Budd Schulberg, collé en gros sous la mention "Un film de" et à côté du titre, qui fut en réalité l'auteur du scénario, le co-producteur du film (avec son frère Stuart), et le réalisateur improvisé des dernières séquences.




Le tournage chaotique de La Forêt interdite - retardé suite à une indisponibilité de Burl Ives, puis beaucoup trop long pour le budget prévisionnel, sans compter les sautes d'humeur de Nick Ray, fraîchement sorti du vif succès de La Fureur de vivre et légèrement porté sur la bouteille pour parer à l'ennui d'un lieu de tournage sans distractions - poussa Budd Schulberg à remiser son réalisateur en titre dans sa caravane et à tourner lui-même les derniers plans du film. A en croire les propos de Bertrand Tavernier et de Bernard Eisenschitz dans les bonus de l'excellente édition dvd parue chez Wild Side, ce n'est que bien plus tard, à la fin de sa vie, que le producteur reconnut le film comme étant bel et bien de Nicholas Ray. On s'en rend tout de même compte assez vite, malgré un montage plus ou moins expéditif également dirigé par Schulberg, qui nous vaut une ou deux ellipses étonnantes, à la remarquable maîtrise de l'ensemble, ainsi qu'à certaines scènes typiques de l'auteur des Amants de la nuit (et de Traquenard), comme cette belle séquence dans laquelle Christopher Plummer et Chana Eden échangent quelques baisers sous les planches d'une estrade où s'apprête à jouer la fanfare locale.




Ce film écologique avant l'heure raconte la confrontation, à la fin du XIXème siècle, en Floride, et plus précisément à Miami, ainsi que dans les Everglades voisins, entre deux hommes que tout oppose. Walt Murdock (Christopher Plummer), professeur de sciences naturelles, est révolté par le massacre des oiseaux de marécages pour le seul commerce de leurs plumes, sacrifiées à la mode d'alors. Il est limogé dès son arrivée à Miami pour avoir arraché les plumes du chapeau d'une dame du monde et se voit aussitôt converti garde forestier. Face à lui, Cottonmouth (Burl Ives), natif du coin et braconnier sans vergogne qui doit son surnom à une barbe rousse monumentale (laquelle vire au rouge sang dans les toutes dernières scènes du film), tient à sa botte une troupe de brigands vivant en communauté au coeur même des marécages. Le duel entre les deux hommes cristallise une bonne part de l'intérêt du scénario, et passe d'ailleurs au premier plan, avant la dimension politique du film, bien présente mais jamais surlignée, laissée en toile de fond. L'excellent Christopher Plummer (qui très jeune ressemblait un peu à Michael Fassbender), ici dans son premier rôle (comme Peter Falk d'ailleurs, qui apparaît dans la bande de Cottonmouth, et c'est amusant quand on sait que Ben Gazzara devait originellement tenir le rôle de Murdock, avant qu'il ne change d'avis au dernier moment), donne idéalement corps à son personnage d'idéaliste révolté et incorruptible. Face à lui, le superbe Burl Ives de La Chatte sur un toit brûlant lui tient la dragée haute en chef de clan haut en couleurs, autoritaire et menaçant.




En octobre 79, Serge Daney comparait La Forêt interditeà Apocalypse Now dans sa géniale critique fleuve du film de Coppola. Ou plutôt comparait-t-il Cottonmouth à Kurtz (Marlon Brando), chefs de petites bandes retirées du monde dans un contrefort sauvage où tout ne tient que sur les piliers de la violence, de la virilité, du culte de soi et, en définitive, d'une masculinité aux confins de l'homosexualité. On peut aussi penser, dans un tout autre genre, à La Chevauchée des bannis, sublime western d'André de Toth également sorti en 1959, où le même Burl Ives, cette fois-ci confronté au grand Robert Ryan, conduit une troupe de bandits dégénérés, des borgnes et autres éclopés avides de violence et n'obéissant qu'à leur maître, un même mâle dominant et physiquement imposant, avec déférence. Dans les trois films il s'agit d'un duel, ou d'un duo, qui se joue entre un héros intègre et un chef de meute excessif à tous points de vue, résolu à évoluer et à demeurer dans la marge, considérant le monde comme un danger à dompter. Les rapports entre les deux adversaires sont toujours ambigus, conjuguant combat de coqs et vues contradictoires avec une amitié virile et une forme troublante de séduction.




Cela donne, dans La Forêt interdite, la plus belle scène du film, où Cottonmouth défie Murdock à un jeu d'alcool toute la nuit durant : les deux hommes finissent complètement ivres au milieu des gueules cassées de la bande du braconnier, échangent quelques plaisanteries et une série de regards rivalisant de bleu clair perçant, débattent enfin de leurs idées respectives dans un mélange de respect et de mépris, naviguant entre une camaraderie rigolarde et un duel à mort absolument fascinant. La séquence se termine dehors, sous la tempête, dans un drôle de manège où les deux hommes se tournent autour, chopes d'alcool sur le coude et vissées à la gueule, dans une ronde qui tient autant de la danse macabre que de la parade amoureuse. C'est le point d'orgue d'un film que Serge Daney nomma à George Cukor lors d'une entrevue de 64 comme faisant partie selon lui des plus beaux films américains. Le critique se vit retourner un rire moqueur de la part d'un cinéaste peu surpris qu'un Français aille lui dénicher ce film que Jack Warner lui-même osa à peine sortir, un authentique film maudit, ou "film malade", selon la fameuse expression de Truffaut. On aimerait simplement que tous les films hollywoodiens d'aujourd'hui soient aussi malades que celui-ci...


La Forêt interdite de Nicholas Ray avec Christopher Plummer, Burl Ives, Chana Eden et Peter Falk (1959)

Daïnah la métisse

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Serge Daney disait de Jean Grémillon qu'il était le grand perdant d'une ère du cinéma français où les autres, les Carné et compagnie, avaient "insolemment gagné". J'ai vu ce film et voulu en parler il y a déjà quelques temps, mais il faut croire que Grémillon est condamné à passer après, à demeurer dans les limbes, y compris sur ce blog. La juste entreprise de réhabilitation et d'hommage lancée ce mois-ci par les Cahiers du Cinéma pousse à réagir. Réagissons donc en vous invitant à découvrir Daïnah la métisse, premier moyen-métrage (il ne dure que 45 minutes) parlant de Jean Grémillon, sorti en 1931. Le film raconte l'histoire d'une métisse mariée à un homme noir qui s'exprime comme elle dans un français de haute volée et travaille sur un paquebot comme amuseur, saltimbanque, prestidigitateur ou sorcier, afin de distraire les longues soirées de ces messieurs dames de la haute bourgeoisie française tout au long d'une interminable traversée.




Le temps de la croisière en direction de Nouméa, Daïnah use de ses charmes incontestables pour séduire tous les hommes et s'en distraire à son tour. Jusqu'au jour où elle mord un machinot frustré par ses avances non assouvies. Conduite à traverser l'inquiétante salle des machines du vaisseau, Daïnah recroise et attise les foudres de celui qui prévoit déjà de se venger. Une nuit, la jeune femme disparaît, et son mari va mener l'enquête.




Le film vaut surtout pour une scène (comme Remorques du même Grémillon, avec Jean Gabin, Michelle Morgan et Madeleine Renaud, sur lequel nous reviendrons peut-être bientôt), la scène absolument magnifique du bal masqué. Le mari de Daïnah fait des tours de magie noire qui permettent à Grémillion quelques expérimentations formelles assez hypnotiques, dignes du cinéma d'avant-garde muet (et pouvant évoquer certaines images de Vertov dans L'Homme à la caméra). Mais surtout il y a cette séquence, dans la continuité de la soirée, et tandis que le spectacle a laissé place au bal, où Daïnah elle-même, sous un masque sublime, en forme de grillage qui la transforme en une étrange et envoûtante figure de féline, tournoie et danse presque jusqu'à la folie, au point de se débarrasser de tout partenaire et d'envoyer valser les autres convives dans le décor. Dans cette scène fascinante, la jeune femme, presque en transe et tourbillonnant au rythme de la musique, se laisse emporter par son mouvement et atteint une sorte d'orgasme solitaire au milieu de la piste, sous le regard subjugué des mauvais bourgeois aux visages unanimement recouverts de déguisements parfaitement monstrueux (on s'étonnerait guère que Franju ou Lynch s'en soient inspirés), tels des porcs rieurs et jouisseurs. C'est Daïnah qui se donne à voir, c'est sur elle que tous les yeux sont fixés, et pourtant c'est la seule qui ne joue pas, dont le masque ne dissimule rien, elle vit sans s'importuner de rien, chose qui, dans ce bas monde, peut coûter cher, mais qui, à l'écran, emporte, remue et bouleverse.


Daïnah la métisse de Jean Grémillon avec Laurence Clavius, Habib Benglia et Charles Vanel (1931)

Les Flingueuses

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On lui devait déjà les meilleurs moments de Mes Meilleures amies et d'Arnaque à la carte, ainsi que les seules éclaircies des pénibles 40 ans : mode d'emploi et Very Bad Trip 3. L'actrice Melissa McCarthy revient dans un rôle enfin à sa démesure avec Les Flingueuses, partageant cette fois-ci l'affiche aux côtés de Sandra Bullock. Les Flingueuses est un buddy movie au féminin où les deux actrices incarnent un duo de flics que tout oppose, amenés à devoir collaborer pour résoudre une sombre affaire de trafic de drogue dont l'intérêt est, bien sûr, tout à fait secondaire. On mate ça pour se marrer et il faut dire qu'on n'est pas déçu ! Melissa McCarthy est incontestablement la grande force comique du film. Si vous aimez l'humour corrosif de cette imprévisible boule de nerfs à l'abattage exceptionnel, vous serez aux anges. Elle ne s'arrête jamais. Son langage est toujours aussi fleuri et son aisance à débiter vulgarités et autres injures très imagées fait encore des ravages. Son aplomb et son sérieux, systématiquement au beau fixe durant les scènes les plus absurdes, sont irrésistibles. C'est un véritable festival, qui nous confirme que l'on tient là une actrice comique très douée. On a évidemment très hâte de la revoir dans d'autres films... et peut-être d'autres registres comiques, car elle pourra ici très vite se mettre à dos ceux goûtant peu cet humour-là. J'en suis personnellement très client, j'avoue, alors je ne suis pas près de m'en lasser !




Heureuse surprise, le duo qu'elle forme avec Sandra Bullock fonctionne parfaitement. Sandra Bullock prend un plaisir communicatif à incarner une agente du FBI complètement coincée, ne cherchant qu'à grimper les échelons du Bureau au prix d'une vie privée totalement misérable dont sa comparse la plaint d'ailleurs exagérément lors d'une des meilleures scènes du film. Elle se tire donc avec les honneurs de cet exercice périlleux, où elle aurait pu être totalement éclipsée par son explosive collègue. Elle aussi parvient à provoquer quelques éclats de rire, bien qu'il ne s'agisse nullement d'un show où chacune jouerait son petit numéro à tour de rôle. Car les actrices se mettent réciproquement en valeur, se renvoient idéalement la balle, l'humour naît la plupart du temps de leurs interactions, de leurs agissements conjugués. Le décalage sexuel qui sépare leurs personnages est, par exemple, aussi simple que bien vu : la croqueuse d'homme n'est pas Sandra Bullock, au sex-appeal pourtant toujours intact, mais bien la ventripotente Melissa McCarthy, et cela offre quelques bons moments ! On pense aussi à cette chouette scène dans les toilettes d'une boîte de nuit, où Melissa McCarthy transforme le tailleur trop strict de son acolyte en une tenue plus sexy, beaucoup mieux appropriée à la situation.




Les Flingueuses dure deux plombes mais passe très vite et perd rarement son souffle, malgré un dernier quart d'heure peut-être moins inspiré, ce qui est souvent inévitable dans ce genre de films, l'intrigue sous-jacente devant bien trouver une résolution. Paul Feig, également réalisateur de Mes Meilleurs amies, reprend le schéma très classique du buddy movie, avec ces deux personnages incompatibles condamnés à devenir inséparables, mais il parvient à ne pas lasser : on joue le jeu sans problème, assistant avec plaisir à l'évolution des rapports entre les protagonistes. Autre bon point, le film n'est pas parasité par des scènes d'action trop longues et embarrassantes, à la différence, par exemple, de Very Bad Cops, où l'humour du génial Will Ferrell était trop étouffé sous les apparats du cinéma d'action à grand spectacle. Dans le même esprit, on ne retrouve nullement de sous-intrigue sentimentale trop encombrante, alors que le terrain était pourtant très propice. Enfin, Les Flingueuses n'est pas un fatiguant défilé de guest stars et ne nous noie pas sous un déluge de références bon marché pour flatter notre culture gé' à péremption rapide. Dans le contexte actuel de la comédie américaine, cela fait un bien fou. J'attends à présent la suite des aventures du duo McCarthy/Bullock. Étant donné les chiffres énormes réalisés au box office US, ça ne devrait pas louper !


Les Flingueuses de Paul Feig avec Melissa McCarthy, Sandra Bullock, Demian Bichir et Marlon Wayans (2013)

Conjuring : les dossiers Warren

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Véritable phénomène au box office mondial cette année, The Conjuring est l’œuvre d'un cinéaste qui semble avoir compris ce que recherchent aujourd'hui les spectateurs de films d'horreur. Je ne me lance pas dans de grandes déductions, je m'appuie seulement sur le buzz provoqué à sa sortie et les chiffres, qui font de The Conjuring le plus grand succès du cinéma d'horreur depuis des lustres, derrière L'Exorciste et Le Projet Blair Witch. James Wan avait déjà su engranger les dollars et conquérir les foules avec Insidious, son précédent film, où les fantômes, les démons et les maisons hantées servaient aussi de décorum. Insidious s'insérait dans la même logique, le même schéma, souvent résumé, chez les critiques francophones, par l'expression bien pratique et assez juste de "train fantôme". La surenchère tape-à-l’œil, l'accumulation frénétique d’effets-chocs et l'empilement jusqu’au-boutiste de poncifs usés jusqu'à la corde sont en effet le fond de commerce de James Wan, qui ne vise rien d'autre que le sursaut immédiat.


Quand je vous dis qu'il faut se méfier des cinéastes qui font trop gaffe à leurs looks... Visez un peu la chevelure de James Wan, je veux la même !

N'étant pas spécialement amateur de ce cinéma d'horreur-là, c'est naturellement avec une certaine crainte que j'ai lancé The Conjuring. Force est pourtant de reconnaître que la première heure du film fonctionne plutôt bien. Passée une scène d'introduction inutile qui, à la manière du sous-titre français ("les dossiers Warren"), laisse envisager un film d'horreur à sketchs - format qui serait d'ailleurs peut-être plus approprié au savoir-faire et au style de James Wan - on suit les déboires d'une famille nombreuse venue s'installer dans une ferme isolée qui s’avèrera méchamment hantée. Durant, disons, les trois premiers quarts d’heure, nous quittons rarement la demeure et strictement tous les incontournables du film de maison hantée se succèdent à un rythme trépidant. C'est une énumération sans faille. Tout y passe.


Manque le clebs. Pour vous donner une idée, il a le regard du père et la tignasse de la mère.

C’est d’abord le iench de la famille qui ne veut pas rentrer dans la maison, s’agrippant de toutes ses forces sur le perron et aboyant à en perdre haleine, comme s’il sentait une présence néfaste. C’est d’ailleurs le seul point noir d’un déménageot qui se passe sans souci. Une fois la famille emménagée, par contre, les choses se gâtent rapidement. Des portes qui claquent, le parquet qui grince, des horloges qui s'arrêtent toujours à une heure fixe, des cadres qui tombent des murs avec fracas, on découvre un sous-sol caché (il suffisait de faire le tour de la maison pour découvrir les énormes soupiraux et suspecter sa présence, mais il faut croire que les nouveaux proprios n’ont jamais eu cette curiosité…), des gros bleus apparaissent pendant la nuit sur le corps de la maman (Lili Taylor, qui n’a pas besoin de ça), on croise des reflets étranges dans les miroirs et on trouve de drôles d'objets près de cet arbre mort à la forme ultra menaçante planté non loin. Bref, je pourrai continuer longtemps, mais je ne souffre pas de la même maladie que James Wan. C'est bien simple, ce dernier n'oublie strictement aucun des effets attendus dans un tel contexte. Tout y passe, je vous dis !


"On vient de gagner 150m² de surface habitable, chérie ! On a une putain de cave ! Les enfants, dites adieu à vos lits superposés."

James Wan paraît tout à fait conscient que son audience a certainement déjà vu tout ça ailleurs, il fait parfois même des clins d’œil innocents et pas méchants, mais il vise l'originalité par cette accumulation acharnée et ce rythme rapide, sec, sans temps mort. Si vous aimez les films d'horreur psychologiques, qui prennent le temps de construire une ambiance étouffante et apportent un soin particulier à leurs personnages, alors The Conjuring n'est clairement pas fait pour vous. C'est au bout de 45 minutes de film que je me suis rendu compte que la famille en proie aux phénomènes paranormaux comptait cinq enfants. Cinq filles qui sont de simples pantins que James Wan aime placer ici ou là selon la situation et l'effet recherché. J'étais pourtant prêt à faire mon mea culpa car si tout cela n’a rien d’original et encore moins de génial, ça se suit sans déplaisir. Le "train-fantôme" fonctionne à plein tube. Les résultats faramineux au box office me sont expliqués par cette première partie.


Il faut garder à l'esprit qu'il n'existait pas encore de lampe de poche dans les années 70.

Et puis vers l'heure de film, quand les Warren, c’est-à-dire les véritables chasseurs de fantômes incarnés par Patrick Wilson et Vera Farmiga, débarquent dans la maisonnée pour commencer leur enquête, tout se délite et part en vrille. Le film bascule définitivement dans un grand n’importe quoi terriblement agaçant. Ce triste basculement s’opère à cet instant crucial où, en général, un film de maison hantée classique doit trouver une explication, en levant progressivement le voile sur les évènements terribles survenus dans ladite maison, jusqu’à leur résolution dans le présent. Mais ça, ça n’est pas du tout ce qui intéresse James Wan. En un clin d’œil, Lorraine Warren regroupe coupures de journaux et vieilles photos pour expliquer toute l’histoire à son compagnon, apparemment habitué, et à nous autres, sur le cul ! Une sorcière sataniste vachement rancunière est dans le coup ; comme quoi, nous avons bien fait de les noyer. Le scénario est totalement manichéen. Une fois débarrassé de cela, James Wan peut alors continuer son train-train habituel, dans un déluge de scènes de trouille qui iront crescendo jusqu’à la fin, et réussiront à atteindre des sommets de ridicule. Il s’engage sur les terres savonneuses du film de possession démoniaque, en embrassant encore une fois tous ses clichés, et cela commence à faire beaucoup. Une force invisible traîne l’une des filles par les cheveux. Patrick Wilson improvise un exorcisme pathétique en lisant du latin avec toutes les difficultés du monde et un accent dégueulasse. Lily Taylor campe une bien vilaine possédée. Un duo de techniciens (avatars du cinéaste lui-même et de son scénariste habituel, Leigh Whannell), engagés pour filmer les Warren, viennent ajouter leurs cris au brouhaha général. La suggestion qui dominait la première partie du film est définitivement abandonnée au profit du grand guignol. On pourrait en rire, on est surtout très gênés.


Drôle d'époque où les abat-jours faisaient par contre office de jupe longue... Notez la tronche de cake de Patrick Wilson en plein cours magistral, faisant tout pour être pris au sérieux dans son costume de magicien.

Le film perd alors toute sorte d’impact et devient d’une superficialité assommante, à l'image de cette reconstitution maniaque des années 70. En plus de voler la photographie des films d'horreur de cette période, James Wan surmaquille, surdéguise et suréquipe ses acteurs. Déjà fort peu charismatique au naturel, Patrick Wilson est ainsi condamné à porter des rouflaquettes ridicules et à conduire un Volkswagen Type 2 flambant neuf (vous savez, ce fameux van tant apprécié des hipsters). Tous les habits des comédiens ont l'air de fraîchement sortir de la friperie Groucho (une super adresse à Toulouse que je vous recommande chaudement, soit dit en passant !) ou d'avoir été spécialement conçus pour l'occasion. Aucun n'a l'air à l'aise à l'intérieur, à commencer par le père de famille et sa collection de chemises à carreaux trop cintrées. Sans parler des traces de pli dues à l'acharnement des techniciens au fer à repasser... Tous les décors visent aussi à faire immédiatement penser aux années 70, des tapisseries de mauvais goût en passant par la grosse télé à l'écran bombé placée bien en évidence. La musique vient évidement renforcer cet effet, bien qu'elle aurait pu être encore plus présente. Cette reconstitution est en fin de compte aussi superficielle et fabriquée que la peur suscitée par ces jumps scares incessants que James Wan met en scène. Elle contribue à nous éloigner du film, à nous placer en tant qu'observateur de la mécanique mise en place et à constater le soin apporté dans l'attraction créée par le réalisateur. L'étiquette "inspirée d'une histoire vraie", pourtant lourdement rappelée au début du film et lors du générique final, où de véritables photos des personnes impliquées dans ce fait divers apparaissent à l'écran avec le nom des acteurs les incarnant à côté, n'a ainsi aucune espèce d'incidence. Tout sonne si faux et calculé...


Vera Farmiga a de beaux yeux et prend un plaisir évident à les rouler dans tous les sens.

The Conjuring est également doté d’une propagande religieuse franchement embarrassante, qui pourrait passer sans vrai souci si elle n’était pas aussi grossièrement amenée. Quand le père de famille avoue, un peu honteux, qu'ils ne sont pas croyants et qu'aucune de ses filles n'est baptisée, Patrick Wilson lui répond du tac-o-tac "Revoyez votre copie", lui expliquant ensuite en une paire de phrases lapidaires que quelques crucifix, un peu d'eau bénite et une foi chrétienne retrouvée pourraient bien les sauver. C’est un aspect très secondaire dans l’ensemble, mais il mérite tout de même d’être pointé du doigt car il est représentatif de l'extrême manque de finesse de James Wan. Il faut aussi dire que son film n'est pas non plus aidé par des dialogues lamentables, parfois assez gênants. Comment peut-on avoir peur d'un esprit démoniaque quand celui-ci est comparé, de la bouche du démonologue en personne, à un vieux chewing-gum qui serait bien décidé à rester collé à la semelle de votre godasse ? On a connu plus flippant, on a connu des monologues un peu plus inspirés. Mais il faut croire que James Wan ignore totalement que l'on peut aussi faire peur par le seul langage, par les mots, quand ceux-ci sont correctement écrits et prononcés par des acteurs doués. Je ne lance toutefois pas la pierre à Patrick Wilson, qui fait ici beaucoup d’efforts, ça se voit.


C'est Papy Wilson qui a dû tirer la tronche en découvrant où était passé son fameux gilet jacquard.

James Wan multiplie les effets de manche, les angles impossibles, les mouvements de caméra étonnants et les plans-séquences. C'est souvent osé et l'effet recherché est parfois atteint, cela correspond tout à fait à ce cinéma d'horreur qui s’échine à en mettre plein la vue et à ne laisser aucun répit à son audience, mais ça n'est pas fait avec une réelle vision de cinéaste. Cela vise seulement l'effet immédiat, il n'y a rien que l'on puisse retenir, il n'y a aucune image à laquelle on repensera en fermant les yeux avant de se coucher, ou dans le noir lors d'une de ces escapades nocturnes, animé par une fringale tardive, avec le frigo comme objectif. Ces films-là ne laissent pas de trace. Ils font peut-être peur sur le moment, mais ne laissent aucune marque dans l'imagination ni ne l’émoustillent. Pour cela, il faut être plus talentueux, plus patient, plus ambitieux, et viser un peu plus haut que le porte-monnaie du public.


Le grand Max Von Sydow peut pioncer tranquille, la relève ne lui arrive pas à la cheville.

S'il y mettait plus d'humour, plus de relâchement et plus de folie, James Wan pourrait un jour réaliser un film d'horreur véritablement sympathique. Il lui faudrait pour cela trouver cet équilibre qui lui manque cruellement, ou choisir son camp une bonne fois pour toutes. Il pourrait se placer aux côtés d'un Peter Jackson ou d'un Sam Raimi, produire l'équivalent d'un Braindead ou d'un Evil Dead. Il ne grimperait pas spécialement dans mon estime, car il persisterait dans un registre que je n’affectionne pas beaucoup, mais il trouverait au moins à mes yeux une certaine cohérence. Pour l'instant, je le perçois surtout comme un imposteur, opportuniste et malin, sans réel intérêt, bien plus proche du forain que du cinéaste. C'est tout de même dommage car, aujourd'hui, aucun autre réalisateur spécialisé dans le genre ne jouit d'un tel statut et ne peut bénéficier d'une telle marge de manœuvre. Alors il y a un léger mieux, il faut l'avouer. Mais quand on part de zéro, c'est toujours plus facile et, avec The Conjuring, James Wan finit tout de même par retomber complètement dans ses insupportables travers et semble même vouloir faire sien ce style si lucratif. En fait, il s'installe progressivement comme le réalisateur préféré de ceux qui n'aiment pas le cinéma d'horreur.


Conjuring : les dossiers Warren de James Wan avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Lili Taylor et Ron Livingston (2013)

C'est la fin

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Attention, Seth Rogen passe derrière la caméra ! Il est épaulé par son fidèle acolyte, Evan Goldberg, avec lequel il a déjà co-écrit le scénario de The Green Hornet. Autant dire que les deux hommes devraient se trouver en cabane pour ce grave délit commis en réunion, déjà sanctionné par des critiques assassines et des scores désastreux au box office. Mais il n'en est rien, ils sévissent encore ! Evan Goldberg est ce que l'on peut appeler un homme de l'ombre de la clique Apatow, il s'est confortablement installé dans la bande en signant le script de Superbad. Avec This is the End, Evan Goldberg et Seth Rogen débarquent avec la ferme intention de réaliser un film culte. Cette intention est tellement évidente qu'elle annihile rapidement l'air de ne pas y toucher, insouciant et un peu foufou, que le duo essaie de se donner. Pour faire bref, leur film se veut tellement cool que ça en devient très vite fatigant.


Il y a quelques années, ces acteurs nous paraissaient pourtant bien sympathiques. A part Seth Röntgen avec son physique et sa subtilité de sanglier trépané traqué par une meute de chiens de chasse audois. Faut pas se moquer du physique mais parfois certaines personnes dépassent à pieds-joints la frontière de l'animalité.

Seth Rogen accueille donc son vieux pote Jay Baruchel à Los Angeles. Tous deux se rendent à la pendaison de crémaillère de James Franco, où d'autres acteurs et quelques starlettes en vogue les attendent. Mais cette giga teuf est soudainement interrompue par l'Apocalypse qui élimine la plupart d'entre eux et condamne le petite groupe restant à vivre en autarcie, dans la baraque de James Franco, avec une réserve de vivres très limitée. Le long métrage de Rogen et Goldberg se présente donc comme une sorte de parodie des films de fin du monde, il met en scène une ribambelle d'acteurs dans leurs propres rôles, ou plutôt dans une version fictive d'eux-mêmes, amenés à devoir cohabiter. Avec ce point de départ qui se veut "énorme" et original, tout comme il permet de réunir un "casting de dingue" (je reprends les termes du dossier de presse), les auteurs veulent déjà s'attirer la sympathie de leur audience. Il faut rester cool, avant tout. Les effets spéciaux sont carrément hideux pendant ladite Apocalypse ? Pas grave, c'est trop cool aussi !


Derrière Michael Cera, qui pose le cul en bombe avec l'intention de subir un assaut anal, on peut distinguer Tony Parker et Vincent Lagaf', plutôt intéressés par le postérieur de la créature blonde au centre de l'image (qui n'est autre que Katy Perry). Anecdotique, au fond à droite Frédéric Beigbeder discute avec Adèle Exarchopoulos, histoire de rameuter un public soi-disant "plus exigeant"...

Si tout cela était drôle, ça ne me poserait aucun problème, ou en tout cas beaucoup moins. Hélas, ce film condense tout ce qu'il y a de pire dans l'humour Apatow, avec son déluge de références indigestes qui sont autant de coups de coude dans les côtes du spectateur, et sa galerie de personnages trépanés dont on est supposé trouver trop mignon le côté encore enfant. Devant tout ça, on a simplement la triste impression de contempler un petit groupe rigoler en vase clos, une petite bande de potes s'amuser entre eux et se regarder le nombril. On imagine que le tournage a été, pour tout le monde, une sacrée partie de plaisir, des vraies vacances, pleines de rigolades et de moments de déconne. On se dit qu'ils ont dû bien s'amuser. Entre eux, toujours, bien que tout cela transparaisse fort peu à l'écran. On a en effet affaire à une farce qui n'amuse pas grand monde en dehors de ses propres auteurs, un peu de la même façon que I'm still here, la pochade ridicule de Casey Affleck et Joaquin Phoenix, mais en pire, car cela concerne cette fois-ci beaucoup plus de monde, et tous ont l'air de trouver ça génial. Malgré la soi-disant amitié qu'elle essaye de nous vendre, la bande d'acteurs ne dégage aucune alchimie particulière. Aucun "personnage" ne fait la différence. Seul Danny McBride se fait parfois remarquer, et encore... Tous sont abaissés au niveau de médiocrité de Seth Rogen, que son physique ingrat et sa voix insupportable auraient dû condamner à des rôles de second plan dans des films minables. Cet homme aurait dû se contenter de humer le fabuleux pet de John C. Reilly dans Step Brothers...


C'est après les désistements successifs de Daniel Radcliffe, Mila Kunis et Nabilla que Seth Rogen s'est tourné vers Emma Watson, la hit girl prognathe du tout Hollywood, pour ce rôle en or de 2 minutes. Vous retrouvez tous ces gens dans le dernier clip d'Arcade Fire !

Ce film idiot m'a notamment été insupportable parce que Seth Rogen et sa bande jouent sur l'attente du public, voire l'étrange besoin pour certains, de les voir dans leurs propres "rôles", c'est-à-dire, en réalité, celui que chacun veut bien se donner. Le film est un vaste programme de séduction, mené avec une connivence détestable par ses auteurs et acteurs, où chacun vise, de force, à rendre définitivement familière l'image qui est construite de lui-même et qui, bien entendu, correspond exactement à celle fantasmée par le public, à savoir celle d'une bande de potes, méga cools, un peu fêlés et complètement perchés, mais avant tout méga cools et cultivant les mêmes références que ledit public, dans un dédale de clins d’œil abominables. Avec ses guest stars en pagaille qui ont l'air de faire des pieds et des mains pour quelques secondes devant l'objectif, This is the End laisse un effet désagréable. On sent qu'il s'agit avant tout d'une triste entreprise nauséabonde où chacun a d'abord visé à peaufiner son image, dans un esprit "donnant-donnant" assez pénible. Rihanna, tout comme Michael Cera, Emma Watson, Channing Tatum ou les Backstreet Boys, doivent en ressortir encore plus cool qu'il n'y sont entrés. C'est la fin des haricots !


C'est la fin d'Evan Goldberg et Seth Rogen avec Seth Rogen, Jay Baruchel, James Franco, Danny McBride, Jonah Hill et Craig Robinson (2013)

Avatar

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Avatar si vous matez bien c'est un palindrome, ça se lit dans les deux sens : "avatar", "ratava", c'est pareil. Première phrase de l'article et déjà on frappe fort. Cameron a réussi à faire 14 ou 15 milliards de dollars de recettes (ajusted for inflation) avec des schtroumpfs. Bien qu'assis sur le toit du monde, Cameron a quand même mis 12 ans à imposer ce projet, ce qui laisse songeur. En fait c'est qu'il attendait que de gros ordinateurs parviennent à rendre possible sa vision unique. La première fois qu'il a pensé au film James Cameroun avait cinq ans, et depuis son histoire n'a pas changé d'une ride ! Les effets spéciaux ont évolué entre-temps, pas son cortex cérébral. Peu importe à vrai dire parce que ce film EST une révolution. Tout le monde l'a dit et répété quand il est sorti : "C'est du jamais vu, c'est le renouveau du cinéma". D'un point de vue technique sans doute, mais en ce qui concerne le récit et la mise en scène faudra revoir la copie : on nage dans le classicisme le plus mollasson et le film est officiellement tout ce qu'il y a de moins nouveau au monde. Un cul-de-jatte, Jack Skully, réapprend à courir dans sa tronche et va fumer des mauves avec des kangourous bleus pour donner un sens à sa vie. Dans le rôle de l'homme-tronc, Sam Worthington, qui n'est pourtant que bras et jambes dans la vie et dont le cerveau n'a encore jamais servi. Dans celui du poiscaille humain, Zoé Saldana. Le casting a pas mal bougé entre la naissance de l'idée et sa réalisation. Quand Cameron s'est attelé sérieusement au projet, après le triomphe de Titanic, il songeait à un gros acteur noir typique des années 80 pour incarner l'héroïne Na'av'i, il pensait plus précisément à Pam Grier ou Giant Coucou. Il pensait aussi, pour le rôle du trépané tétraplégique, à un acteur comme Don Cheadle, qui a été au top du box office américain pendant deux semaines après son rôle de Boromir dans Le Seigneur des anneaux 2 : Les deux tours.


Don Cheadle apprenant par téléphone qu'il n'est pas retenu pour le rôle de Naa'ri.

Ce film prouve s'il était besoin que James Cameron est un grand écolo devant l'éternel. Après s'être lamenté de la pollution des eaux du Pacifique par le naufrage du Titanic (le film aux 11 statuettes nous a également mis en alerte sur les dangers de la fonte des glaces avec cet iceberg géant perdu au milieu de l'océan en plein mois d'août sous un cagnard gros comme ça), Cameron a voulu réaliser un film entier à la gloire des indiens de l'espace, un peuple primitif à sauvegarder pour mieux rire de lui et de ses fougères plantées sur le crane. Yannick Noah passe incognito dans le film, pieds nus, sans maquillage, les dreads en vrac, il fume ses propres pets au fond d'un plan de coupe. Le film est un hymne à Gaïa, à la nature mère nourricière. Cameron est allé chez son pote Peter Jackson, dans les studios Weta en Nouvelle Zélande, pour qu'il lui dessine des pissenlits volants, des tas de trucs incroyables, inimaginables puisqu'issus d'une planète étrangère, comme, par exemple, des aigles affrontant des tractopelles. On a encore envie de chialer en repensant aux noms des Naa'vi, le truc le plus "original" (bien que pompé sur les sonorités sioux et comanches) dans ce film supposé nous présenter un monde complètement autre et finalement peuplé de chevaux, d'oiseaux, de plantes et de clebs sauvages. L'héroïne Naa'vi se prénomme Naa'ri, et son frère, qui meurt heureusement dans la bataille finale : Tsu-té. Tsu-té ! Jack Skully gueule "à tes souhaits" dès qu'il est évoqué dans une conversation...


Les habitants de Pandora sont une allégorie des Indiens d'Amérique avec un zeste de coutumes africaines, or ils sont mi-hommes mi-animaux, méditez là-dessus. Cameron dénonce les crimes de son peuple et rêve de sauver cette tribu sauvage comme on rêve de sauver les phoques ou les baleines blanches. Il reste du chemin à faire dans la mentalité ricaine...

Un point sur le scénar, même si on l'a déjà rapidement évoqué. L'histoire se situe en l'an 2000 et suit donc un tétra, soldat de seconde classe en fauteuil roulant, qui profite de la mort de son frère jumeau, chercheur militaire, pour s'expatrier sur une planète lointaine nommée Pandora. Là-bas les humains, qui ont donc, rappelons-le, maîtrisé la vitesse de la lumière, sont néanmoins toujours dépendants de vulgaires caillasses pour alimenter les piles de leurs vaisseaux, mais il y a un couac : ces pierres sont situées sous un grand arbre qui abrite une population d'indigènes bleus amoureux de la nature, amateurs de sport équestre et de tir à l'arc, des bons sauvages animés par la sympathie et la bienveillance. Les humains, menés dans leur expédition par Giovanni Ribisi, le frère de Phoebe dans Friends, tentent de les éjecter de deux façons. La méthode douce, défendue par Sigourney Weaver, consister à les infiltrer en prenant leur apparence, en se faisant donc passer pour des avortons, histoire de leur demander avec hypocrisie de tracer la route. La méthode rustre, prônée par le colonel Ribéry, la gueule déjà fendue en deux par le Turak, consiste quant à elle à les mitrailler au napalm pour avoir les coudées larges. Sam Worthington (accompagné de Michelle Rodriguez, on ne le dit jamais assez), navigue entre ces deux méthodes et finira bien entendu par se rallier à la cause des gentils crétins amateurs de champignons et de peintures rupestres. Et Cameron avec eux, évidemment, qui se veut un humaniste pacifiste, même s'il semble prendre autant son pied à filmer les connexions psychiques des Na'avi avec les animaux et les arbres de Pandora à l'aide de leurs queues qu'à filmer les énormes tanks des soldats bousillant le petit monde de Narnia.


Cameron vante les mérites d'une communion pacifique avec la nature, il loue l'écologie et dénonce la politique colonialiste militariste des États-Unis, mais on voit bien dans ce film comme dans tous ceux qu'il a réalisés que sous cette piètre couverture bienpensante ce qui le botte au fond c'est les gros canons, les treillis camouflage et l'odeur du napalm au p'tit déj entre deux bols de Quaker Oats.

Nouveau couac : Sam Worthington tombe amoureux de Zoé Saldana, aka Naas'Ri, la Naa'Vi que tout le monde sur Pandora tirerait volontiers et qui court de branche en branche avec la grâce d'un marsupial. Dans une métaphore de la dépendance aux jeux vidéo-ludiques (le phénomène "Otaku" au Japon, phénomène "Poulpard" ici en France, notre acolyte étant collé depuis deux ans à GTA 4 et depuis trois semaines à GTA5, dont il tente d'exploiter chaque coin de rue pour faire exploser à l'écran toute la hargne qu'il contient si bien les rares fois où il met un pied dans la rue), Sam Worthington est accro à son avorton agile et alerte et ne veut plus le quitter pour retourner habiter son corps de légumineux, et pour cause puisque son avatar lui permet en prime de tirer un coup. Il commet l'impensable avec Naacer'I, en connectant son chibre à celui de sa nouvelle égérie dans un acte de zoophilie que seul le talent de James Cameron parvient à nous faire avaler. Le vrai souci de Worthington c'est que la méthode de Sigourney Weaver, qui lui permettrait de continuer à s'envoyer en l'air peinard avec sa chtroumpfette, sera effective dans grosso modo 300 ans d'infiltration et de négociation au coin du feu. La scientifique elle-même piaffe d'impatience. Alors que la méthode dure peut se régler en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, à coup d'ogives nucléaires chirurgicalement placées sur l'arbre magique des aborigènes. C'est tout le dilemme du personnage et on s'en bat franchement les glaouis.


Le film est peut-être aussi une allégorie de l'équipe de France de football vu que les bleus sont bêtes comme leurs pieds et condamnés à se faire dégommer au premier tour.

Flashback : décembre 2009, comme tout le monde on va au ciné voir cette merde annoncée en 3D. On en ressort ni déçus ni heureux. On en a pris plein les mirettes mais on n'a rien compris. On vient de nous ressortir le scénario de Danse avec les loups et on était censés ne pas s'en rendre compte ? La seule différence ? Le méchant s'appelle ici Turak. Si le film a battu tous les records, on détient quant à nous un record perso, nos paires de lunettes 3D ont fait tout le tour de la ville pour être rentabilisées, utilisées par une chiassée d'enflures qui crevaient d'envie de voir le film suite à un bouche à oreille d'enfer mais que les 2 euros de supplément bloquaient à l'entrée du ciné. Nos voisins de séance peuvent en prime se targuer d'avoir vu le film en 4D, la dimension olfactive en plus et pour gratos, qu'ils ont attribuée à la sueur en relief de Turak mais qui provenait en réalité de nos flatulences, conséquence d'une plâtrée de bolo' balls de chez panzani, une vraie tuerie. Si on ajoute à ça qu'on a chacun retiré nos puma liga vieilles de deux ans - trois heures de film obligent par une journée d'été caniculaire passée without socks in the shoes - la quatrième dimension était totale. Quand on va au cinoche pour plus deux heures on emporte toujours avec nous notre glacière pleine de bières mais on nous l'a confisquée à la caisse ! Malgré cette grosse contrariété Avatar est passé comme une lettre à la poste, ce n'est qu'après coup, dès le tour de manège terminé, qu'on se dit que ce n'était quand même qu'un long et faible western écologique simpliste à la noix. On l'a revu une fois depuis et, nous pouvons le dire, le film est encore pire décortiqué en plan aérien scène par scène par Antoine Kombouaré. On a eu la chance d'assister à une master class de Kombouar' sur Avatar au forum des images et ça a duré une semaine, pire que ses analyses d'après match dans 100% toof. Maintenant jouons-la franc-jeu, le film, on l'a en blu-ray disc, on l'a revu après Prometheushistoire de se nettoyer, on foncera voir Avorton 2, Avorton 0, et tous les autres, au moins pour comprendre pourquoi les Naa'vi n'ont que quatre membres alors que tous les autres animaux de Pandora en ont six, pourquoi est-ce qu'ils respirent par le nez alors que toutes les autres formes vivantes de leur planète respirent par le cou, pourquoi est-ce que les N'aavi sont bleus alors que les autres créatures de leur bout de caillou sont uniformément violettes... Comme dirait Audrey Tautou dans Un Long dimanche de fiançailles (retitré "Mathilde et Manec, Manec et Mathilde" au Québec) : "J'veux compendre ! J'VEUX COMPENDRE !".


Avatar de James Cameron avec Sam Worthington, Sigourney Weaver, Zoé Saldana et toute la fine équipe des Schtroumpfs (2009)

Un Long dimanche de fiançailles

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/Dossier #12 - Jean-Pierre Jeunet/ 

"C'est beau le sépia !" s'écrie-t-on devant cette affiche, sur laquelle on peut apprécier la taille de guêpe d'Audrey Tautou, qui dans ce long métrage nous montre son cul en plan aérien. Tout rapproche Un long dimanche de fiançailles, film jaune, d'Avatar, film bleu : Audrey Tautou a un piebot là où Sam Worthington a un corps bot ; Mathilde et Manech semblent séparés par le destin, tout comme Na'ari et Jack Skully le sont par la barrière des espèces ; dans les deux films la guerre éclate, il y a un amant dans chaque camp et un arbre au milieu du champ de bataille. Attardons-nous sur l'arbre du film de Jaunet : c'est sur ce tronc calciné, le dernier d'un no man's land en ruines, théâtre de la désolation des fameuses tranchées de 39-40 (la "guerre froide"), que Manech immortalise son amour pour Mathilde. Il ne trouve rien d'autre à foutre sous la mitraille des boches que d'utiliser son menton contondant pour graver trois lettres dans l'écorce : "MMM". Le nom de ses céréales préférées ? La marque de sa grosse bagnole ? Le nouveau stade flambant neuf du Mans ? Le prochain Parti de Bayrou ? Non, on le saura à la fin du film, ces trois M signifient "Mathilde aime Manech" et/ou "Manech aime Mathilde". Il n'y a que peu de "n" dans "Manech", mais il y en a des tonnes chez le spectateur...


J-P Jeunet, qui a vu Spielberg justifier avec dérision la cicatrice au menton d'Harrison Ford par un revers de coup de fouet dans la gueule de River Phoenix au début d'Indiana Jones 3, a voulu expliquer la fossette béante sur la joue d'Ulliel par une blessure de guerre, sauf que l'acteur a déjà la tronche balafrée au début du film, avant de partir au front... un goof de plus dans la carrière de Jeunet Jean-Pierre.

Retour sur une scène-clé, celle du massage fessier en vue plongeante, astucieusement placée en exergue à cet article ainsi que dans la bande-annonce du film, à une époque où la planète ciné n'avait d'yeux et de queue que pour Amélie Poulain, la jeune parigote coincée du cul, seule en nuisette dans son vieil appart vert, occupée à parler aux gargouilles du coin de la rue et à remplir son journal intime avec les histoires d'un vieux con qui n'arrêtait pas de lui répéter : "Breteaudau ! Pas Bredauteau !". Tout le monde crevait d'envie de débouler dans sa chambre avec un sac à dos plein de pornos, face à un Jean-Pierre Jeunet impuissant, ligoté dans un fauteuil, comme dans un épisode de Bangbros intitulé "Please, bang my wife ! and let me seeeeeeee...". Pourtant c'est Jeunet qui a offert son propre cul dans le plan ci-dessous, afin de préserver sa jeune actrice, acceptant de devenir doublure-cul le temps d'un plan par conséquent pan&scanné. Aussitôt que nous avons aperçu la dark star de Jeunet dans ce plan fatidique, notre pavillon est rapidement redescendu, et il ne sera dressé à nouveau que lorsque le nouveau Zidane apparaîtra balle au pied lors de l'Euro 2035.


Vous croyez que c'est une table de massage sous Audrey Tautou sauf que c'est l'énorme mastard en forme de queue de castor du figurant chargé de lui masser l'arrière-train, croyez-le ou non l'actrice est littéralement couchée sur sa verge.

Petit retour sur un gimmick du film que l'on retrouve compilé dans la bande-annonce et qui a ravagé les cerveaux de nombreux cinéphiles. On voit tous encore dans nos têtes Audrey Tautou claudiquant dans les blés et murmurant : "Si j'arrive au croisement avant le facteur, Manech est vivant". Depuis ce film nous n'arrêtons pas de nous répéter cette phrase en se lançant des défis du même genre : "Si j'arrive à éplucher cette patate d'une seule épluchure, Manech est vivant !" ; "Si j'arrive à retenir ma respiration avant le prochain tunnel, Manech est vivant..." ; "Si je réalise la crotte parfaite (qu'est-ce que la crotte parfaite ? c'est la crotte oblongue, d'un seul tenant, qui file si vite qu'on n'a pas besoin de se torcher et qui se meut d'elle-même poliment dans le conduit d'évacuation sans avoir besoin de tirer la chasse), si je réalise la crotte parfaite Manech est vivant !" ; "Si j'arrive à m'enfourner cette orange dans la gueule d'un seul bloc sans gerber et sans perdre l'amour de ma compagne au petit déjeuner, Manech est vivant !" ; "Si j'arrive à me taper Ocean eleven, Ocean Twelve et Ocean Thirteen en commençant par Sexe, mensonge et vidéo sans me suicider, Manech est vivant !" ; "Si Hougo Lloriss parvient à garder ses cages inviolées durant les 5 premières minutes du premier match de groupe de la coupe du monde 2014, Manech est vivant !" ; "Si Benzema marque un but, c'est que Manech est vivant" ; et "Si j'arrive à finir cet article ici, c'est que Jean-Pierre Jeunet ne m'a pas fait foutre en taule pour avoir critiqué son film". Depuis notre prison on chialera : "Mathilde aime Manech... Manech aime Mathilde...", et on gravera des M&Ms partout en essayant de devenir les nouveaux prophètes de Jacques Audiard.


Un Long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou et Gaspard Ulliel (2004)

Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain

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/Dossier #12 - Jean-Pierre Jeunet/ 

Film avec date de péremption, et pour le coup ultra périmé. On vous propose aujourd'hui un regard décalé sur un film retardé, un film d'attardé en vert et rouge, un film qui a fait passer Mathieu Kassovitz pour un boloss, ne l'oublions jamais, lui qui a chipé le rôle au pied levé à Pierre Richard, qui avait encore un problème de chaussures dépareillées le jour du casting et qui ne s'est donc pas pointé. Ce film, on l'a tous bien aimé à sa sortie, il faut savoir faire preuve d'honnêteté. Si Twitter avait existé à l'époque le film se serait retrouvé en top tendance pendant trois mois, le Petit Journal de Yann Barthès aurait fait des micro-trottoirs sentant le trottoir pour donner l'avis de trois vieilles illuminées et de deux adolescentes trépanées sur le film tout en se foutant ouvertement de leurs gueules. Sauf qu'en fait si ce film sortait aujourd'hui il ne ferait pas 8 millions d'entrées mais seulement 80 000 (en comptant large), parce que c'est le film d'une époque, sorti pile au bon moment avec son portrait rétro d'un Montmartre bourré de bons sentiments et baigné par la musique rance, franchouillarde et déprimante à souhait de Yann Thiersen.Jeunet a eu le pif de faire sortir son manifeste jambon-beurre tout en accordéons juste après France 98, dans un éphémère pays black/blanc/beur de pacotille où tout était possible et qui aimait se regarder le nombril en faisant du reubeu de service l'épicier sympa, du black un absent de marque et des visages pâles de purs crevards fiers de connaitre par cœur la fine fleur de tous les dictons gaulois, car glanant via ce petit manuel du bon français parlé un ticket aller-retour gratos pour tirer une autiste blanche comme neige.



C'est l'ancêtre de la série Bref, le film des petits plaisirs (quoi de mieux dans la vie que faire des ricochets ? Jeunet répond "Que dalle !", lui qui a sans doute réalisé le film de chevet de la famille Delerm au grand complet), le film des petits riens, un catalogue d'anecdotes à la con, des "j'aime, j'aime pas" à n'en plus finir... Avec cette ribambelle de goûts et de dégoûts bien idiots et bien communs, Jeunet s'est assuré que tout le monde puisse s'identifier sans forcer, comme savent le faire les rédacteurs d'horoscopes, ou les administrateurs de ces "pages" facebook et les auteurs de ces tweets à la con que tout le monde "like", "retweet" et "+1" à qui mieux mieux, du genre : "J'aime l'odeur de la colle et de l'essence, et j'aime bien l'odeur du gazon fraîchement coupé, par contre je déteste mais alors je déteste l'odeur de la merde". Ca me rappelle mon tonton Scefo, qui m'a annoncé, tout fier, à propos de mon petit cousin de 3 ans : "Il est très propre fils, il supporte pas d'avoir le cul huileux". Ce qui m'a beaucoup surpris vu qu'en général moi j'adore ça. Putain tonton... Jeunet a aussi fait un fond de commerce des questions cons, et on en retient une, qui demande combien de couples sont en train de se dégommer en ce moment même à Paris, avec une galerie d'illustrations gentillettes de femmes en train de jouir sous les impacts de coups de feu de leurs époux ou amants. Bizarrement toutes sont bien traitées et heureuses, tout ceci se passe dans une atmosphère de félicité complète, alors qu'on sait trop bien que la plupart du temps ce n'est que ruines et désolation : on ne parle pas forcément de viols ou d'agressions, encore que, mais d'actes consentis et néanmoins voués à mettre à mal la survie du couple sur le long terme si un effort de réflexion est fait côté féminin lors de la phase post-coïtum, qui peut se révéler néfaste pour l'amour propre du sujet et pour celui voué au conjoint. Pourquoi ne voit-on pas au moins une femme penchée sur une table de salon en verre (pour permettre au caméraman filmant la scène des angles impossibles en contre-plongée et en apnée), le pied de son mec appuyé sur la nuque ? Certains mecs se laissent emporter par la passion et par tout ce porno à profusion sur le web, et alors le cerveau reptilien prend le pas sur toute inhibition et sur toute galanterie, et en pareilles circonstances si l'homme est un loup pour l'homme il en devient surtout un pour la femme.



Qui ne s'est pas amusé à reproduire cette autre anecdote du film où Tautou prend son nain de jardin en photo devant tous les monuments du monde grâce à des montages photoshop afin de bercer d'illusions son père sénile, mais en remplaçant le nain de jardin par son propre gland ? Honte à moi si je suis le seul à avoir envoyé ça à la fille que je convoitais à l'époque, mais j'avais douze ans, lâchez-moi. Un seul critique, Serge Kaganski, a su s'élever contre ce film à sa sortie, et pour de plutôt mauvaises raisons. Pourquoi ne pas avoir tout simplement mis en avant la médiocrité de la mise en scène, la minceur de l'histoire, l'iniquité des personnages, la présence de Dominique Pinon, l'usage des filtres, le sur-jeu des comédiens et ainsi de suite ? Le seul acteur qui s'en tire c'est Rufus, qui joue tout de même sous un pseudo. Ce film, c'était le summum de Jeunet, la concrétisation d'un style, la prolongation d'un court métrage réalisé à six ans, Foutaises (titre assez visionnaire), et contenant déjà tout Jeunet, dans lequel on voyait Dominique Pinon dire "j'aime ci et j'aime pas ça" pendant vingt-cinq minutes. Dans ce petit film prémonitoire, ressorti en bonus sur le dvd d'Amélie Poulain par un Jeunet plus opportuniste que jamais, et qui depuis ne cesse de répéter ses tics et ses tocs en espérant tirer le jackpot une seconde fois, Dominique Pinon se plaint notamment de la goutte d'eau qui remonte de la cuvette quand il la torpille d'un étron trop sec, le séant éclaboussé par sa propre merde. Jeunet faisait alors un gros plan sur le visage vineux de Dominique Pinard assis en tailleur sur les chiottes et grimaçant au moment de recevoir une vague énorme suite à un déchargement terrible en off... tout ça parce que le même Pinon adore aussi ouvrir lentement l'opercule du pot de nutella de 750 grammes spécial Noël en écoutant le chuintement que cela produit, et casser la croûte de la crème brûlée avec le dos de sa petite cuillère, ou encore s'enfoncer directement des flambys entiers dans le gosier. Tu m'étonnes qu'en bouffant les œufs avec la coquille pour le petit croustichoc sensas' que ça promet sur le palais ce mec-là chie des bombonnes de merde à défragmentation, de véritables mortiers de fèces qui lui inondent le dos.



Ce film c'est tout Jeunet. Caro avait alors foutu les voiles, disparu à tout jamais, planqué dans l'annuaire entre mille et une "caro(line)" anonymes. Jeunet a notamment voulu refaire son miracle, son bunker de la dernière rafale, amasser un second pactole avec Mic-Macs à tire-parigot : Dany Boon dans le rôle principal, et Omar Sy qui essayait déjà de sortir du SAV. Toujours ce sens du casting payant, à condition qu'il paye... Rappelons que sur le tournage d'Amélie Poulain Jeunet a su se brouiller avec Jamel Debbouze, l'ami de tous, l'homme le plus consensuel du PAF. Quand vous demandez des nouvelles de J-P Jeunet à Jamel il vous balance sa seule main valide dans la figure, puis la seconde aussi, mais en prenant de l'élan pour qu'elle tombe sur vous comme une vieille liane. Malheureusement pour Jeunet cet autre film tout vert et jaune bourré à craquer de petites idées rachitiques n'est pas tombé au bon moment, et a logiquement fait un four sans nom. Jean-Pierre Jeunet s'en est donc pris au téléchargement illégal, alors qu'aucun quidam n'a même eu l'idée de mettre son navet en partage. Il s'est adressé aux critiques auxquels il reprochait de ne faire que critiquer au lieu de mettre la main à la patte, bref il nous a sorti tous les fondamentaux de la langue de pute et de la gueule de bois, allant jusqu'à reprocher à la Fox de ne pas avoir correctement remasterisé le bluray de son Alien 4, qui n'est pourtant qu'une parodie de lui-même. Nous faisons partie des nombreux fans de la saga qui ont acheté le coffret de la tétralogie et qui ont utilisé les deux skeuds "bonus" et "film" de l'opus Jeunet pour en faire des répulsifs à corbeaux afin de protéger les cerisiers de nos parents. Ces épouvantails son et lumière sont d'une efficacité redoutable car les ornithorynques ne supportent pas les reflets verts et jaunâtres de ce film pisseux. Pied de nez à Hitchcock, expert en séduction, qui avait su faire un chef-d’œuvre de l'effroi avec des volatiles alors qu'on fout les j'tons à des oiseaux avec une horreur de film. Jean-Pierre Jeunet, sache que toute ta filmographie orne nos cerisiers, et tu en serais sans doute ravi, toi qui adores les anecdotes à la mords-moi-le-noeud, les gadgets à tiroirs, les histoires de petits riens, mais que dis-tu quand les petits riens en question sont tes films bectés par des piafs survoltés, grossis aux OGM par nos parents qui eux aussi deviennent fous à cause de tes films diffusés en imax dans leurs champs ?


Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Jamel Debbouze, Rufus, Yolande Moreau, Armelle, Dominique Pinon, Isabelle Nanty (2001)

Alien la résurrection

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/Dossier #12 - Jean-Pierre Jeunet/ 

En ces temps où Prometheus ne fait déjà plus du tout jaser, il est bon de se rappeler l'état de déliquescence dans lequel se trouvait la saga Alien avant sa sortie, qui n'a fait que l'enterrer plus profond encore. Il a fallu 15 ans après le quatrième film (sorti en 97) pour parvenir à relancer la machine, et pas question de s'inscrire dans sa suite, il fallait revenir en arrière pour ne surtout pas marcher dans les pas de Jeunet. Si Ridley Scott et James Cameron se disputent vaguement la mainmise sur la franchise, et si Fincher lève le doigt une fois de temps en temps pour rappeler qu'il a mis la main à la pâte vite fait, Jeunet quant à lui, la french touch de la série, a été contractuellement invité à fermer sa gueule à tout jamais par la Fox, qui emploie encore aujourd'hui dix gorilles sur Paris pour cerner la rue Lepic afin de veiller au motus du cinéaste français daltonien, convaincu d'avoir filmé tous ses films en rouge et bleu alors qu'ils sont vert et jaune...



Quand on pense à Jeunet on est triste toute une journée. Pourtant ce film-là, lorsqu'il est sorti, en 97, on l'a tous vu en salles. Poulpard avait 47 ans à l'époque et il nous avait emmenés au ciné dans sa Nissan Micra qu'il surnommait "La Taupe" parce qu'elle était aveugle, comprendre sans phares ni essuie-glaces. Nous venions fraîchement d'atteindre l'âge légal pour voir ce film interdit aux moins de 12 ans. Nous étions donc extrêmement impressionnables, et Poulpard le premier. Bref on était tous excités comme des poux à l'idée de voir un épisode de la saga Alien au ciné, réalisé par un frenchy de surcroît. A l'époque nous n'étions que peu regardants sur un scénario signé Joss Whedon, l'auteur de Dawson Creek, pour un film qui devait initialement être réalisé par Danny Boyle, le plus mauvais cinéaste du monde, qui s'est plus tard vengé de ce rencard manqué avec la science-fiction en réalisant Sunshine, le film au script le plus inique ever. Déjà à l'époque, l'idée de ressusciter Ripley, ça nous paraissait un peu fort de café, mais tout comme les scénaristes de Prometheus nous étions prêts à tracer un trait sur 300 ans de Darwinisme pour en prendre plein la vue, prêts aussi à oublier que des scientifiques capables de voyager dans des vaisseaux spatiaux démentiels, de se mettre en hyper-sommeil et compagnie depuis des lustres, puissent en chier des ronds de chapeaux pour torcher un clone humain qui n'ait pas la tronche à la place des pieds et vice versa.



Malheureusement Jeunet avait réuni toute sa fine équipe : Dominique Pinon, Ron Perlman et Yolande Moreau, qui joue le bâtard alien à la fin du film ainsi que certains des clones foirés de Sigourney Weaver (ceux qui ont un nombril sur le front et les panards à la place des oreilles, opération casting payante qui a permis à l'équipe du film d'économiser des milliards de dollars en trucages et maquillage). Côté technique, on retrouvait Darius Khondji, directeur de la photo passionné par le vert bouteille qui avait déjà officié dans Delicatessen et La Cité des morbacs perdus, mais aussi Pitof, le spécialiste des effets spéciaux, acteur porno gay à ses heures perdues, "une couille et une queue" étant son slogan de travailleur du X. Bref, on retrouvait toute la patte Jeunet dans ce film, car c'était l'époque où Hollywood, quand il était de bonne humeur, laissait encore une petite marge de manœuvre aux réalisateurs en général et aux réalisateurs overseas en particulier. Ainsi tous les personnages sont-ils des débiles profonds, y compris quand ils sont généraux ou scientifiques de renom. Ils ont tous une pire tronche en biais et des tricks physiques indésirables : les épaules ultra velues de Dan Hedaya, la tronche enfarinée de l'enfant de la lune Brad Dourif (homonyme de Brad Pitt à quelques lettres près), etc. Et puis il y a les détails inutiles et agaçants, des chaussettes rayées de Winona Ryder au maillot à l'effigie du FC Sochaux Montbéliard de Ron Perlman en passant par les gadgets idiots, qu'il s'agisse pour le général Hedaya de souffler son haleine de chacal sur une porte pour l'ouvrir ou des pistolets du pirate black accrochés à ses poignets, sans compter les gags à tiroir et autres gestes cools, à l'image de Ripley qui joue au basket et tire un panier à trois points en tournant le dos au jeu et en faisant un doigt d'honneur au spectateur, et ainsi de suite... Et puis il y a ce plan vulgaire et inutile sur le cul en bombe de la femme du chef des pirates, Kim Flowers, un garçon manqué qui avait signé là son arrêt de mort sur pellicule, bref tout un tas de choses qui insultent le genre et tant de monde au-delà du genre.



Le clou du film c'est le "fils" alien, né du nouveau système reproductif de la reine alien devenue mammifère via son jumelage avec Ripley. Le rejeton de ce nouveau mode de gestation, verdâtre lui aussi, est une sorte d'alien humanoïde à gueule de fouine, avec un nez retroussé ridicule au dernier degré et des yeux chassieux insupportables. Spielberg s'était paraît-il inspiré de son chat pour décrire E.T. au marionnettiste Carlo Rambaldi, en charge de le façonner, et assez fier de lui Jeunet s'est inspiré de son propre sexe au repos pour enfanter cette créature ignoble, qui chiale pendant des heures devant sa maman Ripley et finit absorbé par une fuite dans la coque, qui lui fabrique une second trou du cul in extenso. A la fin, on voit le vaisseau de Ripley et de ses potes idiots s'approcher de la planète Terre, de Paname plus précisément, de la tour Eiffel (en faisant pause et zoom on peut voir Amélie Poulain en train de graver MMM sur le sommet), et on se dit qu'on peut voir dans cette scène sans doute imposée par la prod une allégorie du retour express de Jeunet en France, expédié en colissimo recommandé après le crash annoncé de son film en bois. On prie pour que personne ne fasse jamais un numéro 5 ou alors en niant sciemment et consciencieusement la participation de Jeunet à cette saga, qui n'aura été qu'une vaste mascarade. Il y a 15 ans que le film est sorti et personne n'a trouvé la pirouette permettant de poursuivre la franchise sans devenir fou. Il a fallu rebrousser chemin, et ça aura donné Prometheus (LOL).


Alien la résurrection de Jean-Pierre Jeunet avec Sigourney Weaver, Dominique Pinon, Winona Ryder, Ron Perlman, Gary Dourdan et Dan Hedaya (1997)
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